N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 11a

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

(Programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité », 181 « Prévention des risques »,
174 « Énergie, climat et après-mines », 345 « Service public de l'énergie »,
217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires »)
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : FINANCEMENT DES AIDES
AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE

Rapporteur spécial : Mme Christine LAVARDE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

I. UN PROGRAMME QUI CONSERVE SA DYNAMIQUE, MALGRÉ LA DIMINUTION DES AIDES ÉNERGIE

A. HORS AIDES ÉNERGIES, LES PROGRAMMES DE LA MISSION CONNAISSENT UNE ÉVOLUTION DYNAMIQUE EN 2024

Dans le champ des programmes étudiés dans le cadre du présent rapport, les crédits diminuent en autorisations d'engagement (AE) pour atteindre 16,45 milliards d'euros (- 41,9 %), et en crédits de paiement pour arriver à 33,19 milliards (- 47,7 %). Cette baisse drastique s'explique par la réduction des dispositifs de soutien à la consommation d'énergie. Sur le programme 345 « service public de l'énergie », 21 milliards d'euros en AE et CP étaient inscrits en 2023, contre respectivement 6,15 milliards d'euros et 5,5 milliards d'euros pour 2024.

Lorsque l'on retranche les effets de l'évolution du programme 345, on constate que les financements des autres programmes de la mission Écologie (hors transport) sont globalement en hausse : les AE augmentent de 7,8 % pour atteindre 13,14 milliards d'euros, et les CP progressent en parallèle de 4,5 % pour atteindre 11 milliards d'euros. Tous les programmes étudiés par ce rapport voient leurs crédits progresser, à l'exception du programme 174, « Énergie, climat et après-mines », là aussi en raison de la diminution des aides énergie.

Évolution des crédits entre la LFI 2023 et le PLF 2024
(avec et sans le programme 345 « Service public de l'énergie »

Source : commission des finances du Sénat

B. UNE HAUSSE DES EFFECTIFS DE LA MISSION

Le schéma d'emplois ministériels du présent projet de loi de finances prévoit une hausse des effectifs (+ 307 ETP), tandis que celui de l'année dernière était nul (0 ETP). Il s'agit de la première fois depuis plus de vingt ans que les effectifs du ministère de la transition écologique sont en hausse.

Évolution du nombre d'ETPT sous plafond du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, du Ministère de la transition énergétique et du secrétariat d'État chargé de la mer

Source : commission des finances du Sénat

Comme en 2023, les opérateurs de la mission voient une augmentation de leurs effectifs, principalement portée par l'Office français de la biodiversité et l'Agence de la transition énergétique (ADEME).

II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 113 « PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ », DANS LE CADRE DE LA STRATÉGIE NATIONALE BIODIVERSITÉ ET DU PLAN EAU

A. LA STRATÉGIE NATIONALE BIODIVERSITÉ EST DÉSORMAIS INSCRITE SUR LE PROGRAMME 113 

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit pour le programme une dotation de 578 millions d'euros en AE et de 512 millions d'euros en CP, soit une augmentation de respectivement 303,5 millions d'euros (+ 110,6 %) et de 237,5 millions d'euros (+ 86,5 %). Cette hausse résulte de l'inscription des crédits de la Stratégie nationale biodiversité (SNB) 2030 sur le programme, qui étaient auparavant dévolues au programme 380, « fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » (fonds vert). L'année dernière, le rapporteur spécial avait vivement dénoncé l'inscription de ces crédits sur le fonds vert, alors que leur gestion est pilotée au niveau national, et le PLF pour 2024 vient heureusement corriger cette erreur.

Les crédits allouées à la SNB 2030 sont de 264 millions d'euros en 2024, contre 150 millions d'euros l'année précédente. En particulier, 209,1 millions d'euros sont consacrées aux écosystèmes terrestres, dont une partie s'inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale des aires protégées.

Hors SNB 2030, le programme 113 progresse de 43,5 millions d'euros. Les mesures « tendancielles » comptent pour 35,5 millions d'euros, et ces mesures incluent notamment 13 millions d'euros de subvention pour charges de service public pour l'Office français de la biodiversité (OFB), et 20 millions d'euros dans le cadre du plan de réduction des dégâts de gibier aux cultures. Les 8 millions d'euros restants correspondent à une mesure d'accompagnement des cirques dans le bien-être animal.

B. EN 2024, LES EFFECTIFS DES OPÉRATEURS DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ SONT EN HAUSSE

Le plafond d'emplois des agences de l'eau est fixé pour 2024 à 1 563 ETPT, en augmentation de 66 ETPT par rapport à 2023. Ce relèvement du plafond doit permettre aux agences de mettre en oeuvre le « plan eau », annoncé le 30 mars 2023, et qui doit se traduire par un relèvement de leur budget de 475 millions d'euros d'ici à 2025. Il est prévu que ces recettes soient générées par une hausse des tarifs des redevances de l'eau.

La subvention à l'Office français de la biodiversité est en hausse de 23,9 millions d'euros. Sur cette somme, 11,2 millions d'euros visent à financer des mesures de revalorisations salariales et les 47 nouveaux ETPT accordés à l'opérateur. Les missions de l'OFB ont en effet été étendues dans le cadre du plan eau et de la SNB 2030. Le reste des crédits a vocation à réduire le déficit de l'opérateur, qui pour la première fois depuis sa création, votera un budget en équilibre en 2024.

III. LA MONTÉE EN CHARGE DU PROGRAMME 181 « PRÉVENTION DES RISQUES » EST PORTÉE PAR L'ADEME

A. LE RÉGIME DES CATASTROPHES NATURELLES : UN ÉQUILIBRE PRÉCAIRE

Les crédits inscrits sur le programme 181 pour la prévention des risques naturels et technologiques sont quasiment stables entre 2023 et 2024. Le déploiement des plans de prévention des risques naturels (PPRN) se poursuit : selon les dernières données disponibles, 12 558 communes sont désormais couvertes par un PPRN opposable.

Le « fonds Barnier » dont les crédits inscrits dans la version initiale du projet de loi de finances étaient similaires à 2023 (200 millions d'euros en CP) a fait l'objet d'un relèvement de 20 millions d'euros à l'Assemblée nationale. Cette somme est insuffisante pour couvrir les besoins du fonds en 2024, qui sera très fortement sollicité à la suite des dégâts provoqués par les tempêtes Ciarán et Domingos, à ce stade estimés à 1,3 milliard d'euros. Le rapporteur spécial propose donc un nouvel abondement de 30 millions d'euros pour le fonds, à partir d'un transfert de crédits de MaPrimeRénov' (programme 174).

Il est dans le même temps indispensable de poser la question de la pérennité du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (CatNat). Le changement climatique conduit à l'augmentation de la fréquence et de l'intensité de catastrophes naturelles, qui conduiront à terme à remettre en cause l'équilibre du régime.

C'est particulièrement le cas du risque retrait-gonflement des argiles (RGA), auquel le rapporteur spécial a consacré un rapport d'information publié en février 2023. Le risque RGA se caractérise à la fois par son amplitude (48 % du territoire national est touché) et par sa forte progression. Une étude de France Assureurs, publiée en octobre 2021, chiffre à 43 milliards d'euros le coût cumulé de la sinistralité sécheresse entre 2020 et 2050, ce qui représente un triplement du coût par rapport aux trois décennies précédentes. Dans son contrôle, le rapporteur spécial a ainsi formulé six recommandations, dont le maintien de l'éligibilité au dispositif d'indemnisation des particuliers qui décident d'abandonner leur habitation sinistrée.

B. L'ADEME VOIT SES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS RENFORCÉS DANS LE CADRE DE L'EXTENSION DE SES MISSIONS

Une subvention de 879 millions d'euros en AE et en CP est inscrite sur l'action 12 pour l'année 2024, soit une augmentation de 179 millions d'euros par rapport à la dotation proposée en 2024. Le plan de relance, la désignation de l'ADEME comme opérateur de France 2030, et enfin le fonds vert ont en effet conduit à un élargissement important de ses missions. En conséquence, le plafond d'emplois de l'ADEME sera relevé de 99 ETP en 2024, pour atteindre 1065 ETPT.

Le Fonds chaleur enregistre une hausse importante de ses crédits, passant de 520 millions d'euros à 820 millions d'euros. Si cette progression est significative, elle n'est pas encore suffisante pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui nécessiterait au minimum 2 TWh supplémentaires par an générés par le Fonds chaleur.

Il est néanmoins prévu que le Fonds chaleur connaisse une forte augmentation de ses crédits dans les années à venir. Dans la dernière trajectoire présentée par la direction générale de l'énergie et du climat, le fonds chaleur est censé atteindre 1,2 milliard d'euros en 2025, puis augmenter de 200 millions d'euros par an jusqu'en 2029.

IV. LE PROGRAMME 380, LE « FONDS VERT » : UNE PREMIÈRE ANNÉE D'EXÉCUTION EN DEMI-TEINTE

Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » fait partie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », depuis la loi de finances initiale pour 2023. Pour 2024, il est doté de 2 milliards d'euros en AE et 1,125 milliard d'euros en CP, contre 2 milliards d'euros en AE et 500 millions d'euros en CP l'année précédente.

Comme l'année dernière, la répartition des crédits au sein des trois actions du programme n'est pas détaillée dans les documents budgétaires. La justification qui a été donnée au rapporteur spécial est que préciser la répartition des financements aurait pour conséquence de limiter le choix des collectivités territoriales dans les politiques menées. Toutefois, le fonds vert n'est pas la première politique qui est susceptible de connaître des évolutions importantes lors de l'exécution, ce qui n'a jamais empêché de réaliser des prévisions indicatives. Celles-ci sont indispensables pour que le Parlement puisse se prononcer en toute connaissance de cause sur les crédits du programme 380.

L'ensemble des AE du programme devraient être consommés en 2023, et les CP ont fait l'objet d'une annulation en raison du retard de la mise en oeuvre du fonds dans certaines régions. Au 31 octobre 2023, 8 000 dossiers ont été acceptés dans le cadre du fonds vert, dont près de 60 % concerne la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales et de l'éclairage public.

Ces chiffres montrent un intérêt certain des collectivités pour les mesures du programme 380, mais également leurs difficultés pour présenter des dossiers pour les politiques les plus complexes, comme le soutien au tri à la source et à la valorisation des biodéchets, ainsi que le recyclage foncier (fonds friche). Il est indispensable que le soutien à l'ingénierie des collectivités territoriales soit encore davantage intégré au fonds vert. La procédure de dépôt des dossiers peut également être mieux articulée avec la DSIL et la DETR. À l'heure actuelle, les demandes du fonds vert ne passent pas par la plate-forme « démarches simplifiées » pour l'ensemble des régions, mais il est prévu que ce soit le cas dès l'année prochaine.

Les critères retenus ne sont pas toujours suffisamment clairs pour les élus locaux, et des confusions perdurent entre ce qui relève du facultatif et de l'obligatoire. La circulaire du 14 décembre 2022 relative au fonds vert prévoit que les politiques de rénovation de l'éclairage public sont destinées aux communes de moins de 10 000 habitants. Toutefois, il a été indiqué au rapporteur spécial qu'un quart des dossiers acceptés pour cette mesure concerne en réalité des communes de plus de 10 000 habitants. Il apparaît ainsi que la règle a été appliquée de manière plus ou moins stricte selon les territoires, ce qui peut générer des incompréhensions de la part des élus locaux.

La communication avec les collectivités peut également être améliorée. Il a d'ores et déjà été acté qu'une partie significative des crédits du fonds vert pour 2024 seront fléchés sur la rénovation du bâti scolaire. Les communes ont été invitées par les préfets à transmettre leurs dossiers dans des délais parfois extrêmement brefs. Interrogée par votre rapporteur sur cette situation, qui pénalise les communes les moins dotées en ingénierie ou n'ayant pas inscrits ces travaux dans leur programmation pluriannuelle des investissements, la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) a indiqué que les guichets seraient ouverts à plusieurs reprises.

V. UN SYSTÈME DE COMPENSATION DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE TOUJOURS MARQUÉ PAR LA CRISE DES PRIX

A. DES RECETTES EXCEPTIONNELLES NETTEMENT MOINS ÉLEVÉES QUE PRÉVU

La crise des prix de l'énergie a bouleversé l'équilibre des compensations des charges de service public de l'énergie (CSPE). En raison de l'augmentation des prix de l'électricité sur les marchés, les dispositifs de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) se sont transformés en systèmes de prélèvement automatique des revenus excédentaires des producteurs. Les compensations que versait l'État aux installations se sont muées en recettes exceptionnelles. Toutefois, la baisse plus rapide qu'anticipée des prix de l'énergie en 2023 a conduit à nettement réviser à la baisse les recettes exceptionnelles attendues en 2023. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) les évalue à 10,7 milliards d'euros, soit une diminution de 25 milliards d'euros par rapport à l'estimation de 35,7 milliards d'euros réalisée en fin d'année 2022.

D'après la délibération de la CRE en juillet 2023, et hors dispositifs de soutien exceptionnels aux consommateurs d'énergie, le montant global des CSPE à compenser en 2024 redeviendrait légèrement positif, à hauteur de 624 millions d'euros.

Habituellement, avant la hausse des prix de l'énergie, les compensations versées par l'État au titre des charges de service public de l'énergie pour soutenir la production d'EnR en métropole évoluaient entre 5 et 6 milliards d'euros. Du fait de la hausse des prix de marché de l'électricité, la CRE estime qu'entre 2022 et 2024, la production d'EnR électriques en métropole continentale devrait se traduire par des recettes exceptionnelles cumulées d'environ 9,2 milliards d'euros pour l'État. Ces recettes proviennent majoritairement de la filière éolienne terrestre et dans une moindre mesure de la filière hydraulique ainsi que des bioénergies. Il convient cependant de mettre en perspective ces recettes exceptionnelles aux 43 milliards d'euros de subventions versées par l'État aux producteurs, dans le cadre de ces mêmes mécanismes de soutien, entre 2003 et 2021.

Évolution des charges de service public de l'énergie relatives au soutien à la production d'énergies renouvelables en métropole entre 2020 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les délibérations de la CRE

Aussi, aucun crédit n'est inscrit à l'action 09 du programme 345 et les recettes attendues par l'État au titre des mécanismes de soutien public à la production d'énergies renouvelables en métropole continentale sont estimées à 2,7 milliards d'euros en 2024.

En 2023, deux décisions juridictionnelles sont venues coup sur coup remettre en cause des dispositions rétroactive qui visaient à capter une part des revenus de certains producteurs considérés comme excédentaires. Premièrement, la révision des tarifs d'achat de contrats de soutien à la production d'électricité photovoltaïque pré-moratoire a fini par tourner au fiasco. Alors que la disposition législative avait été rejetée par le Sénat, le rapporteur spécial avait réitéré ses sérieux doutes quant à cette mesure dans son rapport de septembre 2021 intitulé « Lumière sur la révision des contrats photovoltaïques ». Elle avait en particulier alerté sur les risques contentieux liés à ce dispositif. Après l'annulation d'un arrêté pris en application de la disposition législative par le Conseil d'État, le Gouvernement a décidé « d'arrêter les frais » et de renoncer purement et simplement à appliquer le dispositif. Cette issue constitue un cruel aveu d'échec et un immense gâchis pour une mesure qui au lieu de rapporter 4 milliards d'euros comme l'avait laissé miroiter le Gouvernement, ne se sera traduite que par des dépenses en pure perte.

Deuxièmement, au motif d'une incompétence négative du législateur, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l'article 38 de la première loi de finances rectificative (LFR) pour 2022 qui prévoyait un déplafonnement partiel des contrats de complément de rémunération de certains producteurs. Ce nouveau revers juridique porte sur des enjeux financiers de 3 à 4,5 milliards d'euros. L'article 52 sexies du présent PLF a été introduit en catastrophe par le Gouvernement pour faire suite à cette déclaration d'inconstitutionnalité et, après la lourde déconvenue des contrats photovoltaïques, pour ne pas voir s'envoler ces perspectives de recettes.

B. EN 2024, LE GOUVERNEMENT PROPOSE DES MESURES DE SOUTIEN AUX CONSOMMATEURS D'ÉNERGIE POUR PLUS DE 12 MILLIARDS D'EUROS

Pour accompagner les consommateurs finals de gaz et d'électricité face à la crise des prix de l'énergie qui s'est déclenchée il y a de cela un peu plus de deux ans, différentes mesures de soutien ont été mises en oeuvre depuis la fin de l'année 2021. Les pertes de recettes subies par les fournisseurs en raison de ces mesures font l'objet de compensations au titre du mécanisme des charges de service public de l'énergie (CSPE) financées par des crédits inscrits à l'action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » du programme 345.

Entre 2021 et 2023, l'ensemble de ces mesures de soutien, en incluant également l'incidence de la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité (18 milliards d'euros), auront coûté plus de 50 milliards d'euros dont 23 milliards d'euros au titre du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité.

D'après ses estimations, et en tenant compte de la minoration de tarif d'accise sur l'électricité (9,5 milliards d'euros) qu'il propose de proroger, les mesures de soutien annoncées par le Gouvernement en 2024 pourraient coûter 12,2 milliards d'euros. Les reconductions d'un bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité et d'un mécanisme d'amortisseur pourraient respectivement coûter 1,9 milliard d'euros et 770 millions d'euros. Le Gouvernement prévoit aussi une mesure d'aide à certaines structures d'habitat collectif chauffées au gaz pour 300 millions d'euros.

VI. LE PROGRAMME 174 FINANCE DES AIDES FACE À LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET POUR LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

A. ADOPTER UNE AIDE CIBLÉE PLUS ÉCONOME DES DENIERS PUBLICS PLUTÔT QUE LA BAISSE DE FISCALITÉ SUR L'ÉLECTRICITÉ INDISCRIMINÉE PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT

1. Un chèque énergie à réformer

Dans le cadre de la crise des prix de l'énergie, les pouvoirs publics ont recouru au chèque énergie pour mettre en oeuvre des aides destinées aux ménages modestes, sous forme de chèques exceptionnels, ou visant spécifiquement certaines catégories de combustibles de chauffage. Un premier chèque énergie exceptionnel de 100 euros avait été distribué à la fin de l'année 2021 pour 600 millions d'euros. Un deuxième chèque énergie exceptionnel étendu jusqu'au quatrième décile de revenus (12 millions de ménages) a été prévu par la seconde LFR pour 2022 pour 1,8 milliard d'euros. Par ailleurs, la première et la seconde LFR pour 2022 ont également ouvert des crédits budgétaires, à hauteur de 230 millions d'euros pour chaque dispositif, afin d'instaurer des aides destinées à accompagner les ménages qui se chauffent au fioul domestique d'une part et au bois d'autre part. Au titre de la campagne 2023, environ 5,6 millions de ménages bénéficient du dispositif de chèque énergie. Le montant des chèques émis pour les campagnes 2022 (hors chèque exceptionnel) et 2023 s'est élevé respectivement à 863 millions d'euros et 834 millions d'euros. Pour 2024, 827 millions d'euros d'AE et 679 millions d'euros de CP sont prévus au titre du dispositif.

Comme le rapporteur a pu le souligner dans son rapport d'information de juin 2023 intitulé « L'usine à gaz des aides énergie », si l'on avait disposé d'un chèque énergie de droit commun au périmètre plus étendu, les autres mesures exceptionnelles de soutien aux consommateurs d'énergie de type « boucliers tarifaires » auraient pu être calibrées à des niveaux inférieurs et le bilan en termes de dépenses publiques aurait peut-être été plus avantageux. Aussi, pour mieux protéger les travailleurs modestes et les classes moyennes de la volatilité des prix de l'énergie, il apparaît nécessaire de conduire une réforme structurelle du chèque énergie. Cette réforme devra également rendre effective l'emploi du chèque énergie pour les particuliers qui utilisent un mode de chauffage collectif. Deux éléments de contexte imposent par ailleurs cette réforme : la révision du système d'échange de quotas d'émission européen qui va renchérir le prix du gaz, du fioul et du GPL ainsi que la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales qui conduit à revoir les modalités d'identification des bénéficiaires du dispositif.

2. Une aide exceptionnelle ciblée pour remplacer la baisse de fiscalité de l'électricité indiscriminée et dispendieuse du Gouvernement

En substitution de la minoration d'accise sur l'électricité non ciblée proposée par le Gouvernement à l'article 11, le rapporteur propose une aide renforcée et concentrée sur les ménages modestes et les classes moyennes. Le montant du dispositif sera progressif en fonction du revenu et du nombre de personnes que compte le foyer. Il concernera 60 % des ménages et apportera aux foyers éligibles une aide au moins équivalente à celle qui aurait résulté de la mesure fiscale non ciblée du Gouvernement. Le montant de l'aide sera même renforcé pour les ménages les plus modestes et pour les familles nombreuses. Un ménage dont le revenu fiscal par unité de consommation est inférieur à 5 700 euros et qui se compose de quatre personnes disposera par exemple d'une aide exceptionnelle de 400 euros. Le coût de cette mesure sera d'environ 3,5 milliards d'euros à comparer aux 4,6 milliards d'euros de la mesure gouvernementale, soit un gain de plus d'un milliard d'euros pour les finances publiques.

3. La reconduction et l'élargissement d'une indemnité carburant pour les travailleurs

En 2023, le Gouvernement avait remplacé la remise carburant généralisée de 2022 (8 milliards d'euros) par une aide de 100 euros ciblée sous conditions de ressources pour les personnes utilisant régulièrement leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail. Une enveloppe de 700 millions d'euros avait été ouverte sur le programme 174 en LFI pour 2023. Le coût total de la mesure était alors estimé à un milliard d'euros et le solde de 300 millions d'euros devait être couvert par des reports de crédits. Le coût effectif de cette indemnité n'aura finalement été que de 433 millions d'euros en 2023 (pour 4,3 millions de bénéficiaires).

Alors qu'une forte hausse des prix des carburants a été observée l'été dernier et que les prix se maintiennent à un niveau élevé, le Gouvernement avait annoncé vouloir reconduire cette aide en 2024. Il a ainsi déposé en première lecture à l'Assemblée nationale un amendement qui vise à augmenter de 435 millions d'euros les crédits du programme. Il a par ailleurs retenu deux autres amendements identiques qui visent à étendre le dispositif jusqu'au sixième décile de revenus pour un montant supplémentaire de 160 millions d'euros. Ainsi, au total, une ouverture de crédits de 595 millions d'euros est prévue en 2024 pour financer cette indemnité.

B. MAPRIMERENOV' : LE RISQUE DE L'ESSOUFFLEMENT

Le dispositif MaPrimeRénov' fera l'objet d'une refonte en 2024. Le dispositif comprendra désormais deux parcours : l'un, nommé « Performance », financé sur le programme 135 de la mission « Cohésion des territoires », sera constitué d'aides proportionnelles au coût des travaux, qui visent à soutenir la réalisation de travaux de rénovation globale, et l'autre, dénommé « Efficacité », financé sur le programme 174, sera composée d'aides forfaitaires définies par type de travaux visant à soutenir la décarbonation du chauffage des logements.

La distinction des deux piliers de MaPrimeRénov' permet de clarifier les objectifs de la prime de transition énergétique, mais elle comprend encore plusieurs inconnues. La répartition des financements se fait encore au profit du changement des systèmes de chauffage, tandis que la part consacrée à la rénovation globale, même si elle est en augmentation, reste minoritaire. La pertinence de rendre obligatoire le changement d'un système de chauffage dans le cadre du parcours « Efficacité » peut également être mise en doute.

Par ailleurs, la sous-exécution des crédits de MaPrimeRénov' en 2023 est révélatrice des difficultés que rencontre le dispositif dans sa montée en puissance. L'administration prévoit d'aboutir fin décembre à 550 000 rénovations environ, soit 76 % de l'objectif seulement (721 957), et entre le 1er janvier et le 31 mai 2023, on compte 243 000 dossiers ouverts, contre 260 000 sur une période identique en 2022. Enfin, une augmentation des crédits consacrés à MaPrimeRénov', sans que les moyens dédiés à la lutte contre la fraude ne soient adaptés, peut conduire à une hausse des escroqueries, dont les conséquences sont dramatiques pour la confiance des ménages.

C. AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES ET SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE : UN AN APRÈS, LE GOUVERNEMENT DONNE RAISON AU SÉNAT

1. Contrairement aux déclarations du Gouvernement, les crédits sont en baisse

Les crédits proposés pour 2024 au titre des aides à l'acquisition de véhicules propres s'établissent à 1,5 milliard d'euros, en augmentation apparente d'un peu plus de 200 millions d'euros (+ 16 %) par rapport aux dépenses prévisionnelles inscrites en LFI pour 2023. Toutefois, ce n'est qu'une hausse en « trompe l'oeil » au regard de l'exécution budgétaire pour2023. Les dépenses effectivement décaissées en 2023 devraient s'établir à 1,7 milliard d'euros, soit 0,4 milliard d'euros en plus de la prévision initiale. Aussi, et en dépit des déclarations du Gouvernement, les crédits prévus en 2024 ne témoignent pas d'une augmentation de 200 millions d'euros mais bien au contraire d'une diminution du même montant des dépenses. Bien que confronté à de nombreuses difficultés de mise en oeuvre opérationnelle, le dispositif de leasing social qui avait été annoncé par le Président de la République en 2022 devrait pouvoir démarrer très timidement en 2024.

2. L'enjeu de souveraineté industrielle soulevé par le rapporteur spécial lors de l'examen du PLF pour 2023 commence enfin à être pris au sérieux par le Gouvernement

Alors que les trois quarts des voitures électriques vendues en France sont importés et que la même part de la valeur ajoutée des batteries est produite en Chine, les aides à l'acquisition de véhicules propres financées par les contribuables français reviennent à subventionner l'industrie chinoise. Le rapporteur spécial avait vivement dénoncé cette situation au cours de l'examen du PLF pour 2023 en déposant un amendement, adopté par le Sénat, visant à réduire temporairement les crédits alloués à ces dispositifs. Dans le même temps, elle invitait le Gouvernement à prendre des mesures permettant de prendre en compte l'empreinte carbone des véhicules sur l'ensemble de leur cycle de vie et non les seules émissions générées lors de leur usage. Il a néanmoins fallu plusieurs mois pour que le Gouvernement finisse par reconnaître l'urgence du problème et se ranger aux solutions préconisées par le rapporteur spécial. Il a en effet décidé de mettre en place à compter de janvier 2024 un dispositif permettant de conditionner le bonus à un score environnemental intégrant l'empreinte écologique de chacune des étapes qui précèdent la mise en circulation. Le temps que l'Ademe mène ses instructions, le Gouvernement ne publiera que dans le courant du mois de décembre la liste des véhicules qui seront éligibles au bonus en 2024.

Réunie le mercredi 22 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par ses amendements. Elle a aussi proposé de supprimer l'article 50 ter. Elle a en outre proposé d'adopter les articles 52 et 52 quater tel que modifiés par ses amendement et les articles 50, 50 bis, 51, 52 bis, 52 ter, 52 quinquies et 52 sexies sans modification, ainsi que les crédits du budget annexe et du compte d'affectation spéciale.

Réunie le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

I. HORS AIDES ÉNERGIES, LES PROGRAMMES DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES » CONNAISSENT UNE ÉVOLUTION DYNAMIQUE EN 2024

Le présent rapport porte sur les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors dépenses relatives aux transports, à l'information géographique et à la météorologie1(*), soit 76,1 % des CP de la mission en 2024. Ce périmètre recoupe :

le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », qui soutient les actions destinées à mettre en oeuvre la politique de l'eau et à préserver la biodiversité ;

le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », qui rassemble les ressources consacrées au pilotage de la politique énergétique, à la gestion économique et sociale de l'après-mines, à la lutte contre le changement climatique et la pollution de l'air, à l'accompagnement de la transition énergétique (chèque énergie, prime de rénovation énergétique, aides à l'acquisition de véhicules propres) ;

le programme 181 « Prévention des risques », qui regroupe les crédits employés dans la lutte contre les risques naturels, technologiques et hydrauliques, ainsi que les moyens alloués à l'ADEME, au renforcement de la sûreté nucléaire, et depuis la loi de finance pour 2021, au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds « Barnier ») ;

le programme 345 « Service public de l'énergie », qui regroupe les charges de service public de l'énergie, auparavant inscrites sur le CAS « Transition énergétique » ;

le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », programme support de la mission, qui assure le fonctionnement général des services et porte la masse salariale du ministère de la transition écologique et depuis 2018, du ministère de la cohésion des territoires ainsi que du secrétariat d'État chargé de la mer ;

le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », créé par la loi de finances pour 2023, qui vise à financer des politiques en lien avec la transition écologique dans les collectivités territoriales.

Enfin, le champ de l'analyse porte également sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACE) ».

Le projet de loi de finances pour 2024 propose, pour les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » examinés par le rapporteur spécial, une diminution des AE de 41,9 % et des CP de 47,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

16,45 milliards d'euros sont en effet demandés en 2024 en CP et 19,3 milliards d'euros en AE, contre respectivement 31,48 milliards d'euros de CP et 33,19 milliards d'euros d'AE en 2023.

Cette très forte diminution des crédits découle pour l'essentiel de la réduction des dispositifs de soutien aux consommateurs pour faire face à la crise énergétique. Le programme 345, « Service public de l'énergie » connaît ainsi la plus forte baisse : 21 milliards d'euros en AE et CP étaient inscrits en 2023, contre respectivement 6,15 milliards d'euros et 5,5 milliards d'euros pour 2024.

Lorsque l'on retranche les effets de l'évolution du programme 345, on constate que les financements des autres programmes de la mission Écologie (hors transport) sont globalement en hausse : les AE augmentent de 7,8 % pour atteindre 13,14 milliards d'euros, et les CP progressent en parallèle de 4,5 % pour atteindre 11 milliards d'euros.

Cette progression des CP est toutefois inférieure à l'inflation, évaluée à 4,9 % en 2023. Si l'on retranche les effets de l'inflation, les crédits pour 2024 sont des 15,65 milliards d'euros (constants de 2022), et de 10,42 milliards d'euros (constants de 2022) hors programme 345.

Évolution des crédits de la mission
« Écologie, mobilité et développement durables »

Programmes

LFI 2023

PLF pour 2024

Évolution PLF 2024/ LFI 2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

113 - Paysages, eau et biodiversité

274,5

274,5

578

512

+ 110,6 %

+ 86,5 %

174 - Énergie, climat et après-mines

5792,9

5563,8

5630,2

4888,2

- 2,8 %

- 12,1 %

181 - Prévention des risques

1141,5

1143,2

1326,6

1328,2

+ 16,2 %

+ 16,2 %

217 - Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables

2978,3

2995,4

3108

3100,1

+ 4,4 %

+ 3,5 %

345 - Service public de l'énergie

21000

21000

6155

5500

- 70,7 %

- 73,8 %

380 - Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires

2000

500

2500

1125

+ 25 %

+ 125 %

Total

33186,5

31476,9

19297,8

16453,5

- 41,9 %

- 47,7 %

Total hors 345

12186,5

10476,9

13142,8

10953,5

+ 7,8 %

+ 4,5 %

Évolution des crédits
entre la LFI 2023 et le PLF 2024

(avec et sans le programme 345 « Service public de l'énergie »)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses du ministère de la transition écologique au questionnaire du rapporteur spécial

Dans le détail, l'évolution des autres programmes est la suivante :

les crédits du programme 113, « Paysages, eau et biodiversité », doublent quasiment : ils passent de 274,5 millions d'euros à 512 millions d'euros, soit une hausse de 86,5 %. Cette progression s'explique surtout par le transfert de la Stratégie nationale biodiversité (SNB) du programme 380 au programme 113 ;

les crédits du programme 181, « Prévention des risques », augmentent de 16,2 % pour atteindre 1,33 milliard d'euros. Cette hausse découle principalement du renforcement de la subvention pour charge de service public de l'Agence de la transition écologique (ADEME) ;

le programme 380, « fonds d'accélération pour la transition écologique dans les territoire », connaît une progression de 125 % de ses CP, passant de 500 millions d'euros à 1 125 millions d'euros. Après 2023, qui était l'année de lancement du dispositif, le fonds vert doit monter en puissance en 2024 ;

le programme 217, « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », connaît une augmentation de 104,7 millions d'euros en AE et en CP, qui découle en partie des mesures de revalorisation salariale. Cette hausse est pratiquement identique à celle de l'année dernière (104,8 millions d'euros) ;

le programme 174, « Énergie, climat et après-mines », voit ses AE et ses CP en diminution de respectivement 2,8 % et 12,1 %. Cette diminution découle, là aussi, de la fin des mesures de soutien à la consommation d'énergie.

Le dynamisme des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » montre que la mission reste encore le principal vecteur des politiques de transition énergétique et écologique. Toutefois, la multiplication des instances de planification de la transition écologique peut remettre en cause la vocation stratégique de la mission.

Les instances de planification
et de coordination de la transition écologique

Le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a fait à nouveau l'objet d'ouverture de crédits sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Le plafond d'emploi du SGPE est d'ailleurs relevé de 10 ETPT pour l'année 2024.

Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, il n'y aurait pas de superposition des fonctions entre le SGPE et le Commissariat général au développement durable (CGDD). Le CGDD reste chargé du suivi pour le ministère de la transition écologique (MTE) de l'élaboration et du suivi de la stratégie de développement durable, tandis que le SGPE a une vocation de coordination interministérielle.

En parallèle, le Haut-commissaire au plan, qui est également financé sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement », est chargé de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective, ce qui inclut les enjeux environnementaux.

L'inflation des structures de coordination et de planification nuit à la lisibilité de la stratégie de transition écologique et énergétique. Il est bien entendu nécessaire de planifier les politiques de transition écologique, mais dans le même temps, il convient de limiter le développement des structures ad hoc.

Source : commission des finances

II. LES EFFECTIFS DE LA MISSION AUGMENTENT EN 2024

A. LES EFFECTIFS DU MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET DES OPÉRATEURS SONT EN HAUSSE

Les dépenses « support » du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT), du ministère de la transition énergétique et du secrétariat d'État chargé de la mer sont retracées dans le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » de la présente mission.

Les effectifs de ces trois ministères sont portés en quasi-totalité sur le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie et de la mobilité durables », à l'exception des effectifs de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), portés par le programme 181 « Prévention des risques ».

En 2024, le plafond d'emplois de la mission s'élèverait à 35 554 ETPT, contre 35 478 ETPT en LFI pour 2023. Pour la première fois depuis de nombreuses années, le plafond d'emplois connaît une évolution positive.

Évolution du nombre d'ETPT sous plafond des MTE2(*)/MCTRCT3(*)
et ministère de la mer

Source : commission des finances du Sénat

Concernant le seul programme 217, le plafond d'emplois demandé s'élève à 35 084,3 ETPT, contre 35 020,5 ETPT en LFI 2023. D'après les informations communiquées par le ministère de la transition écologique, les prévisions de départ à la retraite s'établissent à 1 178 ETPT en 2024 (contre 1 333 ETPT en 2023).

Pour 2024, les transferts sortants sont chiffrés à 289 ETPT :

- 243,2 ETPT sont transférés depuis l'action 15, « personnels oeuvrant pour les politiques du programme urbanisme, territoire et aménagement de l'habitat », vers le programme 156, « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local ». Ces ETPT doivent permettre à la direction générale des finances publiques de mettre en oeuvre la liquidation des taxes d'aménagement ;

- 32 ETPT sont transférés de l'action 07, « Pilotage, support, audit et évaluation » vers à nouveau le programme 156, cette fois-ci pour respectivement le déploiement des centres de gestion financière et la création de celui des Hauts-de-France ;

- 12 ETPT sont transférés vers l'École nationale des travaux publics de l'État, dans le cadre de l'évolution de son schéma d'organisation ;

- 1 ETPT est transféré à l'Office français de la biodiversité, en complément des transferts des laboratoires d'hydrobiologie opérés l'année dernière.

Le schéma d'emploi du programme 217 est positif en 2023, avec une création de 307 postes, alors qu'il est nul en 2023 et négatif en 2022. Les créations d'emplois sont majoritairement des catégories A (+ 224), et aucun nouveau poste de catégorie C n'est créé.

Le schéma d'emploi prévu en lettre-plafond est de 250 ETPT. Le relèvement supplémentaire de 57 ETPT correspond à la réinternalisation de compétences numérique au sein du ministère. Ces créations de postes visent en particulier à limiter le recours à des prestations de cabinet de conseil. Le tendanciel de la lettre-plafond pour 2024 prévoit une augmentation continue des plafonds d'emplois à périmètre constant (hors transferts et hors amendements en PLF) pour 2025 et 2026.

Le rapporteur spécial avait exprimé à plusieurs reprises sa crainte d'une « perte de compétence » du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en réduisant le nombre de postes de catégories A et B par rapport à ceux de catégorie C. Sur ce point, les évolutions prévues dans le projet de loi de finances et pour les années à venir vont dans le bon sens.

Solde du schéma d'emplois du programme 217

 

2021

2022

2023

2024

Cat. A

- 32

- 6

0

+ 224

Cat. B

- 414

- 124

0

+ 83

Cat. C

- 299

- 184

0

0

Total

- 745

- 314

0

+ 307

Note : les chiffres pour 2023 et 2024 sont prévisionnels.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le programme 217 bénéficie de 3 100,1 millions d'euros en CP pour 2024, contre 2 995,4 millions d'euros en 2023, ce qui représente une augmentation de 3,5 %. Sur les 104,7 millions d'euros de CP supplémentaires, 77,4 millions d'euros relèvent du titre 2.

L'impact de la revalorisation du point d'indice de 3,5 % du 1er juillet 2022 s'élève à 23,3 millions d'euros en 2023, et 22,4 millions d'euros en 2024. L'impact de la revalorisation du point d'indice de 1,5 % s'élève quant à lui à 10 millions d'euros hors CAS pension.

Les opérateurs de la mission continuent de voir leurs effectifs augmenter. Le plafond d'emploi des opérateurs de la mission (hors transports) s'élève à 7 316 ETPT contre 7 068 ETPT en 2023.

Plafond des ETPT des opérateurs de la mission
Écologie, développement et mobilités durables (hors transports)

 

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

PLF 2024

Programme 113

5 351

5 258

5 180

5 145

5 086

5 131

5 216

5 375

Agences de l'eau

1 668

1 620

1 576

1 536

1 497

1 497

1 497

1 563

OFB (ex AFB + ONCFS)

1 513

1 471

1 443

2 659

2 638

2 643

2 727

2 775

1 227

1 227

1 216

CERL

140

140

140

140

140

140

140

170

Parcs nationaux

795

792

797

802

803

843

843

858

EPMP

8

8

8

8

8

8

9

9

Programme 174

475

465

455

438

424

398

399

387

ANGDM

145

141

137

131

125

122

118

115

ANDRA

314

308

302

291

283

260

265

256

CITEPA

16

16

16

16

16

16

16

16

Programme 181

1 443

1 416

1 389

1 356

1 352

1 361

1 453

1 554

INERIS

533

522

511

498

485

485

487

489

ADEME

910

894

878

858

867

876

966

1 065

Total

7 269

7 139

7 024

6 939

6 862

6 890

7 068

7316

Plafond des ETPT des autorités administratives indépendantes rattachées à la mission Écologie, développement et mobilités durables (hors transports)

 

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Total programme 217

170

173

175

176

175

175

177

182

Commission nationale du débat public

9

10

10

10

9

9

11

11

Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires

12

12

12

12

11

11

11

11

Commission de régulation de l'énergie

149

151

153

154

155

155

155

160

Autorité de sûreté nucléaire (programme 181)

422

427

432

440

444

445

457

470

Total

592

600

607

616

619

620

634

652

B. HORS DÉPENSES DE PERSONNEL, LES CRÉDITS DU PROGRAMME SUPPORT CONNAISSENT UNE AUGMENTATION EN AE POUR FINANCER LE CRÉDIT-BAIL IMMOBILIER DE LA TOUR SÉQUOIA

Hors titre 2, le programme 217 assure le financement des activités « soutien » (systèmes d'information, fonctions juridiques et d'expertise, moyens de fonctionnement, actions à l'international, formation, action sociale, prévention des risques professionnels) nécessaires à la mise en oeuvre des politiques portées par la mission.

Le programme 217 hors titre 2 est doté de 272,5 millions d'euros en AE et de 264,6 millions d'euros en CP, ce qui représente une augmentation de 52,2 millions d'euros en AE et de 27,3 millions en CP.

La sous-action 3, portant les dépenses d'immobilier de l'administration centrale, de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (CGEDD) au sein du MTE, du MCTRCT et du ministère de la mer, voit ses AE augmenter de 40,5 millions d'euros entre 2023 et 2024. La hausse des AE provient essentiellement du poste de dépense « Loyers : bail emphytéotique et crédit-bail », comme l'indique le tableau suivant.

Postes de dépenses de la sous-action
« dépenses d'immobilier de l'administration centrale »

(en millions d'euros)

Poste de dépenses

LFI 2023

PLF 2024

AE

CP

AE

CP

Acquisitions/constructions

2,5

2,8

1,7

2,0

Entretien lourd

3,8

4,0

66,3

11,8

Loyers : bail emphytéotique et crédit-bail

16,5

54,0

15,7

54,7

Entretien courant

1,6

1,6

2,1

2,1

Énergie et fluides

14,2

4,2

2,7

6,6

Autres dépenses

17,7

12,6

8,3

13,8

Total

59,5

82,4

100

94,9

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

La forte progression des AE pour le poste de dépense « bail emphytéotique et crédit-bail » entre 2023 et 2024 était attendue. Elle correspond au financement de la réfection de la façade de la tour Séquoia, qui sera engagée à partir de cette année.

Le Crédit-Bail Immobilier de la tour Séquoia

Dans le cadre de l'opération immobilière dite « Arche-esplanade », le ministère a cherché à réduire ses implantations immobilières et les contrats de location. Les services du secrétariat général et des diverses directions générales, initialement logés dans cinq immeubles ont été regroupés dans deux immeubles de grande hauteur, la paroi sud de l'Arche (et ses accessoires) de la Défense et la tour Séquoia.

Concernant la tour Séquoia, le 31 décembre 2012, l'État a pris à bail locatif la tour Séquoia, puis a cherché les moyens de l'acquérir sans avoir à débourser en une seule fois le coût de l'acquisition. C'est pourquoi, en lien avec la direction de l'immobilier de l'État (DIE), la solution du crédit-bail immobilier a été retenue. À l'issue de la consultation menée pour recruter le partenaire de cette opération, le groupement constitué de la Banque Postale Crédit Entreprises et de la Deutsche PFANDBRIEFBANK AG a été retenu avec une créance partagée à part égale à hauteur de 50 %.

La tour a été acquise par ce groupement le 30 juin 2015, en lien avec l'État futur acquéreur, pour 440 564 201 euros, accompagné d'un reversement de TVA de 9 732 452 euros. Le même jour, un crédit-bail immobilier a été signé entre l'État et son partenaire financier, l'État devenant crédit preneur avec la quasi-totalité des droits et obligations du propriétaire, le crédit bailleur ayant uniquement comme rôle d'assurer le financement de l'investissement. Le montant de l'investissement couvert par le crédit-bail est de 450 296 653 euros, montant auquel il faut ajouter 28 829 349 euros de frais d'acquisition et 650 000 euros de frais de dossier. Le montant total à rembourser est donc de 479,776 millions d'euros.

Le crédit-bail, qui doit se terminer le 31 janvier 2033, a été conclu avec un taux de crédit de 1,23 %, accompagné de marge de crédit et de marge de swap de 0,65 %, soit un taux margé de 1,88 %. Il prévoit un taux de progressivité annuelle du montant des loyers de 1,5 % par an. À ce titre, le loyer pour 2022 (de novembre à novembre) est de 31,840 euros. En tenant compte de l'intérêt, des frais de gestion et des frais d'assurance, le montant total du loyer s'élève à 572 483 349,69 euros. En ne tenant pas compte de l'échéance de la fin du présent mois, il reste donc 349 115 341,92 euros à régler (intérêt, frais de gestion, frais d'assurance compris).

Le bail prévoit, en son article A12, un prix de cession à son expiration de 1 euro ainsi qu'une levée par anticipation de l'option d'achat après une période de location de 5 ans. Dans ce cadre, la valeur d'achat correspondrait à la somme du montant de l'investissement non encore amorti, des éventuels coûts de débouclage du taux fixe et de 0,3 % du montant non amorti multiplié par la durée résiduelle du crédit-bail. Il prévoit enfin que si l'État ne lève pas l'option d'achat, l'immeuble revient de droit au crédit bailleur. Par ailleurs, le crédit preneur peut demander la résiliation du crédit-bail après une période de cinq ans, mais contre paiement d'une indemnité similaire à celle de la levée anticipée de l'option d'achat.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE
LE FINANCEMENT DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES

I. LA POLITIQUE DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ : LA STRATÉGIE NATIONALE BIODIVERSITÉ ET LE PLAN EAU CONDUISENT À UNE HAUSSE DES FINANCEMENTS DU PROGRAMME 113

A. LA STRATÉGIE NATIONALE BIODIVERSITÉ EST DÉSORMAIS INSCRITE SUR LE PROGRAMME 113

Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » met en oeuvre :

- la politique de l'eau, qui prend appui sur les dispositifs de la directive cadre eau (DCE) du 23 octobre 2000 et fixe des objectifs de protection et de restauration de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques ;

- la politique relative au littoral et au milieu marin, principalement par la mise en oeuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) du 17 juin 2008 qui vise à réaliser ou maintenir un bon état écologique des eaux marines ;

- la politique relative à la biodiversité, qui vise à une meilleure connaissance de la biodiversité, la protection des espèces animales, la protection des espaces naturels, via les aires protégées (parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles nationales, régionales, Natura 2000), la trame verte et bleue, etc.

Le programme connaît une très forte hausse de ses crédits dans le PLF pour 2024. Les AE sont en hausse de 274,5 millions à 578 millions d'euros en AE (+ 110,6 %), et de 274,5 millions à 512 millions d'euros en CP (+ 86,5 %). Cette augmentation résulte pour l'essentiel de la progression de l'action 07 « Gestion des milieux et biodiversité », qui gagne 303,5 millions d'euros en AE et 237,5 millions d'euros en CP. L'action comprend désormais 96,3 % des crédits du programme.

La majeure partie de la progression des crédits du programme ne résulte toutefois pas de mesures nouvelles, mais du transfert des financements de la Stratégie nationale biodiversité (SNB) du programme 380, le « fonds vert », au programme 113.

Évolution des crédits du programme 113 entre 2023 et 2024

(en millions d'euros)

Programme 113 - Paysages, eau et biodiversité

LFI 2023

PLF pour 2024

Évolution PLF 2024/ LFI 2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Sites, paysages, publicité

5,7

5,9

10,1

9,3

+ 77,2 %

+ 57,6 %

Action 02 - Innovation, territorialisation et contentieux

11,2

9,9

9,6

9,6

- 14,3 %

- 3 %

Action 07 - Gestion des milieux et biodiversité

257,6

258,7

558,2

493

+ 116,7 %

+ 90,6 %

Total

274,5

274,5

578

512

+ 110,6 %

+ 86,5 %

Source : réponse de la DGALN au questionnaire du rapporteur spécial

Ce transfert de crédit était nécessaire. Le rapporteur spécial avait en effet dénoncé l'année dernière l'incohérence de l'intégration de la stratégie nationale biodiversité dans le programme 380, alors que le programme 113 finance exactement les mêmes politiques. Ce rattachement ne servait qu'à gonfler artificiellement les crédits du fonds vert, au détriment de la lisibilité budgétaire. Le PLF pour 2024 vient heureusement corriger cette anomalie.

Le bilan de l'exécution de la stratégie nationale biodiversité en 2023 est donc réalisé dans la présente partie consacrée au programme 113, et non pas dans celle consacrée au fonds d'accélération pour la transition écologique dans les territoires (fonds vert). 150 millions d'euros étaient inscrits en 2023 pour la SNB.

Parmi l'ensemble des politiques du fonds vert, la SNB 2030 a fait l'objet d'une gestion particulière. La ventilation des crédits était plus contraignante que les autres mesures, et, d'après la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), les régions qui n'étaient pas parvenues au niveau de dépenses minimales ont vu leurs crédits repris au profit d'autres régions. Les taux de consommation des CP pour la SNB 2030 sont ainsi supérieurs aux autres politiques du fonds vert.

Le tableau suivant présente, au 31 août 2023, le nombre de dossiers déposés pour chacune des mesures de la SNB, le montant de l'aide demandé ainsi que le coût total des projets.

Exécution de la Stratégie nationale biodiversité au 31 août 2023

 

Nombre de dossiers

Montant de l'aide demandés au fonds vert

(en millions d'euros)

Coût total des projets

(en millions d'euros)

Stratégie nationale des aires protégées

482

73,2

108

Protection des insectes pollinisateurs

81

11,6

27,1

Plans nationaux d'action en faveur des espèces menacées

314

34,9

47,8

Retrait d'épaves ou navires abandonnés de plaisance

17

3,95

5,08

Retrait de macrodéchets

32

3,53

5,38

Réduction des quantités de plastiques transportés via les cours d'eau

26

5,68

43,5

Lutte contre les espèces exotiques envahissantes

159

19

33,9

Rétablissement des continuités écologiques

225

51,8

104

Préservation des sols forestiers

21

3,69

3,89

Restauration des fonds marins

26

10,8

10,8

Appui sur la démarche paysagère

124

38,6

154

Total

1 507

256,8

543,5

Source : commission des finances, réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les mesures liées au SNB comptent pour 264 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024, et sont réparties de cette manière :

- 209,1 millions d'euros sont consacrées aux écosystèmes terrestres ;

- 42 millions d'euros aux espaces marins ;

- 4,2 millions d'euros aux opérateurs du programme ;

- 3,2 millions d'euros pour les sites, paysages et publicité ;

- 5,5 millions d'euros pour des actions transversales.

Hors SNB 2030, le programme 113 connaît une évolution positive de 43,5 millions d'euros. Les mesures « tendancielles » comptent pour 35,5 millions d'euros, et ces mesures incluent notamment 13 millions d'euros de subvention de charges de service public pour l'Office français de la biodiversité, et 20 millions d'euros dans le cadre du plan triennal de réduction des dégâts de gibier aux cultures.

Les 8 millions d'euros restants correspondent à une mesure nouvelle d'accompagnement des cirques dans le bien-être animal. Cette mesure a vocation à mettre en oeuvre la loi n° 2021- 1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale. Cette loi prévoit notamment que la détention d'animaux sauvages afin de les présenter au public dans des établissements itinérants est interdite à partir du 1er décembre 2028, et le programme 113 prévoit ainsi une aide à la fixation de cirques ainsi que le financement de placement d'animaux en refuge.

B. EN 2023, DES EFFECTIFS DES OPÉRATEURS DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ RENFORCÉS

1. Les agences de l'eau : davantage d'emplois pour mener le plan eau

La loi de finances pour 2020 a transféré aux agences de l'eau le recouvrement des redevances cynégétiques, jusqu'alors perçues auprès des titulaires du permis de chasser par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Il s'agissait de diversifier les redevances des agences de l'eau et d'élargir ces ressources à des contributions dans le champ des atteintes à la biodiversité, dans la perspective de conforter le rôle des agences comme opérateurs principaux du financement des politiques de l'eau et de la biodiversité.

Pour tenir compte de ces nouvelles ressources, le plafond global des redevances perçues par les agences de l'eau a été augmenté en conséquence de 51,62 millions d'euros (qui correspondent au montant des redevances cynégétiques et du droit de timbre au titre de l'année 2019), passant ainsi de 2,105 à 2,157 milliards d'euros.

La loi de finances pour 2021 a intégré dans le plafond de redevances affectées aux agences de l'eau la part de redevances pour pollutions diffuses reversée à l'OFB, au titre du financement du volet national du programme « Ecophyto » (montant plafonné à 41 millions d'euros par an par le V de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement). Le plafond de redevances affectées a ainsi atteint 2,197 milliards d'euros.

Les 11e programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau 2019-2024, adoptés à l'automne 2018, ont fait l'objet d'une révision de leurs dépenses par un arrêté du 24 juin 2022. Le plafond pluriannuel des autorisations d'engagement des agences de l'eau sur les cinq ans est désormais fixé à 12,595 milliards d'euros, hors contributions aux autres opérateurs de l'eau et de la biodiversité, et hors plan de relance. Cette révision intègre 100 millions d'euros dont ont bénéficié les agences de l'eau dans le cadre du plan de résilience.

Montant pluriannuel des dépenses du
11e programme d'intervention des agences de l'eau

(en millions d'euros)

Domaine 0 : Dépenses propres des agences de l'eau

1 086

Domaine 1 : Actions de connaissance, de planification et de gouvernance

966

Domaine 2 : Mesures générales de gestion de l'eau

4 265

Domaine 3 : Mesures générales de gestion de l'eau et de la biodiversité

5 364

Primes versées pour la réalisation d'actions ou de travaux d'intérêts communs au bassin ou au groupement de bassins4(*)

914

Total

12 595

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le plafond d'emplois des agences de l'eau est fixé pour 2023 à 1 563 ETPT, en augmentation de 66 ETPT par rapport à 2022. Ce relèvement du plafond doit permettre aux agences de l'eau de mettre en oeuvre le « plan eau ».

Ce plan, annoncé le 30 mars 2023 par le Président de la République, a vocation à améliorer l'efficience de la gestion de l'eau. Il prévoit notamment un relèvement du budget des agences de l'eau de 475 millions d'euros d'ici à 2025. L'article 16 du présent projet de loi de finances prévoit une réforme des redevances des agences de l'eau, qui doit rendre effective la mise en oeuvre de ce plan.

La réforme prévoit en effet le remplacement de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte par deux redevances incitatives, la redevance pour la performance des réseaux d'eau potable et la redevance pour la performance en matière d'assainissement. L'instauration de ces deux redevances s'accompagne de la « prime pour la performance épuratoire », d'un montant d'environ 150 millions d'euros par an, qui était versée par les agences de l'eau aux collectivités territoriales modulé de leurs efforts dans l'entretien du réseau d'assainissement.

L'article 16 vise par ailleurs à augmenter les tarifs des redevances pour prélèvement de l'eau potable et pour pollutions diffuses afin de générer 168 millions euros de recettes supplémentaires pour les agences de l'eau. La majeure partie de ces recettes (100 millions d'euros) pèsera sur les énergéticiens, et en particulier EDF au titre des prélèvements en eau des centrales nucléaires.

2. L'Office français de la biodiversité : une hausse des moyens pour mener la Stratégie nationale biodiversité

L'année 2023 a constitué la quatrième année d'existence de l'Office français de la biodiversité (OFB), qui fusionne l'Agence française de la biodiversité (AFB) et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Les missions confiées au nouvel établissement ont pour objectif général la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité terrestre, aquatique et marine, ainsi que la gestion équilibrée et durable de l'eau.

En 2023, l'établissement prévoit un financement global de 580,7 millions d'euros, réparti comme illustré dans le graphique
ci-dessous.
En 2022, le financement global s'élevait à 502,9 millions d'euros.

Recettes de l'OFB en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Les contributions des agences de l'eau restent le principal moyen de financement de l'OFB (382,9 millions d'euros), ces contributions intégrant la somme des anciennes contributions à l'AFB et à l'ONCFS, augmentées de 10 millions d'euros par rapport à l'année précédente.

La création de l'OFB à compter du 1er janvier 2020 s'est accompagnée de la mise en place d'une subvention du programme 113 qui en 2022 était de 53 millions d'euros, et elle est prévue pour être de 102,7 millions d'euros en 2024.

Évolution de la subvention du programme 113 à l'OFB depuis sa création

(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

Évolution 2023/2024

AE

41,4

51,2

53,2

78,8

102,7

+ 30,3 %

CP

41,5

51,3

53,2

79,0

102,7

+ 30 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les 23,9 millions d'euros de subventions supplémentaires par rapport à 2023 sont justifiés de la manière suivante :

- 13 millions d'euros visent à réduire le déficit de l'opérateur, comme les années précédentes. Toutefois, avec cette compensation, le budget de l'OFB pour 2024 devrait être pour la première fois votée à l'équilibre depuis la création de l'établissement ;

- 7 millions d'euros visent à prendre en compte le « rendez-vous salarial » de 2023, qui a fait suite à la décision du Gouvernement de relever le point d'indice de 1,5 % au 1er juillet 2023. Sur cette somme, 2 millions d'euros sont consacrés aux parcs nationaux ;

- 4,2 millions d'euros doivent financer les ETPT supplémentaires ;

- 305 000 euros sont transférés du budget de l'OFB vers le programme 113 pour le financement de la directive-cadre sur l'eau à Mayotte.

Le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'OFB

Le contrat d'objectif et de performance de l'office français de la biodiversité s'articule autour de quatre orientations stratégiques, adoptées en conseil d'administration le 30 juin 2021 :

- concourir à la transition écologique ;

- agir dans les territoires ;

- avancer avec l'ensemble des partenaires ;

- bâtir une culture d'établissement, partager une vision commune.

Avec la perspective d'une finalisation et d'une approbation d'ici la fin de l'année, les travaux d'élaboration du COP de l'établissement permettront de fixer le cap en matière de déclinaison prioritaire des missions de l'établissement pour les quatre années à venir, de consolider la lisibilité de son action vis-à-vis des partenaires ainsi qu'en interne, et de développer auprès des agents de l'établissement une vision commune du sens, des priorités et des modalités d'exercice de leurs missions.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

L'OFB a également participé au plan de relance, et a bénéficié à ce titre de 85 millions d'euros alloués de façon pluriannuelle sur les années 2021 à 2023 (avec des engagements sur 2021 et 2022, et des paiements jusqu'en 2023) pour des actions en matière :

- de projets eau-assainissement en outre-mer (47 millions d'euros) ;

- de restauration écologique (19 millions d'euros) et de gestion des aires protégées (19 millions d'euros).

On peut enfin relever que l'OFB bénéficiera de ressources d'un montant de 931 000 euros au titre du « Loto de la biodiversité ». Ce jeu de grattage a été rendu possible par l'article 115 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, qui prévoit l'affectation à l'office du montant du prélèvement prévu le produit brut de ce jeu.

La création de ce dispositif laisse pour le moins circonspect. La mise en oeuvre d'un « loto » pour financer une politique aussi importante que la biodiversité donne l'impression, même si les montants sont faibles, que l'État se défausse de ses politiques publiques. De plus, les jeux de hasard et d'argent posent de véritables problèmes d'addiction, et associer la protection de la biodiversité, qui est une cause populaire chez les jeunes, à un tel jeu n'est pas responsable. Le rapporteur général et le rapporteur spécial avaient tous deux déposé un amendement de suppression de la mesure, adopté par le Sénat.

Le budget initial de l'OFB pour 2023, rectifié en cours d'année, comprend un total de dépenses de 580,1 millions d'euros en crédits de paiement, dont 50,8 % de dépenses d'intervention.

Répartition des dépenses de l'OFB de 2021 à 2023

 

Exécution en 2021 (CP)

Exécution en 2022 (CP)

Exécution en 2023 (CP)

Budget rectificatif n° 1

 

Millions d'euros

%

Millions d'euros

%

Millions d'euros

%

Appui à la mise en oeuvre des politiques de l'eau et de la biodiversité

165,6

36,0 %

186,6

37,9 %

198,9

34,3 %

Gestion des espaces naturels et des espèces

12,4

2,7 %

27,7

5,6 %

22,5

3,9 %

Police de l'environnement et police sanitaire

4,4

1,0 %

88,3

17,9 %

4,3

0,7 %

Formation et mobilisation des citoyens et des parties prenantes

13,8

3,0 %

30,7

6,2 %

21,7

3,7 %

Connaissance et expertise

37,1

8,1 %

79,6

16,2 %

46,9

8,1 %

Personnel, soutien et management

226,7

49,3 %

79,8

16,2 %

286,5

49,3 %

Total

460

100,0 %

492,7

100,0 %

580,7

100,0 %

Note : la différence de répartition entre 2022 et 2023 s'explique par le fait que les crédits de personnel sont ventilés en exécution à chaque destination. Ainsi, dans le budget rectificatif de 2023, sur l'ensemble des financements du poste « Personnel, soutien et management », 210 millions d'euros sont des dépenses de personnel.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

S'agissant des moyens humains, l'opérateur connaît une augmentation de son plafond d'emploi de 48 ETPT pour atteindre 2 775 ETPT en 2024.

Emplois sous plafond de l'OFB

 

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Emplois sous plafond

2 659

2 638

2 643

2 727

2 775

47 ETPT sont créés afin de renforcer les actions de l'OFB dans le cadre de la Stratégie nationale biodiversité (SNB) 2030. Sur ces emplois, 10 ETPT sont consacrés spécifiquement à la mise en oeuvre du plan eau.

Un ETPT est transféré du ministère de la transition écologique (programme 217) à l'OFB, dans le cadre du transfert, déjà évoqué, des laboratoires d'hydrobiologie.

II. LA MONTÉE EN PUISSANCE DU PROGRAMME 181 EST SURTOUT PORTÉE PAR L'ADEME

Évolution des crédits du programme 181 « Prévention des risques »
entre 2023 et 2024

(en millions d'euros)

Programme 181 - Prévention des risques

LFI 2023

PLF pour 2024

Évolution PLF 2024/ LFI 2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Prévention des risques technologiques et des pollutions

60,8

62,7

60,4

62,3

- 0,7 %

- 0,6 %

Action 09 - Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

66,9

71,6

70,3

75

+ 5,1 %

+ 4,7 %

Action 10 - Prévention des risques naturels et hydrauliques

37,5

37,5

37,8

37,8

+ 0,8 %

+ 0,8 %

Action 11 - Gestion de l'après-mine et travaux de mise en sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites

41,3

41,3

42,1

42,1

+ 1,9 %

+ 1,9 %

Action 12 - Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

700

700

879

879

+ 25,6 %

+ 25,6 %

Action 13 - Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS)

30,1

30,1

32,1

32,1

+ 6,7 %

+ 6,7 %

Action 14 - Fonds de prévention des risques naturels majeurs

205

200

205

200

0 %

0 %

Total

1141,5

1143,2

1326,6

1328,2

+ 16,2 %

+ 16,2 %

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

A. RISQUES NATURELS ET TECHNOLOGIQUES : DES MOYENS BUDGÉTAIRES STABILISÉS, MAIS DES DOUTES SUR LA PÉRÉNNITÉ DU RÉGIME CATNAT

1. Une stabilité des crédits alloués à la prévention des risques technologiques

En 2024, l'action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » voit ses crédits quasiment stabilisés par rapport à 2023. Les crédits évoluent peu depuis 2021.

La finalité de cette action consiste à assurer la prévention des risques technologiques et des pollutions, à maîtriser les effets des processus industriels, des produits et des déchets sur l'environnement et la santé, et à mettre en oeuvre la feuille de route économie circulaire.

Cette politique de prévention s'opère par le biais des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Créés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, à la suite de la catastrophe AZF, ils prévoient des mesures visant à réduire les risques associés à la présence de sites industriels à hauts risques (classés Seveso seuil haut) pour les riverains.

Ces plans permettent d'agir sur l'urbanisation autour des installations présentant les plus grands risques (installations Seveso seuil haut) et de corriger des situations d'exposition au risque des populations, au besoin, par des mesures foncières d'expropriation ou de délaissement ou par des travaux sur les biens d'habitation. Des mesures supplémentaires de réduction du risque à la source sur les sites industriels, allant au-delà des exigences réglementaires, peuvent également être prescrites lorsque leur mise en oeuvre est moins coûteuse que les mesures foncières qu'elles permettent d'éviter.

Enfin, des mesures alternatives aux mesures foncières peuvent être prescrites par arrêté préfectoral après l'approbation du PPRT. Ces mesures concernent uniquement les biens autres que les logements, dès lors qu'elles apportent une amélioration substantielle de la protection des populations et que leur coût est inférieur aux mesures foncières qu'elles permettent d'éviter. Ces mesures peuvent notamment porter sur les activités économiques.

Au 1er août 2023, 378 PPRT ont été approuvés sur les 379 PPRT prescrits. En effet, un seul PPRT poursuit sa phase d'approbation, et d'après les informations transmises au rapporteur spécial, il est prévu qu'il soit approuvé au second semestre 2023. Ainsi, vingt-deux ans après la catastrophe de l'usine AZF et l'adoption de la loi « risques » de 2003, la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans se poursuit.

Bilan des PPRT

Un bilan de l'avancement de la mise en oeuvre des 399 PPRT approuvés entre 2007 et 2023 peut être effectué :

- sur les 100 logements et 79 activités faisant l'objet d'une expropriation (pour un montant de financement de l'État estimé à 125 millions d'euros), 81 logements (81 %) et 39 activités (49 %) ont été expropriés. 145 logements (soit 55 % des 262 concernés) et 57 activités (soit 34 % des 169 activités) ont été délaissés ;

- 13 mesures alternatives ont été prescrites ou sont à l'étude, pour un montant de financement de l'État estimé à ce stade à 4,8 millions d'euros ;

- 24 mesures supplémentaires ont été réalisées ou sont à l'étude, pour un montant de financement de l'État estimé à 138 millions d'euros ;

- 189 PPRT prescrivent des travaux de protection face aux risques technologiques à près de 15 700 logements. Au 1er août 2023, environ 6 555 logements (42 %) ont fait l'objet d'un diagnostic de travaux ; les travaux ont été réalisés pour 3 913 d'entre eux (25 % des logements soumis à travaux, représentant 60 % des logements diagnostiqués).

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ainsi, entre 2009 et 2022, 273 millions d'euros d'AE ont été engagés par l'État et 172 millions d'euros de CP ont été consommés pour la mise en oeuvre des mesures prescrites par les PPRT (mesures foncières, supplémentaires et alternatives) et l'accompagnement des riverains dans la réalisation de travaux sur l'habitat de protection face aux risques technologiques.

2. La prévention des risques naturels et hydrauliques : la mise en oeuvre des plans de prévention des risques naturels se poursuit

Les AE et les CP inscrits sur l'action 10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques », 37,5 millions d'euros, sont également quasiment stables entre 2023 et 2024.

La prévention des risques naturels et hydrauliques, visant à assurer la protection des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles telles les inondations, les mouvements de terrains, les séismes, ou les submersions marines, est mise en oeuvre par les plans de prévention des risques naturels (PPRN), les programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI), outils de contractualisation entre l'État et les collectivités permettant de promouvoir une gestion des risques d'inondation, ou encore le plan séisme Antilles. Cette politique de prévention revêt un caractère crucial dans un contexte de dérèglement climatique.

Le PPRN, annexé au plan local d'urbanisme ou à la carte communale, a pour objet de maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques et de réduire la vulnérabilité des populations et des biens, à travers des mesures d'interdiction ou d'adaptation des constructions nouvelles ou existantes. Il peut concerner un aléa particulier, comme par exemple, le risque inondation, ou plusieurs selon les caractéristiques du territoire.

Concrètement, un plan de prévention des risques délimite les zones concernées par le risque sur le territoire, sur la base d'un aléa de référence, par exemple pour les crues des rivières, la crue centennale, ou si elle est plus élevée, la plus haute crue connue, et définit une réglementation pour chaque zone.

L'objectif visé lors de la mise en place des PPRN conduisait à ce que 12 500 communes soient couvertes par un PPRN approuvé, couvrant les territoires à forts enjeux. Cet objectif a été dépassé depuis 20225(*). À la date du 1er août 2023, 12 558 communes sont couvertes par un PPRN opposable, et 2 005 communes relèvent d'un PPRN prescrit6(*).

Évolution du nombre de communes couvertes
par un PPRN ou assimilés jusqu'au 31 décembre 2022

Note : la nette croissance des PPRN approuvés en 2021 résulte de la mise à jour retardée d'une application interne à la DGPR.

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, 76 % des communes couvertes par un PPRN approuvé le sont pour l'aléa inondation (65 %) ou pour l'aléa mouvement de terrain ou retrait-gonflement des argiles (11 %).

3. Le Fonds « Barnier » devra être sollicité à la suite des tempêtes Ciarán et Domingos

Dans le PLF pour 2024, les crédits de l'action 14 sont de 205 millions d'euros en AE et de 200 millions d'euros en CP, ce qui est identique aux crédits ouverts dans la LFI pour 2023.

La loi de finances pour 2021 a intégré le budget du Fonds de prévention des risques naturels majeurs au programme 181 « Prévention des risques ». Jusqu'à cette intégration, le FPRNM était financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles représentant elle-même une « sur-prime » de 12 % ou 6 % selon qu'il s'agit d'un contrat habitation ou automobile.

Or, si le montant annuel prélevé via les compagnies d'assurance est de l'ordre de 210 millions d'euros par an, seuls 137 millions d'euros étaient reversés au fonds, soit 65 % des recettes (131,5 millions d'euros après prélèvement pour frais de gestion), l'écart étant reversé au budget général. Le financement de la prévention des risques naturels par les assurés était donc dévoyé au profit du budget de l'État.

Avec la budgétisation du fonds, le prélèvement affecté directement au FPRNM a été supprimé et remplacé par un prélèvement annuel d'un taux identique au profit du budget général de l'État. Les ressources du fonds, désormais intégré sous forme d'une action spécifique au programme 181 « Prévention des risques », sont passées à cette occasion de 131,5 millions d'euros à 205 millions d'euros en 2021.

Le plafonnement des recettes, réalisé par l'article 44 de la loi de finances pour 2018, ne posait jusqu'alors pas de souci majeur, car la situation budgétaire du fonds était favorable. Au regard des montants de dépenses, qui évoluent à la hausse d'année en année, la question de la soutenabilité du fonds s'est légitimement posée et sa budgétisation est apparue comme bienvenue. Celle-ci permet aussi au Parlement de se prononcer sur les moyens budgétaires qui lui sont alloués.

Les interventions du fonds « Barnier »

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) permet différents types d'interventions.

Les mesures d'acquisition de biens d'habitation ou de petites entreprises, à l'amiable ou par expropriation, permettent des délocalisations des populations gravement menacées ou dont le bien a été sinistré, sans prise en compte du risque dans le montant de l'acquisition.

Les mesures de réduction de la vulnérabilité face aux risques peuvent bénéficier à des collectivités locales en particulier pour leurs études, travaux et équipements sur les territoires dotés de plans de prévention des risques naturels (PPRN). Cette mesure est la plus utilisée du FPRNM et représente plus de 50 % du montant des délégations effectuées ces dernières années. Elle permet notamment le financement des programmes d'action de prévention des inondations (PAPI), des opérations contractualisées dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) et d'une partie du plan séisme Antilles (PSA).

Le FPRNM vient également en soutien, sous conditions, à des mesures de réduction de la vulnérabilité au bâti pour les particuliers (habitations) et les petites entreprises.

Les mesures au bénéfice de l'État concernent les études et travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et les submersions marines et les dépenses liées à l'élaboration des PPRN, à l'information préventive et la mise en oeuvre de la directive inondation. In fine, l'acquisition de ces connaissances est indispensable en termes de prévention et partagée avec l'ensemble des parties prenantes.

Un taux maximal de subvention ou d'indemnité est fixé pour la plupart des mesures. Certaines mesures sont plafonnées dans leur montant global et dans la durée.

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Ainsi, les crédits alloués au fonds en 2021 s'élevaient à 205 millions d'euros, en AE et en CP. Toutefois, 50 millions d'euros d'AE supplémentaires ont été budgétés pour faire face aux suites de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes d'octobre 2020. Par ailleurs, il a été décidé de créer une dotation supplémentaire en AE afin de couvrir les opérations ayant déjà fait l'objet d'une délégation de crédits aux services déconcentrés par arrêté interministériel, mais n'ayant pas encore été concrétisée par un acte valant engagement de l'État. Ainsi, une dotation de 160 millions d'euros d'AE complémentaires a été votée en loi de finances pour 2021. Au total, les AE prévues en loi de finances initiale pour 2021 pour le fonds « Barnier » s'élevaient à 415 millions d'euros.

La LFI pour 2022 a attribué 235 millions d'euros à l'action 14 du programme 181 en AE et en CP. 30 millions d'euros sont consacrés aux suites de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes. En 2023, le financement du fonds Barnier est revenu à 200 millions d'euros.

Répartition de l'intervention7(*) du FPRNM par type de risque de 2019 à 2022

(en euros)

 

2019

2020

2021

2022

Mouvement de terrain

23 224 055

23 154 638

42 589 189

12 672 863

Inondation

115 545 310

199 018 714

221 340 561

124 806 583

Autres dont multirisques

3 488 787

5 813 017

9 878 070

16 246 948

Submersion marine

14 531 322

7 318 856

25 778 988

25 593 240

Incendie de forêt

340 000

500 000

410 869

1 795 890

Avalanche

357 734

571 853

466 539

769 709

Cavité souterraine

5 035 715

3 743 314

4 878 413

7 238 590

Séisme

40 002 825

24 186 768

33 401 153

39 243 299

Volcanisme

-

-

-

544 075

TOTAL

202 525 748

264 307 160

338 743 781

229 914 197

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le financement du fonds Barnier dans le projet de loi de finances pour 2024, identique à ce qu'il était en 2023, apparaît insuffisant au regard des dégâts provoqués par les deux tempêtes Ciarán et Domingos qui ont frappé la façade atlantique. Les dégâts sont estimés à ce stade à 1,3 milliard d'euros, ce qui est déjà supérieur au coût des dommages de la tempête Alex (environ 1 milliard d'euros).

Dans le cadre de l'application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement a retenu dans le texte de l'Assemblée nationale un amendement augmentant les financements du fonds Barnier de 20 millions d'euros. Cette somme ne sera pas suffisante pour répondre aux besoins. Le rapporteur spécial propose donc, par un amendement de crédit, de rehausser le montant du fonds de 30 millions d'euros en AE et en CP, en transférant des crédits de l'action 02 du programme 174.

4. Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles : un équilibre précaire

Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit « régime CatNat », ne dispose pas de crédits inscrits sur la mission « Écologie, mobilité et développement durable », en tant qu'il est financé par des cotisations, mais il la concerne au premier plan, en raison tout d'abord de ses interactions avec le fonds Barnier et les autres dispositifs de prévention des risques, mais aussi car toute défaillance du régime se traduit par l'activation d'une garantie de l'État.

Le régime CatNat est en effet fondé sur un double système de garantie : les sociétés d'assurance proposent et gèrent les contrats d'assurance contre les dommages aux biens, et elles se réassurent auprès de la caisse centrale de réassurance (CCR), qui elle-même bénéficie d'une garantie intégrale de l'État. En contrepartie de cette garantie, la CCR verse à l'État environ 100 millions d'euros par an.

Le financement du régime est assuré par une surprime « catastrophe naturelle », prélevée sur l'ensemble des contrats précités, et qui est de 12 % concernant les contrats d'habitation. La surprime est uniforme sur l'ensemble du territoire, quel que soit le degré d'exposition aux risques. Cette uniformité est fondée sur le principe de solidarité nationale face aux catastrophes naturelles, telle qu'elle est affirmée à l'alinéa 12 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ».

Jusqu'à présent, la garantie de l'État n'a été activée qu'une fois, en 2000, en raison de la tempête de 1999, mais l'augmentation de la fréquence et de la dangerosité de certaines catastrophes naturelles peut conduire à menacer son équilibre.

Le 15 février 2023, le rapporteur spécial a publié un rapport sur la menace que fait peser le risque « Retrait-gonflement des argiles » (RGA) sur l'équilibre du régime CatNat8(*). Le risque RGA est en effet caractérisé à la fois par son amplitude et par sa progression. En 2018, on estime que 48 % du territoire national connaît une exposition moyenne ou forte au RGA, en particulier le sud-ouest, où certains départements comprennent 80 % de leurs communes exposés au risque.

Ensuite, sur le temps long, le changement climatique menace sérieusement l'équilibre financier du régime. Une étude de France Assureurs, publiée en octobre 2021, chiffre à 43 milliards d'euros le coût cumulé de la sinistralité sécheresse entre 2020 et 2050, ce qui représente un triplement du coût par rapport aux trois décennies précédentes (13,8 milliards d'euros entre 1989 et 2019). Mais la progression de l'exposition au RGA est observable sur la période récente. La charge annuelle liée au risque RGA a atteint plus de 1 milliard d'euros en moyenne entre 2017 et 2020, contre 445 millions d'euros depuis 1982.

Le rapporteur spécial a ainsi formulé six recommandations dans son rapport pour mieux répondre aux menaces que font peser le risque RGA sur le régime CatNat.

Les recommandations du rapporteur spécial à l'égard du Gouvernement
dans son rapport sur le retrait-gonflement des argiles

1. Maintenir l'éligibilité au dispositif d'indemnisation des particuliers qui décident d'abandonner leur habitation sinistrée.

2. Conduire une expertise et mettre en oeuvre des contrôles renforcés et systématiques sur les dossiers d'indemnisation dont le montant dépasse le coût moyen de construction d'une maison individuelle.

3. Poursuivre et renforcer les expérimentations de mesures de prévention du risque RGA portant sur l'environnement du bâti.

4. Mobiliser le fonds Barnier pour financer des expérimentations sur les techniques de prévention portant sur l'environnement du bâti les plus abouties, en vue de leur éventuelle généralisation.

5. Mobiliser les financements du 4ème programme d'investissements d'avenir pour développer de nouvelles techniques de prévention du RGA.

6. Financer en priorité des expérimentations de techniques de prévention du risque RGA dans les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse mais qui ne l'ont pas obtenu.

Source : Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti, rapporteur Christine Lavarde, 15 février 2023

Les risques qui pèsent sur le régime CatNat ne se limitent toutefois pas au risque retrait-gonflement des argiles. Les tempêtes récentes Ciarán et Domingos ont justement montré les fragilités du régime.

La fédération France Assureurs estime que les tempêtes ont occasionné 517 000 sinistres. Son coût total (1,3 milliard d'euros) fait de Ciarán et Domingos le cinquième épisode de tempête le plus coûteux en France métropolitaine, derrière la tempête Xynthia, dont les coûts sont chiffrés à 2 milliards d'euros.

Or, à l'exception de l'outre-mer, le régime CatNat ne prend pas en charge les vents violents. Pour les tempêtes, il ne peut donc être activé que pour les inondations. Par conséquent, l'état de catastrophe naturel n'a pas été déclaré dans un certain nombre de communes en Bretagne et dans la Manche, malgré les dégâts qu'elles ont subis. La question a été ainsi soulevée de l'opportunité d'intégrer le risque de cyclone dans le régime CatNat.

En tout état de cause, le Gouvernement a annoncé la mise en place d'un fonds de 50 millions d'euros pour les communes qui n'auraient pas obtenues la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Les modalités de financement de ce fonds n'ont pas encore été précisées. En parallèle, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a annoncé que le Gouvernement « est en train de travailler sur la totalité des événements climatiques pour revoir la grille des catastrophes naturelles, la manière dont on les prend en charge. Nos règles ne sont pas adaptées au dérèglement climatique ».

La difficulté est que le régime CatNat est en déficit depuis 2015, alors qu'il n'inclut pas les tempêtes, et d'autres types de risques naturels comme la grêle. Tout élargissement du régime devrait donc passer par une réforme de son financement. La Caisse centrale de réassurance s'est ainsi prononcée récemment pour une hausse de la surprime de 20 euros de plus par an, ce qui la ferait passer de 25 euros à 45 euros. Une mission sur l'assurabilité des risques climatiques, menée Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet et Myriam Mérad doit rendre prochainement des conclusions à ce sujet.

B. DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES POUR L'AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE (ASN) DANS UN CONTEXTE DE POSSIBLE FUSION

1. Un nouveau renforcement des moyens de l'autorité de sûreté nucléaire

Le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est assuré par l'autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante financée à titre principal par le programme 181 « Prévention des risques »9(*), qui bénéficie d'un appui technique assuré par l'institut de sûreté nucléaire et de radioprotection (IRSN) financé par le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables ».

D'autres charges relatives au fonctionnement de l'ASN sont intégrées dans les programmes supports des ministères économiques et financiers (programme 218), du ministère de la transition écologique (programme 217), et du secrétariat général du Gouvernement (programme 354).

L'action 9 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » du programme 181 « Prévention des risques » porte les effectifs et les crédits de personnel de l'ASN ainsi que les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention engagées au titre de la réalisation des cinq missions fondamentales de l'ASN : la réglementation, la délivrance des décisions individuelles, le contrôle, l'information du public et l'assistance au Gouvernement en cas de situation d'urgence.

La dotation proposée sur l'action 09 du programme 181 pour l'année 2024 s'élève à 70,3 millions d'euros en AE et 75 millions d'euros en CP. Les AE ont augmenté de 5,1 % par rapport à 2023 (66,9 millions d'euros), et les CP de 4,7 % par rapport à 2023 (70,3 millions d'euros).

La hausse de CP découle principalement de l'augmentation des dépenses de personnel, en raison de l'évolution du schéma d'emplois et de la revalorisation du point d'indice. 200 000 euros seront en outre consacrés au renforcement de la résilience de son organisation, à la simplification des démarches et à l'amélioration des services rendus aux usagers.

Évolution des moyens budgétaires de l'ASN financés
par le programme 181 entre 2016 et 2024

(en millions d'euros)

Note : la diminution de 41,7 % des AE entre 2021 et 2022 s'explique par un abondement exceptionnel en 2021 (47 millions d'euros), afin d'opérer la signature d'un nouveau bail pour les sièges centraux de l'ASN, le précédent bail arrivant à échéance en février 2022.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le présent projet de loi de finances s'inscrit donc dans la continuité d'un renforcement des moyens de l'ASN.

Le plafond d'emplois autorisé de l'ASN pour 2024 est de 470 ETPT, contre 457 ETPT en LFI pour 2023 et 445 ETPT en LFI pour 2022. Le schéma d'emploi de l'ANS est positif de 10 ETPT, qui sont valorisés à 5 ETPT en 2024 et 5 ETPT en 2025.

2. Les implications budgétaires du projet de fusion de l'ASN et de l'IRSN doivent être précisées

La fusion de l'ASN et de l'IRSN a été annoncée le 8 février 2023. L'inscription de la fusion des deux établissements dans la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires a été évoquée, mais cette option a finalement été abandonnée, et il est désormais prévu que la fusion fasse l'objet d'un projet de loi distinct actuellement en cours d'analyse par le Conseil d'État.

À ce stade, il est envisagé que l'organisme résultant de la fusion s'appelle l'« Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » (ASNR). L'avant-projet de loi transmis au rapporteur spécial indique que la nouvelle autorité aurait bien vocation à reprendre l'ensemble des missions de l'ANS et de l'IRSN.

Les conséquences de la fusion, si elle devait avoir lieu, ne sont pas claires sur le plan budgétaire. L'ASN soutient la création d'un programme budgétaire unique dédié à la radioprotection et à la sûreté nucléaire, et un tel programme permettrait effectivement de clarifier le financement de la sûreté nucléaire, qui est aujourd'hui éclatée entre plusieurs missions. L'administration n'a toutefois pas transmis d'informations sur la mission qui accueillerait un tel programme.

En tout état de cause, l'administration estime que le montant des crédits budgétaires ouverts sur ce futur programme serait « de l'ordre de 350 millions d'euros »10(*). La subvention pour charges de service public (SCSP) de l'IRNS pour 2024, imputée sur le programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », est de 182,6 millions d'euros. Le programme 212, « soutien de la politique de défense » porte également une subvention à l'IRSN d'un montant de 4,4 millions d'euros pour 2024. Le montant total de la SCSP de l'IRSN (hors plan de relance) est donc de 187 millions d'euros.

L'Institut bénéficie également d'une taxe plafonnée, la contribution sur les installations nucléaires de base pour l'IRSN, plafonnée à 61,1 millions d'euros pour 2021. Comme indiqué supra, l'IRSN apporte aussi un appui technique à l'ASN, qui ne fait pas l'objet de transfert financier direct.

Si l'on y ajoute la subvention pour l'ASN du programme 181, on obtient un total de SCSP pour les deux organismes de 262 millions d'euros. Cette somme est très inférieure aux 350 millions d'euros évoqués. En faisant l'hypothèse d'une conversion de la contribution pour l'IRSN en SCSP, on arrive à une subvention de 323,1 millions d'euros, ce qui est plus cohérent avec l'hypothèse de financement présentée, mais reste tout de même inférieur à celle-ci. Il est possible ensuite que la différence d'environ 30 millions d'euros provienne des mesures de revalorisation prévue dans le projet de loi relatif à la fusion des deux établissements (Titre II, « Attractivité de l'autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection »).

C. L'ADEME BÉNÉFICIE AUSSI DE MOYENS RENFORCÉS DANS LE CADRE DE FRANCE 2030

1. Une subvention en hausse, en raison de l'élargissement des missions de l'ADEME dans le cadre du plan de relance et de France 2030
a) La subvention à l'ADEME sur le programme 181

La loi de finances initiale pour 2018 a opéré une rebudgétisation totale du financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui prend également le nom d'«Agence de la transition écologique », auparavant financée par l'attribution du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), emportant la création d'une nouvelle action (action 12 « ADEME ») sur le programme 181.

L'ADEME mène des politiques de natures diverses. Elle poursuit notamment des actions dans la mise en oeuvre des objectifs nationaux en matière de chaleur renouvelable, d'économie circulaire, de mobilité durable, d'amélioration de la qualité de l'air, de la résorption des décharges littorales et de la reconversion des friches polluées, d'accompagnement des entreprises et des territoires, et enfin d'adaptation au changement climatique. En 2023 seront lancés de nouveaux programmes d'économie d'énergie pour les entreprises.

Une subvention de 879 millions en AE et en CP est inscrite sur l'action 12 pour l'année 2023, soit une augmentation de 179 millions d'euros par rapport à la dotation retenue en 2023, qui représentait déjà une augmentation de 101,7 millions d'euros par rapport à 2023. Une partie significative de cette hausse doit financer les crédits supplémentaires accordés au fonds chaleur, qui passe de 520 millions d'euros à 820 millions d'euros (ces sommes dévolues au fonds chaleur seront détaillées infra).

b) Les sources de financement de l'ADEME se multiplient

Outre son budget incitatif et ses ressources propres, l'ADEME reçoit des financements du plan de relance, de France 2030, et plus récemment du fonds vert.

En 2023, l'agence perçoit 175 millions d'euros en CP par des crédits issus du plan de relance, sur le programme 362 « Écologie ». Le fonds de décarbonation de l'industrie est en tête des financements, avec 110 millions d'euros en CP, suivi par les mesures en faveur de la mobilité, pour un montant de 64,2 millions d'euros en CP. De manière résiduelle, le fonds économie circulaire et déchets est abondé de près de 1 million d'euros.

L'ADEME et « France relance »

Le plan de relance mobilise l'ADEME, vers des dispositifs existants qui nécessitent d'être renforcés ou bien pour mettre en oeuvre de nouveaux soutiens vers les entreprises et les territoires. Les actions définies dans le plan France Relance sont les suivantes :

- en renforçant les moyens relatifs au fonds économie circulaire pour la mise en oeuvre de la feuille de route pour l'économie circulaire (FREC) et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ;

- en complétant les autorisations d'engagement dédiées à l'hydrogène faible en carbone afin d'accompagner le développement des écosystèmes de mobilité hydrogène (production, distribution d'H2 et véhicules) ;

- en poursuivant les actions du fonds décarbonation de l'industrie, d'une part sur le volet chaleur bas carbone pour les entreprises et d'autre part, sur la mise en oeuvre de projets de transformation des procédés au service de la décarbonation et d'investissements dans l'efficacité énergétique ;

- en accompagnant les acteurs du tourisme durable, les TPE/PME engagées dans la transition écologique ou dans des démarches d'écoconception, la réalisation de diagnostics carbone et sol dans l'agriculture, le recyclage des friches industrielles ou minières.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Le budget initial de l'ADEME au titre du plan de relance était de 1,3 milliard d'euros. Cette enveloppe a été portée à 1,6 milliard d'euros en 2022. Sur cette somme, le taux d'engagement des fonds était de 63 %, ce qui représente 1 milliard d'euros. Il est prévu que 500 millions d'euros soient engagés avant la fin de l'année 2022, ce qui porterait le taux d'engagement à 93,8 %. En montant, les aides du plan de relance opérées par l'ADEME se sont focalisés sur les grandes et les petites entreprises, délaissant les entreprises de taille moyenne.

Répartition des aides du plan de relance opérée
par l'ADEME par type de bénéficiaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2024, l'ADEME ne sera plus financée par des crédits issus du plan de relance. D'après le représentant de l'agence auditionné par le rapporteur spécial, les dispositifs d'aide aux PME menés dans le cadre du plan de relance n'ont désormais plus de financements identifiés dans le projet de loi de finances.

L'ADEME est également opérateur France 2030, et à ce titre, les investissements d'avenir viennent abonder le budget de l'ADEME de 2,52 milliards d'euros en AE en 2024. Ces montants font partie d'une enveloppe prévisionnelle de globale de 9 milliards d'euros, qui est pensée pour être engagée sur cinq ans.

L'ADEME et le plan « France 2030 »

L'ADEME a été désignée par l'État comme opérateur de France 2030, et elle est dotée à ce titre d'un budget d'environ 9 milliards d'euros pour une durée de cinq ans. L'objectif est que l'ADEME bénéficie d'un champ d'action large sur l'ensemble de la chaine de la transition écologique, du soutien aux innovations de rupture jusqu'à la massification et l'industrialisation de solutions disposant d'une maturité suffisante.

Dans ce cadre, trois appels à projets notamment sont déjà ouverts et opérés par l'ADEME :

- le « développement de briques technologiques et démonstrateurs pour les systèmes énergétiques », qui a pour objectif de promouvoir le développement de technologie et d'actions de démonstration de grande ampleur dans les domaines du photovoltaïque, de l'éolien flottant et des réseaux énergétiques ;

- le « développement de briques technologiques par des PME pour les systèmes énergétique », qui vise à soutenir les PME dans un objectif de structuration des filières de production des énergies renouvelables ;

- l' « aide à l'investissement de l'offre industrielle des énergies renouvelables », qui vise à développer les capacités industrielles dans les énergies renouvelables en accompagnant l'industrialisation de la production et l'assemblage des composants.

Source : commission des finances

Enfin, l'ADEME perçoit des financements au titre du programme 380 (fonds d'accélérations pour la transition écologique des territoires), au titre du programme de valorisation des biodéchets et du fonds friche. 220 millions d'euros sont fléchés vers l'ADEME à ce titre en 2024.

Le graphique suivant présente la répartition des engagements de l'ADEME depuis 2009.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

2. Une revalorisation du plafond d'emplois en cohérence avec la mobilisation de l'ADEME dans le cadre du plan « France 2030 » et de l'augmentation des financements du fonds chaleur

Selon les prévisions transmises par l'ADEME, la trésorerie (hors Investissements d'Avenir / France 2030) de l'agence devrait s'établir à 216 millions d'euros à la fin de l'année 2023, en diminution de 139 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Une partie de la trésorerie de l'ADEME est prévue pour alimenter le budget incitatif de l'agence. Sa trésorerie devrait ainsi s'établir à 126 millions d'euros à la fin de l'année 2023, et son fonds de roulement à 136 millions d'euros.

Le plafond d'emplois de l'ADEME sera relevé de 99 ETPT en 2024 pour atteindre 1065 ETPT. Cette hausse des effectifs s'inscrit dans la continuité de l'année dernière, où le plafond d'emplois avait été relevé de 90 ETPT.

Ce relèvement du plafond d'emplois correspond aux élargissements des missions de l'agence avec France 2030 et le fonds vert. Il doit également permettre à l'opérateur de gérer les financements supplémentaires octroyés au fonds chaleur. Il a été ainsi indiqué au rapporteur spécial que chaque tranche de 10 millions d'euros supplémentaires pour le fonds chaleur nécessite un ETPT de plus pour l'absorber.

L'augmentation des financements du fonds chaleur l'année précédente avait d'ailleurs été l'une des raisons du recrutement par l'opérateur de 25 intérimaires. Les représentants de l'ADEME ont déclaré espérer en pérenniser une partie. À ce sujet, il faut rappeler que le coût unitaire d'un intérimaire est plus élevé qu'un CDD (de 10 % à 20 %) et la durée de leur mission est limitée à 18 mois. Le départ d'intérimaires conduit d'ailleurs à une perte de compétences.

Le même phénomène s'était produit lorsque l'ADEME s'était vue confiée des missions nouvelles dans le cadre du plan de relance, sans que le schéma d'emplois ait suivi. L'agence avait alors recruté 120 intérimaires, dont 42 % ont été basculés en CDI.

3. Les crédits du fonds chaleur augmentent, mais ne permettent pas encore d'atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie

Grâce au fonds « chaleur », l'ADEME soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable, pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.

Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides (contrat de projets État-région par exemple) ; les installations biomasses de grande taille dans le secteur agricole et tertiaire, dans le cadre d'appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).

Les soutiens apportés par le fonds visent à atteindre les objectifs fixés tant par la loi que par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) d'avril 2020 :

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que 38 % de la consommation finale de chaleur devra être d'origine renouvelable en 2030 et entend multiplier par cinq la quantité de chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur ;

- la PPE confirme cet engagement, avec un objectif d'augmentation de la consommation de chaleur renouvelable de 25 % en 2023 et de hausse de 40 % à 60 % en 2028 par rapport à 2016.

Entre 2009 et 2022, 3,68 milliards d'euros ont été engagés pour soutenir près de 7 100 opérations d'investissement.

Le budget du Fonds Chaleur adopté initialement pour 2022 était de 370 millions d'euros, en hausse de 6 % par rapport à 2021. En mars 2022, dans le cadre du plan de résilience pour faire face aux conséquences de la crise en Ukraine, le fonds a été abondé de 152 millions d'euros supplémentaires pour atteindre 522 millions d'euros. Cette hausse a conduit à des recrutements en intérim pour 18 mois. En 2023 les engagements du fonds chaleur ont été portés à 520 millions d'euros en AE, ce qui est un niveau équivalent à l'exécution constatée en 2022.

Pour 2024, le fonds chaleur voit ses financements fortement augmenter : il gagne 300 millions d'euros, pour atteindre 820 millions d'euros.

Évolution des montants engagés par le fonds « chaleur » de l'ADEME

(en millions d'euros)

Fonds « chaleur »

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

168

263

249

231

206

165

216

213

197

259

2019

2020

2021

2022

2023

2024

295

350

350

522

520

820

Note : les chiffres jusqu'en 2022 correspondent à l'exécution constatée du fonds chaleur, tandis que les chiffres pour 2023 et 2024 sont des prévisions.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Il est prévu que le fonds chaleur connaisse une forte augmentation de ses crédits dans les années à venir. Dans la dernière trajectoire présentée par la direction générale de l'énergie et du climat dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie, le fonds chaleur est censé atteindre 1,2 milliard d'euros en 2025, puis augmenter de 200 millions d'euros par an, jusqu'en 2029 où il progressera de 300 millions d'euros.

Trajectoire pluriannuelle du fonds chaleur

(en millions d'euros)

2025

2026

2027

2028

2029

2030

1200

1400

1600

1800

2000

2300

Source : commission des finances

Évolution des crédits du fonds chaleur

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Le montant des financements prévus en 2024 reste cependant inférieur à ce qui serait nécessaire pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui nécessiterait au minimum 2 TWh supplémentaires par an générés par le Fonds chaleur, en plus des presque 5 TWh par an actuellement générés. La montée en charge prévue à partir de 2025, c'est-à-dire une augmentation de 200 millions d'euros par an, aurait déjà dû être mise en oeuvre les années antérieures.

4. Le Fonds « économie circulaire » voit ses crédits maintenus en 2024

Le Fonds « économie circulaire » vise à accompagner la politique des pouvoirs publics et à contribuer à l'atteinte des objectifs fixés par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, en réduisant significativement la part des déchets enfouis, en développant la réincorporation des matières recyclées, le recyclage, et en accompagnant la mise en oeuvre par les collectivités d'une tarification incitative. Il vise également à développer la méthanisation, ainsi que le soutien aux projets basés sur l'économie circulaire.

En 2021 et en 2022, le niveau d'engagement du fonds a été abondé par les crédits du plan de relance d'un montant global de 501,4 millions d'euros (221,8 millions d'euros en 2021, et 279,6 millions d'euros en 2022).

Le dispositif de soutien a été adapté au budget alloué et à ce contexte exceptionnel notamment par une augmentation de l'intensité des soutiens aux investissements : par exemple, les taux d'aide maximum sont calés sur les taux maximum permis par le droit européen ou encore, les plafonds d'aide sont supprimés.

L'année dernière, 301 millions d'euros ont été consacrés au fonds « économie circulaire »11(*). Cette somme était en augmentation de 133 millions d'euros par rapport aux financements du fonds en 2022 par le budget incitatif de l'ADEME, mais elle venait surtout compenser la fin du plan de relance. Pour 2024, il est prévu que ces 300 millions d'euros soient reconduits.

Financements du fonds économie circulaire

(en millions d'euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Fonds Économie circulaire

164,0

164,0

163,0

167,0

300

300

Plan de relance, volet économie circulaire

-

16,0

221,8

274

1,0

-

Total

164,0

180,0

384,8

431

301,0

300

Note : les valeurs pour 2022 et 2023 sont prévisionnelles.

Source : commission des finances

Ce fonds ne doit pas être confondu avec le bonus réparation, prévu par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC). Le financement de ce dernier repose entièrement sur les contributions versées par les producteurs aux éco-organismes agréés par l'État, tels qu'Ecosystem ou Refashion, en accord avec le principe de responsabilité élargie du producteur (REP).

De la multiplicité des financements de l'éco-circulaire nait une certaine illisibilité pour le citoyen. Par ailleurs, la décentralisation de cette politique par l'intermédiaire des éco-organismes peut nuire au déploiement des politiques publiques. Ainsi le ministère de la Transition écologique a prononcé vendredi 17 novembre 2023 une astreinte financière à l'encontre de l'éco-organisme Alcome. En effet, ce dernier a refusé de se conforme à la mise en demeure émise en juin 2023 par le DGPR de produire les éléments permettant de soutenir financièrement les collectivités locales pour la mise en place de cendriers de rue.

5. Le Fonds hydrogène voit ses crédits diminuer

À travers le Fonds hydrogène, le budget incitatif de l'ADEME vise à contribuer à l'émergence de la filière et d'encourager le déploiement des usages de l'hydrogène. Le fonds s'inscrit dans la stratégie nationale pour le déploiement de l'hydrogène décarboné, présentée en septembre 2020 à la suite d'une consultation de la filière hydrogène. Cette molécule peut être utilisée pour la production d'énergie, mais également pour le stockage de l'électricité.

Ce fonds est parallèle à France 2030, et peut compléter certains de ses budgets. Ainsi, l'appel à projets « hub territoriaux d'hydrogène » est financé par le budget incitatif de l'ADEME et le plan de relance, tandis que l'appel à projets « écosystèmes territoriaux d'hydrogène » relève du budget France 2030, et bénéficie d'une enveloppe du budget incitatif.

Outre les appels à projets, l'ADEME a également un rôle d'expertise. Aussi l'Agence est-elle en train de mener des études sur l'analyse de cycle de vie de la chaîne hydrogène, ainsi que des modélisations prospectives sur les enjeux sectoriels.

Le plan hydrogène est doté de 20 millions d'euros en 2024, contre 38 millions d'euros dans le dernier budget rectificatif de 2023. Il conviendra d'examiner les effets de cette diminution de crédits sur les projets portés.

III. LE PROGRAMME 380 : DES POLITIQUES NÉCESSAIRES, MAIS UNE PREMIÈRE ANNÉE D'EXÉCUTION DU FONDS VERT EN DEMI-TEINTE

Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » est un programme de la mission Écologie, développement et mobilité durables, depuis la loi de finances initiale pour 2023. La création du programme, qui est le plus souvent appelé « Fonds vert », a été annoncée le 27 août 2022, et il a été placé sous la responsabilité de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature.

Le programme a pour objectif de financer les projets des collectivités territoriales en lien avec la transition écologique, et il est composé des trois actions suivantes.

L'action 01 « Performance environnementale » a vocation à financer la rénovation des bâtiments publics des collectivités territoriales, le soutien au tri à la source et à la valorisation des déchets, et la rénovation des parcs de luminaires d'éclairage publique.

L'action 02 « Adaptation des territoires au changement climatique » vise surtout à financer des politiques de prévention des risques. Elle comprend la lutte contre l'érosion côtière, la prévention des incendies, le renforcement de la protection contre les vents cycloniques, la prévention des inondations et l'appui aux collectivités de montagne soumises à des risques émergents (crues, avalanches, chutes de blocs). Elle doit également financer des politiques de renaturation des villes.

Enfin, l'action 03 « Amélioration du cadre de vie » comprend des politiques de natures diverses. Elle doit permettre l'accompagnement du déploiement de zones à faibles émissions mobilité, de prendre des mesures de reconquête des friches, de favoriser la restructuration des locaux d'activité, et encourager le développer de l'industrie sur les territoires.

Pour 2024, le fonds vert est doté de 2,5 milliards d'euros en AE et 1,125 milliard d'euros en CP, ce qui représente une hausse de 25 % en AE et de 125 % en CP.

Évolution des crédits du programme 380 entre 2023 et 2024

(en millions d'euros)

Programme 380 - Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires

LFI 2023

PLF pour 2024

Évolution PLF 2024/ LFI 2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Performance environnementale

681,7

170,4

1210

489,5

+ 77,5 %

+ 187,3 %

Action 02 - Adaptation des territoires au changement climatique

611,7

152,9

425

199

- 30,5 %

+ 30,2 %

Action 03 - Amélioration du cadre de vie

706,7

176,7

865

436,4

+ 22,4 %

+ 147 %

Total

2000

500

2500

1125

+ 25 %

+ 125 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'arrivée d'AE nouvelles est notable, dans la mesure où le fonds devait originellement se limiter aux 2 milliards d'euros inscrits sur le programme l'année dernière, qui devaient être engagés sur quatre ans. Le programme 380 ne devait donc plus comporter d'AE, ou sinon de manière résiduelle, les années suivantes.

Cette « pérennisation du fonds vert », au moins sur les prochaines années, était en réalité inévitable. Les sommes initialement dévolues à certaines politiques étaient très inférieures aux besoins des collectivités territoriales. 500 millions d'euros sur quatre ans étaient très loin d'être suffisants pour accompagner les collectivités territoriales dans la rénovation de leurs bâtiments publics.

Il est d'ailleurs très regrettable que l'année dernière, dans sa communication autour du fonds vert, le Gouvernement ait entretenu la confusion en évoquant 2 milliards d'euros disponibles « pour 2023 », alors qu'il s'agissait d'autorisations d'engagement et non pas de crédits de paiement. En tout état de cause, les nouveaux chiffrages du fonds vert sont plus crédibles que ceux de l'année dernière.

A. UN PROGRAMME QUI MANQUE DE LISIBILITÉ BUDGÉTAIRE

1. La présence de certaines mesures dans le fonds vert interroge toujours

La maquette du fonds vert a fait l'objet de plusieurs modifications. Le financement de la Stratégie nationale biodiversité, d'un montant de 150 millions d'euros, a été transféré du programme 380 au programme où elle aurait dû être inscrite depuis le départ, c'est-à-dire le programme 113, « Paysages, eau et biodiversité ».

Deux nouvelles mesures ont été inscrites sur l'action 03 du programme 380 :

- la sous-action « Soutien aux autorités organisatrices de la mobilité en milieu rural » est dotée de 30 millions d'euros en AE, et elle vise à « accompagner, à la fois en ingénierie et en investissement, les autorités organisatrices des mobilités rurales et leurs partenaires, dont les associations, dans le déploiement d'une offre de mobilité durable, innovante et solidaire ». Cette mesure est proche de la recommandation n° 5 du rapport des sénateurs Hervé Maurey et Stéphane Sautarel sur le financement des autorités organisatrices de mobilité fait au nom de la commission12(*) ;

- la sous-action « Territoires d'industrie » est dotée de 100 millions d'euros en AE, et elle consiste dans un soutien développement des compétences industrielles, à la revitalisation des friches industrielles, à la formation et la mobilité des salariés, et à l'attractivité des territoires et des métiers industriels.

L'inscription de cette dernière politique dans le fonds vert plutôt que, par exemple, dans la mission Économie, interroge. Les informations transmises au sujet de cette politique sont d'ailleurs contradictoires. Dans certains cas, l'administration affirme que les projets retenus seront des projets « verts », c'est-à-dire qui devront favoriser la transition écologique. Dans d'autres cas, il a été déclaré au rapporteur spécial que l'objet de la politique allait au-delà de la transition écologique, et concerne l'industrialisation des territoires en général.

Le projet annuel de performances tend plutôt vers la seconde option. Il mentionne de manière très générale les « objectifs globaux de transition écologique et de soutien à l'industrialisation des territoires », et indique que « le programme « Territoires d'industries » vise à soutenir des territoires dans leur projet d'industrialisation ou de mutation industrielle » en ne listant ensuite que des objectifs sans lien direct avec la transition écologique, à l'exception de la revitalisation des fiches industrielles.

Cette nouvelle politique apparaît donc comme une nouvelle manière de gonfler artificiellement les financements du fonds vert, comme cela a pu déjà se produire.

Les politiques d'adaptation au changement climatique pourraient par exemple être intégrées au programme 181. Ces politiques, en effet, ont un caractère systémique, et les financements de l'action 02 du fonds vert s'intègrent dans les politiques déjà menées sur le programme « prévention des risques ». Par exemple, en prévention des inondations, 72 % des dossiers acceptées concernent le renforcement des aides apportées par les PAPI.

La politique de valorisation des déchets est également en ligne droite des politiques déjà menées par l'ADEME dans le cadre du fonds « Économie circulaire », et dont les financements sont inscrits sur le programme 181.

La lisibilité budgétaire ne doit pas être négligée. Elle est indispensable pour que les parlementaires puissent évaluer la destination et la progression des crédits chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances. Celle-ci avait déjà souffert avec la mission « Plan de relance », sur laquelle ont été inscrites des mesures qui avaient en réalité vocation à être pérennisées. Le programme 380, qui reprend d'ailleurs un grand nombre de politiques du programme 362 de la mission « Plan de relance », a malheureusement hérité de ce défaut.

Recoupement des politiques menées au sein
du programme 380 et du programme 362

Programme 380

Programme 362

Rénovation thermique des bâtiments publics

Sous-action consacrée à la rénovation des bâtiments publics des collectivités au sein de l'action 01 « Rénovation énergétique » ainsi que l'action 09 « Dotation régionale d'investissement »

Reconquête des friches

« fonds friche » dans la sous-action « Densification et renouvellement urbain » au sein de l'action 02

Appui à la Stratégie nationale biodiversité 2030

Politiques en faveur de la biodiversité dans la sous-action « Biodiversité, prévention des risques et résilience » au sein de l'action 02

Restructuration des locaux d'activité

Fonds de restructuration des locaux d'activité au sein de l'action 02

Recul du trait de côte et renforcement de la protection des bâtiments des collectivités d'outre-mer contre les vents cycloniques

Lutte contre l'érosion du littoral, gestion du trait de côte, et renforcement des bâtiments publics au risque cyclonique au sein de l'action 02

Soutien au tri à la source et valorisation des biodéchets

Sous-action consacrée au développement du tri et à la valorisation des déchets au sein de l'action 04 « Économie circulaire et circuits courts »

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

2. Une absence de répartition prévisionnelle des crédits dans le projet annuel de performances

Tout comme l'année précédente, la répartition prévisionnelle des crédits entre les différentes mesures du Fonds vert n'est pas détaillée dans les documents budgétaires. La justification donnée est à nouveau que le fonds vert est censé s'adapter aux besoins des territoires, et que préciser la répartition des financements aurait pour conséquence de limiter le choix des collectivités territoriales dans les politiques menées.

Cet argument n'est pas recevable. Premièrement, le volume des financements accordés à certaines politiques, comme « territoires d'industrie » ou l'aide aux autorités organisatrices de la mobilité en milieu rural, est précisé dans les documents budgétaires. Il est difficile de comprendre dès lors pourquoi ce n'est pas le cas de l'ensemble des politiques présentées.

Surtout, ce qui est demandé n'est pas une répartition fixe, « en dur », mais une répartition indicative. Que les montants finalement accordés à chaque mesure du fonds vert ne correspondent pas aux prévisions inscrites dans le projet annuel de performances n'est pas un problème en tant que tel, si tant est que les écarts sont bien justifiés par les besoins locaux. Toutefois, pour s'en assurer, il est nécessaire de disposer en amont des prévisions.

Il s'agit d'une simple mesure de bonne gestion budgétaire, et d'un préalable indispensable pour que le Parlement puisse se prononcer en toute connaissance de cause sur les crédits du programme 380. Le fonds vert n'est pas la première politique qui est susceptible de connaître des évolutions importantes lors de l'exécution, mais cela n'a jamais empêché de réaliser des prévisions indicatives.

La preuve que ces prévisions sont réalisables est qu'une clé de répartition avait finalement été présentée l'année dernière, et que d'après l'administration, il est prévu qu'une clé de répartition indicative soit transmise aux préfets pour l'année 2024. D'après les informations transmises au rapporteur spécial, cette ventilation n'est pas encore élaborée à l'heure actuelle.

B. LA SOLLICITATION DU FONDS VERT PAR LES COLLECTIVITÉS PEUT ENCORE ÊTRE SIMPLIFIÉE

L'année dernière, le fonds vert était présenté comme « à la main des collectivités territoriales ». En réalité, les subventions du fonds vert sont accordées par les préfets. L'octroi des financements se fait à l'échelle départementale, sauf pour le fonds friche, la valorisation des déchets et le fonds de renaturation des villes, qui sont déployés à l'échelle régionale.

La gestion du fonds vert est donc assimilable à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL)13(*). À cet égard, il a été porté à la connaissance du rapporteur spécial que des dossiers déposés au titre du fonds vert, pour lesquels il manquait des autorisations d'engagement, ont été basculés sur la DSIL et la DETR. Le phénomène inverse a également été constaté.

Si le fonds vert ressemble aux dotations d'investissements pour les collectivités territoriales, il partage aussi certains de leurs défauts. Notamment, les critères retenus ne sont pas toujours suffisamment clairs pour les élus locaux, et des confusions perdurent entre ce qui relève du facultatif et de l'obligatoire.

Par exemple, la circulaire du 14 décembre 2022 relative au déploiement du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires prévoit que les politiques de rénovation de l'éclairage public sont destinées aux communes de moins de 10 000 habitants. Toutefois, il a été indiqué au rapporteur spécial qu'un quart des dossiers acceptés pour cette mesure concerne en réalité des communes de plus de 10 000 habitants. Il apparaît ainsi que la règle a été appliquée de manière plus ou moins stricte selon les territoires, ce qui peut générer des incompréhensions de la part des élus locaux.

Charles Guené et Claude Raynal, dans leur rapport d'information sur les dotations d'investissement aux collectivités territoriales du 20 juillet 2022, pouvaient écrire qu'« il ressort des déplacements des rapporteurs spéciaux une insuffisante prise en compte des besoins des collectivités en termes d'ingénierie notamment préalablement au dépôt de leurs projets »14(*). Un constat similaire peut être dressé pour le programme 380.

Plusieurs mesures sont concernées par cette difficulté. D'après les auditions menées par le rapporteur spécial, les dossiers pour le fonds friche ne sont souvent pas d'une qualité suffisante pour engager les financements. Contrairement au plan de relance, la politique de rénovation énergétique des bâtiments publics requiert désormais une étude préalable des économies d'énergie prévues. Si cette étude permet de mieux évaluer l'efficacité de cette politique, elle crée des besoins en ingénierie supplémentaires pour les collectivités territoriales. Dans les réponses au questionnaire budgétaire, l'administration reconnaît d'ailleurs cette difficulté : « Au-delà des aspects financiers, les collectivités souhaitant réaliser des investissements de rénovation énergétique de leur parc peuvent se heurter à des difficultés d'accès à l'ingénierie, surtout les plus petites qui n'ont pas de compétences en interne. »

Le risque est que les élus, et les préfets, privilégient les mesures les moins exigeantes au niveau des études préalables, au détriment des politiques plus structurantes. Ce n'est pas le cas de la politique de rénovation énergétique des bâtiments, qui concentre une part importante des dossiers, ce qui s'explique par les besoins très forts des collectivités en la matière. En revanche, la politique de soutien au tri à la source et à la valorisation des biodéchets, de recyclage foncier et de restructuration des locaux d'activité pâtissent de cette complexité. Des projets plus légers sur le plan technique, comme la rénovation de l'éclairage public, bénéficient du report des dossiers.

Il faut néanmoins reconnaître que le fonds vert comprend des mesures d'aide à l'ingénierie. Des prestations d'ingénierie peuvent être financées par le fonds, et des partenariats avec la Banque des territoires sont possibles. L'administration indique également que la montée en puissance du programme « Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique » (ACTEE) devrait permettre de résoudre une partie des difficultés concernant les études thermiques préalables pour la rénovation des bâtiments publics.

Toutefois, d'une manière générale, les difficultés d'ingénierie des petites collectivités territoriales auraient davantage dû être anticipées. C'est une problématique qui est en effet est connue depuis longtemps, à travers les retours d'expérience des dotations d'investissement, comme le montre le rapport précité.

La procédure de dépôt des dossiers pour le fonds vert peut également être mieux articulée avec la DSIL et la DETR. Il a été signalé au rapporteur spécial que les collectivités territoriales devaient déposer trois fois le même dossier pour obtenir des subventions pour des projets similaires. À cet égard, l'administration confirme que : « Le retour d'expérience réalisé à l'automne avec des porteurs de projets et des services instructeurs a permis d'identifier la simplification du processus d'instruction comme une attente majeure de la part des acteurs concernés par le fonds vert. »

La DGALN précise que des simplifications sont en cours d'étude pour l'exercice 2024. En particulier, à l'heure actuelle, les demandes du fonds vert ne passent pas par la plate-forme « démarches simplifiées » pour l'ensemble des régions. Il est prévu que ce soit le cas dès l'année prochaine.

C. LES MESURES DU FONDS VERT ONT FAIT L'OBJET D'UNE DEMANDE IMPORTANTE DES COLLECTIVITÉS, MAIS LA MISE EN oeUVRE DU FONDS A ÉTÉ RETARDÉE DANS PLUSIEURS RÉGIONS

Les chiffres des dépôts de dossiers montrent que les mesures du fonds font, en général, l'objet d'une véritable demande par les collectivités territoriales. C'est le cas en particulier des politiques de rénovation énergétique des bâtiments et de l'éclairage public, de la renaturation des villes et de la Stratégie nationale biodiversité.

Les mesures qui ont fait l'objet de dépôts de dossiers moins élevés (protection contre les vents cycloniques, risques émergents de montagne, recul du trait de côte, etc.) concernent des profils spécifiques de collectivités territoriales.

Le tableau suivant présente les chiffres de l'exécution du fonds vert en 2023 à la date du 31 octobre 2023.

L'exécution du fonds vert en 2023 à la date du 31 octobre 2023

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Au niveau global, l'ensemble des AE devraient être consommées d'ici la fin de l'année, et même, d'après l'administration, les demandes supplémentaires de crédits demandées par les régions dès le début de l'année « reflètent le manque d'autorisations d'engagement, qui ne permet pas d'accompagner un grand nombre de dossiers dans plusieurs régions. »15(*)

La répartition du taux de consommation des AE entre les régions est relativement proche d'une région à l'autre, se situant en général entre 75 % et 85 %. Les départements et régions d'outre-mer ont toutefois souvent des taux supérieurs à 90 %, et l'Île-de-France a le taux de consommation des AE le plus faible, à 69 %.

La consommation en CP est plus faible en revanche. Le projet de loi de finances de fin de gestion a ainsi annulé 50 millions d'euros de crédits de paiement, en raison de décaissements constatés inférieurs aux prévisions.

Selon les régions, les données sont contrastées en ce qui concerne la consommation des CP. Hors outre-mer, le taux d'exécution des CP délégués aux régions atteint un maximum en Bourgogne Franche-Comté (61 %), et il est sinon généralement inférieur à 40 %, avec un certain nombre de régions se situant aux alentours de 35 % d'exécution.

En tout état de cause, la mise en place du fonds vert a manifestement connu des retards sur certains territoires. Il est probable que la consommation des crédits soit meilleure l'année prochaine, au regard du nombre de projets déjà engagés, mais la période de flottement entre la fin des politiques du plan de relance et l'instauration du fonds vert a pu être dommageable pour certaines collectivités territoriales.

1. Le fonds friches

Le programme 380 reprend le fonds friches, qui relevait de l'action 02 « Biodiversité et lutte contre l'artificialisation » du programme 362. Le Président de la République avait annoncé la pérennisation du fonds le 7 septembre 2021.

Le fonds friches a vocation à financer des opérations de recyclage de friches ou de fonciers déjà artificialisés. Le recyclage des friches engendre en effet des surcoûts par rapport aux constructions sur terrain non bâti, notamment en raison des travaux de restructuration lourde et de dépollution nécessaires. Le fonds friches doit permettre de construire de nouveaux logements et locaux d'activité, sans faire progresser l'artificialisation nette. Le Cerema estime ainsi que les friches représentent un stock de 150 000 hectares, dont 41 500 hectares en zone tendue.

Sont considérées comme des friches les terrains nus, déjà artificialisés, et qui ont perdu leur usage ou leur affectation, ainsi que les îlots d'habitat, d'activité ou mixte, bâti et caractérisé par une importante vacance.

Pour éviter les effets d'aubaine, le fonds friches s'adresse aux projets d'aménagements de friches dont les bilans économiques restent déficitaires après prise en compte de toutes les autres subventions publiques, et malgré la recherche de l'optimisation de tous les autres leviers d'équilibre. En outre, il concerne des projets suffisamment matures pour entrer en phase opérationnelle dans les deux ans à venir.

Ce fonds avait été initialement doté de 300 millions d'euros en AE dans la mission « Plan de relance » de la loi de finances initiale pour 2021. Dans le budget pour 2022, le fonds friches a été reconduit avec
350 millions d'euros supplémentaires, et il a bénéficié d'une rallonge de 100 millions d'euros au début de l'année 2022.

Au total, 750 millions d'euros ont été engagés dans le cadre du plan de relance, qui ont vocation à financer 1 382 projets lauréats. Ces sommes doivent permettre de recycler 3 375 hectares de friches pour la fin de l'année 2024.

Bilan du fonds friches en 2021 et 2022

 

Nombres de lauréats

Subventions attribuées (en millions d'euros)

Surface de friches recyclées (en hectares)

2021

AAP régionaux

132

579

2 500

AAP ADEME

999

45,5

1 016

Total

1 118

624,5

2 666

2022

AAP régionaux

245

100

613

AAP ADEME

21

21,5

93

Total

264

121,5

675

Note : le total des surfaces de friches recyclées est retraité des dossiers communs à l'ADEME et aux appels à projets (AAP) régionaux.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le fonds vert a mis en commun le fonds « ADEME » et les fonds régionaux. La procédure d'octroi des subventions a également évolué. Le dépôt des dossiers est ouvert à tous les moments de l'année, et le traitement des dossiers fait désormais « au fil de l'eau », et non plus sur des périodes d'appel à projets. Le fonds vert a également inclus la renaturation totale ou partielle d'une friche, dans la liste des opérations pouvant faire l'objet d'un accompagnement financier, dans les mêmes conditions que les opérations de recyclage foncier.

Au 23 juillet 2023, dans le cadre du fonds vert, on compte :

- une préservation de surface de 809 hectares, ce qui correspond à 81 % de la cible inscrite dans le projet annuel de performances ;

- la construction de 17 802 logements nouveaux, dont 7 435 logements sociaux, à partir des opérations de recyclage fonciers ;

- la transformation de friches en espace naturel, agricole et forestier, d'environ 370 000 m².

Les financements initialement accordés au fonds friches dans le cadre du fonds vert, 616,7 millions d'euros sur quatre ans (soit 154,2 millions d'euros par an), sont inférieurs à ceux du plan de relance. Cette moindre ambition se traduit dans les objectifs de performance : la cible de surface de friches recyclées grâce au fonds est de 1 000 hectares en 2023 et 1 200 hectares les années suivantes, alors que l'objectif était de 3 000 hectares par an dans le plan de relance.

Au 31 octobre, 165 millions d'euros ont été attribués sur une demande de 1,2 milliard d'euros, ce qui correspond à un taux de satisfaction de 14 %. Ce taux est l'un des plus faibles des politiques menées dans le cadre du fonds vert, ce qui illustre le problème évoqué supra de qualité des dossiers.

2. La rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales

La rénovation énergétique des bâtiments collectivités territoriales est de loin de la mesure du fonds vert qui a fait l'objet du plus de dossiers déposés et des financements, au niveau global, les plus élevés.

Au 31 octobre 2023, on compte 2 706 dossiers acceptés pour un total de 5 646 dossiers déposés. 506,1 millions d'euros de subvention ont été accordés pour une demande de 1,9 milliard d'euros, ce qui représente un taux de satisfaction de 27 %. Les sommes attribués ont, en moyenne, permis de financer 22 % du montant total des projets.

Un tiers environ des dossiers visent à rénover des bâtiments scolaires. Pour cette raison, 500 millions d'euros supplémentaires sont fléchés en 2024 en AE pour les bâtiments scolaires. Viennent ensuite les bureaux et les logements qui représentent chacun environ un sixième des dossiers.

Les caractéristiques des rénovations menées, telles qu'elles sont exposées dans les documents budgétaires, sont les suivantes :

- les économies d'énergie atteindraient 48 % ;

- les trois-quarts des projets incluent l'isolation des murs, planchers ou toiture, et plus de 6 projets sur 10 incluent un changement de chauffage.

Les chiffres d'économies d'énergie sont encourageants, mais il faut rappeler qu'ils sont théoriques. Ils sont en effet déterminés à partir de la nature des travaux, et ne prennent pas en compte les éventuelles malfaçons.

Il a d'ores et déjà été acté qu'une partie significative des crédits du fonds vert pour 2024 seront fléchés sur la rénovation du bâti scolaire. Les communes ont été invitées par les préfets à transmettre leurs dossiers dans des délais parfois extrêmement brefs. Interrogée par votre rapporteur sur cette situation qui pénalise les communes les moins dotées en ingénierie ou n'ayant pas inscrits ces travaux dans leur programmation pluriannuelle des investissements, la DGALN a indiqué que les guichets seraient ouverts à plusieurs reprises.

3. La rénovation de l'éclairage public

Les actions éligibles au fonds vert pour la mesure « rénovation de l'éclairage public » doivent répondre aux critères suivants :

- ils doivent comporter une diminution du nombre de points lumineux et une baisse de la puissance installée d'au moins 25 %. Les luminaires installés doivent tendre à un éclairement maximum à la mise en service de 20 lux en agglomération et hors agglomération, et de 15 lux pour les espaces protégés au sens de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2018 ;

- ils doivent intégrer un mécanisme d'extinction en coeur de nuit, ou du moins la mise en place d'appareils permettant de détecter les piétons ou les véhicules en approche ;

- ils doivent avoir recours à des technologies utilisant des énergies renouvelables, ou ayant une durée de vie, calculée à 25° C, supérieure ou égale à 75 000 heures ;

- la température de couleur des luminaires installés ne doit pas dépasser les 2700 K en agglomération et hors agglomération et ne doit pas excéder 2400 K dans les espaces protégés ;

- les parcs de plus de 25 doivent être traités de manière prioritaire.

La rénovation de l'éclairage public fait partie des mesures les plus populaires du fonds vert. Au 31 octobre toujours, 2 134 dossiers ont été acceptés, pour un montant de financement attribué de 146,3 millions d'euros sur 527,3 millions d'euros (soit un taux de satisfaction de 28 %). Les montants relativement faibles au regard du nombre de dossiers déposés peuvent étonner, mais ils s'expliquent par le fait que les dossiers financés sont souvent de faible ampleur.

L'objectif de la mesure était de transformer au moins 10 % du système d'éclairage public pour les communes demandant une subvention au fonds vert. D'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial, le taux effectif de rénovation des luminaires est de 25 %, ce qui est supérieur à cette cible. Toutefois, les objectifs ont été atteints en se concentrant sur les communes de moins de 10 000 habitants16(*).

Il n'était pas absurde de se concentrer sur les petites communes, dans la mesure où cela permet de couvrir rapidement un territoire plus grand, l'objectif étant de rétablir des « trames noires », c'est-à-dire des espaces sans lumière artificielle la nuit, qui sont indispensables pour la préservation de la biodiversité. Il convient néanmoins de réexaminer la pertinence de ce critère pour les exercices suivants du fonds vert.

TROISIÈME PARTIE
SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE
ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 

I. UN SYSTÈME DE COMPENSATION DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE TOUJOURS EXPOSÉ AUX RÉPERCUSSIONS DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

A. DES RECETTES EXCEPTIONNELLES NETTEMENT MOINS ÉLEVÉES QU'ESCOMPTÉ

1. En 2023, une diminution de 25 milliards d'euros des recettes exceptionnelles espérées

Les charges de service public de l'énergie correspondent aux dépenses de l'État qui compensent les obligations de service public assignées aux entreprises du secteur de l'électricité et du gaz par le code de l'énergie. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) est chargée d'évaluer chaque année le montant des charges de service public de l'énergie (CSPE)17(*). À travers cette mission, en pratique, et avant la crise des prix de l'énergie, elle déterminait la grande majorité des crédits du programme 345 « Service public de l'énergie ».

La crise des prix de l'énergie qui s'est déclarée à l'automne 2021 a profondément affecté le fonctionnement habituel de la compensation des CSPE. Du fait de la flambée des prix de l'électricité sur les marchés de gros européens, les mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) sont devenus des dispositifs de prélèvement automatique de revenus exceptionnels liés à cette hausse des prix. Aussi, les compensations habituellement versées par l'État aux opérateurs se sont transformées en recettes publiques exceptionnelles.

La délibération de « réévaluation » des CSPE pour 2023 publiée au début du mois de novembre 2022 par la CRE18(*) anticipait un phénomène d'une ampleur considérable puisque, hors dispositifs de soutien exceptionnels, le régulateur évaluait les CSPE pour 2023 à un montant négatif de 35,7 milliards d'euros.

Toutefois, la baisse plus rapide qu'anticipée des prix de l'énergie en 2023 a conduit à très nettement réviser à la baisse ces recettes exceptionnelles. Aussi, dans sa délibération du 13 juillet 202319(*) modifiée par une délibération datée du 21 septembre dernier20(*), la CRE évalue-t-elle désormais les CSPE à compenser en 2023 à un montant négatif de seulement 10,7 milliards d'euros, soit une diminution de 25 milliards d'euros par rapport à l'estimation réalisée à la fin de l'année 2022.

Évaluation des CSPE à compenser en 2023
hors mesures exceptionnelles de soutien

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023 modifiée

Comme l'illustre le graphique ci-après, s'agissant des seules CSPE dues au titre de l'année 2023, c'est-à-dire à l'exclusion des régularisations portant sur les années antérieures, la CRE a réévalué en juillet dernier le montant de recettes attendues de 16,5 milliards d'euros à seulement 1,5 milliard d'euros, soit une diminution de 15 milliards d'euros.

Évaluation des CSPE au titre de l'année 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023 modifiée

Au cours du premier semestre 2023, en l'absence d'une réévaluation de l'estimation des CSPE effectuée en novembre 2022, les producteurs d'EnR sont restés redevables de sommes calculées sur la base d'hypothèses de prix de gros de l'électricité nettement plus élevées que les prix effectivement constatés en 2023. Plusieurs producteurs ont intenté des recours contre la délibération de la CRE de novembre 2022 ainsi que contre les décisions individuelles de décembre 2022 qui ont fixé par producteur les montants de CSPE à reverser en 2023. Aussi, le ministère de la transition énergétique a-t-il mis en oeuvre, dès le premier semestre 2023 et par anticipation de la délibération de la CRE prévue en juillet, un dispositif ad hoc permettant, au cas par cas, sur la base de conventions, de réviser les échéanciers de versements des producteurs dont la situation financière aurait pu être gravement compromise par cette situation. 38 opérateurs ont bénéficié de cette mesure.

Cette situation n'aura été que transitoire puisqu'en vertu d'une disposition dérogatoire aux règles habituelles définies par le code de l'énergie prévue par l'article 181 de la LFI pour 2023 la réévaluation des CSPE de l'année en cours par la CRE au mois de juillet s'est vue dotée d'un effet immédiat (et non différé à l'année suivante comme le prévoit le mécanisme habituel) sur les échéanciers de versement des producteurs. Aussi, la délibération de la CRE du 13 juillet dernier a-t-elle permis de remettre en cohérence ces échéanciers avec les nouvelles hypothèses de prix de gros de l'électricité.

2. En 2024, des dépenses prévisionnelles de CSPE à hauteur de 0,6 milliard d'euros

D'après la délibération de la CRE en juillet 2023, et hors dispositifs de soutien exceptionnels aux consommateurs d'énergie, le montant global des CSPE à compenser en 2024 redeviendrait légèrement positif, à hauteur de 624 millions d'euros. Il est à noter que dans la mesure où la délibération de juillet 2023 était d'effet immédiat en ce qui concerne ses réévaluations pour l'année en cours et les années antérieures21(*), son évaluation des charges à compenser en 2024 ne prévoit pas de réévaluation au titre des années 2022 et 2023.

Évaluation des CSPE à compenser en 2024 hors mesures exceptionnelles de soutien

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023 modifiée

Au titre du seul exercice 2024, le montant des CSPE estimées hors dispositifs de soutien exceptionnels, devrait s'élever à 0,7 milliard d'euros, un montant dont la décomposition est présentée dans le graphique ci-après.

Évaluation des CSPE au titre de l'année 2024 hors mesures exceptionnelles de soutien

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023 modifiée

Le montant des CSPE relatives au soutien de la production d'EnR en métropole devrait demeurer négatif en 2024 et se traduire par des recettes exceptionnelles à hauteur d'environ 2,7 milliards d'euros. Le soutien à l'injection de biométhane, aux zones non interconnectées (ZNI), à la cogénération ainsi qu'aux effacements devraient se traduire par des dépenses respectives d'environ 900 millions d'euros, 2,2 milliards d'euros, 100 millions d'euros et 60 millions d'euros.

B. LES RECETTES EXCEPTIONNELLES EN PROVENANCE DES PRODUCTEURS D'ÉNERGIE RENOUVELABLE DEVRAIENT FINANCER UNE PART DES MESURES DE SOUTIEN AUX CONSOMMATEURS

Crédits inscrits au programme 345 « Service public de l'énergie »
en 2023 et en 2024 (CP)

(en millions d'euros)

 


2023
(LFI)

2024
(LFI)

Variation 2023-2024

09- Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale

-

-

-

10- Soutien à l'injection de biométhane

34,3

875,5

+ 2 452,5 %

11- Solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain

2 478,1

2 236,4

-9,8 %

12- Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques

376,7

100,5

-73,3 %

13- Soutien aux effacements de consommation

72,0

63,0

- 12,5 %

14- Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité énergétique

43,9

44,9

+ 2,3 %

15- Frais divers

73,3

0,422(*)

-99,5 %

17-Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs

17 921,6

2 154,3

-88,0 %

18-Soutien hydrogène

-

25,0

+ 100,0 %

Total programme

21 000,0

5 500,0

-73,8 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2024

Le périmètre du programme 345 avait été bouleversé en 2023 par la création de la nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » destinée à porter les crédits nécessaires pour compenser les charges de service public de l'énergie (CSPE) assumées par les fournisseurs au titre des mesures dites de « bouclier tarifaire » et autres « amortisseurs ».

Essentiellement en raison de la diminution de 16 milliards d'euros du coût prévisionnel des mesures de soutien aux consommateurs que le Gouvernement entend prolonger en 2024, le montant total des crédits de paiement inscrits sur le programme 345 « Service public de l'énergie » se rétracte de 15,5 milliards d'euros par rapport à la LFI pour 2023 pour passer de 21,0 milliards d'euros à 5,5 milliards d'euros.

En 2024, l'allure du programme 345 demeure fortement empreinte des répercussions de la crise des prix de l'énergie :

- comme en 2023, les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale, qui, avant la crise coûtaient de 5 à 6 milliards d'euros par an à l'État ne font pas l'objet d'une inscription de crédits dans la mesure où le maintien des prix de l'électricité à un niveau élevé devrait encore amener les producteurs à devoir verser des primes négatives en 2024 au titre de ces mécanismes ;

- en revanche, du fait de la forte baisse des prix du gaz, le soutien à l'injection de biométhane, devrait quant à lui redevenir une charge conséquente pour l'État en 2024, 875,5 millions d'euros de crédits étant prévus par le présent PLF contre seulement 34,3 millions d'euros en 2023 ;

- sans que la moindre précision ne vienne étayer la méthode de calcul et les hypothèses qui expliquent le montant inscrit dans le projet annuel de performances, 2,1 milliards d'euros sont prévus par le Gouvernement au titre des dispositifs de soutien aux consommateurs qui pourraient fonctionner en 2024.

1. Des recettes exceptionnelles en provenance des producteurs d'énergies renouvelables fragilisées par une décision du Conseil constitutionnel du 26 octobre 2023
a) Les prix de gros de l'électricité demeurant à des niveaux élevés, aucune dépense n'est inscrite en 2024 au titre des mécanismes de soutien à la production d'énergies renouvelables électriques

Les dépenses de soutien aux énergies renouvelables (EnR) électriques continentales portées par l'action 09 « Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale » du programme 345 consistent, habituellement, à compenser les fournisseurs d'électricité des surcoûts engendrés par les contrats d'obligation d'achat et de complément de rémunération qu'ils sont tenus de conclure avec les producteurs d'énergies renouvelables.

Les dispositifs de soutien public à la production d'EnR ont vocation à donner de la visibilité aux producteurs afin d'assurer la rentabilité de leurs projets et de déclencher la décision d'investir. En période « normale », avant la hausse des prix de l'énergie, les revenus garantis par les contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération étaient inférieurs aux prix de marché et les compensations versées par l'État au titre des charges de service public de l'énergie pour soutenir la production d'EnR en métropole évoluaient chaque année entre 5 et 6 milliards d'euros.

Toutefois, depuis le début de la crise de l'énergie, les prix de l'électricité sur les marchés de gros se sont durablement établis à des niveaux supérieurs aux rémunérations garanties par les dispositifs de soutien public, si bien que celles-ci se sont transformées en rémunérations plafonnées qui, pour les installations concernées par ces mécanismes, se traduisent par un prélèvement mécanique des revenus excédentaires qui auraient été perçus par les producteurs du fait de la flambée des prix de l'électricité.

Dans sa délibération du 13 juillet 2023 modifiée (transcrite sous forme de graphique ci-après), la CRE estime qu'entre 2022 et 2024, la production d'EnR électriques en métropole continentale devrait se traduire par des recettes exceptionnelles cumulées d'environ 9,2 milliards d'euros pour l'État :

- 1,9 milliard d'euros au titre de 2022 ;

- 4,6 milliard d'euros au titre de 2023 ;

- 2,7 milliard d'euros au titre de 2024.

Évolution des charges de service public de l'énergie relatives au soutien à la production d'énergies renouvelables en métropole (action 09) entre 2020 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les délibérations de la CRE

Ces recettes exceptionnelles proviennent majoritairement de la filière éolienne terrestre et dans une moindre mesure de la filière hydraulique ainsi que des bioénergies. En revanche, la filière photovoltaïque devrait continuer à afficher un niveau de CSPE positif, c'est-à-dire des dépenses de l'État en faveur des producteurs, à hauteur de 1,6 milliard d'euros sur la période. Cette situation s'explique par les contrats d'obligation d'achat conclus avant le moratoire de 2010 (voir infra).

Il conviendrait d'ajouter à ce montant le rendement attendu de la contribution sur la rente inframarginale de production d'électricité qui, bien que lui aussi très en-deçà des estimations réalisées à la fin de l'année 2022 dans le cadre de l'examen du PLF pour 2023 (12,3 milliards d'euros), pourrait s'élever au total à 4,3 milliards d'euros. Dans sa délibération du 13 juillet dernier, la CRE recommandait de prolonger la durée d'application de la contribution sur la rente inframarginale de production d'électricité notamment pour prélever une part des profits qui seront générés par les exploitations qui ont résilié par anticipation leurs contrats d'obligation d'achat. Issu d'un amendement déposé par M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, l'article 8 bis du présent PLF prévoit la prorogation de cette contribution en 2024 tout en prévoyant de relever de 10 % à 50 % l'abattement appliqué aux revenus de marchés qui dépassent le seuil forfaitaire déterminé par la loi.

La CRE met en perspective ces recettes exceptionnelles aux 43 milliards d'euros de subventions versées par l'État aux producteurs, dans le cadre de ces mêmes mécanismes de soutien, entre 2003 et 2021.

Compensations de charges de service public de l'énergie versées par l'État aux producteurs entre 2003 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023

Comme c'était déjà le cas en 2023, et du fait du maintien des prix de gros de l'électricité à un niveau élevé en comparaison de la tendance historique, au titre de la gestion budgétaire 2024, aucun crédit n'est inscrit à l'action 09 du programme 345 et les recettes attendues par l'État au titre des mécanismes de soutien public à la production d'énergies renouvelables en métropole continentale estimées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à 2,7 milliards d'euros en 2024 sont détaillées dans le graphique ci-après.

Répartition des charges de service public de l'énergie prévisionnelles, relatives aux dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023 modifiée

État des lieux du solaire photovoltaïque et de l'éolien

Au 31 décembre 2022, la puissance du parc solaire photovoltaïque atteint 16,3 GW. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe un objectif de 20,1 GW en 2023 et une fourchette comprise entre 35,1 et 44 GW en 2028.

En ce qui concerne l'éolien terrestre, le parc français atteint une puissance de 20,4 GW au 31 décembre 2022, dont 1,5 GW raccordé au cours de l'année 2022. La PPE fixe un objectif de 24,1 GW en 2023 et une fourchette de 33,2 à 34,7 GW en 2028. Ces objectifs correspondraient à un parc de 14 200 à 15 500 éoliennes (contre environ 8 000 fin 2018).

En 2023, la PPE prévoit l'ouverture d'appels d'offres à hauteur de 1 850 MW. Un volume additionnel de 800 MW de nouveaux contrats par arrêté tarifaire est également attendu.

La PPE prévoyait le développement de parcs éoliens en mer, avec le lancement de six appels d'offres entre 2019 et 2023 pour une puissance installée de 3,8 à 4,4 GW puis l'attribution d'au moins 1 GW par an entre 2024 et 2028. Depuis 2020, 5 procédures de mises en concurrence représentant 4,3 GW ont été lancées. Un premier projet de 1 GW a été attribué en mars 2023.

Le parc éolien en mer posé, situé à Saint-Nazaire, d'une puissance de 480 MW est intégralement mis en service depuis la fin de l'année 2022. D'ici à début 2024, les parcs éoliens en mer de Saint-Brieuc et Fécamp (496 MW chacun) devraient être intégralement en service (les premières éoliennes ont été installées à l'été 2023). Les mises en service des parcs de Courseulles-sur-Mer, Dieppe-le Tréport et Yeu-Noirmoutier (1,4 GW au total) sont attendues en 2025 et celles des trois parcs pilotes flottants, totalisant une puissance de 85 MW, sont prévues entre 2023 et 2025.

La filière éolienne en mer devrait donc produire plus de 2 TWh en 2023, en nette augmentation par rapport à la production en 2022 de 0,6 TWh.

Source : projet annuel de performances pour 2024

b) Le fiasco de la révision des tarifs d'achat de contrats de soutien à la production d'électricité photovoltaïque pré-moratoire

Prévu par l'article 225 de la loi de finances initiale pour 2021, un mécanisme révisait à la baisse les tarifs d'achat de contrats de soutien à la production d'électricité photovoltaïque signés entre 2006 et 2011. Les textes règlementaires prévus (un décret et un arrêté) avaient été tardivement publiés le 27 octobre 2021. Les tarifs révisés avaient ensuite été notifiés aux installations concernées en fin d'année 2021.

Alors que la disposition législative avait été rejetée par le Sénat sur proposition de la commission des finances, le rapporteur spécial avait réitéré ses sérieux doutes quant à cette mesure dans son rapport du 29 septembre 2021 intitulé « Lumière sur la révision des contrats photovoltaïques »23(*). Elle avait en particulier alerté sur les risques contentieux liés à ce dispositif.

Après l'annulation de l'arrêté pris en application de la disposition législative par le Conseil d'État dans une décision rendue le 27 janvier 2023, le Gouvernement a finalement décidé d'arrêter les frais et de renoncer purement et simplement à appliquer le dispositif prévu par l'article 225 de la LFI pour 2021.

Si cette décision apparaît comme la conséquence implacable des nombreuses réserves que le rapporteur spécial avait formulé à l'occasion de l'examen de la disposition puis de son rapport d'information précité, elle n'en constitue pas moins un cruel aveu d'échec et un immense gâchis pour une mesure qui, au lieu de rapporter 4 milliards d'euros comme l'avait laissé miroiter le Gouvernement, ne se sera traduite que par des dépenses en pure perte. Ce fiasco, aussi peu reluisant que révélateur, est tout sauf de nature à redorer le bilan de la politique énergétique conduite ces dernières années.

c) La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 38 de la première loi de finances rectificative pour 2022 par la décision du 26 octobre 2023 du Conseil constitutionnel pourrait compromettre plusieurs milliards d'euros de recettes attendues par l'État

Parce que les cahiers des charges de certains anciens contrats de complément de rémunération prévoyaient des dispositifs de plafonnement des sommes reversées à l'État en cas de prix de marché supérieurs aux niveaux de rémunération de référence déterminés dans les contrats, l'article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative (LFR) pour 2022 avait prévu une remise en cause partielle de ces mécanismes de plafonnement.

D'après la CRE, cette mesure « représente une part considérable »24(*), de l'ordre de 30 à 50 % des recettes exceptionnelles qui doivent être perçues par l'État entre 2022 et 2024. Toutefois, dans sa délibération du 13 juillet, en raison de la parution tardive des mesures règlementaires d'application de l'article 38 de la LFR du 16 août 202225(*), elle s'inquiétait des capacités d'EDF obligation d'achat (EDF OA), qui n'a pu s'organiser sur le plan opérationnel qu'au début de l'année 2023, à recouvrer rétroactivement les 1,7 milliard d'euros dus au titre de l'année 2022. Le 28 juin 2023, seuls 55 % de la somme totale avaient été effectivement recouvrés.

Cependant, les 3 à 4,5 milliards d'euros de recettes qui étaient attendues au titre de ce mécanisme, d'après les estimations réalisées par la CRE, sont désormais en suspens. En effet, après l'épisode de la révision des tarifs des contrats photovoltaïques (voir supra), l'État doit faire face à un nouveau revers juridique d'ampleur en matière de remise en cause a posteriori de contrats de soutiens conclus avec des producteurs d'énergie renouvelable.

Cette fois c'est une décision du Conseil constitutionnel du 26 octobre 202326(*) qui a déclaré inconstitutionnel l'article 38 de la première LFR pour 2022 au motif que le renvoi à un arrêté pour déterminer le seuil au-delà duquel les revenus des producteurs n'étaient plus captés par l'État relevait d'une incompétence négative du pouvoir législatif. L'analyse de cette décision ainsi que la solution proposée par le Gouvernement pour répondre à cette déclaration d'inconstitutionnalité sont présentées de façon détaillée infra dans le commentaire de l'article 52 sexies.

2. Les crédits budgétaires dédiés à soutenir l'injection de biométhane progressent de façon significative

En matière de gaz naturel, le biométhane constitue la principale source d'énergie renouvelable, raison pour laquelle l'État soutient financièrement son injection dans les réseaux de transport et de distribution de gaz naturel27(*).

Évolution du coût budgétaire des soutiens
à l'injection du biométhane (2018-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023 modifiée

Les crédits consacrés au soutien public à cette filière avaient considérablement augmenté depuis 2018, faisant craindre un emballement comparable à la situation observée à la fin de la première décennie des années 2000 concernant les contrats d'obligation d'achat d'électricité d'origine photovoltaïque. Dès 2018, la CRE avait alerté l'État sur les niveaux excessifs de rentabilité de la filière mais ce n'est qu'à la fin de l'année 2020 que celui-ci est intervenu. L'arrêté du 23 novembre 2020 a ainsi révisé le dispositif de soutien au biométhane afin de tenir compte de la maturité atteinte par la filière et de l'évolution des coûts de production. Ce décret réduit le tarif d'achat, prévoit sa dégressivité trimestrielle et renforce les conditions d'accès aux contrats. Ces évolutions doivent limiter la rémunération moyenne des capitaux investis à environ 7 %.

Toutefois, pour tenir compte de l'inflation des coûts de construction pour les nouvelles installations, le tarif d'achat de biométhane a été revalorisé par l'arrêté du 20 septembre 2022. Avec une indexation sur l'inflation observée au moment de la signature du contrat d'achat, cet arrêté doit permettre de préserver l'équilibre économique des nouveaux projets d'installations.

Parallèlement, un dispositif de soutien de type obligation d'achat mais accordé par appel d'offres, destiné à soutenir les projets de toute taille, a été mis en place en 2022. Le premier appel d'offres a été lancé à la fin du mois d'avril 2022 pour la contractualisation d'une capacité de production cumulée de 500 GWh par an.

État des lieux de l'injection de biométhane

Au 31 mars 2023, 551 installations produisent du biométhane valorisé par injection dans les réseaux de gaz naturel pour une capacité de production cumulée de 9,9 TWh PCS /an.

La PPE fixe une fourchette comprise entre 14 et 22 TWh PCS/an en 2028.

À la fin du premier trimestre, 844 projets se trouvaient encore en file d'attente pour une puissance de 15,4 TWh PCS/an.

Source : projet annuel de performances pour 2024

Évalué par la CRE dans sa délibération modifiée du 13 juillet dernier, le niveau des charges liées au soutien à l'injection de biométhane en 2024 pourrait atteindre 875,8 millions d'euros.

3. Le coût de la péréquation tarifaire en faveur des consommateurs des zones non interconnectées (ZNI) devrait diminuer de 9 %

Les coûts de production d'électricité en Corse ainsi que dans les départements, régions et territoires d'outre-mer sont sensiblement supérieurs à ceux de la métropole continentale. Aussi, au nom de la solidarité nationale, les consommateurs de ces zones non interconnectées (ZNI) bénéficient d'une péréquation tarifaire : les surcoûts des opérateurs historiques des ZNI - EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI), Électricité de Mayotte (EDM) et Eau et Électricité de Wallis-et-Futuna (EEWF) - font l'objet d'une compensation par l'État.

En 2024, cette péréquation tarifaire, retracée par l'action 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain » du programme 345, devrait s'élever à 2 236 millions d'euros28(*), en diminution de 9 % par rapport à la révision des estimations au titre de 2023 réalisée par la CRE en juillet dernier.

Évolution du coût budgétaire de la péréquation tarifaire en faveur des consommateurs des ZNI (2017-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023

La diminution des charges prévisionnelles pour 2024 au titre des ZNI s'explique essentiellement par une augmentation des recettes liées aux hausses de tarifs réglementés de vente supérieure à la hausse attendue des coûts de production.

Sur l'enveloppe de 2 236 millions d'euros prévue par l'action 11 « Soutien dans les ZNI », 1 054 millions d'euros sont consacrés au soutien à la transition énergétique.

Les 1 182 millions d'euros restants représentent la part dévolue à la production non renouvelable de la péréquation tarifaire :

- les surcoûts de production d'électricité supportés par l'opérateur historique pour l'électricité produite par les installations qu'il exploite et qui fonctionnent à partir d'énergies fossiles ;

- les surcoûts d'achat d'électricité produite à partir d'énergies fossiles supportés par l'opérateur historique.

4. Le soutien à la cogénération se résorbe progressivement

La cogénération correspond à la production combinée de chaleur et d'électricité par des installations fonctionnant au gaz naturel29(*). Pour la soutenir, l'État obligeait EDF et les entreprises locales de distribution d'électricité (ELD) à conclure des contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération avec les installations de cogénération à haute performance énergétique de moins de 12 MW. En contrepartie, il compense aux distributeurs d'électricité l'intégralité des surcoûts générés par ces mécanismes de soutien.

Conformément à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), le dispositif de soutien à la cogénération a été abrogé à compter du 23 février 2021 en application d'un décret du 21 août 2020. Depuis cette date, les installations de cogénération à partir de gaz naturel ne sont plus éligibles à un soutien et aucune nouvelle demande de contrat ne peut donc être acceptée. Dans la mesure où les producteurs disposent d'un délai de deux ans pour mettre en service leur installation, plus aucune nouvelle centrale ne sera soutenue à compter du début de l'année 2023. Les contrats en cours ne sont pas impactés par cette abrogation.

La capacité installée en cogénération poursuit sa diminution. Elle devrait s'élever à 1,8 GW en 2024 alors qu'elle atteignait 2,7 GW en 2020. Les installations de cogénération devraient produire 4,9 TWh en 2024, un niveau également en baisse régulière.

Évolution de la puissance installée et de la production soutenues en cogénération (2022-2024)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023

Pour 2024, dans sa délibération modifiée du 13 juillet 2023, la CRE évalue les charges relatives au soutien à la cogénération à 107,8 millions d'euros. Le projet annuel de performances du présent PLF a inscrit 100,5 millions d'euros à l'action 12 « Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques ».

5. L'amorce d'un soutien à la production d'hydrogène décarboné

En 2024, pour la première fois, l'action 18 « Soutien hydrogène », créée en 2023, est dotée d'une enveloppe de crédits dédiée : 680 millions d'euros en AE et 25 millions d'euros en CP.

Ces montants doivent permettre la mise en oeuvre à compter de 2024 d'un dispositif de soutien à la production d'hydrogène décarboné par lequel la puissance publique compense au producteur, sur une période de 10 à 15 ans, la charge liée à la différence de coût de production entre de l'hydrogène décarboné et de l'hydrogène produit à partir de combustibles fossiles.

De premiers appels d'offres sont prévus en 2023 avec un objectif de déploiement à horizon 2029 d'une production d'hydrogène décarboné soutenue pour une puissance de 1 GW d'électrolyse. Il est prévu que la montée en puissance du dispositif se réalise en trois étapes. Un premier objectif de 150MW en 2024, une deuxième phase de 250MW en 2025 puis 600MW dès 2026 avant de parvenir à l'objectif d'1 GW en 2029.

C. EN 2024 LES MESURES DE SOUTIEN AUX CONSOMMATEURS D'ÉNERGIE SERONT NETTEMENT MOINS COÛTEUSES QU'EN 2023

1. Pour 2022 et 2023, sans compter la diminution de 18 milliards d'euros des recettes de fiscalité sur l'électricité, un coût de 34 milliards d'euros pour les finances publiques

Pour accompagner les consommateurs finals de gaz et d'électricité face à la crise des prix de l'énergie qui s'est déclenchée il y a de cela un peu plus de deux ans, différentes mesures de soutien ont été mises en oeuvre depuis la fin de l'année 2021. Les pertes de recettes subies par les fournisseurs en raison de ces mesures ont fait l'objet de compensations au titre du mécanisme des charges de service public de l'énergie (CSPE) financées par des crédits inscrits à l'action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » du programme 345.

Les tarifs réglementés de vente de gaz (TRVg) ont d'abord été gelés par voie règlementaire en octobre 2021 jusqu'à la fin de l'année 2022. Au premier semestre 2023, ce « bouclier tarifaire » sur les prix du gaz s'est traduit par une limitation de la hausse des TRVg à 15 %. Au 30 juin 2023, le Gouvernement a décidé de mettre un terme à ce dispositif en raison de la baisse des prix. D'après les estimations les plus récentes, le coût total de ce « bouclier tarifaire individuel » sur les prix du gaz se serait élevé à 4,8 milliards d'euros entre 2021 et 2023.

En parallèle de ce bouclier tarifaire « individuel », un dispositif destiné aux ménages vivant dans des logements chauffés collectivement au gaz a été instauré par voie règlementaire à compter du mois d'avril 2022 puis prorogé à plusieurs reprises jusqu'à la fin de l'année 2023. Son coût global prévisionnel pour les années 2022 et 2023 est estimé à 2,8 milliards d'euros.

En 2022 puis en 2023, un dispositif dit de « bouclier tarifaire » sur les prix de l'électricité a également été instauré pour limiter les effets de la hausse des prix de marché sur les factures des petits consommateurs éligibles aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe). Ce dispositif a permis de contenir les hausses moyennes des factures d'électricité des consommateurs éligibles aux TRVe à 4 % en 2022 puis, en 2023, à 15 % en février auxquels se sont ajoutés 10 % supplémentaires au mois d'août. Le coût pour les finances publiques de ce dispositif entre 2022 et 2023 est aujourd'hui estimé à 22,7 milliards d'euros.

Au coût de ce « bouclier tarifaire » sur les prix de l'électricité peut être ajouté celui qui résulte de la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité (l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ou « TICFE ») à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne. Cette minoration a été mise en oeuvre en 2022 puis en 2023 pour une baisse de recettes publiques cumulée estimée à 18 milliards d'euros. En outre, en 2022, le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité a également été financé, à hauteur d'environ 8 milliards d'euros par le relèvement de 20 TWh du volume d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Une charge qui a reposé entièrement sur l'entreprise Électricité de France (EDF) dont l'actionnariat est devenu 100 % public en juillet 2023.

Comme pour les prix du gaz mais avec retard, un dispositif spécifique appliqué ex post aux consommations électriques dans l'habitat collectif a été mis en oeuvre à compter de la fin de l'année 202230(*) et jusqu'à la fin de l'année 2023. Le coût de ce dispositif est évalué à 780 millions d'euros pour la période 2022-2023.

Enfin, en 2023, des mécanismes dits « d'amortisseurs » ont été créés pour soutenir les entités non éligibles au « bouclier tarifaire » sur les prix de l'électricité. Au mécanisme de droit commun s'est ajouté au début de l'année 2023 un dispositif renforcé qualifié de « sur-amortisseur » ciblé sur les très petites entreprises (TPE) non éligibles aux TRVe. Les compensations versées par l'État aux fournisseurs au titre de ces mécanismes d'amortisseurs devraient atteindre 2,7 milliards d'euros au titre de l'année 2023.

Coût pour les finances publiques des mesures de soutien aux consommateurs finals d'électricité et de gaz mises en oeuvre dans le cadre de la crise des prix de l'énergie (2021-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Au titre de l'année 2024, les dispositifs de soutien annoncés pourraient coûter 2,7 milliards d'euros31(*)

Pour 2024, le Gouvernement entend reconduire le dispositif de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité. Cette reconduction est prévue par l'article 52 du présent PLF (voir infra le commentaire de l'article). Si l'article en question ne prévoit pas de cible de plafonnement des TRVe comme c'était le cas en 2022 (+ 4 %) et en 2023 (+ 15 %), l'administration a précisé au rapporteur que les hypothèses sous-jacentes ayant permis d'évaluer les crédits inscrits de l'action 17 se fondent entre autres sur un bouclier tarifaire qui plafonnerait l'augmentation des TRVe à 5 % en 2024 tandis que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique s'est engagé à ce que ces tarifs ne progressent pas de plus de 10 %. Au regard des dernières estimations relatives à l'évolution des prix de l'électricité, le Gouvernement considère que le coût de la prorogation du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité en 2024 pourrait s'élever à 1,9 milliard d'euros.

Le Gouvernement a également annoncé qu'il comptait proposer pour 2024 la mise en oeuvre d'un dispositif d'amortisseur ciblé sur les entités non éligibles au bouclier tarifaire qui ont signé des contrats pluriannuels au moment du pic des prix de l'électricité observé au cours du second semestre 2022. Le Gouvernement évalue le coût prévisionnel de ce nouvel amortisseur à 770 millions d'euros pour l'année 2024. Ce dispositif ne figurait pas dans le PLF déposé à l'Assemblée nationale. Il a été intégré par amendement à l'article 52 (voir infra le commentaire de l'article) mais, compte-tenu des renvois prévus à des textes règlementaires d'application, il reste encore à ce jour un « objet non identifié ».

Enfin, le Gouvernement a aussi annoncé la prorogation en 2024 d'une mesure destinée aux structures d'habitat collectif chauffées au gaz qui ont, elles-aussi, conclu des contrats pluriannuels au cours du second semestre de l'année 2022. Ce dispositif est à ce jour évalué à 300 millions d'euros.

Le coût total prévisionnel brut des dispositifs prévus pour l'année 2024 est ainsi estimé à 2,7 milliards d'euros. Cette évaluation reste cependant extrêmement dépendante de l'évolution des prix de gros de l'électricité.

L'administration prévoit également qu'en 2024, 1 milliard d'euros résultant des compensations pour CSPE dues au titre des mécanismes en vigueur en 2023 devra encore être versé aux fournisseurs, si bien que les dépenses brutes prévisionnelles 2024 sur l'action 17 s'élèveraient à un total d'environ 3,6 milliards d'euros.

À travers le mécanisme budgétaire relatif aux charges de service public de l'énergie (CSPE), les recettes exceptionnelles dues par les producteurs d'énergie renouvelable, sous la forme de primes négatives, en raison de l'augmentation des prix de l'électricité sur le marché de gros (voir supra) viennent couvrir les compensations dues par l'État aux fournisseurs au titre des mesures prises pour soutenir les consommateurs d'énergie.

Ainsi, budgétairement, le Gouvernement peut-il présenter, au sein de l'action 17 du programme 345, un coût net des dispositifs de soutien. Comme présenté supra, la CRE a évalué en juillet dernier ces recettes exceptionnelles à 2,7 milliards d'euros en 2024. Cependant, arguant de la baisse des prix de gros de l'électricité intervenue depuis la délibération du régulateur en juillet, le Gouvernement a considéré que cette évaluation devait être minorée de près de 0,9 milliard d'euros.

La conjugaison de ces différents éléments explique que les crédits inscrits en 2024 à l'action 17 du projet annuel de performances du programme 345 s'élèvent à 2,2 milliards d'euros, un montant qui correspond au coût net estimatif pour les finances publiques des compensations à verser en 2024 au titre des mesures de soutien aux consommateurs finals d'énergie.

Détermination des montants inscrits en crédits à l'action 17 du programme 345

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le graphique ci-après synthétise les différentes catégories de CSPE constatées (jusqu'en 2022) ou prévisionnelles (2023 et 2024) au titre des années 2020 à 2024. Il illustre notamment le fait que depuis 2022, les CSPE négatives des producteurs d'énergie renouvelable de métropole (action 09) contribuent à financer les CSPE qui résultent des mesures de soutien aux consommateurs.

Charges de service public de l'énergie retracées sur le programme 345 (2020-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

II. EN COMPLÉMENT DES MÉCANISMES DE SOUTIEN FINANCES PAR LES CSPE, LE PROGRAMME 174 FINANCE DIFFÉRENTS DISPOSITIFS D'AIDE FACE À LA HAUSSE DES COÛTS DE L'ÉNERGIE ET EN FAVEUR DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Le coeur du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » est constitué par les aides versées aux ménages pour les accompagner dans la transition énergétique :

- le chèque énergie ;

- la prime à la transition énergétique « MaPrimeRenov » ;

- les aides à l'acquisition de véhicules propres.

Les autres dépenses du programme concernent notamment :

- l'accompagnement de l'après-mines, centré sur la gestion des garanties sociales et la reconversion économique des bassins miniers ;

- les activités permettant la promotion de la lutte contre l'effet de serre et le changement climatique ainsi que l'amélioration de la qualité de l'air.

Les crédits proposés en 2024 sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » s'élevaient, dans la version initiale du projet de loi de finances, à 5,6 milliards d'euros en AE et 4,9 milliards d'euros en CP. En comparaison des montants votés en LFI pour 2023, ces crédits apparaissaient en diminution de 3 % en AE et de 12 % en CP. Cette baisse s'expliquait par l'enveloppe de 700 millions d'euros32(*) prévue par le LFI pour 2023 dans l'objectif de financer l'aide de 100 euros ciblée sur les travailleurs modestes qui utilisent leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail. Malgré l'annonce faite par le Gouvernement d'une reconduction de l'aide en 2024, et alors que le dispositif n'aurait coûté que 430 millions d'euros aux finances publiques en 2023 aucune nouvelle enveloppe de crédits n'avait été inscrite à cette fin dans le PLF initial.

Le Gouvernement a déposé en première lecture à l'Assemblée nationale un amendement visant à ouvrir 435 millions d'euros à ce titre en 2024. Il a également retenu deux amendements identiques visant à étendre, pour 160 millions d'euros supplémentaires, l'indemnité jusqu'au sixième décile.

En plus des amendements visant à financer la prorogation et l'extension de l'indemnité carburant en 2024, le Gouvernement a également intégré au texte sur lequel il a engagé sa responsabilité un amendement qu'il a déposé pour minorer de 400 millions d'euros les autorisations d'engagement et de 40 millions d'euros les crédits de paiement relatifs au dispositif MaPrimRénov pour les transférer sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires ».

Ainsi, en tenant compte des amendements retenus par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en première lecture à l'Assemblée nationale, les crédits proposés en 2024 pour le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » s'élèvent désormais à 5,8 milliards d'euros en AE et 5,4 milliards d'euros en CP, soit respectivement une hausse de 0,6 % et une baisse de 2 % par rapport à la LFI pour 2023.

Crédits prévus au titre du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » en 2024 (CP)

(en millions d'euros)

 

2023

(LFI)

2024

(PLF initial)

2024

(PLF issu de la première lecture à l'Assemblée nationale)

Variation

LFI 2023-PLF 2024 issu de la première lecture à l'Assemblée nationale

01- Politique de l'énergie

141,4

192,7

192,7

+ 36,3 %

02- Accompagnement transition énergétique

3795,5

2860,2

3415,2

- 10,0 %

03- Aides à l'acquisition de véhicules propres

1296,6

1500,0

1501,0

+ 15,7 %

04- Gestion économique et sociale de l'après-mines

270,3

270,2

270,2

- 0,1 %

05- Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l'air

58,7

63,7

63,7

+ 8,5 %

06- Soutien

1,4

1,4

1,4

-

Total programme

5563,8

4888,2

5444,2

-2,1 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

A. POUR QUE LA FIN DU « QUOI QU'IL EN COÛTE » NE SOIT PAS QU'UN SIMPLE EFFET D'ANNONCE, IL EST NÉCESSAIRE DE PROPOSER UNE AIDE CIBLÉE PLUS EFFICACE ET PLUS ÉCONOME DES DENIERS PUBLICS EN LIEU ET PLACE DE LA BAISSE DE FISCALITÉ SUR L'ÉLECTRICITÉ INDISCRIMINÉE PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT

1. Le chèque énergie doit faire l'objet d'une réforme structurelle
a) Le dispositif du chèque énergie

Le chèque énergie est un titre spécial de paiement conçu pour aider les ménages les plus modestes à payer leurs factures d'énergie. Il a été instauré par l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte33(*) pour remplacer les tarifs sociaux de l'énergie. Après une phase d'expérimentation il a été généralisé en 2018. Il permet aux ménages bénéficiaires de régler leur facture d'énergie, quel que soit leur moyen de chauffage.

L'aide moyenne est d'environ 150 euros. Son montant, calculé en fonction du revenu fiscal de référence et de la situation familiale (évaluée en fonction du nombre d'unités de consommation34(*)) varie de 48 à 277 euros.

Barème du chèque énergie 2023

 

RFR/UC<5 700€

5 700€<RFR/UC<6 800€

6 800€<RFR/UC<7 850€

7 850€<RFR/UC<11 000€

1 UC

194 €

146 €

98 €

48 €

1 <UC<2

240 €

176 €

113 €

63 €

2 UC ou + 

277 €

202 €

126 €

76 €

Source : réponses de la DGEC au questionnaire budgétaire

La distribution par montants du nombre de chèques émis au titre de la compagne 2023 est présentée dans le graphique ci-après.

Distribution par montants des chèques énergie émis au titre de la campagne 2023

(en nombre de chèques)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGEC au questionnaire budgétaire

Les chèques attribués à des ménages au revenu fiscal de référence inférieur à 5 700 euros par unité de consommation représentent 2,6 millions de chèques émis, soit 46 % du total. Les chèques de 194 euros attribués aux personnes seules avec un revenu fiscal de référence inférieur à 5 700 euros représentent à eux seuls 24 % des chèques émis. Les ménages dont le revenu fiscal de référence par unité de consommation se situe entre 7 850 euros et 11 000 euros représentent quant à eux 2 millions de chèques émis soit 36 % de l'ensemble.

Au titre de la campagne 2023, environ 5,6 millions de ménages bénéficient du dispositif de chèque énergie dans sa version classique contre 5,8 millions d'euros en 2022. Le montant des chèques émis pour les campagnes 2022 (hors chèque exceptionnel) et 2023 s'est élevé respectivement à 863 millions d'euros et 834 millions d'euros.

Pour 2024, 827 millions d'euros d'AE et 679 millions d'euros de CP sont prévus au titre du dispositif, soit une diminution significative des crédits par rapport aux montants prévus en LFI pour 2023 : de 72 millions d'euros en AE (- 8,0 %) et de 116 millions d'euros en CP (- 14,6 %).

b) Un dispositif fortement mobilisé pour répondre à la crise des prix de l'énergie

Dans le cadre de la crise des prix de l'énergie, les pouvoirs publics ont recouru au chèque énergie pour mettre en oeuvre des aides destinées aux ménages modestes, sous forme de chèques exceptionnels, ou visant spécifiquement certaines catégories de combustibles de chauffage.

Un premier chèque énergie exceptionnel de 100 euros avait été distribué à tous les bénéficiaires du chèque énergie (5,8 millions de ménages) à la fin de l'année 2021 pour 600 millions d'euros. Un deuxième chèque énergie exceptionnel, cette fois étendu jusqu'au quatrième décile de revenus (12 millions de ménages) a été prévu par la seconde LFR pour 2022 pour 1,8 milliard d'euros35(*).

Par ailleurs, la première et la seconde LFR pour 2022 ont également ouvert des crédits budgétaires, à hauteur de 230 millions d'euros pour chaque dispositif, afin d'instaurer des aides destinées à accompagner les ménages qui se chauffent au fioul domestique36(*) d'une part et au bois37(*) d'autre part.

Cumul des crédits ouverts au titre des chèques mis en oeuvre
dans le cadre de la crise des prix de l'énergie (2021-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

c) Le taux de recours au chèque énergie

Pour la campagne 2023, il a été fait l'hypothèse d'un taux d'usage global de 87 % se répartissant en 77 % consommés en 2023 et 10 % en 2024 et sur la campagne 2024 une hypothèse d'un taux d'usage global de 88 % se répartissant là aussi en 78 % consommés en 2024 et 10 % en 2025.

La progression régulière du taux d'usage du chèque énergie s'est poursuivie en 2022. Il reste cependant, comme chaque année (voir graphique ci-après), nettement inférieur à la prévision (87,5 %).

Taux d'usage du chèque énergie : comparaison entre les objectifs et la réalisation (2018-2022)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Au regard de l'expérience des années passées, le rapporteur spécial considère que des prévisions plus réalistes devraient être réalisées en la matière et que l'affichage d'objectifs qui ne sont jamais atteints ne relève pas d'un usage satisfaisant du dispositif de performance du programme 174.

Concernant les dispositifs de chèques exceptionnels mis en oeuvre dans la cadre de la crise des prix de l'énergie, le chèque énergie exceptionnel 2021 affiche un taux d'usage de 81 % (soit 4,7 millions de chèques pour un montant de 473,8 millions d'euros) tandis que son alter-ego pour 2022, qui peut être utilisé jusqu'au 31 mars 2024, atteint à ce jour un taux provisoire de 76,2 % (soit 9,1 millions de chèques pour un montant de 1 375,1 millions d'euros).

Les prévisions d'exécution de crédits des dispositifs en faveur des ménages qui se chauffent au fioul domestique et au bois sont nettement plus basses puisqu'elles s'établissent désormais globalement à moins de 25 %, soit seulement 110 millions d'euros qui devraient être consommés sur les deux dispositifs, pour un total de 460 millions d'euros qui avaient été ouverts en lois de finances.

Pour le chèque destiné aux foyers qui se chauffent au fioul domestique, à la fin du mois de septembre 2023, 306 389 chèques fioul ont été émis pour un montant de l'ordre de 48 millions d'euros. Seulement 38,9 millions d'euros ont été effectivement consommés à ce stade sur ce dispositif.

En ce qui concerne le chèque en faveur des ménages qui se chauffent au bois, à la fin du mois de septembre 2023, 500 544 chèques bois ont été émis pour un montant de l'ordre de 58 millions d'euros. Seulement 42,7 millions d'euros ont été effectivement consommés à ce stade sur ce dispositif.

d) Les réformes nécessaires du dispositif

Comme le rapporteur a pu le souligner dans son rapport d'information de juin 2023 intitulé « l'usine à gaz des aides énergie »38(*), si l'on avait disposé d'un chèque énergie de droit commun au périmètre plus étendu, les autres mesures exceptionnelles de soutien aux consommateurs d'énergie de type « boucliers tarifaires » auraient pu être calibrées à des niveaux inférieurs et le bilan en termes de dépenses publiques aurait peut-être été plus avantageux.

Pour sortir de cette logique de chèques exceptionnels et pour mieux protéger les travailleurs modestes et les classes moyennes de la volatilité des prix de l'énergie, il apparaît nécessaire de conduire une réforme structurelle du chèque énergie pour en élargir le périmètre aux troisième et quatrième déciles.

Au-delà de l'extension de son périmètre, la réforme structurelle du dispositif du chèque énergie doit aussi rendre effective son emploi pour les particuliers qui utilisent un mode de chauffage collectif. Aujourd'hui, un ménage peut, en effet, utiliser son chèque énergie pour payer ses factures de gaz, d'électricité ou de chaleur mais à condition qu'il dispose d'un contrat de fourniture à son nom, les seules exceptions étant le paiement de redevances pour l'occupation d'un foyer-logement conventionné au titre de l'allocation personnalisée au logement (APL) et, depuis 2020, le tarif hébergement dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées (EHPA), les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les établissements ou unités de soins de longue durée (ESLD, USLD) et les résidences autonomie.

Au regard notamment des missions d'intérêt général des organismes HLM, l'administration étudie actuellement la possibilité d'utiliser le chèque énergie pour le paiement des charges locatives des logements sociaux incluant des dépenses de chauffage. Cette évolution, qu'il conviendrait d'expérimenter au plus vite, devra nécessairement faire partie intégrante de la réforme structurelle du dispositif.

Toutefois, et même si les possibilités sont plus complexes, notamment en raison de difficultés opérationnelles et des risques de fraudes, ne serait-ce qu'en vertu de l'impératif d'égalité, les bailleurs privés et les copropriétés ne pourront rester durablement à l'écart du bénéfice du chèque énergie et une solution doit être trouvée pour leur permettre d'en profiter au même titre que les autres ménages.

Plusieurs éléments de contexte imposent par ailleurs de réformer structurellement le dispositif du chèque énergie. Il s'agit premièrement de la réforme du système d'échange de quotas d'émission européen (ETS2) qui va conduire à renchérir le prix du gaz, du fioul et du GPL à compter de 2026. Deuxièmement, l'identification des bénéficiaires du chèque énergie dans son format actuel devra nécessairement évoluer en raison de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales en 2023. En effet, après cette suppression, la direction générale des finances publiques (DGFIP) ne disposera plus de l'information relative aux revenus des habitants d'un même logement, mais uniquement des revenus des foyers fiscaux au sens de l'impôt sur le revenu. Or les habitants d'un même logement peuvent appartenir à des foyers fiscaux disjoints, notamment s'agissant des concubins ou des colocataires.

Le rapporteur spécial a été informé qu'une mission d'inspection a été confiée à la fin du mois de septembre 2023 à l'Inspection générale des finances (IGF), au Conseil général de l'économie et à l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) sur les modalités d'aides au paiement des factures d'énergie pour les ménages précaires à horizon 2025. Elle sera très attentive à ses conclusions.

2. Une aide exceptionnelle ciblée pour remplacer la baisse de fiscalité de l'électricité indiscriminée et dispendieuse du Gouvernement

En substitution de la minoration d'accise sur l'électricité non ciblée proposée par le Gouvernement à l'article 11, le rapporteur propose une aide renforcée et concentrée sur les ménages modestes et les classes moyennes. Le montant du dispositif sera progressif en fonction du revenu et du nombre de personnes que compte le foyer. Il concernera 60 % des ménages et apportera aux foyers éligibles une aide au moins équivalente à celle qui aurait résulté de la mesure fiscale non ciblée du Gouvernement. Le montant de l'aide sera même renforcé pour les ménages les plus modestes et pour les familles nombreuses. Un ménage dont le revenu fiscal par unité de consommation est inférieur à 5 700 euros et qui se compose de quatre personnes disposera par exemple d'une aide exceptionnelle de 400 euros.

Le coût de cette mesure sera d'environ 3,5 milliards d'euros à comparer aux 4,6 milliards d'euros de la mesure gouvernementale, soit un gain de plus d'un milliard d'euros pour les finances publiques.

3. La reconduction et l'élargissement d'une aide pour les travailleurs « gros rouleurs »

Une remise sur les prix des carburants à hauteur de 15 centimes d'euros hors taxes (HT) a été mise en oeuvre par un décret du 25 mars 2022. Cette aide devait initialement intervenir sur la période allant du 1er avril au 31 juillet 2022. Pour la financer, 3 milliards d'euros avaient été ouverts sur la mission « Écologie développement et mobilité durables » dans le cadre du décret d'avance d'avril 2022. Dans le cadre de la première LFR pour 2022, le dispositif a été prolongé en août et même amplifié à hauteur de 25 centimes d'euros HT du 1er septembre au 15 novembre 2022 avant de diminuer à 8,33 centimes d'euros HT jusqu'à la fin de l'année. Cette seconde période de la remise a été financée par 4,7 milliards d'euros de crédits supplémentaires.

Tous les publics ont été concernés par cette aide générale, indépendamment du régime fiscal dont relève le carburant et son usage. L'intégralité des carburants utilisés pour les transports routier, fluvial, ferroviaire ou pour la pêche ont été subventionnés. Toutes les essences, tous les gazoles ainsi que le gaz de pétrole liquéfié (GPL) carburant et le gaz naturel véhicules étaient concernés.

L'aide était directement versée aux opérateurs chargés de fournir ou mettre à la consommation les carburants, elle était ensuite répercutée par eux sur les prix, au bénéfice du consommateur final. Sur l'année 2022 (d'avril à décembre), les remises carburant auront ainsi coûté 7,6 milliards d'euros à l'État.

Cette remise généralisée a été remplacée au 1er janvier 2023 par une indemnité de 100 euros par bénéficiaire ciblée sur les travailleurs modestes qui utilisent leur véhicule individuel pour se rendre sur leur lieu de travail. Les modalités de l'aide ont été prévues dans un décret du 2 janvier 202339(*). Cette indemnité de 100 euros mise en oeuvre par les services de la direction générale des finances publiques (DGFIP) a ainsi été réservée aux personnes utilisant un véhicule motorisé régulièrement assuré et appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence était inférieur ou égal à 14 700 euros.

Lors de l'examen du PLF pour 2023 en deuxième lecture, une enveloppe de 700 millions d'euros avait été ouverte sur le programme 174 pour financer cette nouvelle indemnité ciblée. Le coût total de la mesure était alors estimé à un milliard d'euros et il avait été envisagé que le solde de 300 millions d'euros soit couvert par des reports de crédits non consommés dans le cadre de la remise carburant généralisée appliquée en 2022.

Le coût effectif de cette indemnité n'aura finalement été que de 433 millions d'euros en 2023 (pour 4,3 millions de bénéficiaires), soit 43 % du montant estimé à la fin de l'année 2022.

Alors qu'une forte hausse des prix des carburants a été observée l'été dernier et que les prix se maintiennent à un niveau élevé, le Gouvernement avait annoncé vouloir reconduire l'aide ciblée mise en place en 2023 selon les mêmes modalités.

D'après les estimations réalisées par la DGEC basées sur des hypothèses de consommation et d'évolution des prix des carburants, cette indemnité représenterait en moyenne un soutien de l'ordre de 20 centimes par litre de carburant.

Aucune ouverture de crédits correspondante n'était prévue dans le texte initial. Cependant (voir infra) le Gouvernement a déposé en première lecture à l'Assemblée nationale un amendement qui vise à augmenter de 435 millions d'euros les crédits du programme 174 afin de financer cette indemnité. Il a par ailleurs retenu dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité deux autres amendements identiques qui ont pour objet d'étendre les personnes éligibles au dispositif jusqu'au sixième décile de revenus pour un montant supplémentaire de 160 millions d'euros. Ainsi, au total, une ouverture de crédits de 595 millions d'euros est prévue en 2024 pour financer cette indemnité élargie.

B. « MAPRIMERÉNOV' » : LE RISQUE DE L'ESSOUFLEMENT

1. Les documents budgétaires ne permettent pas d'avoir une vision claire des dépenses engagées en faveur de la rénovation énergétique

La loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé la prime de transition énergétique en remplacement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et des aides « Habiter mieux » de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

En 2020, cette prime, dénommée « MaPrimeRénov' » et dont les crédits sont prévus sur le présent programme, était ciblée sur les ménages les plus modestes. Elle permet le versement de l'aide de façon contemporaine à la réalisation des travaux, contrairement au CITE, versé l'année suivant leur paiement, limitant ainsi le reste à charge des ménages. Seuls les propriétaires occupant leur logement à titre de résidence principale y sont éligibles.

Depuis le 1er janvier 2021, les propriétaires occupants aux revenus intermédiaires et supérieurs ont été intégrés au dispositif MaPrimeRénov'. La loi de finances pour 2021 avait également introduit un bonus lorsque les travaux permettent de sortir le logement du statut de passoire énergétique (étiquette énergie F ou G), et un autre lorsque les travaux permettent d'atteindre un niveau « basse consommation » (étiquette énergie A ou B).

Afin d'accélérer et amplifier la dynamique de rénovation énergétique des logements privés, en 2021, la mission « Plan de relance » prévoyait 2 milliards d'euros d'AE sur deux ans sur l'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 et 1 115 millions d'euros de crédits de paiement. Le plan de relance a en outre ouvert la prime de transition énergétique à tous les propriétaires (bailleurs ou occupants).

En 2024, le dispositif MaPrimeRénov' inscrit sur le programme 174 est prévu pour être doté de 2,3 milliards d'euros en AE et 2,02 milliards d'euros en CP.

Crédits consacrés à MaPrimeRénov

(en millions d'euros)

 

Budget 2020

Budget 2021

Budget 2022

Budget 2023

Budget
2024

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 174

575

575

740

740 

2 100

1 419

2 450

2 300

2 297

2 025

Programme 362

-

-

2 000

1 115

260

1 092

-

-

-

-

Total

575

575

2 740

1 855

2 360

2 511

2 450

2 300

2 297

2 025

Source : commission des finances du Sénat.

Les chiffres pour 2024 présentés dans le tableau précédant prennent en compte le transfert de 400 millions d'euros en AE et 40 millions d'euros en CP du programme 174 au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires », pour le financement d'un fonds au profit des bailleurs sociaux dans le texte considéré comme adopté à la suite de l'application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Par ailleurs, il est étonnant que cette modification des ouvertures de crédits soit présentée comme un « transfert », alors que MaPrimeRénov' n'a pas vocation à financer le logement social.

En tout état de cause, cette diminution des crédits sur le programme 174 illustre une nouvelle fois la complexité, qui confine à l'illisibilité, des financements consacrés à MaPrimeRénov'.

Premièrement, il n'a pas été possible de faire un bilan complet des crédits issus du plan de relance, faute de pouvoir établir avec exactitude la répartition des crédits entre le plan de relance et le programme 174, comme le souligne la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour l'année 2022 : « la gestion 2022, dernière année de mise en oeuvre du Plan de relance, n'a pas permis de clarifier l'articulation entre les crédits qu'il porte et ceux de la mission [...]. En particulier, aucun suivi des crédits de droit commun et des crédits du plan de relance n'a été effectué au regard d'une répartition établie ».

Le deuxième rapport du Comité du plan de relance fait le même constat : « L'évaluation du plan de relance est ainsi particulièrement difficile, car dans la montée en charge de MaPrimeRénov' il n'est pas possible de distinguer ce qui provient du plan de relance et ce qui provient de la montée en charge du dispositif mis en place au 1er janvier 2020. »40(*) Or, l'une des justifications de la création d'une mission budgétaire ad hoc pour les politiques du plan de relance était de faciliter leur évaluation. C'est tout le contraire qui s'est finalement produit.

Ensuite, les reports de crédits et l'utilisation de la trésorerie de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) conduisent à un décalage entre les crédits prévus en loi de finances et les crédits effectivement dépensés.

Ainsi, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 annule 1 milliard d'euros de crédits de paiement pour MaPrimeRénov'. Toutefois, d'après les informations transmises par l'administration, la sous-exécution réelle serait en réalité plus faible. Sur une prévision de 2,45 milliards d'euros en AE et de 2,3 milliards d'euros en CP, l'exécution réelle en 2023 serait de 2,1 milliards d'euros en AE et 2 milliards d'euros en CP. Cette sous-exécution plus faible que ce que laissent penser les annulations de crédits provient notamment de l'usage de la trésorerie de l'ANAH, qui est évaluée à 900 millions d'euros en loi de finances à la fin de l'année 2022.

Une partie de cette complexité découle, certes, de la délégation de la gestion de MaPrimeRénov' à un opérateur. Mais le projet annuel de performances devrait justement y remédier en présentant, de la manière la plus précise possible, les données relatives à la prime de transition énergétique.

Or, au contraire, MaPrimeRénov' ne fait même pas l'objet d'une action spécifique dans le programme 174. Elle est réunie avec le chèque énergie, qui est un dispositif à l'objectif non pas environnemental mais social, et qui comprend ses propres enjeux. Cette situation est dénoncée depuis plusieurs années par la Cour des comptes, qui parle d'un programme à la « cohérence devenue introuvable »41(*). Il est incompréhensible que cette présentation perdure dans le budget pour 2024.

L'information du Parlement s'en retrouve affectéeIl est en l'état impossible, à partir des seuls documents budgétaires, d'avoir une vision claire de la répartition de l'ensemble des aides à la rénovation énergétique. Le Parlement connaît ainsi des difficultés majeures pour assurer le contrôle et le suivi des crédits destinés à la rénovation énergétique des logements.

Il faut espérer que la refonte de MaPrimeRénov' prévue pour 2024 puisse permettre de clarifier la répartition et la destination des crédits.

2. Il est impératif que la réforme de MaPrimeRénov' encourage davantage les rénovations globales
a) La refonte de MaPrimeRénov' apporte une clarification souhaitable du dispositif, mais ne dispense pas d'une réflexion sur les objectifs de la prime

Pour 2024, il est prévu que MaPrimeRénov' comporte désormais deux parcours, l'un appelé « Performance » et l'autre « Efficacité ».

Le parcours « Performance » sera constituée d'aides proportionnelles au coût des travaux, qui visent à soutenir la réalisation de travaux de rénovation globale performante. Ses financements sont prévus pour être majorés pour les logements F ou G avant travaux.

Les ménages qui bénéficient de ces aides devront obligatoirement être aidés dans le cadre du dispositif « Mon Accompagnateur Rénov' ». Ce dispositif remplace ainsi « MaPrimeRénov' Sérénité » qui proposait des rénovations globales accompagnées à destination des ménages aux revenus modestes ou très modestes, et le forfait « rénovation globale » de MaPrimeRénov'. Il est prévu que ce parcours soit financé à partir du programme 135.

Mon Accompagnateur Rénov'

« Mon Accompagnateur Rénov' » fait partie du Service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH) prévu par la loi du 22 août 2021 dite « Climat et Résilience »42(*). L'article L. 232-2 du code l'énergie prévoit que ses missions sont l'appui à la réalisation d'un plan de financement et d'études énergétiques, l'assistance à la prospection et à la sélection des professionnels, et l'évaluation de la qualité des travaux menés par les professionnels. Ce rôle est distinct du mandataire « MaPrimeRénov' ».

Le dispositif est déployé depuis récemment. Un décret du 22 juillet 202243(*) et un arrêté du 21 décembre 202244(*) définissent la procédure d'agrément, et précise le contenu des missions d'accompagnement. Depuis juillet 2023, les acteurs qui souhaitent obtenir l'agrément pour devenir « Mon Accompagnateur Rénov' » peuvent déposer un dossier en ligne, et à partir de 2024, l'agrément sera obligatoire pour exercer cette fonction.

Dans la limite d'un plafond de 2 000 euros45(*), Mon Accompagnateur Rénov' est prévu pour être financé en 2024 à :

- 100 % pour les ménages des catégories de revenus « très modestes » ;

- 80 % pour les ménages modestes ;

- 40 % pour les ménages intermédiaires ;

- 20 % pour les ménages aux ressources supérieures.

Source : commission des finances

Le parcours « Efficacité » sera composé d'aides forfaitaires définies par type de travaux, qui vise à soutenir la décarbonation du chauffage des logements. Il correspond aux travaux majoritairement financés aujourd'hui par le programme 174, et il continuera d'être financé par ce programme. Les logements F et G avant travaux ne seront plus éligibles à ce dispositif, et redirigés vers le parcours « Performance ». L'accès à ces aides sera également conditionné à l'installation d'un équipement de chauffage des locaux ou d'eau sanitaire.

Restructuration de MaPrimeRénov'

Piliers dans le cadre de la refonte

Dispositifs Anah actuels

Public éligible

Efficacité

(programme 174)

Forfaits MaPrimeRénov' par geste
(programme 174)

Ménages aux revenus très modestes, modestes, intermédiaires et supérieurs

Performance

(programme 135)

Forfait MaPrimeRénov' « Rénovation globale » (programme 174)

Ménages aux revenus intermédiaires et supérieurs

MaPrimeRénov' « Sérénité » (programme 135)

Ménages aux revenus très modestes et modestes

MaPrimeRénov' « Copropriétés » (programme 135)

Syndicats de copropriétaires

Source : commission des finances

La distinction des deux piliers de MaPrimeRénov' permet de clarifier les objectifs de la prime de transition énergétique. En effet, MaPrimeRénov', hors MaPrimeRénov' Sérénité et Copropriété, était présentée comme une prime favorisant la réduction de la consommation d'énergie, alors qu'elle finance en très grande majorité des rénovations « monogestes » (86 %), qui consistent pour l'essentiel en un changement d'appareil de chauffage.

À l'inverse, les rénovations globales étaient rares. Le rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance d'octobre 2021 (« Rapport Coeuré ») évaluait les rénovations globales à 0,1 % des travaux soutenus par le dispositif. La Cour des comptes a confirmé cette observation dans son référé sur la rénovation énergétique des bâtiments d'octobre 2022 : « on observe que les consommateurs sollicitent essentiellement des aides en faveur de gestes isolés de rénovation, en l'absence d'un plan d'ensemble visant l'atteinte d'une haute performance énergétique. »

Désormais, ce versant de MaPrimeRénov' ne vise plus les rénovations globales, mais la décarbonation des modes de chauffage. MaPrimeRénov' Sérénité, qui finance véritablement des rénovations globales, et qui était souvent oubliée lorsque « MaPrimeRénov' » était mentionnée, fait désormais l'objet d'un pilier à part entière, à égale importance avec celui financé par le programme 174. À ce titre, on peut néanmoins s'interroger sur le choix d'inscrire au sein de la mission « Écologie » les crédits du parcours dont la plus-value environnementale réelle est la plus faible.

L'exclusion des passoires énergétiques des financements du pilier « Efficacité » est une idée intéressante sur le principe. En effet, le changement d'un système de chauffage dans un logement qui n'est pas isolé peut être contreproductif sur le plan énergétique. L'installation d'une pompe à chaleur dans un logement mal isolé ne fonctionne pas, ou très mal, car la température des émetteurs de chaleur ne peut pas être supérieure à un certain seuil46(*).

La réalisation de travaux qui se limitent au changement d'un système de chauffage est donc proportionnellement plus efficace en termes de gains d'énergie dans des logements déjà isolés, ce qui justifie de concentrer les financements de travaux de rénovation « monogestes » sur ce type de logement. C'était d'ailleurs l'option qu'avait défendue Antoine Pellion, le Secrétaire général à la planification écologique, lors de son audition du 3 mai 2023 devant la commission d'enquête relative aux politiques de rénovation énergétique des logements : « Par conséquent, pour pouvoir atteindre notre objectif de 2030, il nous semble important, pour les logements qui sont d'ores et déjà raisonnablement isolés, de pouvoir changer plus vite uniquement le chauffage sans réaliser de rénovation plus performante. En cumulant un premier plan d'action qui consiste à changer rapidement les chauffages dans les logements classés de A à D et à effectuer la rénovation la plus performante possible sur le reste du parc, on parviendra à réorienter dans le bon sens l'effort de rénovation de nos logements. »47(*) Il convient toutefois de prendre garde aux effets de bords qui peuvent découler de cette interdiction, dans la mesure où le diagnostic de performance énergétique (DPE) n'est pas d'une fiabilité complète.

L'obligation de changer un système de chauffage pour bénéficier d'une aide du pilier « Efficacité » soulève en revanche de nombreuses questions. On peut en effet imaginer que des ménages souhaitent refaire l'isolation de parties ciblées (toiture, murs) de leur logement sans changer de système de chauffage ou s'engager dans une rénovation globale. Il serait absurde d'obliger ces ménages à passer par un accompagnateur Rénov, ou de choisir de changer en plus un système de chauffage. La forfaitisation des aides, qui est une caractéristique du parcours « Efficacité » par rapport au parcours « Performance » peut être utile pour d'autres travaux.

La crainte est que cette obligation soit inscrite dans le parcours « Efficacité » pour faire gonfler les chiffres de MaPrimeRénov' en termes d'économie d'émission de gaz à effet de serre et de nombre de dossiers traités. L'enjeu majeur des économies d'énergie pourrait à nouveau passer au second plan, et MaPrimeRénov' ne serait pas encore libérée de la « politique d'affichage » du nombre de dossiers traités.

En effet, la distinction entre les deux versants de MaPrimeRénov', le financement des rénovations globales et celui des travaux ponctuels, était nécessaire, mais cela ne dispense aucunement d'une réflexion sur les résultats et les objectifs de la prime de transition énergétique.

b) Les résultats de MaPrimeRénov' en termes d'économies d'énergie ne sont jusqu'à présent pas à la hauteur

Au premier abord, la baisse des financements de la prime de transition énergétique entre 2023 et 2024 pourrait étonner alors que le Gouvernement a annoncé à plusieurs reprises sa volonté de renforcer les aides à la rénovation énergétique. En réalité, outre l'annulation de crédits au profit des logements sociaux déjà mentionnée, la diminution des crédits provient du basculement des financements consacrés à la rénovation globale sur le programme 135.

Ainsi, en 2024, d'après le projet annuel de performances de la mission « Cohésion des territoires », 1,04 milliard d'euros en AE et en CP seront consacrés en subvention à l'ANAH pour la rénovation énergétique des logements privés, ce qui représente un quasi-triplement par rapport à la subvention de l'année dernière (368,9 millions d'euros en AE et en CP).

Toutefois, même s'il y a un rééquilibrage, la répartition des crédits reste encore nettement en défaveur de la politique de rénovation globale. Or MaPrimeRénov' dans son ensemble, mais en particulier le dispositif financé sur le programme 174, ne présente pas des résultats suffisants en termes de réduction de la consommation d'énergie pour atteindre les objectifs que s'est fixé le pays dans la promotion des bâtiments basse consommation (BBC).

La consommation énergétique du secteur résidentiel dans le scénario de rénovation dit « ABC », c'est-à-dire où 64 % des logements relevant des classes A ou B, et 33 % des logements relevant de la classe C, devrait être de 182 TWh/an. Atteindre ces objectifs suppose des économies d'énergie de l'ordre de 10,7 TWh/an par an. Face à cela, les estimations de gain aboutissent à des gains de l'ordre de 5 TWh/an, soit un peu moins de la moitié de ce qui est requis.

Économies d'énergies théoriques permises par les rénovations financées
par le programme « MaPrimeRénov' »

(en GWh/an)

 

2020

2021

2022

MaPrimeRénov'

973,92 

4328,30 

4197,12 

MaPrimeRénov'

Sérénité

647,86 

779,98 

666,52 

MaPrimeRénov'

Copropriétés

60,25 

104,62 

232,40 

Source : rapport de la commission d'enquête sur l'efficacité. Il s'agit d'un chiffrage réalisé par l'ANAH.

En outre, les économies présentées sont théoriques, c'est-à-dire qu'elles n'incluent pas les effets d'aubaine, le phénomène d'effet rebond (consommation accrue d'énergie résultant de la diminution des prix), et d'autres facteurs de variation. La comparaison avec d'autres méthodologies a révélé une surestimation possible de 10 à 15 % des économies d'énergie. Les économies d'énergie réelles sont donc possiblement moins importantes que celles présentées dans le tableau précédent.

Il faut également souligner que les résultats inférieurs de MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov Copropriétés en termes de volume de d'économies d'énergies totales doivent être rapportés aux nombres de dossiers financés. À cette aune, les gains d'énergies par logement sont nettement supérieurs pour MaPrimeRénov' Sérénité (19,53 MWh) comparé au dispositif de base de MaPrimeRénov' (6,68 MWh/an).

La question se pose donc de l'intérêt de maintenir autant de crédits sur le pilier « efficacité » par rapport au pilier « performance ». MaPrimeRénov' doit en effet être une véritable politique environnementale, et non pas une politique de soutien au pouvoir d'achat. La réorientation de MaPrimeRénov' sur les rénovations les plus performantes doit encore être poursuivie.

c) Le reste à charge des ménages limite encore fortement les rénovations globales

Le reste à charge des ménages reste un obstacle majeur à la réalisation de travaux de rénovations globales. À l'heure actuelle, le reste à charge pour les ménages très modestes est d'environ 45 % du coût des travaux, et il est de 58 % pour les ménages modestes. Il est courant qu'une rénovation complète d'un logement coûte 50 000 euros, ce qui laisse un reste à charge de 22 500 euros pour un ménage aux revenus très modestes. Un ménage de deux personnes est considéré comme « très modeste » lorsque ses revenus n'excèdent pas 23 734 euros48(*). Il est évident que ce reste à charge est prohibitif pour ces ménages.

L'augmentation des crédits pour la rénovation globale prévue par la réforme devrait avoir pour effet de réduire le reste à charge. Plus précisément, l'I4CE (Institut de l'économie pour le climat) estime que la restructuration de la prime conduirait à un reste à charge situé entre 10 et 20 % pour les ménages très modestes, et entre 25 et 35 % pour les ménages modestes.

Ces chiffres sont toutefois théoriques, et les barèmes de MaPrimeRénov' ne sont pas encore fixés. De plus, ils incluent à la fois la prime de transition énergétique et les certificats d'économie d'énergie. Même si la refonte prévoit un couplage des deux dispositifs, qui sera assuré par l'ANAH, leurs critères ne correspondent pas encore entièrement, et il n'est pas certain, en raison notamment de leur complexité, que les CEE soient délivrés systématiquement. Il conviendra donc de rester vigilant sur le reste à charge réel des ménages.

Au demeurant, il n'est pas souhaitable que le reste à charge pour les ménages modestes tombe à zéro. Une telle mesure conduirait à une explosion de la fraude à la rénovation énergétique, comme à l'époque où les « isolations à 1 euro » étaient proposées. Ces offres ont d'ailleurs, en théorie, pris fin au 1er juillet 2021 pour cette raison même.

Une solution est de promouvoir les prêts à la rénovation énergétique. L'éco-prêt à taux zéro pour la rénovation énergétique connaît une progression significative sur les dernières années (82 049 prêts ont été émis en 2022, contre 61 034 en 2021 et 42 107 en 2020), mais il touche majoritairement les ménages aisés. D'après une étude de la Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale (SGFGAS)49(*), les ménages qui relèvent des trois premiers déciles de revenus n'ont représenté que 3 % des bénéficiaires des éco-PTZ en 2021.

Le prêt avance rénovation (ou prêt avance mutation), qui comprend un prêt hypothécaire, sans mensualité et remboursable en une fois au moment de la mutation, pourrait en théorie remplir ce rôle. Ce prêt peine toutefois à trouver son public : à date de mai 2023, le nombre de prêts distribués était estimé à seulement une centaine. Les raisons de cet échec sont multiples. Les conditions d'accès au prêt sont restrictives (il est généralement nécessaire que le crédit hypothécaire accordé soit au premier rang), et l'obstacle psychologique, c'est-à-dire le sentiment que le prêt pourrait obérer la transmission du bien immobilier, n'est pas négligeable.

L'article 6 du présent projet de loi de finances vise à renforcer l'attractivité de ce prêt en lui accordant un taux zéro. Il conviendra de voir quels sont les effets de cette mesure.

3. La montée en puissance de MaPrimeRénov' suscite des doutes
a) La non-atteinte par MaPrimeRénov' de ses objectifs ne rassure pas quant à sa capacité à monter en puissance

La sous-exécution des crédits de MaPrimeRénov' en 2023 est révélatrice des difficultés que rencontre le dispositif dans sa montée en puissance. Entre le 1er janvier et le 31 mai 2023, on compte 243 000 dossiers ouverts, contre 260 000 sur une période identique en 2022.

En conséquence, les objectifs ne seront pas atteints en 2023. L'administration prévoit d'aboutir fin décembre à 550 000 rénovations environ, soit 76 % de l'objectif seulement (721 957).

Selon le ministre délégué aux comptes publics, cette consommation inférieure aux prévisions découle d'abord des tensions sur l'offre en matière de rénovation énergétique. Il déclarait ainsi, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale : « Le rythme des rénovations n'a pas été aussi rapide que ce que nous souhaitions tous, en raison de l'augmentation des coûts des matériaux d'une part, et d'une forte demande et des difficultés de la filière à trouver des personnels formés pour conduire des rénovations d'autre part »50(*).

Il ne serait pas juste toutefois de rejeter la « faute » sur la filière. Les difficultés au niveau de l'offre découlent d'abord des hésitations du Gouvernement et du manque de prévision dans l'évolution des financements des aides à la rénovation énergétique. Le développement de ces filières est en effet très dépendant des aides publiques, en raison du manque de rentabilité à court et moyen termes des rénovations énergétiques. Or, il n'existe toujours pas de prévisions pluriannuelles pour MaPrimeRénov', malgré les nombreuses recommandations de missions et études portant sur la rénovation énergétique. Chaque année le budget est annoncé comme historique, mais faute de perspective de long terme, les artisans ne peuvent pas complètement s'engager.

Le manque d'offre est aussi la conséquence du manque d'attractivité du label RGE (« Reconnu garant pour l'environnement »), qui est obligatoire pour MaPrimeRénov' : les contraintes afférentes à la labellisation sont trop élevées pour les entreprises par rapport aux bénéfices qu'elles en retirent.

b) La « filière de l'escroquerie » à la rénovation énergétique est une menace réelle au développement de MaPrimeRénov'

Les dernières informations sur la fraude à la rénovation énergétique confirment la crainte qu'avait exprimée à plusieurs reprises le rapporteur spécial qu'en parallèle de MaPrimeRénov' se développe toute une « filière de l'escroquerie ».

Lors de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques de rénovation énergétique, Romain Roussel, sous-directeur industrie, santé et logement à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), avait ainsi déclaré que la rénovation énergétique est : « un des secteurs qui ressort le plus fortement avec plus de 10 000 plaintes enregistrées l'année dernière, qui génère de lourds contentieux ainsi que des difficultés d'une certaine gravité. Nous avons pu constater au fil des différentes enquêtes, intensifiées au fil des années, qu'il s'agissait d'un phénomène assez massif et difficile à endiguer, car il s'adapte à l'évolution des politiques publiques. »

La DGCCRF a réalisé une étude à partir de 36 000 inspections réalisées en 2021 et en 2022, au cours de laquelle il a été constaté un taux de non-conformité de 25 %. Le taux de conformité était de 50 %, et un quart ne pouvait pas être vérifié. Concernant les travaux non-conformes, les problèmes étaient souvent liés à la qualité de l'isolant utilisé, ainsi que l'absence de garantie sur la formation des personnes réalisant les travaux.

Ces escroqueries ont des conséquences très importantes sur la vie des victimes. Dans certains cas, elles peuvent se retrouver dans une situation de surendettement, en raison de crédits souscrits pour des travaux qui n'ont aucune efficacité énergétique.

Interrogée sur la question, l'ANAH a répondu qu'elle effectue des contrôles sur pièces pour l'ensemble des dossiers, et des contrôles aléatoires sur place pour une partie d'entre eux. En 2022, l'ANAH a effectué environ 40 000 contrôles, sur une base de 530 521 dossiers engagés51(*), ce qui représente un taux de contrôle de 8 %. Ce nombre n'est pas négligeable, mais il est loin d'atteindre le nombre de dossiers présentant des problèmes de non-conformité, que l'on peut évaluer par hypothèse à 132 631, sans compter les potentiels dossiers non-conformes parmi ceux qui n'ont pas pu être vérifiés.

Une augmentation des crédits consacrés à MaPrimeRénov', sans que les moyens dédiés à la lutte contre la fraude ne soient adaptés, peut conduire à une hausse des escroqueries, dont les conséquences sont dramatiques pour la confiance des ménages et qui peut considérablement réduire l'efficacité du dispositif financé par des crédits budgétaires de l'État. Le pilier « Efficacité », qui finance des changements de système de chauffage sans accompagnement requis, est particulièrement sujet à ce risque.

C. DES AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES EN BAISSE DE 200 MILLIONS D'EUROS MAIS QUI POURRAIENT ENFIN ÊTRE CIBLÉES VERS DES VOITURES RÉELLEMENT VERTUEUSES

1. 1,5 milliard d'euros de crédits sont proposés en 2024 pour les aides à l'acquisition de véhicules propres, soit une baisse de 200 millions d'euros par rapport aux dépenses exécutées en 2023
a) Les dispositifs « historiques » : le bonus écologique et la prime à la conversion

Les crédits relatifs aux aides « historiques » à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO2 (« bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO2 (prime à la conversion)52(*) sont suivis à l'action 03 « Aides à l'acquisition de véhicules propres ». À ces aides historiques sont venus s'ajouter de nouveaux dispositifs particuliers tels que des aides à l'acquisition de véhicules lourds propres ou les aides à l'acquisition de vélos.

Les crédits proposés pour 2024 au titre des aides à l'acquisition de véhicules propres s'établissent à 1,5 milliard d'euros, en augmentation apparente d'un peu plus de 200 millions d'euros (+ 16 %) par rapport aux dépenses prévisionnelles inscrites en LFI pour 2023.

Cependant, l'exécution budgétaire 2023 a été beaucoup plus dynamique qu'escomptée et les dépenses qui devraient être effectivement décaissées en 2023 au titre du bonus écologique et de la prime à la conversion devraient s'établir à 1,7 milliard d'euros, soit 0,4 milliard d'euros supplémentaires par rapport à la prévision initiale. Aussi, et contrairement aux déclarations du Gouvernement, les crédits prévus en 2024 ne témoignent pas d'une augmentation de 200 millions d'euros des financements consacrés à ces aides mais d'une diminution du même montant des dépenses prévisionnelles relatives à ces dispositifs.

Évolution des crédits (CP) consacrés aux aides à l'acquisition de véhicules propres

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

D'après les informations fournies au rapporteur par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), en juin 2023, la part des voitures neuves qui remplissent les critères d'attribution du bonus s'établissait à 17,5 % tandis qu'au cours des sept premiers mois de l'année, 779 millions d'euros ont été versés pour 187 000 bonus. En 2022, 326 000 bonus avaient été versés53(*) (soit une hausse de 21 % en un an) pour 1 157 millions d'euros.

Au cours des sept premiers mois de l'année 2023, 42 000 primes à la conversion ont été distribuées pour 137 millions d'euros. En 2022, 92 000 primes avaient été attribuées (un chiffre en baisse de 19 % par rapport à 2021) pour un montant de 282 millions d'euros.

Nombre de bonus et de primes à la conversion distribués (2018-2022)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Toujours d'après les éléments transmis par la DGEC, au cours des six premiers mois de l'année 2023, 140 200 voitures électriques neuves ont été immatriculées en France, contre 95 500 sur la même période en 2022. Leur part de marché a ainsi progressé de 3,4 points pour atteindre 15,5 %.

Part de marché des véhicules électriques54(*) (2011-2023)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Sur cette même période, la part de marché des véhicules hybrides rechargeables a quant à elle augmenté plus faiblement de 0,6 point à 8,6 % pour 77 800 véhicules vendus.

Part de marché des véhicules hybrides rechargeables55(*) (2011-2023)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Le Gouvernement entendrait relever en 2024 le montant du bonus à hauteur de 1 000 euros pour les ménages les plus modestes. Une étude publiée en octobre 2023 par l'institut I4CE56(*) (Institute for climate economics) tend à considérer que cette évolution ne changera pas la donne pour les foyers modestes et les classes moyennes qui acquièrent principalement des véhicules d'occasion et pour lesquels le reste à charge (de 10 000 euros à 40 000 euros selon les modèles) pour l'achat d'un véhicule neuf électrique demeurera trop élevé.

b) Confronté à plusieurs difficultés, le lancement du leasing social à 100 euros par mois est néanmoins annoncé pour 2024

Le Président de la République avait fait la promesse d'instaurer un dispositif dit de « leasing social », c'est-à-dire un mécanisme de soutien à la location longue durée de véhicules électriques pour les foyers modestes. L'objectif affiché du dispositif est de diminuer le coût d'usage d'un véhicule pour les ménages sous condition de ressources, avec un loyer n'excédant pas 100 euros par mois pour la location d'un véhicule électrique.

Le Gouvernement a annoncé qu'une plateforme de pré-enregistrement devrait être mise en ligne d'ici à la fin de l'année par l'Agence de services et de paiement (ASP) afin de permettre le lancement des premières commandes pour une livraison des véhicules et un versement des premières aides au début de l'année 2024.

En 2024, 50 millions d'euros des crédits destinés aux aides à l'acquisition de véhicules propres pourraient être consacrés à ce dispositif, à condition qu'il voit effectivement le jour. Car en effet, de nombreuses voix, y compris au sein de la majorité présidentielle, s'inquiètent de la capacité de l'État a réellement et pleinement le mettre en oeuvre en 2024.

La disponibilité effective des véhicules électriques qui pourraient être éligibles au dispositif est encore très incertaine. Deux modèles sont en effet principalement ciblés pour ce mécanisme : la Citroën ë-C3 qui doit être disponible en début d'année 2024 ainsi que la future R5 électrique de Renault qui n'est attendue que dans le courant de l'année prochaine.

Alors que ces véhicules ne sont pas encore sur les chaînes de montage des constructeurs, certains proposent déjà d'étendre le dispositif aux voitures hybrides. Face aux difficultés à lancer pleinement la mesure en 2024, le Gouvernement entendrait la restreindre par un critère géographique pour cibler les ménages qui n'ont pas d'autres choix que de se déplacer en voiture. Il anticiperait 10 000 à 20 000 bénéficiaires en 2024.

c) L'appel à projets écosystème véhicule lourds piloté par l'Ademe

L'action 03 du programme 174 comprend également les crédits dévolus aux appels à projets « écosystème véhicules lourds » gérés par l'Agence de la transition écologique (Ademe). Ce dispositif vise à soutenir le déploiement de la mobilité électrique pour les véhicules lourds dans les domaines du transport routier de marchandises et du transport routier de voyageurs. Il concerne ainsi l'achat des véhicules lourds 100 % électriques à batterie de catégories N2 et N3 dont le Poids Total Autorisé en Charge (PTAC) est supérieur à 4,5 tonnes et les autocars (catégories M2 et M3) dans les domaines du transport routier de marchandises et du transport routier de voyageurs.

Ces appels à projets ont été dotés d'une enveloppe de 65 millions d'euros en 2022 puis de 60 millions d'euros en 2023 répartie entre 55 millions d'euros pour les camions et 5 millions d'euros pour les autocars.

Le montant de l'aide pour l'acquisition ou la location longue durée d'un véhicule peut atteindre jusqu'à 65 % du surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule lourd électrique. En 2023, les montants ont été plafonnés selon les catégories figurant dans le tableau ci-après.

Plafonds de l'aide publique par type de véhicule dans le cadre de l'appel à projets 2023 « écosystème véhicules lourds »

Type de véhicule

Montant plafonné de l'aide publique

Camion dont le PTAC est compris entre 4,5 et 12 tonnes

75 000 euros

Camion dont le PTAC est supérieur à 12 tonnes

100 000 euros

Autocar

100 000 euros

Tracteurs routiers

150 000 euros

PTAC : Poids Total Autorisé en Charge

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'installation des bornes de recharge électrique est également soutenue par cet appel à projets à hauteur de 60 % des coûts d'investissement éligibles, incluant les coûts de génie civil.

En 2022, l'appel à projets a connu un très vif succès dès sa première relève, avec 24 projets soutenus sur 70 déposés, représentant près de 300 millions d'euros d'investissements dont 64 millions d'euros d'aides publiques. Cet appel à projets a porté sur 545 véhicules lourds électriques neufs, dont 84 camions, 236 bennes à ordures ménagères, 204 autobus, et 21 autocars, ainsi que le déploiement des 507 points de recharge associés. D'après l'Ademe, le pourcentage d'aide publique moyen par rapport au surcoût d'un véhicule électrique aurait atteint 30 % pour l'appel à projets 2022.

En juin dernier, la première relève de l'appel à projets 2023 a rencontré le même succès, avec 80 projets lauréats sur 231 déposés, représentant 224 millions d'euros d'investissements dont 39 millions d'euros d'aides publiques pour l'acquisition de 629 camions et 27 autocars électriques neufs ou rétrofités. Les lauréats de l'appel à projets 2023 sont à 33 % des petites et moyennes entreprises (PME), à 54 % des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et à 14 % des grandes entreprises. La seconde relève, dotée d'une enveloppe de 19,5 millions d'euros est intervenue à la fin du mois de septembre dernier.

2. L'enjeu de souveraineté industrielle soulevé par le rapporteur spécial lors de l'examen du PLF pour 2023 commence enfin à être pris au sérieux par le Gouvernement

Alors que les trois quarts des voitures électriques vendues en France sont importés et que la même part de la valeur ajoutée totale des batteries est produite par l'industrie chinoise, en pratique, les aides à l'acquisition de véhicules propres financées par les contribuables français reviennent largement à subventionner l'industrie automobile chinoise et à mettre en danger notre souveraineté. C'est cet état de fait inacceptable que le rapporteur spécial avait vivement dénoncé au cours de l'examen du PLF pour 2023. Elle avait matérialisé ce signal d'alerte par le dépôt d'un amendement, adopté en séance publique par la haute assemblée, visant à réduire temporairement, de 500 millions d'euros en 2023, les crédits alloués aux aides à l'acquisition de véhicules propres.

Dans le même temps, et dans la perspective de rétablir ces crédits une fois la situation résolue, elle invitait le Gouvernement à concevoir un dispositif, sur le modèle notamment des mesures mises en place par les États-Unis à l'été 2022, permettant de prendre en compte l'empreinte carbone des véhicules sur l'ensemble de leur cycle de vie et non les seules émissions générées lors de leur usage. Cette méthode, plus respectueuse des enjeux climatiques aurait également l'avantage de privilégier les véhicules produits en France et en Europe, du fait d'un mix énergétique moins carboné qu'en Chine.

Si le Gouvernement avait reconnu en séance publique au Sénat la réalité des arguments avancés par le rapporteur spécial, il ne les avait pas sérieusement pris en compte, considérant que la priorité devait aller à la réduction apparente des émissions des transports en France et donc à la transition rapide du parc de véhicules individuels.

Il a ainsi fallu plusieurs mois pour que le Gouvernement finisse par reconnaître l'urgence du problème et par se ranger aux arguments et aux solutions préconisées par le rapporteur spécial. En « rendant hommage » publiquement aux positions du rapporteur spécial, le ministre de l'économie, des finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, l'a d'ailleurs reconnu le 31 mai 2023 lors d'une audition au Sénat portant sur le projet de loi relatif à l'industrie verte.

En publiant un décret57(*) et un arrêté58(*) le 19 septembre 2023, le Gouvernement a décidé de mettre en place dès janvier 2024 un dispositif permettant de conditionner l'éligibilité au bonus à l'obtention d'un score environnemental calculé, en plus des émissions à l'usage, au regard de l'empreinte écologique de chacune des étapes qui précèdent la mise en circulation du véhicule. Ce score prendra donc notamment en compte les matériaux utilisés pour la production (acier, métaux ferreux, aluminium, etc.) la consommation énergétique lors de l'assemblage, l'empreinte écologique des batteries ou encore le transport des véhicules jusqu'à leur lieu de commercialisation. Pour être éligible, un véhicule devra obtenir un score minimum de 60 sur 80.

Le temps que l'Ademe applique ces critères aux voitures commercialisées en France, le Gouvernement ne publiera qu'à la mi-décembre la liste des véhicules qui seront éligibles au bonus à compter du mois de janvier 2024.

Si le rapporteur spécial constate qu'il a eu raison trop tôt, il n'en salue pas moins cette initiative indispensable. Il restera cependant extrêmement vigilant quant à ses résultats concrets, après notamment avoir pu prendre connaissance de la liste des véhicules qui seront effectivement éligibles au bonus en 2024.

Comme le démontre l'étude d'I4CE évoquée supra, une réforme du dispositif de bonus sera nécessaire, au-delà de la hausse de 1 000 euros évoquée par le Gouvernement, pour permettre la décarbonation de la mobilité des ménages modestes. Au regard du niveau actuel des aides, le reste à charge demeure bien trop élevé et les conditions d'accès au crédit bancaire restreignent le financement par emprunt. Selon les calculs de l'étude, l'achat d'une citadine électrique standard neuve versus le fait de conserver une voiture essence ne se rentabilise sur 20 ans pour aucun ménage.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE (FACÉ) »

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE FACÉ PERMET LE FINANCEMENT « PÉRÉQUÉ » D'AIDES À L'ÉLECTRIFICATION RURALE

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) retrace les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité - AODÉ (communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats d'électrification) pour le financement des travaux d'électrification en zone rurale dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage59(*).

Le CAS FACÉ permet de verser des aides aux AODÉ afin de financer :

- des travaux d'électrification rurale60(*) ;

- des opérations de maîtrise de la demande d'électricité ;

- des opérations de production d'électricité par des énergies renouvelables61(*) ;

- des installations de production de proximité dans les zones non interconnectées (ZNI)62(*).

Ces aides sont réparties par département sous forme de dotations affectées à l'électrification rurale, selon des critères précisés par voie d'arrêté, par le ministre chargé de l'énergie et après avis du conseil du FACÉ. Cette répartition se fonde sur les évaluations des besoins en travaux d'électrification rurale par département réalisées tous les deux ans. Une fois les dotations réparties par département, elles sont versées aux AODÉ sur la base des projets de travaux présentés.

Le regroupement des AODÉ, et donc de la maîtrise d'ouvrage, au niveau départemental, a été encouragé par le législateur63(*). Les modalités de versement des aides du FACÉ incluent depuis 2013 un dispositif financier d'incitation au regroupement à l'échelle départementale64(*).

Le financement du CAS FACÉ repose sur des contributions dues par les gestionnaires de réseaux de distribution65(*) et assises sur le nombre de kilowattheures (kWh) distribués à partir des ouvrages exploités en basse tension l'année précédant celle du versement de la contribution. Ce mode de financement est conçu pour permettre une péréquation entre les territoires urbains et ruraux au profit de ces derniers66(*).

B. LE TOTAL DES CRÉDITS DU CAS FACÉ RESTE INCHANGÉ

Depuis 2018 le montant de crédits ouverts en loi de finances sur le CAS est stable à 360 millions d'euros. En comparaison de la LFI pour 2023, en 2024, 5,5 millions d'euros sont basculés du programme 794 vers le programme 793.

Les crédits du CAS par programme en 2024

(en milliers d'euros et en %)

Programme

Exécution 2022

LFI 2023

PLF 2024

Variation 2024/2023

(en %)

793 « Électrification rurale »

AE

367,9

351,5

357,0

+ 1,6 %

CP

344,8

351,5

357,0

+ 1,6 %

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

AE

24,8

8,5

3,0

-64,7 %

CP

2,9

8,5

3,0

-64,7 %

Total

AE

392,7

360,0

360,0

-

CP

347,7

360,0

360,0

-

Source : projets et rapports annuels de performances du CAS-FACÉ

Le CAS FACÉ se compose de deux programmes, qui se décomposent en actions qui correspondent aux différents types de travaux financés :

- 99 % des crédits du compte d'affectation figurent au programme 793 « Électrification rurale », doté de 357 millions d'euros en 2024, soit 5,5 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2023.

Les crédits de ce programme servent à financer des aides destinées aux réseaux électriques67(*). La moitié des crédits du programme (181 millions d'euros) sont dévolus au renforcement des réseaux et un quart (95 millions d'euros) à leur sécurisation ;

- le programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les ZNI, déclarations d'utilité publique et intempéries », bénéficie de 3 millions d'euros en 2024, une enveloppe en baisse de 5,5 millions d'euros.

Le programme 794 est consacré aux aides à la production d'électricité à partir de sources renouvelables dans les sites isolés, à la production à partir d'installations de proximité dans les zones non interconnectées ainsi qu'aux opérations de maîtrise de la demande en énergie.

Dans un rapport du 6 septembre 2022 sur le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale, la Cour des comptes a porté un jugement sévère sur le CAS FACÉ. La Cour estime que la gestion des aides est défaillante et qu'il n'est pas possible actuellement d'évaluer leur efficacité. Selon elle, la répartition des aides est réalisée sur la base de donnés déclaratives peu fiables et des erreurs manifestes de traitement de fichiers se traduisent par des « répartitions incohérentes des droits à subvention ».

Alors que certains maîtres d'ouvrage rencontrent des difficultés à établir des programmations pluriannuelles robustes, la Cour des comptes considère que les contrôles sont trop rares et ne permettent pas de disposer d'une évaluation fiable de l'efficience des concours apportés par le CAS FACÉ. La Cour note également qu'aucun critère ne permet de juger si les montants alloués au Facé en loi de finances sont adaptés aux besoins des communes. Elle souligne que du fait de l'inflation, et en raison de la stabilité de l'enveloppe budgétaire, la capacité du Facé à contribuer au financement des travaux d'électrification s'érode progressivement. Au regard des enjeux, la Cour des comptes estime que les crédits affectés au Facé apparaissent insuffisants.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

À la suite de la première délibération à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a retenu, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, plusieurs amendements qui sont venus modifier les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et les emplois qui lui sont dévolus ainsi que deux amendements qui ont créé de nouveaux indicateurs de performance qui seront retracés dans les projets et rapports annuels de performance.

L'amendement n° II-3106, déposé par le Gouvernement, annule 400 millions d'euros en AE et 40 millions d'euros en CP sur MaPrimeRénov' (programme 174). L'amendement vise à financer le fonds d'accompagnement de la transition énergétique des bailleurs sociaux. D'après le Gouvernement, ce financement doit se faire « sans remise en cause de l'objectif de financer la décarbonation de 500 000 logements du parc privé en dehors du parcours obligatoirement accompagné ».

L'amendement n° II-4434, déposé par le Gouvernement, annule 3,7 millions d'euros de crédits (AE=CP) sur le programme 21768(*) et vise à tirer les conséquences des montants des droits à compensations financières à verser aux collectivités territoriales ou à leurs groupements à la suite de différents transferts de compétence.

L'amendement n° II-1870, déposé par Marina Ferrari et plusieurs de ses collègues, ouvre 20 millions d'euros de crédits (AE=CP) sur le programme 181 pour abonder le fonds Barnier.

L'amendement n° II-3697, déposé par David Amiel et plusieurs de ses collègues, ouvre un million d'euros de crédits (AE=CP) destiné à apporter une contribution au Fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE). Il s'agit ainsi de lever les conditions de ressources pour bénéficier du prêt avance rénovation (PAR), sachant que le FGRE sert à contre-garantir les PAR accordés par les banques.

L'amendement n° II-4451, déposé par Robin Reda et plusieurs de ses collègues, ouvre 150 000 euros en AE sur le programme 181 afin d'abonder le Conseil national du bruit (CNB). Cet organisme est une instance consultative qui est obligatoirement saisie, ou peut s'autosaisir sur les questions relatives à la qualité de l'environnement sonore et la gestion du bruit.

Un amendement du Gouvernement n° II-4590 a ouvre 435 millions d'euros sur l'action 02 « Accompagnement transition énergétique » du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » pour financer la prorogation de l'indemnité carburant de 100 euros (voir supra). En contrepartie, cet amendement a proposé de minorer à due concurrence les crédits de l'action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » du programme 345 « Service public de l'énergie ». Le Gouvernement a justifié cette diminution de crédits par une réévaluation des perspectives d'évolution des prix de l'électricité. En miroir, le Gouvernement aurait également dû revoir à la baisse ses perspectives au titre des mécanismes de soutien public à la production d'énergies renouvelables en métropole continentale (action 9 du programme 345). En effet, l'évolution des prix de marché de l'électricité a un effet inverse sur les deux actions.

Deux amendements identiques, l'un déposé par Mme Lise Magnier (n° II-4608) et l'autre présenté par M. Bertrand Pancher (n° II-4654) avec, dans les deux cas, certains de leurs collègues députés, ouvrent 160 millions d'euros sur l'action 02 « Accompagnement transition énergétique » pour étendre l'indemnité carburant de 100 euros jusqu'au sixième décile de revenus.

Un amendement du Gouvernement n° II-4754 ouvre 1 million d'euros de crédits sur l'action 03 « Aides à l'acquisition de véhicules propres » du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » afin de financer la mise en place d'une garantie de l'État, par le biais du fonds de cohésion sociale, pour les prêts accordés pour accroître les perspectives d'accès au leasing social des ménages les plus modestes qui, d'après l'objet de l'amendement, « risquent d'avoir de grandes difficultés à passer les tests de scoring des loueurs conventionnés ». L'instauration de cette garantie est par ailleurs proposée par l'apport d'un autre amendement du Gouvernement duquel est issu l'article 49 vicies du présent PLF.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 50

Évolution de la prime de transition énergétique

Le présent article prévoit, d'une part, de supprimer la condition de ressources pour bénéficier de MaPrimeRénov', et, d'autre part, des mesures pour lutter contre la fraude à la rénovation énergétique, dont le renforcement de l'encadrement du mandataire MaPrimeRénov'.

MaPrimeRénov' est déjà ouverte à tous les ménages sans condition de ressources depuis 2021. Pour les ménages les plus aisés, elle est aujourd'hui limitée aux forfaits pour la rénovation globale et aux bonus « sortie de passoire énergétique » et « bâtiment basse consommation ». La suppression de cette condition n'aura donc pas de réelle incidence sur le fonctionnement de la prime de transition énergétique.

L'article ouvre également la possibilité de conditionner l'exercice de l'activité de mandataire à une déclaration préalable de l'ANAH, et il prévoit l'application des sanctions prononcées contre les personnes morales à leurs dirigeants. L'essentiel des mesures de renforcement de l'encadrement des mandataires et de la lutte contre la fraude seront néanmoins prises au niveau réglementaire.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : MAPRIMERÉNOV' PEUT FAIRE L'OBJET DE SANCTIONS ADMINISTRATIVES POUR FRAUDE À LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE

A. MAPRIMERÉNOV' EST DÉJÀ OUVERTE AUX MÉNAGES SANS CONDITIONS DE RESSOURCES DEPUIS 2021

L'article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé la prime de transition énergétique, dénommée « MaPrimeRénov' », en remplacement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et des aides « Habiter mieux agilité » de l'Agence nationale de l'Habitat (ANAH).

En 2020, cette prime était ciblée sur les ménages les plus modestes. Pour cette raison, l'article 15 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 dispose que MaPrimeRénov' est accordée « sous conditions de ressources ».

Toutefois, dans le sillage du plan de relance, l'article 241 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a ouvert la prime de transition énergétique à tous les propriétaires. Pour les ménages les plus aisés cependant, la prime de transition énergétique n'est applicable que pour les rénovations globales et les travaux d'isolations. Selon cet article, l'ouverture à tous les ménages sans condition de ressources devait prendre fin au 31 décembre 2022.

L'article 21 de la loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022, issu d'un amendement à l'initiative de la députée Véronique Louwagie, a cependant étendu l'ouverture de MaPrimeRénov' sans conditions de ressources à l'année 2023.

La prime de transition énergétique finance les travaux de rénovation thermique à hauteur de leurs coûts, dans la limite de quatre plafonds, qui dépendent des revenus des ménages. Ces quatre plafonds se déclinent en quatre « couleurs » (bleu, jaune, violet, rose).

Catégories de revenus utilisées dans le cadre
du programme « MaPrimeRénov' » en 2023

Composition du foyer

Ménages
aux revenus très modestes (bleu)

Ménages
aux revenus modestes (jaune)

Ménages
aux revenus intermédiaires (violet)

Ménages aux revenus supérieurs (rose)

Une personne

16 229

22 461

20 805

27 343

29 148

38 184

> 29 148

> 38 184

Deux personnes

23 734

32 967

30 427

40 130

42 848

56 130

> 42 848

> 56 130

Trois personnes

28 545

39 591

36 591

48 197

51 592

67 585

> 51 592

> 67 585

Quatre personnes

33 346

46 226

42 748

56 277

60 336

79 041

> 60 336

> 79 041

Cinq personnes

38 169

52 886

48 930

64 380

69 081

90 469

> 69 081

> 90 469

Personne supplémentaire

+ 4 813

+ 6 650

+ 6 165

+ 8 097

+ 8 744

+ 11 555

> + 8 744 

> + 11 555

Note : les nombres en italiques sont les catégories de revenus applicables en Île-de-France. Les catégories de revenus présentées sont également applicables pour les forfaits ainsi que pour MaPrimeRénov' Sérénité.

Source : Commission des finances, d'après la Commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, et d'après le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

B. LE MANDATAIRE MAPRIMERÉNOV'

Le troisième alinéa du II de l'article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoit que l'ANAH peut habiliter des mandataires proposant aux bénéficiaires de la prime de transition énergétique un « accès simplifié à celle-ci ».

Un mandataire MaPrimeRénov' est un tiers, désigné par quelqu'un qui demande la prime, qui doit l'aider dans ses démarches en ligne (mandat administratif), voire pour bénéficier de la subvention à sa place (mandat financier). Le mandataire MaPrimeRénov' ne doit pas être confondu avec « Mon Accompagnateur Rénov' », dont les missions sont l'assistance à la prospection et à la sélection des professionnels, et l'évaluation de la qualité des travaux menés.

Les mandataires MaPrimeRénov' peuvent être des personnes physiques ou morales, publiques ou privées. Pour être habilité mandataire par l'ANAH, il est nécessaire de déposer un dossier à l'agence. L'article 4 du décret n° 2021-344 du 29 mars 202169(*) énonce les conditions requises pour bénéficier de l'habitation. Il est notamment nécessaire :

- d'apporter une information et un accompagnement sécurisés au demandeur par le biais d'un traitement sécurisé des données conformément à la réglementation relative à la protection des données ;

- d'assurer une chaîne commerciale, contractuelle et assurantielle respectueuse des droits du consommateur, qui exclut notamment tout démarchage abusif ;

- d'apporter une information sur l'ensemble des engagements, et porter à la connaissance du demandeur la réglementation relative à la prime.

Au titre du cinquième alinéa du II de l'article 15 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, les mandataires sont passibles de sanctions en cas de manquement aux règles au même titre que les bénéficiaires de la prime.

C. LES SANCTIONS POUR NON-RESPECT DES RÈGLES DE LA PRIME DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Le cinquième alinéa du II de l'article 15 de la loi de finances pour 2020 prévoit que le montant des sanctions prononcées par l'ANAH en cas de non-respect des règles de la prime de transition énergétique ne peut excéder :

- pour les personnes morales, dix fois le montant de la prime accordée par dossier, dans la limite de 4 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, portée à 6 % en cas de manquements réitérés ;

- pour les personnes physiques, 50 % du montant de la prime pour les personnes physiques.

L'ANAH peut également, pour une durée maximale de cinq ans, refuser toute nouvelle demande de prime émanant d'un bénéficiaire ou d'un mandataire ayant contrevenu aux règles applicables. Les personnes ou les organismes concernés ont la possibilité de présenter leurs observations préalablement au prononcé des sanctions.

Selon l'article 8 du décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique, les sanctions prévues au II de l'article 15 de la loi du 28 décembre 2019 susvisée sont fixées en fonction de la gravité des faits, de la situation du bénéficiaire ou de son mandataire et de l'éventuelle réitération d'agissements sanctionnés dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

Le directeur général de l'ANAH doit saisir pour avis une commission70(*), qui se prononce sur l'opportunité et le contenu de la sanction envisagée, dans les cas suivants :

- les faits constituent un manquement ou une irrégularité grave, répété ou présentant un caractère nouveau commis par un ou plusieurs mandataires ;

- les faits constituent une fraude commise par tout mandataire ou bénéficiaire de la prime ;

- le bénéficiaire ou son mandataire mis en cause a demandé à être auditionnée.

Les sanctions présentées sont des sanctions administratives, et les scénarios de contravention aux règles de MaPrimeRénov' vont au-delà du cas de la fraude à la rénovation énergétique stricto sensu.

Par ailleurs, les actes qui contreviennent aux règles de MaPrimeRénov', comme les fraudes justement, peuvent également constituer des infractions et faire l'objet de sanctions pénales. Par exemple, les pratiques commerciales trompeuses en matière de rénovation énergétique sont passibles de deux ans de prison et d'une amende de 300 000 euros au titre de l'article L. 132-2 du code de la consommation.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA SUPPRESION DE LA CONDITION DE RESSOURCES POUR BÉNÉFICIER DE MAPRIMERÉNOV' ET UN RENFORCEMENT DE L'ENCADREMENT DES MANDATAIRES MAPRIMERÉNOV'

Le a) du 1° du présent article supprime la condition de ressources pour bénéficier de MaPrimeRénov'.

Le b) du 1° supprime la disposition selon laquelle les caractéristiques et conditions d'octroi de la prime de transition énergétique ne peuvent être moins favorables pour le bénéficiaire que celles régissant le crédit d'impôt transition énergétique (CITE).

Le 2° complète la disposition selon laquelle des garanties, notamment financières, de compétence, de probité et de moyens appropriés peuvent être exigées pour les mandataires MaPrimeRénov'.

Il précise que l'activité de mandataire peut également être conditionnée aux engagements suivants :

- de restitution des primes indûment perçues pour le compte du mandant ;

- de déclarations préalables auprès de l'ANAH, ou relatifs aux conditions d'exercice de l'activité.

Il est prévu que ces engagements et garanties soient précisés par décret.

Le a) du 3° apporte une modification à la détermination du montant de la sanction pour une personne morale. Il est toujours prévu que le montant des sanctions ne peut excéder dix fois le montant de la prime accordé par dossier, dans la limite de 4 % du dernier chiffre d'affaires. Toutefois :

- en droit existant, la référence est 4 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, tandis qu'en droit proposé, il s'agit de 4 % du dernier chiffre d'affaires hors taxes connu à la date des faits ;

- en droit proposé, il est précisé que si la valeur du chiffre d'affaire n'est pas déterminable, le montant de dix fois le montant de la prime accordée par dossier s'applique.

Le b) du 3° prévoit que pour le mandataire personne morale, la sanction peut s'appliquer aux président et dirigeants en exercice au moment où le manquement a été réalisé. La durée de cette sanction ne peut pas excéder le terme du mandat de la personne de la personne morale en question.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION 

Cet article n'a pas été modifié par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER L'ARTICLE SANS MODIFICATION

Une refonte de la prime de transition énergétique est prévue pour l'année prochaine. MaPrimeRénov' sera désormais décomposée en deux volets : un parcours « performance », qui se focalise sur les rénovations globales, et un parcours « efficacité », qui finance des travaux individuels.

Cette réforme sera cependant mise en place pour l'essentiel au niveau réglementaire. Le présent article effectue en réalité des modifications à la marge concernant l'éligibilité à la prime et le statut des mandataires MaPrimeRénov'.

A. LA SUPPRESSION DE LA CONDITION DE RESSOURCES N'AURA PAS D'INCIDENCE SUR LE FONCTIONNEMENT DE MAPRIMERÉNOV'

La suppression de la condition de ressources pour bénéficier de MaPrimeRénov' est une mesure symbolique. Cette condition n'a été en réalité effective qu'en 2021. Entre 2021 et 2023, la prime de transition énergétique a été ouverte aux ménages les plus aisés.

L'enjeu n'est en réalité pas tant de savoir si les ménages aisés (catégorie « rose » selon la classification de l'ANAH) peuvent bénéficier ou non de MaPrimeRénov' dans l'absolu, mais de déterminer quels sont pour eux les types de travaux finançables par la prime, et quel niveau de financement celle-ci peut prendre en charge. Ces critères relèvent du domaine réglementaire.

En 2023, les ménages des catégories de revenus supérieurs sont exclus pour les travaux individuels, comme par exemple l'installation d'une pompe à chaleur, d'un appareil de chauffage au bois, ou du changement des fenêtres. Jusqu'au 1er avril 2023, les ménages aisés pouvaient encore bénéficier de la prime pour des mesures d'isolation.

Plafonds de MaPrimeRénov' selon les revenus d'un ménage
pour l'installation d'une chaudière à granulés

Une personne

Deux personnes

Plafond de l'aide

Jusqu'à 15 262 euros

Jusqu'à 22 320 euros

10 000 euros

Jusqu'à 19 565 euros

Jusqu'à 28 614 euros

8 000 euros

Jusqu'à 29 148 euros

Jusqu'à 42 411 euros

4 000 euros

Au-dessus de 29 148 euros

Au-dessus de 42 411 euros

-

Source : commission des finances

Ces ménages ne peuvent plus bénéficier que du forfait de rénovation globale, d'un montant de 5 000 euros, et des bonus « sortie de passoire énergétique » et « bâtiment basse consommation », tous les deux de 500 euros.

Aides aux travaux de rénovation globale

Catégorie de revenus

Montant de l'aide

Forfait rénovation globale de MaPrimeRénov'

Supérieures

5 000 euros

Intermédiaires

10 000 euros

MaPrimeRénov' Sérénité

Modestes

Travaux pris en charge
à hauteur de 35 % dans la limite de 12 250 euros

Très modestes

Travaux pris en charge
à hauteur de 55 % dans la limite de 17 500 euros

Source : commission des finances

Les financements de MaPrimeRénov' pour les ménages aisés représentent de ce fait une part minoritaire du coût de la prime. D'après le Gouvernement, il est évalué que les subventions accordées aux ménages aisés représenteraient 19 millions d'euros en autorisations d'engagement, sur les 2 milliards d'euros consacrés à MaPrimeRénov' sur le programme 174.

Il est prévu que ces barèmes soient modifiés avec la refonte de MaPrimeRénov' programmée en 2024. En tout état de cause, la suppression de la condition de ressource n'aura pas d'incidence sur le fonctionnement actuel de la prime de rénovation énergétique.

B. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE MAPRIMERÉNOV' SERA IMPOSSIBLE SANS UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE

1. Le régime de l'encadrement des mandataires MaPrimeRénov' sera surtout déterminé par décret

La disposition selon laquelle le mandataire s'engage à reverser le montant des primes indûment perçues pour le compte du mandant est la reprise des conditions énoncées au décret du 29 mars 2021 relatif à l'habilitation de mandataires dans le cadre de la prime de transition énergétique. La différence est que cette exigence est désormais applicable aux mandataires qui n'auraient pas été habilités par l'ANAH.

Le contenu réel des engagements du mandataire sera établi par décret. D'après l'évaluation préalable de l'article, les mesures envisagées sont : « l'engagement de ne pas créer le compte personnel du ménage, l'engagement de restituer les primes indument perçues, l'engagement de produire des bilans sociaux attestant des chiffres d'affaires (les éventuelles sanctions prises par l'Anah reposent sur cette information), l'engagement de réaliser les travaux conformément aux règles de l'art et plans de contrôle ».

Il a été rapporté dans la presse que le Gouvernement aurait annoncé, le 3 novembre dernier, que le présent article rendrait obligatoire la déclaration préalable auprès de l'ANAH pour exercer les activités de mandataire. La même information se trouve sur le site officiel « economie.gouv.fr », dans une page datée du 6 novembre : « Le PLF 2024 (article 50) prévoit ainsi d'exiger [...] une déclaration préalable auprès de l'ANAH. »71(*)

Or, l'article 50 n'en fait en réalité qu'une possibilité, et l'évaluation préalable ne mentionne pas non plus le caractère obligatoire de cette mesure. Si le Gouvernement a déjà prévu de conditionner l'activité de mandataire à MaPrimeRénov' à une déclaration préalable auprès de l'ANAH, il est impératif qu'il énonce clairement que cette disposition sera prise par décret, plutôt que de laisser penser qu'elle est déjà inscrite dans le projet de loi de finances.

La disposition selon laquelle les sanctions peuvent porter non seulement sur les personnes morales, mais également sur leurs dirigeants en exercice, doit permettre d'éviter que les mêmes dirigeants reproduisent un schéma frauduleux similaire avec une entreprise différente.

La sanction consistant dans le refus par l'ANAH, pour une durée de cinq ans, de toute nouvelle demande de prime émanant d'une personne morale sanctionnée était en effet largement ineffective, puisqu'il suffisait pour les auteurs de fraude de recréer une nouvelle structure. Attacher la sanction non plus seulement aux personnes morales mais également aux dirigeants est censé permettre de limiter ce phénomène.

2. Il est impératif que le Gouvernement accélère sur la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique

Les mesures prévues par l'article doivent donner une latitude plus grande à l'ANAH pour lutter contre la fraude, mais elles ne suffiront pas. En effet, le phénomène de la fraude à la rénovation énergétique est massif.

Comme indiqué dans la présentation de la mission dans le présent rapport, la DGCCRF a réalisé une étude à partir de 36 000 inspections réalisées en 2021 et en 2022, au cours de laquelle il a été constaté un taux de non-conformité de 25 %. Le taux de conformité était quant à lui de 50 %, et un quart des dossiers ne pouvait pas être vérifié.

Les formes que peuvent prendre la fraude à la rénovation énergétique sont diverses. Par exemple, la fiche d'opération standardisée « Rénovation globale d'une maison individuelle » (CEEBAR-TH- 164), qui est utilisée dans le cadre des certificats d'économie d'énergie (CEE), fait l'objet de fraudes à trois niveaux :

- certains devis sont antidatés, sachant que l'État avait rendu possible jusqu'au 31 mars dernier le dépôt de devis antérieurs à décembre 2021 ;

- l'état énergétique du logement est dégradé au moment de l'évaluation de sa performance thermique ;

- la pompe à chaleur est présentée comme installée en basse température, avec un fonctionnement à 35 degrés, alors qu'en réalité, elle fonctionnera à des niveaux supérieurs, typiquement 60 degrés, ce qui est largement au-dessus du seuil de fonctionnement optimal des pompes à chaleur.

Le 3 novembre 2023, le Gouvernement a annoncé des mesures pour lutter contre la fraude à la rénovation énergétique :

- les effectifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) seront augmentés de 24 emplois pour la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique ;

- l'ANAH pourra avoir accès au fichier des comptes bancaires en 2024 ;

- le taux de contrôle sur place pour MaPrimeRénov' et les CEE sera augmenté de respectivement 10 % et 12,5 % des dossiers, contre 7 % à 8 % à l'heure actuelle.

Il est également prévu que le versement des aides publiques puisse être suspendu en cas de suspicion de fraude organisée. Il est regrettable que davantage de précisions ne soient pas données quant à cette dernière mesure, alors qu'elle est structurante dans la lutte contre la fraude, et il est très étonnant qu'elle ne soit pas déjà mise en place.

D'une manière générale, les mesures annoncées représentent un minimum dans la lutte contre la rénovation énergétique, et il n'est pas certain qu'elles soient suffisantes pour répondre à l'enjeu de la fraude pour les années à venir. Les crédits de MaPrimeRénov'72(*) vont en effet connaître une forte augmentation en 2024, ce qui aiguisera d'autant plus l'appétit des entreprises frauduleuses.

Malgré cela, la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique apparaît avoir des années de retard, alors même que celle-ci avait fait l'objet d'une forte médiatisation au temps des offres de « rénovation à 1 euro ».

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 50 bis (nouveau)

Extension de MaPrimeRénov' à Saint-Pierre-et-Miquelon

Le présent article prévoit de rendre éligible les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon à au dispositif MaPrimeRénov', II de l'article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modifications.

I. LE DROIT EXISTANT : LES HABITANTS DES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER DE L'ARTICLE 74 DE LA CONSTITUTION NE SONT PAS ÉLIGIBLES À MAPRIMERÉNOV'

Le II de l'article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoit l'existence d'une prime de transition énergétique, appelée MaPrimeRénov', destinée à financer des travaux et dépenses en faveur de la rénovation énergétique des logements. Des informations générales sur le fonctionnement, le coût et l'éligibilité à MaPrimeRénov' sont données à la section B du II de la troisième partie du présent rapport.

MaPrimeRénov' est accessible dans les régions et départements d'outre-mer. Il faut cependant souligner que le forfait « rénovation globale » et les bonus « sortie de passoire énergétique » et « bâtiment basse consommation » (BCC) ne sont pas accordés en outre-mer, car le diagnostic de performance énergétique (DPE) n'y est pas applicable. En contrepartie, des forfaits spécifiques existent dans ces collectivités pour l'isolation solaire.

Les habitants des collectivités d'outre-mer mentionnées à l'article 74 de la Constitution et de Nouvelle-Calédonie ne sont en revanche pas éligibles à MaPrimeRénov'.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'EXTENSION DE MAPRIMERÉNOV' À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

Le présent article est issu d'un amendement n° II- 3321 déposé par le Gouvernement et repris dans le texte comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Il prévoit de rendre éligible les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon à MaPrimeRénov' dans des conditions qui seront précisées par décret.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXTENSION LOGIQUE

Saint-Pierre-et-Miquelon est la seule collectivité française située en Amérique du nord. L'archipel comptait 5 925 habitants au 1er janvier 2020.

Le climat de Saint-Pierre-et-Miquelon est de type froid et humide (zone climatique H1). La température moyenne est négative plusieurs mois de l'année, et elle dépasse rarement les 20°C. En cela, l'archipel fait figure d'exception parmi les collectivités d'outre-mer.

Climat de Saint-Pierre-et-Miquelon

(en degrés)

Source : commission des financées, d'après des données du National Centers for Environmental Information (NOAA)

Lors des auditions de la commission d'enquête du Sénat sur l'efficacité des politiques des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, Sabrina Mathiot, directrice de l'Union sociale d'organismes HLM outre-mer, a indiqué que : « Fin 2022, l'État a dépensé un million d'euros pour aider les ménages de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cet argent a servi à payer l'augmentation du fioul, alors qu'il aurait pu servir à accompagner le parc prévu. » L'extension de MaPrimeRénov' à cette collectivité permettrait ainsi de générer des économies à moyen terme.

De plus, Saint-Pierre-et-Miquelon est déjà éligible au dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 50 ter (nouveau)

Extension de MaPrimeRénov' à Saint-Pierre-et-Miquelon

Le présent article résulte de la reprise par le Gouvernement, dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, d'un amendement déposé par le député Stéphane Lenormand et plusieurs de ses collègues. Il poursuit le même objectif que l'article 50 bis mais dans une rédaction moins aboutie. S'agissant du fond du dispositif, il est donc renvoyé au commentaire de l'article 50 bis.

Sur la forme, on ne peut que s'étonner que le Gouvernement n'ait pas choisi le dispositif de l'amendement qui lui paraissait le plus abouti dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité. Il en résulte que le texte transmis au Sénat contient des dispositions qui sont juridiquement concurrentes et par la même inapplicables. Le souhait d'afficher le plus grand nombre et le plus large spectre politique d'amendements retenus a dû motiver ce mauvais choix, qui s'est fait au détriment de clarté du texte et des débats.

Le rapporteur spécial a déposé un amendement n°  II-28 (FINC.3) visant à supprimer le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 51

Prolongation complémentaire du congé d'accompagnement spécifique
des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon

Le présent article prévoit une possibilité de prorogation du congé d'accompagnement spécifique des salariés confrontés à la fermeture des centrales à charbon.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : DANS LE CADRE DE LA FERMETURE ANNONCÉE DES DERNIÈRES CENTRALES À CHARBON DES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT DES SALARIÉS CONCERNÉS ONT ÉTÉ MISES EN oeUVRE

A. LA FERMETURE DES DERNIÈRES CENTRALES À CHARBON FRANÇAISES ÉTAIT PROGRAMMÉE POUR 2022

En décembre 2017, le Président de la République s'était engagé à fermer les quatre dernières centrales à charbon françaises d'ici à la fin de son mandat en 2022. Réaffirmé en 2018, cet engagement avait été inscrit dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour 2019-2023 puis confirmé par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, dite « loi énergie climat ».

Les dispositions de l'article 12 de cette loi limitaient les émissions de CO2 des installations de production d'électricité à base de combustibles fossiles à partir du 1er janvier 2022. De ces dispositions devait en pratique résulter la fermeture des quatre dernières centrales à charbon situées sur le territoire national, sur les communes du Havre et de Cordemais pour les centrales exploitées par EDF, de Gardanne et de Saint-Avold, pour les centrales exploitées par GazelEnergie.

Les quatre centrales à charbon françaises qui étaient encore en fonctionnement en 2020 et leurs dates prévisionnelles de mise à l'arrêt
suite à l'adoption de la loi climat énergie de novembre 2019

Source : ministère de la transition écologique

En 2020, les quatre dernières centrales à charbon en activité en France fournissaient moins de 1,2 % de la production nationale d'électricité pour 10 millions de tonnes de CO2 de générées annuellement, soit plus du quart des émissions de gaz à effet de serre du secteur électrique. D'après Réseau de transport d'électricité (RTE), le charbon est l'une des énergies parmi les plus émettrices de carbone au monde. Elle produirait en moyenne 0,986 tonne d'équivalent CO2 (e CO2) par mégawatt (MW) contre 0,429 tonne d'e CO2 pour le gaz et 0,494 d'e CO2 pour les bioénergies.

Des démarches d'accompagnement des territoires concernés ont été prises suite à des concertations entre l'État, les collectivités locales et les autres acteurs impliqués, avec l'appui d'un délégué interministériel. Elles ont pris la forme de pactes territoriaux destinés à stimuler le tissu économique de ces territoires.

Les centrales du Havre et de Gardanne ont été mises à l'arrêt dès 2021 avant celle de Saint-Avold en mars 2022. Cependant, les tensions sur l'approvisionnement électrique anticipées pour l'hiver 2022-2023 et la crise des prix de l'énergie a conduit le Gouvernement à décider de rouvrir la centrale de Saint-Avold (voir infra) et de maintenir en fonctionnement la centrale de Cordemais.

B. L'ORDONNANCE DU 29 JUILLET 2020 A INSTAURÉ DES DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT DES SALARIÉS EXPOSÉS À LA FERMETURE DES CENTRALES, AU PREMIER RANG DESQUELS, UN CONGÉ D'ACCOMPAGNEMENT SPÉCIFIQUE

Prise en application de la loi énergie et climat du 8 novembre 2019 précitée, l'ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 202073(*) a prévu différentes mesures destinées à accompagner les salariés exposés à la fermeture des dernières centrales à charbon française, c'est-à-dire ceux des quatre dernières centrales encore en activité à cette date mais aussi les personnels portuaires directement touchés par l'arrêt de cette activité et les salariés des entreprises sous-traitantes74(*). Cette ordonnance a été ratifiée par l'article 44 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Le titre Ier de l'ordonnance prévoit les dispositions applicables aux seuls salariés des entreprises exploitant les centrales à charbon. Les titres II et III concernent quant à eux respectivement les personnels portuaires et les salariés des entreprises sous-traitantes de celles exploitant les centrales à charbon.

1. Un congé d'accompagnement spécifique pour le maintien dans l'emploi des salariés des centrales à charbon

Le chapitre III du titre Ier de l'ordonnance instaure un congé d'accompagnement spécifique pour le maintien dans l'emploi des salariés des centrales à charbon. Conformément à l'article 6 de l'ordonnance, ce congé d'accompagnement spécifique concerne les salariés qui n'ont pas retrouvé d'emploi à l'expiration du congé de reclassement de droit commun prévu par le code du travail75(*). En application des dispositions de l'article 7, la durée maximale de ce congé spécifique est égale à douze mois mais peut être allongée à dix-huit mois :

- lorsque la durée séparant le début du congé de reclassement et l'âge d'ouverture du droit à pension de retraite du salarié est inférieure ou égale à cinq ans ;

- lorsque, au début du congé de reclassement, le salarié a atteint l'âge d'ouverture du droit à pension de retraite sans remplir les conditions d'une liquidation au taux plein.

L'article 8 dispose que le salarié bénéficiaire du congé d'accompagnement spécifique s'engage à suivre les actions de formation et de validation des acquis de l'expérience définies conjointement avec son employeur.

L'article 9 prévoit quant à lui que dans le cadre de son congé de reclassement spécifique, le salarié bénéficie d'une allocation mensuelle, versée par l'employeur et prise en charge par l'État, égale à un pourcentage de sa rémunération mensuelle brute moyenne perçue au cours des douze derniers mois précédant le congé de reclassement. Ce pourcentage est égal à :

- 70 % au titre des six premiers mois du congé ;

- 65 % à compter du septième mois.

L'article 10 précise notamment que ce congé spécifique peut comporter des périodes de travail durant lesquelles le congé et le versement de l'allocation sont suspendus.

L'article 12 prévoit que l'employeur met fin au congé d'accompagnement spécifique dans les cinq configurations suivantes :

- à la demande du bénéficiaire ;

- lorsque le salarié remplit les conditions pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein ;

- lorsque le bénéficiaire retrouve un emploi ;

- en cas de manquement du bénéficiaire, sans motif légitime, à l'engagement de suivre des actions de formation et de validation des acquis de l'expérience ;

- lorsque le bénéficiaire refuse à deux reprises un emploi similaire à son précédent emploi, dans le même bassin d'emploi, assorti d'une qualification et d'une rémunération au moins équivalentes.

2. Une indemnité versée en cas de retour anticipé à l'emploi

Le chapitre V du titre Ier de l'ordonnance prévoit le versement d'une indemnité en cas de retour anticipé à l'emploi des salariés des centrales à charbon.

L'article 18 de l'ordonnance prévoit ainsi que lorsqu'un salarié d'une centrale à charbon bénéficiaire du congé de reclassement de droit commun ou du congé d'accompagnement spécifique trouve un emploi avant la fin de l'un ou l'autre de ces deux congés, l'employeur lui verse une indemnité, prise en charge par l'État, correspondant à un pourcentage du montant maximal des allocations de congé d'accompagnement spécifique auxquelles il aurait pu prétendre jusqu'au terme de ce congé.

Ce pourcentage est égal à :

- 80 % lorsque la reprise d'emploi intervient dans les six mois suivant le début du congé de reclassement ;

- 70 % lorsqu'elle intervient entre le septième et le douzième mois ;

- 60 % lorsqu'elle intervient entre le treizième et le dix-huitième mois ;

- 50 % lorsqu'elle intervient au-delà du dix-huitième mois.

3. Des mesures financées par des crédits budgétaires suivis sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »

Les crédits budgétaires consacrés par l'État aux mesures d'accompagnement social de la fermeture des centrales à charbon sont inscrits sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Plus précisément, ils sont suivis sur l'action 01 « Politique de l'énergie » de ce programme.

D'après le projet annuel de performances du programme 174 annexé au PLF pour 2024, 8,1 millions d'euros de crédits de paiement devraient être consacrés à l'ensemble de ces dispositifs au cours de l'exercice budgétaire 2024.

Évolution des dépenses de l'État (en crédits de paiement) consacrées aux mesures d'accompagnement social de la fermeture des centrales à charbon

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les annexes budgétaires aux lois de finances

En pratique, ces dépenses consistent à rembourser ex post les employeurs par l'intermédiaire des préfectures de régions concernées qui sont délégataires des crédits du programme 174.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE PROLONGATION POUVANT ALLER JUSQU'À 28 MOIS DU CONGÉ D'ACCOMPAGNEMENT SPÉCIFIQUE POUR LE MAINTIEN DANS L'EMPLOI DES SALARIÉS DES CENTRALES À CHARBON

Le I du présent article propose de compléter l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d'accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon afin de prévoir que le congé d'accompagnement spécifique prévu par le chapitre III de l'ordonnance puisse être prorogé lorsqu'avant son terme, le salarié n'a pas retrouvé d'emploi. La durée de cette période complémentaire ne pourrait excéder vingt-huit mois.

Il est précisé que cette période complémentaire ne pourra donner lieu au bénéfice de l'indemnité versée en cas de retour anticipé à l'emploi définie à l'article 18 de la même ordonnance (voir supra).

Le II précise que les dispositions du présent article, c'est-à-dire la période complémentaire instaurée par son I, sont applicables aux congés d'accompagnement spécifique dont la date de début est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2024 ainsi qu'aux salariés dont le congé d'accompagnement spécifique a pris fin avant cette entrée en vigueur et dont le contrat de travail serait toujours suspendu à cette date.

Cette dernière disposition concerne notamment les salariés des sites de Saint-Avold et de Gardanne entrés dans le dispositif en août 2021 et dont les congés ont pris fin en août dernier.

III. LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Cet article n'a pas été modifié dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES DISPOSITIONS QUI DOIVENT PERMETTRE DE POURSUIVRE L'ACCOMPAGNEMENT DES SALARIÉS EXPOSÉS À LA FERMETURE DES CENTRALES À CHARBON

A. L'ACTIVITÉ DES DEUX DERNIÈRES CENTRALES À CHARBON FRANÇAISES POURRAIT ÊTRE PROLONGÉE JUSQU'EN 2027

En juin 2022, en raison des craintes quant à l'approvisionnement électrique pour l'hiver à venir, le Gouvernement a annoncé vouloir remettre en route la centrale à charbon de Saint-Avold fermée au mois de mars de la même année et ne pas stopper l'activité de la centrale de Cordemais. La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a ainsi rendu possible de procéder à la réembauche en contrat à durée déterminée (CDD) par le gestionnaire du site de Saint-Avold, GazelEnergie, des salariés qui avaient perdu leur emploi dans le cadre de l'arrêt d'activité de la centrale quelques mois plus tôt. Le site de Saint-Avold a ensuite pu reprendre son activité de production d'électricité à compter de la fin du mois de novembre 2022.

Un décret du 23 août 2023 portant modification temporaire du plafond des émissions de gaz à effet de serre des installations de production d'électricité émettant plus de 0,55 tCO2/MWh doit permettre aux deux dernières centrales à charbon française (Cordemais et Saint-Avold) de poursuivre leur activité jusqu'en 2024. Le décret relève en effet ce plafond à 1,8 kilotonne de CO2/MW de puissance électrique installée entre le 1er avril 2023 et le 31 décembre 2024. Cette évolution permettra aux deux centrales concernées de fonctionner pendant 500 heures supplémentaires sur cette période par rapport au plafond de 1 300 heures initialement autorisé jusqu'à fin 2024, soit 1 800 heures correspondant à 75 jours de production en continu. Durant l'hiver 2022-2023, les centrales à charbon avaient obtenu l'autorisation de fonctionner pendant 2 500 heures, soit 104 jours. En 2022, les deux dernières centrales à charbon française ont représenté 0,6 % du mix électrique national. Parallèlement, ce même décret prévoit que les centrales à charbon verront le montant des compensations dues au titre de leurs émissions de CO2 progresser de 40 euros à 50 euros/tCO2.

À la fin du mois de septembre dernier, le Président de la République a annoncé que la France ne sortira finalement de la production électrique via le charbon que d'ici 2027. À cet horizon, il s'est engagé à ce que les centrales de Cordemais et de Saint-Avold soient converties à la biomasse.

B. LA PROLONGATION DU CONGÉ SPÉCIFIQUE EST NÉCESSAIRE POUR POURSUIVRE L'ACCOMPAGNEMENT VERS LE RETOUR À L'EMPLOI DE SALARIÉS TOUJOURS SANS SOLUTION

L'évaluation préalable du présent article signale que certains anciens salariés de centrales à charbon demeurent toujours sans solution au terme de leurs droits ouverts au titre du dispositif d'accompagnement social prévu par l'ordonnance de juillet 2020. Sont concernés des salariés de GazelEnergie qui opéraient sur les sites de Saint-Avold et de Gardanne.

La prolongation du congé spécifique prévu par le présent article permettrait de poursuivre l'accompagnement vers le retour à l'emploi de ces salariés. Toujours d'après l'évaluation préalable de l'article, le coût par salarié de cette prolongation se situera entre 10 000 euros et 416 000 euros.

De 2023 à 2028, le coût cumulé de cette prolongation pourrait ainsi se chiffrer à 5,5 millions d'euros dont 1,2 million d'euros au titre de l'année 2024.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

ARTICLE 52

Prolongation temporaire du bouclier tarifaire sur l'électricité et modification des conditions d'établissement
des tarifs réglementés de vente de l'électricité

Le présent article prévoit principalement :

- la reconduction du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité ;

- un dispositif d'amortisseur pour certaines entités non éligibles au bouclier ;

- un ajustement du calcul des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVe) et la reconduction de certains dispositifs dérogatoires en matière d'évaluation des compensations de charges de service public de l'énergie par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ;

- une révision de la répartition du complément de prix relatif à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).

Le rapporteur constate avec regret que le Gouvernement n'a pas tiré les leçons de l'examen du dernier projet de loi de finances et n'a pas souhaité prendre en compte les demandes légitimes des parlementaires de disposer des informations nécessaires à l'examen de dispositions législatives dont les enjeux tant financiers qu'économiques ou sociaux sont majeurs. À ce titre, l'amortisseur annoncé pour 2024 demeure un « objet non identifié ».

Par ailleurs en cherchant à réviser la répartition du complément de prix Arenh dans la précipitation par un amendement déposé à l'Assemblée nationale sans aucune concertation avec les fournisseurs ni aval de la CRE, le Gouvernement semble jouer à « l'apprenti sorcier ». Les réactions en chaîne de cette mesure prise sur des bases extrêmement fragiles pourraient conduire à alimenter une dynamique inflationniste des prix de l'électricité. Dans la mesure où de telles conséquences apparaissent comme particulièrement inappropriées dans le contexte actuel, le rapporteur propose un amendement n°  II-29 (FINC.4) visant à supprimer la révision de la répartition du complément de prix Arenh.

La commission des finances propose d'adopter l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : DES « BOUCLIERS TARIFAIRES » POUR LE GAZ ET L'ÉLECTRICITÉ ONT ÉTÉ MIS EN PLACE DEPUIS LA FIN DE L'ANNÉE 2021 POUR RÉPONDRE À UNE CRISE DES PRIX INÉDITE

A. LE BOUCLIER TARIFAIRE INDIVIDUEL SUR LES PRIX DU GAZ A PRIS FIN EN JUIN 2023

En raison d'une hausse fulgurante des prix, en octobre 2021 et jusqu'à la fin de l'année 2022, le Gouvernement a décidé de geler par voie réglementaire les tarifs réglementés de vente de gaz (TRVg).

L'article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a concrétisé cet engagement dans la loi, en prévoyant un mécanisme de compensation pour les fournisseurs.

Initialement prévu jusqu'au 30 juin 2022, le bouclier tarifaire sur les prix du gaz a été prolongé une première fois par arrêté jusqu'au 31 décembre 2022. Alors que le bouclier était dans sa première mouture réservé aux clients disposant d'une offre au TRVg, l'article 37 de la première loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a étendu le dispositif à l'ensemble des clients qui disposent d'un contrat en offre de marché.

L'article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a prorogé une nouvelle fois le dispositif jusqu'au 30 juin 2023 en limitant cette fois-ci la hausse des TRVg à 15 % TTC par rapport au prix d'octobre 2021.

En parallèle de ce bouclier tarifaire « individuel », un dispositif destiné aux ménages vivant dans des logements chauffés collectivement au gaz a été instauré par voie règlementaire à compter du mois d'avril 2022 puis prorogé à plusieurs reprises jusqu'à la fin de l'année 2023.

Du fait de la baisse des prix du gaz observée depuis la fin de l'année 2022 et alors que l'article 181 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2023 prévoyait la possibilité de prolonger l'application du bouclier tarifaire sur les prix du gaz jusqu'à la fin de l'année 2023, après la fin de la commercialisation des TRVg le 30 juin 2023, le Gouvernement a décidé de mettre un terme à ce dispositif dès le mois de juillet 2023.

B. EN 2022 PUIS EN 2023 ONT ÉTÉ MIS EN PLACE DES BOUCLIERS TARIFAIRES SUR LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

1. Depuis la fin de l'année 2021, une crise des prix de l'électricité sans équivalent historique

Dans le sillage de la hausse des prix du gaz, en raison du système de formation des prix de l'électricité sur le marché européen (voir encadré infra), les prix de gros de l'électricité se sont envolés à partir de l'automne 2021 pour atteindre des sommets historiques jamais observés auparavant.

Pourquoi la hausse des prix de l'électricité est-elle corrélée à celle du gaz ? La formation des prix de l'électricité sur le marché européen selon la règle de « l'ordre de mérite »

Dans le cadre du marché européen de l'énergie, et selon le principe dit de « l'ordre de mérite » ou de la « vente au coût marginal », la formation du prix de gros de l'électricité est déterminée par le prix de production de la dernière centrale nécessaire pour satisfaire la demande. C'est la centrale dite « marginale ».

En règle générale, en europe, en cas de pic de consommation, il s'agit souvent d'une centrale à gaz. Cette modalité de fixation des prix de gros de l'électricité explique la dépendance des prix de l'électricité à l'évolution des cours du gaz.

Le prix de l'électricité sur les marchés « spot » à court terme est extrêmement dépendant de l'évolution du prix des intrants qui alimentent les centrales électriques marginales et donc particulièrement des cours du gaz.

Source : commission des finances du Sénat

Alors qu'avant la crise, la moyenne de prix s'établissait autour de 50 euros par mégawattheure (MWh) et que le précédent record historique était de 93 euros/MWh lors de la crise financière de 2008, les prix du marché à terme de douze mois (CAL Y+ 1) ont connu une première poussée fulgurante au cours de l'hiver 2021-2022 pour dépasser les 400 euros/MWh au mois de janvier 2022.

Évolution des prix de marché à terme (un an, deux ans et trois ans) de l'électricité (juin 2021 - juin 2022)

(en euros/MWh)

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Cependant, cette première crise n'était rien à côté de la flambée observée en août 2022, mois au cours duquel les prix de gros à douze mois ont tutoyé les 1 200 euros/MWh.

Évolution des prix de marché à terme (un an, deux ans et trois ans) de l'électricité (juin 2022 - juin 2023)

(en euros/MWh)

Source : site internet du courtier Opéra énergie

2. Les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) ne sont pas épargnés par l'augmentation des prix sur les marchés de gros

Les dispositions de l'article L. 337-7 du code de l'énergie réservent aujourd'hui l'éligibilité des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) aux ménages76(*) et aux petits « consommateurs finals non domestiques », notamment des TPE ou de petites communes77(*), à condition que la puissance d'électricité souscrite des sites concernés soit inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (kVA).

Article L. 337-7 du code de l'énergie

I.- Les tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés à l'article L. 337-1 bénéficient, à leur demande, pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères :

1° Aux consommateurs finals domestiques, y compris les propriétaires uniques et les syndicats de copropriétaires d'un immeuble unique à usage d'habitation ;

2° Aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros.

II.- Pour la souscription d'un nouveau contrat aux tarifs réglementés, les clients non domestiques attestent préalablement qu'ils remplissent les critères d'éligibilité mentionnés au 2° du I et portent la responsabilité du respect de ces critères d'éligibilité pour leur contrat d'alimentation.

III.- Les clients finals non domestiques qui disposent d'un contrat aux tarifs réglementés de vente d'électricité sont tenus de le résilier dès lors qu'ils ne respectent plus les critères mentionnés au 2° du I et portent la responsabilité du respect de ces critères d'éligibilité pour leur contrat d'alimentation.

Source : code de l'énergie

Les TPE dont les niveaux de consommation électrique sont importants ne sont donc pas éligibles aux TRVe78(*). Au 31 mars 2023, d'après l'observatoire des marchés de détail de l'électricité et du gaz naturel pour le premier trimestre 2023 publié par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en juillet 2023, 21,4 millions de ménages en France bénéficient d'une offre au TRVe ainsi que 1,7 million de sites non résidentiels.

Les TRVe sont des tarifs « intégrés » dont l'objet est de couvrir aussi bien les coûts de production que les coûts de commercialisation et d'acheminement. En application du code de l'énergie, la CRE transmet au moins une fois par an au Gouvernement des propositions motivées de TRVe. Conformément aux dispositions de l'article L. 337-6 du code de l'énergie, le calcul de ces TRVe est réalisé selon le principe dit de « l'empilement des coûts » qui doit garantir que ce tarif puisse être reproductible et « contestable » par les fournisseurs alternatifs. Dans ce cadre normatif, le niveau des TRVe résulte de l'addition :

- du coût d'approvisionnement de la part relevant des droits théoriques au dispositif de l'accès régulé à énergie nucléaire historique (Arenh)79(*) ;

- du coût d'approvisionnement du complément de fourniture après achat des volumes d'Arenh (dit « complément de marché ») et relevant des achats de produits à terme sur les marchés de gros de l'électricité, qui explique la dépendance des TRVe aux évolutions des prix de gros sur le marché européen ;

- du coût d'approvisionnement en capacité80(*) ;

- du coût d'acheminement par les réseaux de transport et de distribution d'électricité ;

- du coût de commercialisation81(*) ;

- et enfin de la rémunération de l'activité de fourniture d'électricité.

Description de la détermination des TRVe par la CRE
selon la méthodologie de l'empilement des coûts

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

Article L. 337-6 du code de l'énergie

Les tarifs réglementés de vente d'électricité sont établis par addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, du coût du complément d'approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture tenant compte, le cas échéant, de l'atteinte du plafond mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 336-282(*).

Sous réserve que le produit total des tarifs réglementés de vente d'électricité couvre globalement l'ensemble des coûts mentionnés précédemment, la structure et le niveau de ces tarifs hors taxes peuvent être fixés de façon à inciter les consommateurs à réduire leur consommation pendant les périodes où la consommation d'ensemble est la plus élevée.

Source : code de l'énergie

Le complément de marché calculé par la CRE correspond à la moyenne des prix de marché à terme pour une année donnée lissée sur 24 mois. Ce système permet d'atténuer l'exposition des TRVe à l'évolution des prix de gros de l'électricité.

Dans le calcul réalisé par la CRE pour 202383(*) le complément de marché représente 33 % de la part d'approvisionnement, soit 17 % du total des TRVe non gelés84(*) HT. Pour mesurer l'exposition globale des TRVe aux prix de gros, il est nécessaire de prendre en compte le coût du complément d'approvisionnement en énergie et en garanties de capacité consécutif à l'écrêtement de l'Arenh. En effet, puisque les demandes d'Arenh sont structurellement supérieures au plafond de 100 térawattheures (TWh), le volume initialement pris en compte dans la construction des TRVe, qui correspond aux droits théoriques, est écrêté et une part d'approvisionnement de marché complémentaire doit être ajoutée dans la détermination du niveau des TRVe85(*). Au total, les TRVe se trouvent désormais exposés aux prix de marché à hauteur d'environ 50 % de la part approvisionnement. Dans un rapport de juillet 2022 sur l'organisation des marchés de l'électricité, la Cour des comptes souligne l'exposition de plus en plus forte des TRVe aux prix de marché.

Évolution de la part « fourniture d'énergie » (ARENH et marché) des TRVe
entre 2016 et 2022

(en euros / MWh)

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

Cette évolution explique en partie l'augmentation régulière des TRVe TTC depuis 2014.

Évolution des différentes composantes des TRVe toutes taxes comprises (TTC) destinés aux ménages entre 2013 et 2022

(en euros / MWh)

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

En 2023, les propositions de TRVe non gelés de la CRE86(*) ont révélé de nouvelles hausses de près de 80 % par rapport aux TRVe non gelés proposés en 202287(*) qui avaient déjà augmenté de 45 % par rapport à 2021.

3. Les boucliers tarifaires sur les prix de l'électricité mis en oeuvre en 2022 puis en 2023

En 2022 puis en 2023, un dispositif dit de « bouclier tarifaire » sur les prix de l'électricité a également été instauré pour limiter les effets de la hausse des prix de marché sur les factures des petits consommateurs éligibles aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe). Ce dispositif a permis de contenir les hausses moyennes des factures d'électricité des consommateurs éligibles aux TRVe à 4 %88(*) en 2022 puis, en 2023, à 15 % en février auxquels se sont ajoutés 10 % supplémentaires au mois d'août.

Le bouclier tarifaire pour l'année 2022 a été prévu par les dispositions de l'article 181 de la LFI pour 2022 tandis que le bouclier tarifaire pour l'année 2023 l'a été par l'article 181 de la LFI pour 2023.

Ce dispositif a consisté en un gel de l'augmentation des TRVe. Ce gel a été instauré par voie réglementaire, sous forme d'arrêtés qui se sont opposés89(*), en vertu des dispositions prévues en LFI pour 2022 puis pour 2023, à l'évolution des TRVe proposée chaque année en janvier par la CRE selon les modalités de calcul prévues par le code de l'énergie. La différence entre le niveau des TRVe non gelés par la CRE et le niveau des TRVe gelés par arrêté est compensée aux fournisseurs par l'État au titre des charges de service public de l'énergie (CSPE).

Cette compensation est également versée aux fournisseurs au titre de leurs consommateurs éligibles aux TRVe qui ne disposent pas de contrats au TRVe, ce qui rend ces derniers également éligibles au dispositif de bouclier tarifaire90(*). De plus, le dispositif dit de « foisonnement » prévu par la loi a permis à un fournisseur d'optimiser les compensations qu'il perçoit afin d'en faire davantage bénéficier ses clients qui disposent des contrats de fournitures les plus onéreux91(*).

En 2022, le dispositif de bouclier tarifaire a été en grande partie financé par EDF à travers un relèvement à hauteur de 20 térawattheures (TWh) du volume d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH). Cette mesure, qui s'est répercutée sur l'ensemble des contrats de fourniture d'électricité, a d'ailleurs bénéficié à l'ensemble des consommateurs, particuliers comme professionnels, très au-delà du périmètre des personnes et entités éligibles au bouclier à proprement parler.

En 2022 comme en 2023, le gel des TRVe a également été en partie financé par la minoration des taux d'accise sur l'électricité (l'ancienne TICFE) à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne. Cette disposition profite également à l'ensemble des consommateurs d'électricité.

Comme pour les prix du gaz mais avec retard, un dispositif spécifique appliqué ex post dédié à l'habitat collectif a été mis en oeuvre à compter de la fin de l'année 202292(*) et jusqu'à la fin de l'année 2023.

C. LES « AMORTISSEURS » SUR LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

L'article 181 de la LFI 2023 a également créé un mécanisme baptisé « amortisseur » sur les prix de l'électricité destiné à soutenir les entités privées comme publiques non éligibles aux TRVe et, par voie de conséquence, au bouclier tarifaire. Cet article prévoit qu'en 2023 les entités éligibles à ce dispositif bénéficient d'une baisse du prix de leur fourniture d'électricité égale à un montant en euros/MWh correspondant à la différence entre le prix de l'électricité de leur contrat et un « prix d'exercice » (un prix de référence) dans la limite d'un « plafond » exprimé lui aussi en euros/MWh. Cette réduction s'applique sur une certaine « quotité » de consommation d'électricité du client final.

En application de l'article 181 de la LFI pour 2023, le décret n° 2022-1774 du 31 décembre 202293(*) a précisé les trois paramètres qui doivent déterminer le calcul de l'amortisseur, à savoir la quotité de consommation d'électricité concernée, fixée à 50 %, le prix d'exercice de référence, fixé à 180 euros/MWh et, enfin, le plafond d'aide, fixé à 320 euros/MWh.

L'application de l'amortisseur électricité revient ainsi à réduire la facture des clients éligibles, pour la moitié des volumes consommés, de l'écart entre le prix de l'électricité de leur contrat et le prix d'exercice de 180 €/MWh, cette réduction étant plafonnée à 320 €/MWh. L'aide annuelle maximale94(*) découlant de ces paramètres est ainsi de 160 €/MWh.

Le même décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022 a défini les consommateurs finals éligibles au dispositif d'amortisseur (voir encadré ci-après).

Les consommateurs finals éligibles à l'amortisseur

Sont éligibles au mécanisme d'amortisseur, les consommateurs finals autres que ceux éligibles au dispositif de bouclier tarifaire électricité appartenant à l'une des catégories suivantes :

1° Les PME95(*) ;

2° Les personnes morales de droit public qui emploient moins de 250 personnes et dont les recettes annuelles n'excèdent pas 50 millions d'euros ;

3° Les personnes morales de droit public ou privé96(*) dont les recettes annuelles provenant de financements publics, de taxes affectées, de dons ou de cotisations, sont supérieures à cinquante pour cent des recettes totales ;

4° Les collectivités territoriales et leurs groupements.

Source : décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022 pris en application des VIII et IX de l'article 181 de la loi no 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

En raison notamment des difficultés rencontrées par les boulangers et les autres TPE dont le cycle productif nécessite une puissance élevée et ainsi non éligibles aux TRVe, le Gouvernement a mis en oeuvre par voie réglementaire un dispositif spécifique destiné à celles de ces TPE qui ont renouvelé leur contrat de fourniture d'électricité en 2022. Ce dispositif, qualifié de « sur-amortisseur » dans la mesure où il fonctionne selon les mêmes modalités que l'amortisseur mais avec des paramètres calibrés différemment, a permis de garantir à ces TPE, en 2023, un prix de leur électricité de 230 euros/MWh.

Les modalités d'application du dispositif de « sur-amortisseur »

Les modalités précises de cette aide ont été définies dans un décret du 3 février 202397(*) modifiant le décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022. Le décret précise notamment que les entreprises éligibles au sur-amortisseur sont celles :

- qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros, pour leurs sites souscrivant une puissance supérieure à 36 kilovoltampères (TPE et assimilées) ;

- ayant signé ou renouvelé un contrat de fourniture d'électricité au titre de 2023 entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022 ;

- dont le prix de la part variable de l'électricité hors taxes, hors acheminement, moyen en euros par MWh résultant de leur contrat pour l'année 2023 excède 280 euros/MWh en moyenne annuelle.

Calqué sur le fonctionnement de l'amortisseur, le mécanisme TPE retient les paramètres suivants : une quotité de consommation d'électricité éligible fixée à 100 %, un prix de référence de 230 euros/MWh et un plafond de 1 500 euros/MWh.

Source : commission des finances du Sénat

D. LE COMPLÉMENT DE PRIX ARENH

Afin notamment d'éviter les effets d'aubaine liés au dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), il existe un mécanisme rétroactif pour réattribuer des volumes qui auraient été alloués en excès à des fournisseurs dans le cas où le développement de leur portefeuille de client sur l'année considérée ne s'est pas déroulé conformément à leurs prévisions initiales. Ce mécanisme prend la forme d'un complément de prix évalué ex post par la CRE sur la base des consommations constatées remontées par les gestionnaires de réseau.

Ce complément de prix, aussi appelé « complément de prix 1 » (CP1), est prévu au premier alinéa du II de l'article L. 336-5 du code de l'énergie. Cet alinéa prévoit ainsi que dans le cas où les droits d'Arenh alloués à un fournisseur s'avèrent supérieurs aux droits correspondants aux consommateurs fournis par ce fournisseur, la CRE lui notifie le complément de prix à acquitter au titre des volumes excédentaires.

Définition du « complément de prix 1 »

Le « complément de prix 1 » (CP1) a pour objectif de neutraliser financièrement la situation d'un fournisseur ayant demandé plus d'Arenh que ce que la consommation constatée sur son portefeuille de clients ne lui en donne le droit. Le montant de ce reversement correspond aux éventuels gains réalisés par le fournisseur en revendant sa quantité excédentaire98(*) sur le marché de gros et consiste à restituer la valeur financière des quantités d'Arenh livrées en excès.

Source : délibération n° 2020-285 de la Commission de régulation de l'énergie du 2 décembre 2020 portant décision relative aux modalités de calcul et de répartition du complément de prix ARENH en cas d'atteinte du plafond

En application des dispositions du troisième alinéa du II du même article, lorsque le volume plafond d'Arenh a été atteint pour une année donnée, ce complément de prix est alors réparti entre Électricité de France (EDF) et les autres fournisseurs selon des modalités de calcul précisées par un décret pris en Conseil d'État99(*). Les règles de répartition prévue à ce troisième alinéa sont précisées par l'article R. 336-35-2 du code de l'énergie.

Article R. 336-35-2 du code de l'énergie

Dans le cas où le calcul de la somme totale des quantités de produit maximales pour les petits et grands consommateurs pour une période de livraison débutant lors de l'année considérée a été supérieur au plafond, la Commission de régulation de l'énergie calcule une répartition du montant global correspondant aux versements du terme « CP1 » entre les fournisseurs et Électricité de France en application du troisième alinéa du II de l'article L. 336-5.

À cette fin, la Commission de régulation de l'énergie évalue pour chaque fournisseur la perte causée, le cas échéant, par l'incidence du caractère excédentaire de la demande des autres fournisseurs sur les quantités cédées au fournisseur considéré du fait de l'application de la méthode de répartition du plafond prévue à l'article R. 336-18. L'évaluation de cette perte tient compte des hypothèses de valorisation sur le marché des quantités excédentaires et de la garantie de capacité attachée déterminant le terme « CP1 » des différents fournisseurs, prévues à l'article R. 336-35, et son montant est actualisé suivant les mêmes hypothèses que les versements du terme « CP1 ». La part du montant global correspondant aux versements du terme « CP1 » attribuée au fournisseur dans la répartition déterminée par la Commission de régulation de l'énergie au titre du premier alinéa ne peut dépasser le montant de cette perte, évalué et actualisé conformément au présent alinéa.

La Commission de régulation de l'énergie évalue le montant nécessaire à la compensation d'Électricité de France induit, le cas échéant, par le caractère excédentaire de la demande globale des fournisseurs par rapport à la somme des quantités de produit théoriques pour toutes les sous-catégories de consommateurs calculées conformément à la méthode mentionnée à l'article R. 336-14 sur la base des consommations constatées par le gestionnaire du réseau public de transport. Lorsque la somme des quantités de produit théoriques pour les petits et grands consommateurs, calculées conformément à la méthode mentionnée à l'article R. 336-14 sur la base des consommations constatées par le gestionnaire du réseau public de transport, est égale ou supérieure au plafond, ce montant est nul.

Source : code de l'énergie

Ce mécanisme de répartition incite les producteurs à calibrer leurs demandes de volumes d'Arenh au plus juste. En effet, ceux qui ont été les moins vertueux en demandant des volumes excessifs doivent reverser des montants importants au titre du dispositif et ne s'en voient réattribuer que des montants faibles ou nuls. Inversement, les plus vertueux peuvent bénéficier d'un solde net positif de complément de prix après répartition, en réparation du préjudice résultant des demandes excessives formulées par les autres fournisseurs.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA PROROGATION D'UN « BOUCLIER TARIFAIRE » INDIVIDUEL SUR LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

A. LE DISPOSITIF DE BOUCLIER TARIFAIRE 2024 SUR LES TARIFS DE L'ÉLECTRICITÉ

1. Les prochaines évolutions des TRVe et des tarifs de cession aux entreprises locales de distribution (ELD) pourront être contenues par un arrêté ministériel

Quasiment identique au dispositif prévu pour 2023 par le A du VIII de l'article 181 de la LFI pour 2023, le A du I du présent article prévoit qu'en 2024, par dérogation aux règles habituelles du code de l'énergie, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie pourront fixer par arrêté le niveau de TRVe, pour 95 % de la consommation des clients, dans le cas où les évolutions de ces tarifs proposées par la CRE se traduiraient par une augmentation. À la différence cependant des dispositions législatives prévues par les LFI pour 2022 et 2023, il n'est fait mention d'aucun plafond d'augmentation (4 % en 2022 et 15 % en 2023) qui pourrait déclencher la possibilité donnée au Gouvernement de fixer les TRVe pour 2024 par arrêté.

D'après les informations communiquées par l'administration au rapporteur spécial, le Gouvernement pourrait contenir à 5 % l'évolution à la hausse des TRVe en 2024. Le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique s'est par ailleurs engagé publiquement à ce que ces tarifs n'augmentent pas de plus de 10 %.

À l'identique de ce qui était prévu par les LFI pour 2022 et 2023, ce même A prévoit que, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les TRVe, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie pourront fixer par arrêté un niveau de tarifs de cession aux entreprises locales de distribution (ELD) inférieur aux propositions formulées par la CRE.

Les tarifs de cession d'électricité aux entreprises locales de distribution (ELD)

En application de l'article L. 337-10 du code de l'énergie, les entreprises locales de distribution (ELD) peuvent s'approvisionner auprès d'EDF au tarif de cession pour la fourniture de leurs clients aux tarifs réglementés de vente et, dans le cas où les ELD desservent moins de 100 000 clients, pour l'approvisionnement des pertes d'électricité des réseaux qu'elles exploitent. En application de ce même article, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a pour mission de proposer les tarifs de cession aux ministres chargés de l'énergie et de l'économie.

Il est prévu que les tarifs de cession fassent l'objet d'un examen au moins une fois par an et que les propositions de tarifs réglementés de vente de l'électricité faites par la Commission de régulation de l'énergie en application de l'article L. 337-4 du code de l'énergie soient accompagnées d'une proposition de tarifs de cession.

Source : commission des finances du Sénat

2. Comme en 2022 et en 2023, les pertes de recettes des fournisseurs dues au mécanisme de bouclier tarifaire pour 2024 constituent des charges de service public de l'énergie compensées par l'État

Sur le modèle des dispositions du B du VIII de l'article 181 de la LFI pour 2023, le B du I du présent article établit la liste des pertes de recettes des fournisseurs d'électricité liées au dispositif de bouclier tarifaire pour l'année 2024 qui constituent des charges de service public de l'énergie (CSPE) au sens de l'article L. 121-6 du code de l'énergie ouvrant droit à des compensations de l'État financées au moyen des crédits budgétaires de l'action 17 du programme 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Les pertes de recettes intégrées au dispositif de CSPE seraient ainsi :

celles de l'entreprise Électricité de France (EDF) au titre, d'une part, de ses offres aux TRVe et, d'autre part, de ses ventes au tarif de cession aux ELD ;

celles des ELD au titre de leurs offres au TRVe à la condition que l'approvisionnement de ces offres ne provienne pas ou ne provienne que partiellement d'électricité acquise auprès d'EDF au tarif de cession ;

- et enfin, celles des autres fournisseurs d'électricité pour leurs offres de marché destinées aux consommateurs finals domestiques définis au 1° de l'article L. 337-7 du code de l'énergie.

En vertu de cette dernière disposition, la compensation des autres fournisseurs se serait ainsi trouvée circonscrite aux seuls consommateurs domestiques. Aussi, contrairement aux dispositifs mis en oeuvre en 2022 et en 2023, le bouclier tarifaire pour l'année 2024 tel qu'il était prévu dans la version initiale du présent article ne concernait-il pas les TPE et autres petites communes éligibles au TRVe mais disposant d'offres de marchés. Ces consommateurs non résidentiels ont été intégrés au dispositif proposé dans un deuxième temps à travers un amendement du Gouvernement retenu en première lecture dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité à l'Assemblée nationale (voir infra).

Le dernier alinéa du B du I du présent article prévoit par ailleurs que « les frais de gestion supportés par les fournisseurs d'électricité pour la mise en oeuvre du dispositif » soient compensés par l'État « dans la limite de 0,2 euros par mégawattheure » livré aux consommateurs éligibles au bouclier.

3. Les compensations à verser aux fournisseurs correspondent à la différence entre les TRVe qui auraient été appliqués en l'absence de bouclier et les TRVe qui seront effectivement pratiqués en 2024

a) Les compensations dues à EDF

À l'identique de la disposition prévue en LFI pour 2023, le C du I du présent article définit les deux types de pertes de recettes supportées par l'entreprise EDF.

S'agissant du mode de calcul des pertes de recettes d'EDF au titre de ses ventes d'électricité aux ELD au tarif de cession, le premier alinéa du C précise ainsi que celles-ci correspondent à la différence de revenus entre d'un côté les tarifs de cessions qui auraient été appliqués en vertu des propositions de la CRE et de l'autre les tarifs fixés par le Gouvernement à un niveau inférieur en vertu des dispositions prévues au A du I du présent article (voir supra).

Concernant le calcul des pertes de recettes d'EDF au titre de ses offres aux TRVe, la logique est identique. Elles correspondent à la différence de revenus due à l'application de TRVe fixés par arrêté à un niveau inférieur à celui qui aurait été en vigueur au regard de la proposition de la CRE en l'absence du dispositif prévu au A du I du présent article (voir supra).

b) Les compensations dues aux ELD et aux autres fournisseurs

Le premier alinéa du D du présent article, définit quant à lui, à l'instar de la disposition prévue en LFI pour 2023, le mode de calcul des pertes de recettes des ELD relatives à leurs offres aux TRVe dont l'approvisionnement n'est pas ou n'est que partiellement réalisé au tarif de cession. Ces pertes de recettes sont calculées par l'application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure pour les volumes d'électricité livrés dans le cadre des offres concernées.

Le deuxième alinéa du même D prévoit, sur un modèle identique, le mode de calcul des pertes de recettes supportées par les autres fournisseurs d'électricité pour leurs offres de marché aux consommateurs finals domestiques. La différence avec le système en vigueur cette année tel qu'il a été encadré par l'article 181 de la LFI pour 2023 était, dans la version initiale du présent article, que ces pertes de recettes ouvrant droit à compensation ne concernaient que les consommateurs domestiques définis au 1° du I de l'article L337-7 du code de l'énergie et non les petits consommateurs non domestiques (TPE, petites communes, etc.) éligibles aux TRVe sur le fondement du 2° du I du même article L337-7. Ces derniers ont été intégrés au dispositif par un amendement du Gouvernement intégré en première lecture à l'Assemblée nationale dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité (voir infra).

Le troisième alinéa du D du présent article fixe aux compensations des pertes définies dans les deux alinéas précédents (les pertes des ELD et les pertes des autres fournisseurs hors EDF) les mêmes limites que celles qui avaient été prévues par la LFI pour 2023, à savoir que le montant total de compensation ne saurait excéder :

- premièrement l'écart entre d'une part la somme des produits des consommations livrées par le prix qui aurait été facturé aux consommateurs concernés en l'absence de compensation et d'autre part, le produit de ces mêmes consommations par le prix des TRVe réellement appliqué en 2024, le cas échéant fixé par arrêté ministériel en vertu des dispositions du A du I du présent article ;

- deuxièmement la couverture des coûts d'approvisionnement pour l'activité de fourniture de ces fournisseurs.

Le quatrième alinéa du D précise, sur le même principe qu'en 2023, les modalités de détermination des montants unitaires prévus au premier alinéa du même D et qui doivent servir à calculer les pertes de recettes des fournisseurs.

Ils correspondent à « la différence, en euros par mégawattheure, entre le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité qui auraient été appliqués » en l'absence de bouclier tarifaire, c'est-à-dire selon les modalités habituelles de leur fixation par la CRE, « et le prix moyen hors taxes résultant de l'application des tarifs réglementés de vente d'électricité effectivement appliqués en application » des dispositions prévues au A. du I, c'est-à-dire les TRVe potentiellement fixés par arrêté ministériel à un niveau inférieur aux propositions formulées par la CRE.

Dans les mêmes termes que le F du VIII de l'article 181 de la LFI pour 2023, le E du I du présent article fixe une limite au montant de compensation susceptible d'être répercutée sur la facture d'un client individuel en offre de marché. La réduction de prix sur la facture permise par la répercussion de la compensation ne saurait aboutir à un prix effectif inférieur au TRVe appliqué en 2024.

Le IV du présent article précise par ailleurs que les fournisseurs d'électricité devront mentionner « sur les factures, sur une ligne séparée, le montant de la réduction de facture dont bénéficie le consommateur au titre du dispositif ».

4. Les étapes de mise en oeuvre du dispositif et les contrôles effectués par la CRE

Comme le prévoyait déjà la LFI pour 2023, le F du I du présent article 52 confie à la CRE, au titre de ses missions de surveillance du marché de détail100(*), la responsabilité de s'assurer de la bonne application des dispositions du bouclier tarifaire telles qu'elles sont prévues par le I du présent article. Ce même F prévoit que « les montants de la compensation indûment versés aux fournisseurs sont déduits des charges imputables aux missions de service public compensées au fournisseur concerné, majorés de 20 % en cas de manquement délibéré » contre 10 % dans le dispositif qui a été appliqué en 2023.

Dans sa version initiale, modifiée par un amendement du Gouvernement intégré dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, le II du présent article prévoyait de conserver les étapes de mise en oeuvre du dispositif telles qu'elles avaient été déterminées en 2023. Ainsi, après que les fournisseurs lui auraient adressé une déclaration simplifiée de leurs pertes de recettes prévisionnelles avant le 19 janvier 2024 et sur la base de ce premier recensement, la CRE aurait eu à réaliser une première évaluation du montant de ces pertes au plus tard le 15 février 2024.

Cette évaluation devait ensuite donner lieu au versement d'un acompte au plus tard le 15 mars 2024 pour la période comprise entre le 1er février 2024 (date d'entrée en vigueur du bouclier 2024) et le 31 mars 2024, le solde devait ensuite être intégré aux échéanciers mensuels des compensations de CSPE à compter du mois d'avril.

Avant le 15 mars 2024, les fournisseurs auraient eu à adresser à la CRE une nouvelle déclaration de leurs pertes de recettes prévisionnelles certifiée par leur commissaire aux comptes ou par leur comptable public. Sur la base de cette deuxième déclaration, la CRE aurait alors eu à ajuster son évaluation des pertes au plus tard le 15 mai 2024. Il devait ensuite résulter de cette réévaluation une mise à jour des échéanciers mensuels de compensations de CSPE.

B. LA RECONDUCTION DE LA MESURE VISANT À PERMETTRE À LA CRE DE RÉÉVALUER LES COMPENSATIONS DE CSPE TOUT AU LONG DE L'ANNÉE 2024 AVEC EFFET IMMÉDIAT

Le III de la version initiale du présent article proposait de reconduire une disposition prévue par le XII de l'article 181 de la LFI pour 2023. Dans un contexte toujours caractérisé par l'amplitude des fluctuations des prix de l'énergie, et par dérogation aux règles habituelles du code de l'énergie qui prévoient une réévaluation annuelle en juillet des compensations de CSPE qui ne traduit ses effets qu'à compter des échéanciers de l'année suivante, la CRE pourrait ainsi « tout au long de l'année 2024, délibérer pour ajuster les montants des charges de service public de l'énergie pour l'année 2024, pour tenir compte notamment de l'évolution des prix de marché ».

À titre d'exemple, cette dérogation a trouvé à s'appliquer cette année lorsque la délibération de la CRE du 13 juillet 2023101(*), qui a notamment réévalué les compensations de CSPE pour 2023, a conduit à ajuster les échéanciers individuels des fournisseurs et des producteurs dès le mois suivant.

Dans le cadre des modifications apportées par l'amendement du Gouvernement intégré au texte sur lequel il a engagé sa responsabilité (voir infra), ces dispositions figurent désormais au IV bis de l'article.

C. PRÉCISER DANS LA LOI LA TEMPORALITÉ DE L'EXIGENCE DE COUVERTURE DES COÛTS DE L'ACTIVITÉ DE FOURNITURE D'ÉLECTRICITÉ PAR LES TRVE

Le V du présent article complète le premier alinéa de l'article L337-6 du code de l'énergie qui encadre les modalités de détermination des TRVe par la CRE (voir supra) selon le principe dit de « l'empilement des coûts » pour préciser que les TRVe sont fixés de telle sorte que leur produit total permette de couvrir, « pour l'année considérée et les deux années qui précèdent, l'ensemble des coûts de l'activité de fourniture de l'électricité à ce titre ».

Il est par ailleurs précisé que le produit total doit intégrer, le cas échéant, les montants versés en compensation de TRVe fixés à un niveau plus faible que celui qui résulterait de l'application des dispositions de droit commun prévues par le code de l'énergie.

D. UNE MODIFICATION DE LA DISPOSITION QUI PRÉVOIT LA COMPENSATION DES FRAIS DE GESTION DES FOURNISSEURS DANS LE CADRE DE LA MISE EN oeUVRE DE L'AMORTISSEUR SUR LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

Le VI du présent article propose de réécrire le H du IX de l'article 181 de la LFI pour 2023 qui prévoit la compensation par l'État des frais de gestion supportés par les fournisseurs au titre du dispositif d'amortisseur sur les prix de l'électricité en vigueur en 2023.

Cette réécriture apporterait deux modifications à la rédaction initiale :

- la nouvelle rédaction parle de « frais de gestion réellement supportés par les fournisseurs » et non plus seulement de « frais de gestion supportés par les fournisseurs » ;

- alors que la rédaction initiale prévoyait que ces frais soient compensés « à hauteur de 1 % » des pertes de recettes induites par l'amortisseur « dans la limite de 0,2 euros par mégawattheure », la nouvelle rédaction propose qu'ils soient compensés « dans la limite de 1 % » des pertes « et de 0,2 euros par mégawattheure ».

La référence de 1 % des pertes de recettes ne serait ainsi plus qu'un plafond de compensation et non plus le montant « à hauteur » duquel les frais de gestion seraient compensés par l'État.

III. LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les dispositions du présent article ont été très substantiellement modifiées par un amendement du Gouvernement intégré dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Outre certaines modifications qui relèvent de précisions (au A et au C du I) ou d'un renforcement du contrôle de la CRE sur la compensation des frais de gestion supportés par les fournisseurs au titre des dispositifs de soutien (en insérant un dernier alinéa au B du I et par le dernier alinéa du H du nouveau III bis), cet amendement prévoit quatre évolutions majeures du dispositif :

l'intégration dans le périmètre du bouclier tarifaire 2024 des consommateurs non résidentiels (TPE et petites communes essentiellement) ;

l'instauration du cadre législatif d'un dispositif d'amortisseur sur les prix de l'électricité pour des entités qui ne seront pas bénéficiaires du bouclier ;

la révision du calendrier dans lequel les fournisseurs seront compensés des charges de service public de l'énergie qu'ils doivent assumer au titre des dispositifs de soutien ;

la révision des règles de répartition entre fournisseurs du complément de prix d'Arenh.

A. L'INTÉGRATION DES TPE ET DES PETITES COMMUNES AU DISPOSITIF DE BOUCLIER TARIFAIRE 2024

Comme évoqué supra et contrairement au dispositif en vigueur en 2023, le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité prévu dans la version initiale du présent article 52 ne concernait pas les consommateurs finals non résidentiels éligibles aux TRVe, c'est-à-dire essentiellement des TPE et des petites communes disposant d'un compteur électrique d'une puissance inférieure ou égale à 36 kVA.

En complétant le présent article par différentes dispositions102(*) identiques à celles qui étaient prévues dans le cadre du bouclier 2023103(*), l'amendement du Gouvernement permet d'inclure les consommateurs non résidentiels éligibles aux TRVe104(*) dans le dispositif de bouclier tarifaire pour 2024.

B. LE CADRE LÉGISLATIF D'UN NOUVEL AMORTISSEUR SUR LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

En insérant dans la version initiale de l'article 52 un nouveau III bis, l'amendement du Gouvernement propose de fixer le cadre législatif de la reconduction d'un nouveau mécanisme d'amortisseur sur les prix de l'électricité, une fois encore quasi exclusivement défini par voie règlementaire. Le cadre proposé est identique à celui, prévu à l'article 181 de la LFI pour 2023, qui prévaut pour l'amortisseur en vigueur en 2023.

Le premier alinéa du A de ce nouveau III bis prévoit ainsi que les fournisseurs réduisent le prix de leurs fournitures d'électricité en 2024 pour leurs clients qui ne sont pas éligibles au dispositif de bouclier tarifaire. Ce même A précise que le bénéfice annuel cumulé de cet amortisseur ne peut être supérieur à une limite fixée par décret.

Comme pour le dispositif en vigueur en 2023, le second alinéa du A prévoit que le périmètre des entités éligibles au dispositif d'amortisseur est défini par décret.

Dans les mêmes conditions que celles qui ont été mise en oeuvre en 2023, le B du même III bis encadre les conditions dans lesquelles le bénéficiaire atteste auprès de son fournisseur qu'il remplit les critères d'éligibilité au dispositif. Ces conditions doivent elles aussi être définies par décret. Ce même B prévoit aussi les modalités de contrôle, de restitution des montants indûment versés et de majoration en cas de manquement délibéré des redevables.

Le C du III bis détermine le cadre législatif général de la détermination du montant de l'amortisseur. Cet encadrement est similaire à celui qui était prévu par l'article 181 de la LFI pour 2023.

Le premier alinéa de ce C précise ainsi que chaque mois et pour chaque client bénéficiaire, les prix de fourniture d'électricité sont réduits par application d'un montant unitaire en euros par mégawattheure (MWh) à une quotité des volumes d'électricité livrés.

Le deuxième alinéa de ce même C définit ce montant unitaire comme étant la différence entre le prix moyen de la part variable de l'électricité, hors taxe et hors acheminement105(*), en euros par MWh, du contrat de fourniture et un prix d'exercice.

Le troisième alinéa du C précise que la quotité de volumes livrés sur laquelle doit s'appliquer la réduction de prix résultant du dispositif est limitée à une part de la consommation de référence du client.

Le dernier alinéa de ce C indique que l'ensemble des paramètres qui déterminent le calibrage du dispositif sont fixés par décret. Il s'agit du prix d'exercice, de la quotité de volumes livrés, de la consommation de référence et de la part de celle-ci dans la limite de laquelle le mécanisme de soutien s'applique.

À l'instar des dispositions prévues en 2023 :

- le D du III bis prévoit que l'amortisseur ne s'applique pas dans les périodes de forte tension sur le système électrique dans les situations de menace grave et imminente sur la sécurité d'approvisionnement en électricité ;

- le E de ce même III bis prévoit que les gestionnaires de réseau transmettent aux responsables d'équilibre, qui eux-mêmes les transmettent aux fournisseurs, les données de consommation historiques de leurs clients.

Le F du III bis prévoit, toujours dans les mêmes conditions que les dispositions en vigueur en 2023, que les pertes de recettes supportées par les fournisseurs au titre de l'amortisseur constituent des charges de service public de l'énergie qui leur sont compensées par l'État.

À l'identique de ce qui était prévu en LFI pour 2023, le G du même III bis prévoit que la CRE dispose de prérogatives de contrôle et de surveillance du dispositif.

Les règles de compensation des frais de gestion réellement supportés par les fournisseurs au titre de la mise en oeuvre du dispositif d'amortisseur, (H du III bis), sont les mêmes que celles prévues au B du I pour le bouclier tarifaire (voir supra).

C. LA RÉVISION DU CALENDRIER DANS LEQUEL LES FOURNISSEURS SERONT COMPENSÉS DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE QU'ILS DOIVENT ASSURER AU TITRE DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN

1. La révision du calendrier de compensation des charges de service public de l'énergie résultant du bouclier tarifaire

L'amendement que le Gouvernement a intégré au texte sur lequel il a engagé sa responsabilité a conduit à profondément réviser le calendrier dans lequel :

- premièrement les fournisseurs déclarent leurs pertes prévisionnelles liées au dispositif auprès de la CRE ;

- deuxièmement la CRE évalue ces pertes dans le cadre de délibérations ;

- et troisièmement les compensations sont effectivement versées aux fournisseurs.

L'amendement du Gouvernement a ainsi supprimé les dispositions qui figuraient dans la version initiale de l'article et qui visaient à reconduire les modalités exceptionnelles mises en oeuvre dans le cadre des dispositifs de soutien mis en place en 2023 (voir supra l'analyse du II de la version initiale de l'article).

Pour rappel, pour les compensations de charges résultant du dispositif de bouclier, le II de la version initiale de l'article prévoyait la succession d'étapes suivantes :

- déclaration simplifiée par les fournisseurs de leurs pertes prévisionnelles avant le 19 janvier 2024 ;

- évaluation par la CRE de ces pertes au plus tard le 15 février 2024 ;

- versement d'un acompte à l'ensemble des fournisseurs au titre de ces pertes au plus tard le 15 mars 2024 pour la période comprise entre le 1er février 2024 (date d'entrée en vigueur du bouclier 2024) et le 31 mars 2024 ;

- intégration du solde dans les échéanciers mensuels des compensations de CSPE à compter du mois d'avril ;

- nouvelle déclaration de pertes prévisionnelles des fournisseurs à la CRE avant le 15 mars 2024 ;

- ajustement de l'évaluation de ces pertes par la CRE au plus tard le 15 mai 2024 pour mise à jour des échéanciers.

La nouvelle rédaction du II ne prévoit plus qu'une déclaration par les fournisseurs de leurs pertes prévisionnelles au titre du bouclier avant le 30 avril 2024. Ces pertes seraient ensuite évaluées par la CRE dans sa délibération annuelle habituelle de juillet 2024 pour être intégrées dans les échéanciers des fournisseurs à compter du mois suivant.

2. Le calendrier de compensation des charges de service public de l'énergie résultant de l'amortisseur

Le nouveau III ter prévoit quant à lui le calendrier de déclaration, d'évaluation et de compensation des charges résultant du dispositif d'amortisseur.

Le premier alinéa du III ter prévoit ainsi que les petits fournisseurs de moins de 100 000 clients adressent à la CRE une déclaration simplifiée de leurs pertes prévisionnelles avant le 28 février 2024 et que l'autorité de régulation délibère pour évaluer ces pertes au plus tard le 31 mars 2024.

Le deuxième alinéa du même III ter prévoit que, pour la période comprise entre le 1er janvier 2024 et le 30 avril 2024, la compensation des pertes ainsi évaluées s'effectue sous la forme d'un acompte versé au plus tard le 30 avril 2024, le solde étant réparti par acompte mensuels à compter du mois de mai 2024.

Pour les fournisseurs d'électricité de plus de 100 000 clients, le calendrier de la déclaration, de l'évaluation et de la compensation des charges résultant de l'amortisseur est le même que celui prévu pour le bouclier au II du présent article (voir supra).

D. UNE RÉVISION DES RÈGLES DE RÉPARTITION ENTRE FOURNISSEURS DU COMPLÉMENT DE PRIX ARENH

L'amendement du Gouvernement a introduit un IV ter qui prévoit de réviser les règles de répartition entre les fournisseurs du complément de prix Arenh dit « CP1 ». Pour cela, le IV ter propose de modifier l'article L. 336-5 du code de l'énergie pour prévoir que ce complément de prix ne soit plus réparti entre les fournisseurs comme aujourd'hui mais entièrement reversé à Électricité de France (EDF) et déduit de la compensation de ses CSPE, c'est-à-dire, in fine, capté par l'État.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : AU DÉTRIMENT DU DÉBAT PARLEMENTAIRE, LE GOUVERNEMENT CONTINUE DE MASQUER SES INTENTIONS

A. LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ SE MAINTIENNENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ

Si les prix de l'électricité sur les marchés de gros ont nettement diminué depuis leur pic de la fin de l'été 2022, ils restent néanmoins nettement plus élevés que leur niveau moyen d'avant crise qui oscillait autour de 50 euros/MWh.

Évolution des prix de l'électricité à terme entre les mois d'octobre 2022 et 2023

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Depuis le début de l'année 2023 les prix de gros de l'électricité en France pour une livraison en 2024 se sont ainsi élevés en moyenne à 177 euros/MWh même s'ils sont en baisse depuis le mois de juillet et qu'ils se sont repliés sous les 130 euros/MWh en octobre.

Évolution des prix de l'électricité pour les contrats à terme d'un an
entre les mois de janvier et d'octobre 2023

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Au printemps et à l'été 2023, à l'instar du phénomène observé en 2022 lors du pic historique des prix de l'électricité, les prix de gros en France ont affiché des niveaux très supérieurs à ceux qui pouvaient être observés chez nos principaux partenaires européens. Cet écart s'est depuis largement résorbé et, comme l'illustre le graphique ci-après, les prix en France ont rejoint à la fin de l'été la moyenne observée chez nos voisins.

Comparaison de l'évolution des prix de l'électricité en europe pour les contrats
à terme d'un an entre les mois de février et d'octobre 2023

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Le rapport annuel de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et du Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) du mois de septembre dernier illustre le fait qu'en europe, en 2023, le prix moyen de l'électricité payé par les consommateurs finals demeure significativement plus élevé que son niveau d'avant crise.

Évolution des prix de l'électricité pour le consommateur final en moyenne

Source : rapport annuel de l'ACER et CEER de septembre 2023

La Présidente de la CRE a annoncé en septembre dernier qu'en l'état actuel des prévisions d'évolution des prix de gros de l'électricité, les TRVe qu'elle doit proposer en février 2024 pourraient augmenter de 10 % à 20 % par rapport aux TRVe plafonnés par le mécanisme du bouclier tarifaire en 2023.

B. UN BOUCLIER TARIFAIRE DONT LE COÛT POUR LES FINANCES PUBLIQUES EST ESTIMÉ À 1,9 MILLIARD D'EUROS AU TITRE DE 2024

En se fondant sur les dernières hypothèses d'évolution des prix sur le marché de gros de l'électricité et en retenant un plafonnement de l'augmentation des TRVe à 5 % en 2024, le Gouvernement a évalué à 1,9 milliard d'euros le coût prévisionnel pour les finances publiques du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité qu'il entend mettre en oeuvre l'année prochaine à travers notamment les dispositions prévues par le présent article. Principalement en raison de la baisse des prix de l'électricité, ce montant serait ainsi très inférieur au coût du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité en 2023 qui avait atteint 22 milliards d'euros.

Coût pour les finances publiques des mesures de soutien aux consommateurs finals d'électricité et de gaz mises en oeuvre dans le cadre de la crise des prix de l'énergie (2021-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Au coût du bouclier tarifaire en tant que tel pourrait être ajouté celui qui résulterait de la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité (l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ou « TICFE ») à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne que le Gouvernement propose de reconduire en 2024 à travers les dispositions prévues à l'article 11 du présent PLF. La baisse de recettes publiques provoquée par une telle minoration atteindrait 9,5 milliards d'euros au titre de 2024.

Alors que cette mesure indiscriminée qui profite principalement aux ménages les plus aisés et les plus consommateurs d'énergie n'apparait plus soutenable dans les conditions qui sont celles de nos comptes publics et qu'elle va à l'encontre des déclarations annonçant la fin du « quoi qu'il en coûte », la commission des finances a adopté un amendement qui propose d'annuler cette minoration pour les particuliers. Cette annulation se traduira par un gain d'environ 4,6 milliards d'euros pour les finances publiques. En contrepartie, le rapporteur propose un amendement visant à abonder la mission écologie des crédits nécessaires pour financer un dispositif d'aide beaucoup moins dispendieux, renforcé et ciblé sur les ménages modestes et les classes moyennes (voir infra dans la présentation budgétaire).

Compte-tenu de la persistance de prix élevés de l'électricité et en complément de l'aide exceptionnelle ciblée et progressive que propose le rapporteur en substitution de la minoration fiscale indiscriminée que souhaite proroger le Gouvernement, il semble utile de laisser à l'État la possibilité, en cas de hausse substantielle des TRVe en février prochain, de plafonner leur augmentation à un niveau raisonnable.

B. L'AMORTISSEUR POUR 2024 : UN « OBJET NON IDENTIFIÉ »

À l'instar du mécanisme d'amortisseur sur les prix de l'électricité mis en oeuvre en 2023, l'ensemble des paramètres du dispositif annoncé pour 2024 ainsi que son périmètre sont renvoyés à des textes d'application règlementaires. À ce jour aucune information précise n'a été fournie par le Gouvernement sur le dispositif qu'il entend mettre en oeuvre en 2024. Sans que plus aucun prétexte d'urgence ou d'évolution brusque et inattendue des prix de l'électricité ne puisse être invoquée cette fois ci, le Gouvernement réitère ses mauvaises manières à l'égard de la représentation nationale en demandant au Parlement de se prononcer « à l'aveugle » sur un mécanisme budgétaire de plusieurs centaines de millions d'euros et dont dépend l'avenir de certaines de nos entreprises.

En effet, la nécessité de reconduire un dispositif de cette nature pour les entités ayant signé des contrats de fournitures pluriannuels lors de l'acmé des prix de l'électricité était connue depuis au moins le début de l'année 2023. Le rapporteur avait notamment dressé ce constat dans son rapport d'information de juin 2023 intitulé « usine à gaz des aides énergie »106(*). Elle soulignait ainsi que « selon la maturité de leur contrat et le moment où elles l'ont signé, certaines entreprises resteront fortement affectées en 2024 et en 2025 ». Le pic de la crise des prix de l'électricité, au sortir de l'été 2022, était en effet survenu au pire moment, au coeur d'une période au cours de laquelle un grand nombre de contrats de fournitures des professionnels devait être renouvelé.

Si du fait des niveaux de prix incroyablement élevés ainsi que du manque de liquidité du marché les fournisseurs ont décidé de réduire la maturité de leurs offres, certains contrats pluriannuels de deux voire même trois ans ont été signés par des clients à des prix extrêmement élevés. En l'absence de mesures de soutien en 2024 et en 2025, les entités concernées, exposées à des prix de l'électricité extrêmement élevés, verraient leur équilibre financier sérieusement menacé.

Dans ce même rapport, le rapporteur spécial avait déjà mis en exergue « les pratiques gouvernementales qui ont affaibli les prérogatives de la représentation nationale », tout particulièrement à l'occasion de l'examen des mesures de soutien introduites dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2023. Elle notait que « le manque d'anticipation et la précipitation de l'exécutif dans la conception des différents dispositifs de soutien ont porté un préjudice certain à la qualité des débats parlementaires ». Elle soulignait que les conditions dans lesquelles la représentation nationale avait eu à délibérer des mesures fiscales et budgétaires proposées par l'exécutif dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 avaient été particulièrement insatisfaisantes, « manifestant une véritable forme de mépris du Gouvernement pour le Parlement ».

Dans ce même rapport elle ajoutait qu'il n'était pas raisonnablement envisageable que le Gouvernement récidive dans le cadre du PLF pour 2024 : « fort du retour d'expérience emmagasiné après deux ans de crise des prix de l'énergie et alors que, les problématiques à venir sur l'année 2024 semblent aujourd'hui bien cernées, le Gouvernement n'aura plus aucune excuse pour ne pas intégrer, dès le dépôt du PLF pour 2024 et accompagnées d'évaluations préalables sérieuses, l'ensemble des mesures de soutien proposées pour l'année à venir. Il est absolument impensable que les conditions d'examen du PLF 2023 se reproduisent à l'automne prochain ».

Force est de constater que le Gouvernent n'a pas tiré les leçons de l'examen du dernier projet de loi de finances et n'a pas souhaité prendre en compte les demandes légitimes des parlementaires de disposer des informations nécessaires à l'examen de dispositions législatives dont les enjeux tant financiers qu'économiques ou sociaux sont majeurs.

À ce stade 770 millions d'euros ont été inscrits dans le projet annuel de performances du programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour un dispositif d'amortisseur qui reste encore largement un objet non identifié.

C. EN PROPOSANT UNE RÉVISION DE LA RÉPARTITION DU COMPLÉMENT DE PRIX ARENH CONTRE L'AVIS DE LA CRE ET SANS CONCERTATION AVEC LES FOURNISSEURS, LE GOUVERNEMENT JOUE À « L'APPRENTI SORCIER »

Dans un objectif de pur rendement budgétaire et sur la base d'une analyse fragile, le Gouvernement entend réviser un dispositif sensible sans, semble-t-il, en mesurer pleinement les conséquences. En 2022 du fait de la crise des prix et de l'instabilité du marché de l'énergie, le montant du complément de prix Arenh a atteint un niveau inédit de 1,6 milliard d'euros107(*). Cependant, en 2021, ce complément de prix ne s'était établi qu'à 162 millions d'euros108(*). Sur la base du montant constaté en 2022 non représentatif selon la CRE des fondamentaux structurels de ce mécanisme, le Gouvernement entend capter cette ressource potentielle.

Alors que ses conséquences sur les finances publiques sont particulièrement incertaines puisque la CRE elle-même, pourtant l'acteur le plus impliqué dans ce dispositif, n'est pas en mesure de donner des estimations sur le montant prévisionnel du complément de prix dans les années à venir, cette décision est susceptible de déstabiliser le marché de l'électricité dès le prochain guichet Arenh. En effet, le fait d'exclure les fournisseurs de la répartition ex post des volumes excédentaires d'Arenh attribués, conduira à réduire leur incitation à formuler des demandes d'Arenh au plus juste. Ils auront au contraire tout intérêt à majorer leurs demandes.

Réaction en chaîne inflationniste qui pourrait résulter de la révision de la répartition du complément de prix

Source : commission des finances du Sénat

Cet effet de bord indésirable pourra induire une réaction en chaîne particulièrement contreproductive aux conséquences inflationnistes sur les prix auxquels les consommateurs devront payer leur électricité. L'augmentation des demandes d'Arenh par les producteurs entraînera une hausse de l'écrêtement d'Arenh duquel résultera mécaniquement un accroissement du « complément de marché » dans la structure des TRVe (voir supra) ce qui se traduira donc, in fine, par une inflation de ces derniers et de l'ensemble des prix de l'électricité pour les consommateurs.

Enfin, cette révision proposée dans la précipitation au détour d'un amendement de première lecture du PLF, sans l'approbation de la CRE, n'a fait l'objet d'aucune concertation des fournisseurs. Sans mesurer les conséquences potentielles d'une telle mesure, le Gouvernement, désespérément à la recherche de nouvelles recettes, semble jouer à « l'apprenti sorcier ».

Pour éviter qu'un tel cercle vicieux ne se déclenche au détriment des consommateurs d'électricité, le rapporteur propose un amendement n°  II-29 (FINC.4) visant à supprimer le IV ter du présent article 52 qui prévoit cette révision de la répartition du complément de prix Arenh.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article ainsi modifié.

ARTICLE 52 bis (nouveau)

Sécurisation juridique du dispositif de leasing social

Le présent article prévoit de sécuriser juridiquement le dispositif de leasing social en le mentionnant dans la Loi.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES DOIVENT ÊTRE COMPLÉTÉES EN 2024 PAR UN NOUVEAU DISPOSITIF DE LEASING SOCIAL À 100 EUROS PAR MOIS

A. LES AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES

L'article L. 251-1 du code de l'énergie constitue le support législatif aux aides à l'acquisition de véhicules propres que sont le bonus écologique et la prime à la conversion. Précisément, il dispose que « sont instituées des aides à l'acquisition de véhicules propres, y compris des cycles, des cycles à pédalage assisté et des remorques électriques pour cycles, le cas échéant sous réserve de la mise au rebut des véhicules polluants, à la transformation de véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique ou à l'installation d'équipements techniques de nature à améliorer la sécurité ».

Sur le fondement de cette base législative, des normes réglementaires définissent précisément le cadre de ces dispositifs. Ces normes sont compilées aux articles D. 251-1 à D. 251-13 du code de l'énergie.

1. Le bonus écologique

Le bonus écologique constitue une aide financière attribuée à tout acquéreur ou locataire titulaire d'un contrat de location d'une durée supérieure ou égale à deux ans d'un véhicule fonctionnant exclusivement à l'électricité, l'hydrogène ou une combinaison des deux, ayant une masse inférieure à 2,4 tonnes et dont le coût d'acquisition est inférieur à 47 000 euros.

Le montant de l'aide est fixé à 27 % du coût d'acquisition toutes taxes comprises, augmenté le cas échéant du coût de la batterie si celle-ci est prise en location. Le bonus est plafonné à 5 000 euros pour les particuliers et 3 000 euros pour les personnes morales. Les particuliers dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur ou égal à 14 089 euros peuvent bénéficier d'une majoration de 2 000 euros de leur bonus, soit un plafond de 7 000 euros.

Barème 2023 du bonus écologique

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

2. La prime à la conversion

La prime à la conversion est une aide, sous conditions, à l'achat ou à la location d'un véhicule peu polluant lorsqu'il s'accompagne de la mise au rebut d'un ancien véhicule diesel ou essence. Cette prime peut se cumuler avec le « bonus écologique ».

Le périmètre des véhicules dont l'acquisition peut être accompagnée par la prime à la conversion inclut les voitures particulières, les camionnettes, les véhicules à moteur à 2 ou 3 roues et les quadricycles à moteur.

Le montant maximum est de 6 000 euros pour l'achat d'un véhicule particulier électrique ou hybride rechargeable neuf ou d'occasion, lorsque le revenu fiscal de référence du foyer est inférieur à 6 358 euros. Pour une camionnette, le montant maximum est de 10 000 euros.

Pour accompagner les personnes habitants ou les entreprises situées dans le périmètre d'une zone à faibles émissions mobilité (ZFE m), la prime à la conversion est majorée au minimum de 1 000 euros et jusqu'à 3 000 euros si une aide similaire d'au moins 2 000 euros est attribuée par une collectivité territoriale située dans le même périmètre.

Barème 2023 de la prime à la conversion

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

3. Le prêt à taux zéro

À l'initiative du rapporteur spécial, l'article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, a prévu l'expérimentation d'un prêt à taux zéro pour l'acquisition d'un véhicule électrique ou hybride dans le ressort des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).

Cette expérimentation a démarré à compter du 1er janvier 2023 pour une durée de deux ans. Le décret n° 2022 615 du 22 avril 2022 encadre le dispositif. En 2025, à l'issue de l'expérimentation, un rapport d'évaluation sera établi par le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé des transports.

B. ANNONCÉ À L'AUTOMNE 2022, LE LEASING SOCIAL POURRAIT VOIR LE JOUR EN 2024

À l'automne 2022, le Président de la République avait fait la promesse d'instaurer un dispositif dit de « leasing social », c'est-à-dire un mécanisme de soutien à la location longue durée de véhicules électriques pour les foyers modestes. L'objectif affiché du dispositif est de diminuer le coût d'usage d'un véhicule pour les ménages sous condition de ressources, avec un loyer n'excédant pas 100 euros par mois pour la location d'un véhicule électrique.

Des discussions interministérielles avec les professionnels du secteur sont toujours en cours afin de concrétiser ce dispositif de soutien à la location longue durée (avec ou sans option d'achat) de voitures peu polluantes.

Le Gouvernement a annoncé qu'une plateforme de pré-enregistrement devrait être mise en ligne d'ici à la fin de l'année par l'Agence de services et de paiement (ASP) afin de permettre le lancement des premières commandes pour une livraison des véhicules et un versement des premières aides au début de l'année 2024.

En 2024, 50 millions d'euros des crédits destinés aux aides à l'acquisition de véhicules propres pourraient être consacrés à ce dispositif.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : SÉCURISER JURIDIQUEMENT LE LEASING SOCIAL EN LE MENTIONNANT DANS LA LOI. 

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement du Gouvernement intégré dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Il prévoit de modifier la rédaction de l'article L. 251-1 du code de l'énergie pour préciser que sont instituées des « aides à l'achat ou à la location pour une durée supérieure ou égale à deux ans de véhicules propres ». Pour rappel, la rédaction actuelle ne couvre que les aides à l'acquisition de véhicules propres, c'est-à-dire le bonus écologique et la prime à la conversion.

Cette modification a pour objet de sécuriser juridiquement le nouveau dispositif de leasing social en le mentionnant dans la Loi.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF QUI VA CONNAÎTRE UNE ENTRÉE EN MATIÈRE POUSSIVE MAIS QUI MÉRITE DE VOIR LE JOUR

La concrétisation du dispositif de leasing social annoncé à l'automne 2022 par le Président de la République n'est pas chose facile pour l'administration et les constructeurs, notamment en raison du phénomène d'inflation.

La disponibilité des véhicules électriques qui pourraient être éligibles au dispositif ajoute aux difficultés. Deux modèles étaient à l'origine principalement ciblés pour ce mécanisme : la Citroën ë-C3 qui doit être disponible en début d'année 2024 ainsi que la future R5 électrique de Renault dont la production a pris du retard et qui n'est attendue que dans le courant de l'année prochaine109(*).

Face à ce constat, le démarrage du dispositif s'annonce d'ores et déjà très poussif et limité en 2024. Certains proposent d'ailleurs de l'étendre aux véhicules hybrides pour qu'il prenne plus d'ampleur.

Devant les difficultés à lancer pleinement la mesure en 2024, le Gouvernement pourrait la restreindre par un critère géographique pour cibler les ménages qui n'ont pas d'autres choix que de se déplacer en voiture. Il anticiperait 10 000 à 20 000 bénéficiaires en 2024.

Dans une étude publiée au mois d'octobre dernier consacrée aux aides publiques à l'investissement dans la rénovation performante des logements et la mobilité électrique110(*), l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) soulignait que les aides actuelles « ne permettent pas de lever la barrière à l'investissement dans un véhicule électrique pour les classes moyennes et les ménages modestes » en raison d'un reste à charge encore beaucoup trop élevé. D'après l'étude les évolutions du bonus écologique envisagées par le Gouvernement en 2024, notamment sa revalorisation de 1 000 euros pour les 50 % de ménages les plus modestes « ne devraient pas changer la donne ». En revanche, I4CE attend beaucoup plus du nouveau dispositif de leasing social qui, selon l'étude, « pourrait apporter une solution aux ménages modestes et à une partie des classes moyennes ».

Par ailleurs, le coût cumulé du leasing lors des deux premières années de détention (2 400 euros) est fortement décorrélé de la dépréciation de la valeur du véhicule sur la même période. La durée de détention minimum de deux ans indiquée dans l'exposé des motifs de l'amendement déposé par le Gouvernement créant cet article 52 bis pourrait être un frein au développement d'offres par les constructeurs. Les offres actuellement disponibles reposent sur des durées de détention plus longue assorties d'un premier loyer représentant plusieurs mois (pour ne pas dire années).

Aussi, quand bien même ce dispositif aura sans doute les plus grandes difficultés à devenir pleinement opérationnel et efficace en 2024, le potentiel qu'il recèle mérite qu'il puisse voir le jour.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 52 ter (nouveau)

Extension des financements du Fonds Barnier à des mesures prises
par les agences de la zone des cinquante pas géométriques

Le présent article prévoit d'étendre le champ des financements du Fonds Barnier à des mesures prises par les agences de la zone des cinquante pas géométriques111(*).

Ces agences ont pour mission de conduire le processus de régularisation des occupations sans titre des terrains ressortissant aux espaces urbains et aux secteurs occupés par une urbanisation diffuse dans les littoraux en outre-mer.

L'article 6 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 prévoit déjà que le Fonds Barnier peut financer les frais de démolition des logements informels situés sur une zone à risque naturel, ainsi que les aides financières pour les personnes qui perdent leur logement. L'extension des financements du Fonds Barnier à des mesures prises par les agences de la zone des cinquante pas géométriques dans ce cadre est cohérente avec les objectifs de cette loi.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE FONDS BARNIER EN OUTRE-MER ET LES AGENCES DE LA ZONE DES CINQUANTES PAS GÉOMÉTRIQUES PRENNENT EN COMPTE LES SPÉCIFICITÉS DE L'HABITAT INFORMEL EN OUTRE-MER

A. EN OUTRE-MER, LE FONDS BARNIER FINANCE DES MESURES RELATIVES À L'HABITAT INFORMEL DANS DES ZONES EXPOSÉES À UN RISQUE NATUREL

1. Le Fonds Barnier finance des mesures de prévention des risques ainsi que les indemnités d'expropriation pour risques naturels

L'article L. 561-3 du code de l'environnement prévoit l'existence du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), communément appelé le « Fonds Barnier ». Les détails sur le financement et les modalités d'action de ce Fonds sont donnés à la section A du II de la deuxième partie du présent rapport. On peut néanmoins rappeler les éléments suivants.

Le Fonds Barnier permet de financer l'acquisition de biens à l'amiable ou par expropriation lorsque les biens en question sont exposés à un risque, dans les conditions prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement.

L'expropriation de biens par l'État pour risques naturels

L'article L. 561-1 du code de l'environnement prévoit que l'État peut déclarer d'utilité publique l'expropriation par lui-même, ou par les communes et leurs groupements, des biens exposés aux risques de mouvement de terrain, d'affaissement de terrain dus à une cavité souterraine, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide, et de submersion marine.

Les conditions pour que cette procédure puisse être utilisée sont les suivantes :

- les risques doivent être prévisibles ;

- ils doivent menacer gravement des vies humaines ;

- les moyens de sauvegarde et de protection des populations doivent être plus coûteux que les indemnités d'expropriation.

Le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la Constitution la procédure prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement dans sa décision n° 2018-698 QPC du 6 avril 2018.

Source : commission des finances

Le Fonds Barnier peut également financer les dépenses liées à la limitation de l'accès et à la remise en état des terrains accueillant les biens exposés, le cas échéant en s'appuyant sur un établissement public foncier.

En outre, le Fonds Barnier peut financer des mesures de réduction de la vulnérabilité prises par les collectivités territoriales sur les territoires dotés d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN). De même, le Fonds intervient pour financer des mesures de prévention menées par les petites entreprises et les particuliers sur leurs habitations.

Le Fonds Barnier finance enfin quelques mesures au bénéfice de l'État, comme les travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et les subventions marines.

Jusqu'en 2021, le Fonds Barnier était financé par un prélèvement obligatoire de 12 % en forme de « surprime » sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles. À partir de cette année, le Fonds a été intégré au budget de l'État, au programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». La loi de finances initiale pour 2023 a ouvert 200 millions d'euros de crédits de paiement pour le Fonds.

2. Depuis la loi du 23 juin 2011, le Fonds Barnier finance des mesures relatives à l'habitat informel en outre-mer dans des zones exposées à un risque naturel

Des dispositions spécifiques aux départements et régions d'outre-mer ont été introduites par la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.

L'article 6 de cette loi dispose que l'autorité administrative ayant ordonné la démolition de locaux à usage d'habitation édifiés sans droit ni titre dans une zone exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines peut verser une aide financière visant à compenser la perte de domicile aux conditions suivantes :

- les occupants sont à l'origine de l'édification de ces locaux et sont de bonne foi ;

- ces locaux constituent leur résidence principale ;

- les occupants justifient d'une occupation paisible et continue depuis plus de dix ans ;

- ils n'ont pas fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion au cours de cette période.

Le même article prévoit que l'aide financière et les frais de démolition sont imputés sur le Fonds Barnier. Le barème de l'aide financière est fixé par arrêté des ministres chargés du logement, de l'outre-mer et du budget. Le propriétaire foncier est ensuite tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l'occupation future des terrains désormais libérés. S'il est défaillant, des mesures peuvent être prises par le représentant de l'État dans le département aux frais du propriétaire.

Le cinquième alinéa du I de l'article L. 561-3 renvoie ainsi aux dispositions de l'article 6 de la loi précitée.

B. LES AGENCES DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES ONT POUR MISSION LA RÉGULARISATION DES OCCUPATIONS SANS TITRE DES TERRAINS SUR LES LITTORAUX EN OUTRE-MER

Les agences « pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques » ont été créées par l'article 4 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.

La zone des cinquante pas géométriques désigne une bande de terre de 81,2 mètres le long du littoral de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique. Au titre de l'article L. 5111-2 du code général de la propriété des personnes publiques, cette zone a le statut de réserve domaniale. Elle a été rattachée à la couronne de France au XVIIème siècle.

La zone des cinquante pas géométriques se substitue dans les territoires concernés à la bande des 100 mètres qui fait référence dans la loi littorale du 3 janvier 1986112(*). Leur délimitation ne dépend pas du trait de l'évolution du trait de côte.

Les agences de la zone des cinquante pas géométriques « constituent un instrument de coopération entre l'État et les communes ». Leurs missions sont définies à l'article 5 du 30 décembre 1996 :

elles ont pour mission prioritaire de conduire le processus de régularisation des occupations sans titre des terrains ressortissant aux espaces urbains et aux secteurs occupés par une urbanisation diffuse ;

- les agents commissionnés et assermentés des agences peuvent constater les atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public, ou de nature à compromettre son usage dans la zone des cinquante pas géométriques ;

- les agences peuvent réaliser, pour leur compte ou celui de collectivités territoriales, des opérations d'aménagement, ainsi que les acquisitions foncières et immobilières nécessaires à ces opérations.

Il existe aujourd'hui deux agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques : une en Guadeloupe, et l'autre en Martinique.

Les agences sont financées par des subventions publiques, le produit de cession des parcelles, des emprunts, et enfin une part de la taxe spéciale d'équipement prévue aux articles 1609 C et 1609 D du code général des impôts. Au titre du I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, cette part est plafonnée à 997 000 euros pour l'agence de la zone des cinquante pas géométriques en Guadeloupe, et de 975 000 euros pour celle en Martinique.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'EXTENSION DU FONDS BARNIER À DES MESURES PRISES PAR LES AGENCES DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES

Le présent article est issu d'un amendement déposé par le Gouvernement, ainsi que d'un amendement identique déposé par le député Max Mathiasin et plusieurs de ses collègues.

Le 1° de l'article modifie l'article L. 561-1 du code de l'environnement pour indiquer que les indemnités des expropriations prononcées par les agences des cinquante pas géométriques sont financées par le Fonds Barnier.

Le a) du 2° dispose que le Fonds Barnier peut contribuer au financement des dépenses afférentes à la libération et à la remise en état des terrains évoqués à l'article 6 de la du 23 juin 2011 relatif à l'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les régions et départements d'outre-mer.

Cette même disposition prévoit que l'aide financière dont bénéficie la personne qui perd son domicile peut être versée par l'agence des cinquante pas géométriques. Le cas échéant, les conditions de versement de cette aide font l'objet d'une convention entre l'agence et la personne bénéficiaire, sous réserve de la signature préalable d'une convention-cadre entre l'État, l'autorité administrative ayant ordonné la démolition de l'ensemble des installations et l'agence.

Enfin, le b) du 2° prévoit que le Fonds Barnier peut contribuer au financement des études et des actions de prévention des risques naturels majeurs dont les agences de la zone dite des cinquante pas géométriques assurent la maîtrise d'ouvrage.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXTENSION COHÉRENTE DU FINANCEMENT DU FONDS BARNIER EN OUTRE-MER AUX AGENCES DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES

La zone dite des cinquante pas géométriques fait l'objet d'une forte emprise urbaine en outre-mer pour des raisons historiques : les terres intérieures étant occupées par des plantations, les travailleurs se sont installés sur les terres disponibles des montagnes ou du littoral. Cette situation a conduit à la construction de nombreux logements informels.

Extrait d'un rapport de 2004 sur la zone des cinquante pas géométriques

Face à un processus contre lequel elle n'a pas pu ou voulu lutter, l'Administration, dès le début du XIXe siècle, a délivré des autorisations d'installation, en principe révocables, au départ fondées sur de seules motivations économiques. Ces installations sont devenues au fil du temps définitives et ont concerné de plus en plus de particuliers.

La zone a été très vite identifiée dans beaucoup de consciences comme un territoire qui, n'appartenant en propre à personne (sauf au roi ou à la République) constituait un bien collectif ouvert. Aux autorisations de l'Administration se sont ajoutées des permissions, écrites ou même verbales, octroyées par des autorités non habilitées, sans compter celles consenties à des proches par les occupants eux-mêmes.

C'est pourquoi, le statut de la propriété dans ces îles, qu'il soit public ou privé, s'est trouvé très intimement lié au droit des personnes et à l'évolution des mentalités.

Source : rapport sur les cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique, Inspection générale de l'administration et Conseil général des ponts et chaussées, Gérard Bougrier, Catherine Bersani, 9 mars 2004

La création des agences de la zone des cinquante pas géométriques par la loi du 30 décembre 1996 a donc eu vocation à accompagner la régularisation des logements situés dans ces espaces, tout en prenant en compte leur spécificité.

La loi du 23 juin 2011, qui permet le financement par le Fonds Barnier des frais de démolition et des aides financières la démolition de locaux à usage d'habitation édifiés sans droit ni titre dans une zone exposée à un risque naturel, vise également à rendre possible une compensation financière malgré le caractère informel de ces logements.

Il est donc cohérent d'étendre le Fonds Barnier aux mesures prises par les agences de la zone des cinquante pas géométriques dans ce cadre.

Même si son caractère spécifique la rend vraisemblablement peu coûteuse, il est regrettable qu'il n'y ait aucun chiffrage du coût de cette mesure.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 52 quater (nouveau)

Prolongation de l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation »

Le présent article prévoit de prolonger l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » (MIRAPI) de deux ans. L'expérimentation consiste à apporter une aide aux sinistrés d'une inondation pour la reconstruction « résiliente » de leur logement.

Elle est financée par le fonds Barnier, et elle n'est applicable que pour les communes désignées par arrêté parmi celles faisant l'objet, depuis moins d'un an, d'un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à la suite d'inondations. Jusqu'à présent, l'expérimentation a été étendue à 46 communes dans les départements des Landes et des Alpes Maritimes.

Le rapporteur spécial soutient le principe de la mesure, qui vise à réduire la vulnérabilité des logements qui sont, de facto, exposés au risque d'inondation, tout en facilitant la reconstruction des logements. La mesure n'a jusqu'à présent été déployée que dans deux départements, ce qui justifie une prolongation.

Toutefois, il est regrettable qu'aucune évaluation du coût et de l'efficacité de MIRAPI n'ait été présentée avant d'envisager sa prolongation.

La commission des finances propose de ne pas revenir sur la durée de l'expérimentation tout de demandant que le rapport attendu pour en mars 2024 soit bien transmis au Parlement dans les délais.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE EXPÉRIMENTATION FINANCÉES PAR LE FONDS BARNIER MISE EN PLACE À LA SUITE DE LA TEMPÊTE ALEX

Le A du III de l'article 224 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 prévoit la mise en place d'un dispositif expérimental, dénommé « mieux reconstruire après inondation » (MIRAPI), financé par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds Barnier).

L'expérimentation consiste à apporter une aide aux sinistrés d'une inondation pour la reconstruction de leur logement de manière plus « résiliente ». Elle doit notamment permettre de tester différentes hypothèses, comme des méthodes de simplification des procédures d'instruction et une évolution des critères du fonds Barnier.

Le fonds Barnier

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), mieux connu sous le nom de « fonds Barnier » est prévu à l'article L. 561-3 du code de l'environnement, et depuis sa budgétisation opérée en 2021, ses crédits sont inscrits sur le programme 181 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Il permet de financer des mesures de réduction de la vulnérabilité prises par les collectivités territoriales sur les territoires dotés d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN). De même, le fonds intervient pour financer des mesures de prévention menées par les petites entreprises et les particuliers sur leurs habitations. Le fonds Barnier permet également de financer l'acquisition de biens à l'amiable ou par expropriation lorsque les biens en question sont exposés à un risque.

Des développements plus complets sur le fonds Barnier se trouvent à la section A du II de la deuxième partie du présent rapport.

Source : commission des finances

MIRAPI concerne les communes désignées par arrêté du ministre chargé de la prévention des risques naturels parmi celles faisant l'objet, depuis moins d'un an, d'un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à la suite d'inondations. L'expérimentation, au bénéfice de biens à usage d'habitation couverts par un contrat d'assurance, est limitée à trois ans à compter de la désignation d'au moins une commune. Les premières communes ayant été désignées par un arrêté du 27 septembre 2021113(*), l'expérimentation est doit se terminer le 27 septembre 2024.

Le B du III de l'article 224 prévoit que le Gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation établissant des propositions de prorogation ou d'arrêt du dispositif six mois avant la fin de l'expérimentation.

L'annonce de la mise en oeuvre de cette expérimentation a eu lieu à la suite des inondations dans les Alpes-Maritimes de l'automne 2020. Les premières communes où l'expérimentation MIRAPI a été déployée se situent donc dans ce département.

Par la suite, l'expérimentation a été étendue à des communes du département des Landes par deux arrêtés, l'un du 21 décembre 2021114(*) et l'autre du 28 avril 2022115(*). Le département avait en effet connu de fortes inondations en 2020 et en 2021.

Jusqu'à présent, MIRAPI a été appliquée pour 46 communes, pour l'essentiel de petite taille.

Déroulement de l'expérimentation MIRAPI

Après les épisodes d'inondations successifs, l'État a mis en place, à titre expérimental, un dispositif d'accompagnement des particuliers visant à améliorer la résilience de leur habitation aux inondations : le dispositif « Mieux reconstruire après inondation » dénommé MIRAPI. Le département des Landes fait partie des territoires retenus pour cette expérimentation.

Le dispositif MIRAPI se décompose en deux phases. La première phase obligatoire de réalisation d'un diagnostic de vulnérabilité est suivie d'une phase d'accompagnement à la réalisation des travaux préconisés dans le diagnostic.

Le diagnostic de vulnérabilité est réalisé par un technicien spécialisé qui évalue point par point les composantes du bien, et en détermine le niveau de vulnérabilité en cas d'inondation. En complément, cette expertise permet de cibler et de chiffrer avec précision les travaux et les aménagements réalisables pour améliorer la résilience de ce bien.

Afin de bénéficier d'un diagnostic de vulnérabilité réalisé par un diagnostiqueur, d'un accompagnement technique et administratif dédié et ainsi devenir éligible à une subvention à hauteur de 80 % du montant des travaux à réaliser, l'inscription au dispositif est indispensable.

Source : site de l'institution ADOUR, établissement public territorial de bassin (Hautes-Pyrénées, Gers, Landes, Pyrénées-Atlantiques)

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA PROLONGATION DE DEUX ANS DE L'EXPÉRIMENTATION

Le présent article est issu d'un amendement déposé par le Gouvernement ainsi que d'un amendement identique déposé par le député Éric Ciotti.

Le 1° prévoit d'allonger la durée de l'expérimentation de trois à cinq ans. Elle se terminerait donc le 27 septembre 2026.

Le 2° précise que les modalités de l'expérimentation sont fixées par arrêté du ministre chargé de la prévention des risques naturels.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA PROLONGATION EST JUSTIFIÉE, MAIS CELA NE DISPENSE PAS D'ÉVALUER MIRAPI

L'objectif de cette expérimentation est d'aider les sinistrés à reconstruire leur habitation de façon plus résiliente après une inondation, afin d'éviter de nouveaux dommages, en complément de la reconstruction « à l'identique » financée par les assureurs. Le fonds « Barnier » interviendrait pour financer l'aspect « résilient » de la construction, sans néanmoins que cette qualification juridique ne fasse l'objet d'une définition précise.

Le rapporteur spécial soutient le principe de la mesure, qui vise à réduire la vulnérabilité des logements qui sont, de facto, exposés au risque d'inondation, tout en facilitant la reconstruction des logements. La mesure n'a jusqu'à présent été déployée que pour des communes des Alpes-Maritimes et des Landes, ce qui justifie une prolongation.

Il convient cependant de rester prudent quant à l'intégration des dépenses de réparation « résiliente » dans le champ d'action du fonds « Barnier », dans la mesure où cela pourrait, à terme, alourdir les dépenses qu'il prend en charge, compte tenu de la récurrence des catastrophes naturelles dans un contexte de dérèglement climatique.

Or, les indications sur le coût de MIRAPI sont fragmentaires, même s'il apparaît limité. La seule indication présente dans les documents budgétaires est une mention du projet annuel de performances pour 2022, selon laquelle MIRAPI coûterait 200 000 euros au fonds Barnier pour cette année. Dans les projets annuels de performances suivants, le coût de MIRAPI n'est pas détaillé.

À ce titre, il est regrettable que le rapport prévu au B du III de l'article 224 de la loi de finances pour 2021 n'ait pas été transmis au Parlement. Certes, la date limite de six mois avant la fin de l'expérimentation, en l'occurrence le 27 mars 2024, n'est pas encore atteinte. Néanmoins, ce rapport a vocation à établir « des propositions de prorogation ou d'arrêt du dispositif », et devait donc permettre au Parlement de se prononcer sur l'expérimentation. Or, au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, il sera trop tard car l'expérimentation sera déjà terminée.

Le rapport aurait donc dû être rendu en avance par rapport au délai prévu par la loi. À cet égard, le rapporteur spécial avait considéré, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, que la date prévue pour réaliser un bilan du dispositif était trop lointaine, d'autant qu'aucune évaluation préalable n'avait été jointe à l'article 224. Le rapporteur spécial avait ainsi déposé un amendement n°  II-30 (FINC.5) visant à ce que le Gouvernement présente un premier bilan de MIRAPI au bout d'un an. Il n'a malheureusement pas été retenu dans le texte final, alors que ce bilan aurait été très utile pour se prononcer aujourd'hui sur la suite de l'expérimentation.

Néanmoins, au regard de l'utilité potentielle du dispositif, et de son coût a priori limité, il est pertinent d'étendre la durée de l'expérimentation. On notera cependant que cette décision est en contradiction avec l'idée de l'article 7 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) adoptée définitivement vendredi 15 novembre par les députés après que le Gouvernement ait engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution. En effet, ce dernier dispose que « Les dépenses fiscales ne peuvent être prorogées [qu'à] la condition d'avoir fait l'objet d'une évaluation, présentée par le Gouvernement au Parlement, des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, qui précise l'efficacité et le coût de celles-ci. » Cette logique devrait être appliquée aux expérimentations. La LPFP n'a même pas encore fait l'objet d'une promulgation que le Gouvernement contrevient à son esprit.

De manière à laisser une certaine visibilité aux communes bénéficiaires, dans un contexte de forte vulnérabilité du territoire national, il est proposé de ne pas revenir sur la prolongation de l'expérimentation tout en rappelant qu'un bilan est attendu pour le 27 mars 2024. Le rapporteur spécial propose donc un amendement pour garantir qu'un bilan soit transmis la date initialement prévue, c'est-à-dire le 24 mars 2024.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 52 quinquies (nouveau)

Autorisation du retrait de la résiliation des contrats de soutien
des installations productrices d'électricité à partir de biomasse

Le présent article prévoit de permettre à l'installation de production électrique à base de biomasse de Gardanne de demander le retrait de la résiliation de son contrat de soutien public et d'assortir celui-ci de nouvelles méthodes d'indexation destinées à mieux couvrir les phénomènes de fluctuation des coûts d'approvisionnement en matière première de la centrale.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES DISPOSITIFS DE SOUTIEN À LA PRODUCTION D'ÉNERGIE RENOUVELABLE ASSURENT DES RÉMUNÉRATIONS GARANTIES AUX PRODUCTEURS

Afin d'encourager la production d'énergies renouvelables (EnR), l'État a mis en place des dispositifs de soutien public qui peuvent être attribués selon deux modalités : le guichet ouvert ou la mise en concurrence via des appels d'offres. Ces dispositifs de soutien à la rémunération des producteurs d'énergie peuvent eux-mêmes prendre deux formes : l'obligation d'achat ou le complément de rémunération. Ces dispositifs doivent permettre de garantir au producteur, sur le long terme, une rémunération supérieure à la valeur de marché de l'énergie produite.

Créé en 2000 par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, le dispositif d'obligation d'achat, prévu aux articles L. 314-1 à L. 314-13 du code de l'énergie, impose aux fournisseurs historiques116(*) de conclure des contrats d'achat de l'électricité produite à partir d'énergie renouvelable par les installations éligibles à l'obligation d'achat ou lauréates d'un appel d'offres. Ces contrats d'achats sont tenus de respecter des conditions tarifaires et techniques imposées par la voie réglementaire. Généralement signés sur des durées de 20 ans, ils prévoient un tarif d'achat117(*) garanti pour le producteur.

Le dispositif de complément de rémunération a quant à lui été instauré par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « LTECV ». Il est aujourd'hui encadré par les articles L314-18 à L314-27 du code de l'énergie. Les producteurs qui ont conclu des contrats de complément de rémunération vendent leur énergie directement sur les marchés. Une prime vient compenser l'écart entre les revenus tirés de cette vente et un niveau de rémunération de référence, fixé selon le type d'installations par la puissance publique dans le cadre d'un arrêté tarifaire ou par le producteur dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence par le biais d'appel d'offres.

Cette prime, variable, constatée ex-post, compense donc la différence entre la rémunération de référence et un revenu de marché de référence. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), « ce dispositif vise à exposer les producteurs aux signaux des prix de marché de court terme, tout en leur garantissant une rémunération raisonnable ». Cette rémunération des actifs du producteur doit lui permettre de couvrir les coûts de son installation et de lui garantir un niveau de rentabilité raisonnable.

EDF, en assurant les missions de service public d'achat de l'énergie, est le seul opérateur à pouvoir conclure en France ce type de contrats avec les producteurs d'EnR. Ainsi cette société, via son service EDF obligation d'achat, verse-t-elle les primes dues aux producteurs.

Pour les dispositifs d'obligation d'achat et de complément de rémunération, EDF et les entreprises locales de distribution (ELD) font l'objet de compensations de l'État dans le cadre du mécanisme des charges de service public de l'énergie (CSPE) dont les crédits budgétaires dédiés sont suivis sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

B. LA CENTRALE THERMIQUE DE PROVENCE A ÉTÉ LAURÉATE DE L'APPEL D'OFFRES LANCÉ EN 2010 POUR LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ À PARTIR DE BIOMASSE

1. L'appel d'offre lancé en 2010 pour un contrat d'achat de production d'électricité à partir de biomasse

Le soutien au début de la décennie 2010 à la filière de production d'électricité à partir de biomasse visait à permettre l'atteinte des objectifs de production d'électricité à partir de cette ressource prévus par le rapport de la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité pour la période 2009-2020, c'est-à-dire, par rapport à 2006, une augmentation équivalente à 520 mégawatts (MW) en 2012 et à 2 300 MW en 2020.

Ce soutien aux installations devait s'articuler autour de deux dispositifs :

- des tarifs d'achat de l'électricité garantis pour les installations d'une capacité inférieure à 12 MW ;

- au-dessus de 12 MW, des appels d'offres récurrents lancés chaque année.

Lancé en 2010, l'appel d'offres n° 2010/S 143-220129 portant sur des installations de production d'électricité à partir de biomasse visait à mettre en oeuvre ce second dispositif.

2. La centrale thermique de Provence lauréate de l'appel d'offre de 2010 a résilié son contrat en novembre 2022

À la fin de l'année 2022, la France comptait 62 centrales de production d'électricité à partir de biomasse pour une puissance de 800 MW. La principale d'entre elles est la centrale thermique de Provence, située à Gardanne118(*). Elle produit son électricité au moyen de la vapeur d'eau dégagée par la combustion de bois. Sa puissance de production atteint 150 MW. Elle est exploitée par la société GazelEnergie.

Cartographie des sites de production d'électricité à partir de biomasse solide
en 2022

Source : baromètre de l'Observ'ER 2022

À la fin de l'année 2022, dans un contexte de crise des prix de l'énergie et alors que les coûts d'approvisionnement des centrales produisant à base de biomasse avaient fortement augmenté, la centrale thermique de Provence a résilié le contrat d'obligation d'achat dont elle était titulaire en tant que lauréate de l'appel d'offres n° 2010/S 143-220129 précité.

D'après l'exposé de l'amendement duquel est issu le présent article, dans ce contexte économique bouleversé, ce contrat ne permettait plus à l'exploitant d'amortir ses investissements ni de couvrir la hausse du prix de ses intrants dans la mesure où l'augmentation du coût de ces derniers n'était pas prise en compte dans la formule d'indexation du tarif d'achat de l'électricité produite par la centrale.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : PERMETTRE À LA CENTRALE DE PRODUCTION ÉLECTRIQUE DE GARDANNE DE REVENIR SUR LA RÉSILIATION DE SON CONTRAT DE SOUTIEN ET ASSORTIR CE DERNIER D'UNE NOUVELLE MÉTHODE D'INDEXATION 

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement du Gouvernement intégré dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Il vise à permettre à certaines centrales de production électrique à partir de biomasse de pouvoir solliciter le retrait de la résiliation du contrat de soutien public qu'elles auraient réalisé au cours du second semestre 2022. En pratique, cette disposition vise uniquement la centrale thermique de Provence localisée à Gardanne.

A. LA POSSIBILITÉ POUR LES CENTRALES DE PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ À BASE DE BIOMASSE DE DEMANDER UN RETRAIT DE LA RÉSILIATION DE LEUR CONTRAT DE SOUTIEN

Le premier alinéa du I du présent article prévoit ainsi que les producteurs d'électricité lauréats de l'appel d'offres n° 2010/S 143-220129 qui ont résilié leur contrat de soutien au cours du second semestre 2022 « en raison de la forte hausse de leurs coûts d'approvisionnement » qui n'était pas couverte par le tarif d'achat d'électricité prévu par ce contrat, ont la possibilité, « sur demande motivée auprès du ministre chargé de l'énergie, [de]solliciter le retrait de cette résiliation ».

Ce même alinéa précise que cette demande motivée doit être formulée au premier semestre 2024 et que l'accord de retrait de la résiliation peut, le cas échéant être « assorti de prescriptions sur la durée et les périodes de fonctionnement de l'installation ».

Le second alinéa du I dispose quant à lui que les éventuelles recettes excédentaires (par rapport au tarif d'achat qui était prévu dans son contrat de soutien) qu'aurait perçues l'installation durant la période de résiliation (après déduction des sommes versées au titre de la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité119(*)) soient reversées à l'État.

B. DE NOUVELLES MODALITÉS D'INDEXATION DU TARIF D'ACHAT SUR LES COÛTS D'APPROVISIONNEMENT EN BIOMASSE

Le premier alinéa du II prévoit que, pour « faire face aux variations des coûts d'approvisionnement en matière premières, les titulaires des contrats des projets lauréats de l'appel d'offres n° 2010/S 143-220129 d'une puissance supérieure à 30 MW » pourront désormais demander à pouvoir bénéficier de nouvelles modalités d'indexation de leur tarif d'achat. Après que le producteur a remis à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ainsi qu'au ministère chargé de l'énergie tous les justificatifs nécessaires, cette nouvelle indexation devrait être établie par un décret pris après avis de la CRE.

Enfin, le second alinéa du II prévoit des dispositions de contrôle de la CRE spécifiques et renforcées. Celle-ci devra ainsi réaliser un audit tous les deux ans des installations bénéficiant de ces nouvelles méthodes d'indexation pour « constater son taux de rémunération effectif ».

Le même alinéa prévoit que les règles d'indexation seront, le cas échéant, amenées à être révisées par décret pour garantir que des conditions d'achat de l'électricité produite par la centrale ne résultent pas une rémunération totale des capitaux immobilisés qui « excède une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à son exploitation ».

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

La production d'électricité à partir de biomasse connaît des difficultés particulières pour s'établir et se développer en France, notamment en raison des difficultés d'approvisionnement en bois. Les problématiques rencontrées par la centrale de Provence en sont l'une des illustrations. Cependant, la production d'électricité à base de biomasse a l'avantage d'être à la fois pilotable et moins émissive que les installations fonctionnant au charbon. L'exposé de l'amendement du Gouvernement précise ainsi que les émissions des centrales fonctionnant à partir de biomasse se situaient entre 15 et 60 kg d'équivalent CO2 par mégawattheure (MWh) contre 100 kg pour les installations produisant de l'électricité à base de charbon.

Par ailleurs, la centrale de Provence a toujours bénéficié d'un regard particulier de la part des pouvoirs publics. L'installation biomasse est, en effet, venue contrebalancer la fermeture en 2012 d'une centrale fonctionnant au charbon. Pour autant, la vie de centrale est chaotique. Du fait notamment de grèves, la centrale n'a fonctionné que 1 400 heures depuis le début de l'année, soit l'équivalent de deux mois. Très récemment, la cour administrative de Marseille dans une décision publiée le 10 novembre 2023, conformément à une décision du  Conseil d'État de mars 2023, a ordonné à GazelEnergie d'étudier les effets indirects de son activité, notamment sur les  forêts. À l'appui de cette nouvelle étude d'impact réalisée sous douze mois, puis d'une enquête publique complémentaire, la cour administrative se prononcera sur l'autorisation d'exploiter.

Seuls les enjeux sociaux, liés aux 91 emplois de la centrale, peuvent justifier une telle disposition législative, applicable à une unique installation et visant à modifier de façon rétrospective des clauses contractuelles.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 52 sexies (nouveau)

Déplafonnement des contrats de complément de rémunération
des producteurs d'énergie renouvelable

Le présent article prévoit le déplafonnement intégral et sans condition des contrats de complément de rémunération des installations de production d'énergie renouvelable.

Cet article fait suite à la déclaration d'inconstitutionnalité, pour incompétence négative du législateur, de l'article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 par la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1065 QPC du 26 octobre 2023. Cet article prévoyait un déplafonnement partiel de ces mêmes contrats.

Pour répondre à cette déclaration d'inconstitutionnalité, le Gouvernement a choisi de proposer un déplafonnement intégral et sans condition des contrats de complément de rémunération.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ARTICLE 38 DE LA PREMIÈRE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022 A ÉTÉ DÉCLARÉ CONTRAIRE À LA CONSTITUTION PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

A. LES CONTRATS DE COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION

Afin d'encourager la production d'énergies renouvelables (EnR), l'État a mis en place des dispositifs de soutien public qui peuvent être attribués selon deux modalités : le guichet ouvert ou la mise en concurrence via des appels d'offres. Ces dispositifs de soutien à la rémunération des producteurs d'énergie peuvent eux-mêmes prendre deux formes : l'obligation d'achat ou le complément de rémunération. Ces dispositifs doivent permettre de garantir au producteur, sur le long terme, une rémunération supérieure à la valeur de marché de l'énergie produite.

Le dispositif de complément de rémunération a été instauré par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « LTECV ». Il est aujourd'hui encadré par les articles L314-18 à L314-27 du code de l'énergie. Les producteurs qui ont conclu des contrats de complément de rémunération vendent leur énergie directement sur les marchés. Une prime vient compenser l'écart entre les revenus tirés de cette vente et un niveau de rémunération de référence, fixé selon le type d'installations par la puissance publique dans le cadre d'un arrêté tarifaire ou par le producteur dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence par le biais d'appel d'offres.

Cette prime, variable, constatée ex post, compense donc la différence entre la rémunération de référence et un revenu de marché de référence. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), « ce dispositif vise à exposer les producteurs aux signaux des prix de marché de court terme, tout en leur garantissant une rémunération raisonnable ». Cette rémunération des actifs du producteur doit lui permettre de couvrir les coûts de son installation et de lui garantir un niveau de rentabilité raisonnable.

EDF, en assurant les missions de service public d'achat de l'énergie, est le seul opérateur à pouvoir conclure ce type de contrats avec les producteurs d'EnR. C'est ainsi cette société, via son service EDF obligation d'achat, qui verse les primes dues aux producteurs. EDF fait ensuite l'objet de compensations de l'État dans le cadre du mécanisme des charges de service public de l'énergie (CSPE) dont les crédits budgétaires dédiés sont suivis sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

B. LE DÉPLAFONNEMENT PARTIEL DES CONTRATS DE COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION PRÉVU PAR L'ARTICLE 38 DE LA PREMIÈRE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022

1. La flambée de prix de l'électricité qui s'est exacerbée en 2022 a très fortement accru les revenus des producteurs d'électricité d'origine renouvelable qui se sont retrouvés à devoir reverser des primes négatives à l'État

L'article R314-49 du code de l'énergie prévoit que, dans le cas où le prix de marché est supérieur au tarif de référence déterminé par le contrat, le producteur devient redevable à l'État, via la société EDF, des sommes correspondant à ce qui est alors devenu une prime négative. Le premier alinéa de l'article est ainsi rédigé :

« Dans les cas où la prime à l'énergie mensuelle mentionnée à l'article R314-34 est négative, le producteur est redevable de cette somme. Ce montant est versé par le producteur à Électricité de France sous forme d'avoir accompagné du règlement correspondant. Il est déduit des charges de service public de l'électricité constatées pour Électricité de France pour l'exercice considéré ».

Avant qu'il ne soit modifié par le décret n° 2021-1691 du 17 décembre 2021120(*), cet article prévoyait un plafonnement des sommes que pouvaient être amené à reverser le producteur aux montants qu'il avait déjà perçu depuis le début du contrat121(*).

Dans le contexte de la flambée des prix de l'électricité sur le marché de gros qui s'est déclenchée à la fin de l'année 2021 la situation « habituelle » dans laquelle les producteurs titulaires de contrats de rémunération bénéficiaient d'un soutien public s'est trouvée profondément bouleversée et ces derniers se sont trouvés à devoir verser à EDF, et donc à l'État via le système de la compensation des CSPE, des sommes au titres de primes devenues négatives.

2. Certains contrats de complément de rémunération disposent de mécanismes de plafonnement qui limitent les primes négatives que les producteurs doivent reverser à l'État lorsque les rémunérations qu'ils perçoivent dépassent leur rémunération de référence

Au-delà du plafonnement qui était prévu par l'article R314-49 du code de l'énergie avant sa modification en décembre dernier, certains cahiers des charges d'appels d'offres122(*) consacrés à des dispositifs de complément de rémunération prévoyaient des dispositifs similaires.

Alors que le niveau des cours sur le marché de gros de l'électricité qui avait été atteint en 2022 n'aurait pas pu être raisonnablement envisagé dans les hypothèses étudiées lors du calcul des plans d'affaire des projets concernés, il aurait résulté du maintien de tels plafonnements des taux de rentabilité situés à des niveaux très supérieure à une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés par les producteurs.

L'évaluation préalable de l'article 38 du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 recensait environ 3 200 contrats concernés pour un enjeu financier très significatif d'environ 2,4 milliards d'euros au titre de l'année 2022.

Dans sa délibération n° 2022-202 du 13 juillet 2022 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) évaluait les enjeux financiers du plafonnement des contrats de complément de rémunération à 2,4 milliards d'euros au titre de l'année 2022 et à 2 milliards d'euros au titre de l'année 2023.

Face à cette situation, et alors que le plafond avait déjà été atteint par de nombreux contrats, le ministère chargé de l'énergie avait, dès le printemps 2022 donné pour consigne à EDF Obligation d'achat (EDF OA) de ne pas appliquer ces dispositifs et donc, de déplafonner les contrats concernés entre avril et décembre 2022.

3. L'article 38 de la première loi de finances rectificative pour 2022 a introduit dans la loi un système de déplafonnement partiel de l'ensemble des contrats de complément de rémunération

Pour capter une part des revenus excédentaires des producteurs résultant de la flambée des prix de l'énergie et pouvant être considérés comme des effets d'aubaine non prévisibles, l'article 38 de la loi n° 202 1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a instauré un dispositif pérenne, avec application rétroactive à compter du 1er janvier 2022, de déplafonnement partiel des contrats de complément de rémunération.

Le dispositif de plafonnement partiel reposait sur la détermination de la trajectoire pluriannuelle d'un « prix seuil » pivot. Cette trajectoire devait être représentative d'un scénario réaliste d'évolution des prix de gros sur le marché de l'électricité au moment où les contrats plafonnés ont été conclus (entre 2016 et 2019). Cette trajectoire du prix seuil devait être établie par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et du budget pris après l'avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Cet arrêté a été publié le 28 décembre 2022.

Le mécanisme prévoyait ainsi que les contrats dont les tarifs de référence utilisés pour calculer la prime de complément de rémunération se situaient, pour un mois donné, à un niveau supérieur au « prix seuil » étaient alors entièrement déplafonnés. Aussi, si la prime pour un mois donné s'avérait négative, le producteur titulaire d'un tel contrat était alors tenu de verser l'intégralité des montants dus au titre de cette prime.

Pour les contrats dont les tarifs de référence étaient, pour un mois donné, inférieurs au « prix seuil », deux situations pouvaient se présenter.

Dans le cas où le prix de marché de référence de l'électricité prévu par le contrat pour déterminer le niveau de la prime était inférieur ou égal au « prix seuil », alors les mécanismes de plafonnement continuaient de s'appliquer.

En revanche, dans le cas où le prix de marché de référence était supérieur au « prix seuil », alors les mécanismes de plafonnement des contrats continuaient de s'appliquer dans la limite de ce prix seuil. Le producteur était tenu de reverser les sommes correspondantes au volume d'électricité qu'il avait injecté sur les réseaux publics d'électricité durant le mois multiplié par la différence entre le prix de marché de référence et le « prix seuil ». Ce système se traduisait donc par un déplafonnement partiel des contrats de complément de rémunération lorsque les prix de gros de l'électricité dépassaient le « prix seuil ».

Dans sa délibération de juillet dernier sur l'évaluation des compensations de charges de service public de l'énergie pour 2024, la CRE considérait que la mesure de déplafonnement des contrats de rémunération de l'article 38 de la loi de finances rectificative pour 2022 « représente une part considérable »123(*), de l'ordre de 30 à 50 % des recettes exceptionnelles qui doivent être perçues par l'État entre 2022 et 2024, soit entre 3 et 4,5 milliards d'euros. Toutefois, dans cette même délibération, la CRE s'inquiétait des capacités d'EDF obligation d'achat (EDF OA) à recouvrer de façon rétroactive les 1,7 milliard d'euros dus au titre de l'année 2022. Le 28 juin 2023, seuls 55 % de la somme totale avaient été effectivement recouvrés.

C. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A DÉCLARÉ CONTRAIRE À LA CONSTITUTION L'ARTICLE 38 DE LA PREMIÈRE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022

Dans sa décision n° 2023-1065 QPC du 26 octobre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la constitution l'article 38 de la première loi de finances rectificative pour 2022. Cette déclaration était fondée sur le motif d'incompétence négative du législateur. Le Conseil a en effet considéré qu'en renvoyant à un arrêté ministériel la fixation du prix seuil et « en s'abstenant de définir lui-même les critères de détermination de ce prix, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant le droit au maintien des conventions légalement conclues ».

Cependant, dans la même décision, le Conseil constitutionnel a considéré que si les dispositions de l'article 38 « portent atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues », il résultait de l'objectif d'intérêt général poursuivi que cette atteinte n'était pas « disproportionnée » et, par voie de conséquence, qu'elles n'étaient pas contraires à la Constitution.

Considérants 12 à 15 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1065 QPC du 26 octobre 2023

12. En modifiant en cours d'exécution les modalités contractuelles déterminant le montant des reversements dus par les producteurs lorsque la prime à l'énergie mensuelle est négative, les dispositions contestées portent atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues.

13. En premier lieu, il résulte des travaux préparatoires de la loi du 17 août 2015 mentionnée ci-dessus que le législateur, en instituant un dispositif de complément de rémunération, a entendu soutenir la production d'électricité à partir d'énergie renouvelable en assurant aux producteurs une rémunération raisonnable des capitaux investis. Or la très forte augmentation des prix de l'électricité sur le marché à partir de septembre 2021, qui était imprévisible lors de la conclusion de ces contrats, a eu pour conséquence une augmentation considérable du profit généré par les installations de production d'électricité. En adoptant les dispositions contestées, dans un contexte de forte hausse des prix de l'électricité, le législateur a ainsi entendu corriger les effets d'aubaine dont ont bénéficié les producteurs qui ont reçu un soutien public, afin d'atténuer l'effet préjudiciable de cette hausse pour le consommateur final. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général.

14. En second lieu, si la modification des modalités de calcul des reversements dus par les producteurs d'électricité bénéficiant d'un complément de rémunération affecte un élément essentiel de leurs contrats, il résulte de l'article L. 314-20 du code de l'énergie que leur est garantie, quelle que soit l'évolution des prix du marché, une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés tenant compte des risques inhérents à leur exploitation jusqu'à l'échéance de leur contrat.

15. Ainsi, les dispositions contestées, en ce qu'elles reviennent sur le plafonnement auquel les producteurs pouvaient prétendre en vertu des contrats en cours, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues.

Source : décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1065 QPC du 26 octobre 2023

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION 

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement du Gouvernement intégré dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

L'article prévoit de déplafonner intégralement et sans condition l'ensemble des contrats de complément de rémunération.

Son premier alinéa précise que ses dispositions s'appliquent aux contrats de rémunération « qui prévoient une limite supérieure aux sommes dont le producteur est redevable lorsque la prime à l'énergie mensuelle est négative », c'est-à-dire à ceux qui disposent de clauses de plafonnement des reversements à l'État en cas de rémunérations perçues supérieures à leur tarif de référence.

Le second alinéa de l'article précise que, de façon rétroactive, à compter du 1er janvier 2022, les clauses de plafonnement des contrats de complément de rémunération sont abrogées.

Pour ce faire, cet alinéa entend ainsi modifier tous les contrats de complément de rémunération en cours concernés de la façon suivante : « lorsque, pour un mois donné, la prime à l'énergie mensuelle est négative, le producteur est redevable de l'intégralité de la somme correspondante pour l'énergie produite ».

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE VISANT À ÉVITER LES EFFETS D'AUBAINE QUI SEMBLE POUVOIR ÊTRE CONFORME À LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Si la production d'électricité d'origine renouvelable doit demeurer une priorité des pouvoirs publics et faire l'objet de mesures de soutien, il ne peut être objectivement contesté que la hausse considérable des prix de l'électricité observée au cours de l'année 2022 ne pouvait pas être raisonnablement anticipée par les producteurs et qu'elle relève d'un pur effet d'aubaine. Les mécanismes de plafonnement prévus par les cahiers des charges de certains contrats de complément de rémunération se traduiraient par des pertes de recettes significatives pour l'État en contrepartie de rémunérations excessives pour des installations dont les coûts de production n'ont pas augmenté aussi fortement que les prix de l'électricité sur les marchés de gros.

Dans sa délibération du 17 juillet 2022 précitée, la CRE avait mis en exergue les effets d'aubaine générés par les mécanismes de plafonnement des contrats de complément de rémunération et recommandé à l'État de les supprimer. Elle estimait ainsi que « les sommes perçues par les producteurs au-delà des niveaux de tarif de référence constituent des rentes indues, s'éloignant du principe d'une rémunération raisonnable sur la durée des contrats de complément de rémunération ».

Dans sa décision précitée du 26 octobre 2023, le Conseil constitutionnel a considéré que les mesures de déplafonnement partiel des contrats de complément de rémunération qui étaient prévues par l'article 38 de la première loi de finances rectificative pour 2022 portaient une atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues qui n'était pas disproportionnée :

- d'une part car elle était justifiée par un motif d'intérêt général suffisant, à savoir, dans un contexte de très forte augmentation des prix de l'électricité, afin d'en atténuer l'effet préjudiciable sur les consommateurs, la correction d'effets d'aubaine manifestes dont ont bénéficié des producteurs qui avaient auparavant reçu un soutien public ;

- d'autre part car, quand bien même le déplafonnement qui était prévu à l'article 38 affectait un élément essentiel des contrats, l'article L. 314 20 du code de l'énergie qui définit les conditions du complément de rémunération garantit aux producteurs une rémunération raisonnable de leurs capitaux immobilisés.

En réponse à la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 38 de la première loi de finances rectificative pour 2022, le Gouvernement répond par une simplification qui va de pair avec un durcissement de la mesure. S'il ressort clairement de sa décision que le Conseil constitutionnel ne considère pas comme inconstitutionnel le mécanisme de déplafonnement partiel qui était prévu par l'article 38, il ne semble néanmoins pas tout à fait exclu que celui-ci adopte une position différente sur le déplafonnement total et inconditionnel que prévoit le présent article 52 sexies.

Le bon usage des deniers publics ainsi que la légitimité à ne pas laisser se constituer des rémunérations excessives dues à des effets d'aubaine caractérisés au profit d'installations qui ont longtemps pu bénéficier d'un soutien de la collectivité suppose néanmoins de ne pas laisser perdurer les clauses de plafonnement prévues dans les cahiers des charges de certains contrats de complément de rémunération.

On peut cependant s'étonner du choix du Gouvernement de déplafonner intégralement et sans condition les contrats de compléments de rémunération. En effet, l'article 8 bis du présent PLF relatif à la prorogation de la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité prévoit en 2024 un prélèvement limité à 50 % des revenus excédant le seuil de taxation (contre 90 % en 2022 et 2023) « aux fins de limiter les impacts sur les incitations à l'investissement » selon les termes de l'exposé des motifs du sous-amendements I-5388 du député Mathieu Lefèvre intégré dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et articles 50 à 52 sexies) et le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) ».

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». - Sans considérer l'évolution des dépenses de soutien à l'énergie, qui ont été très importantes en 2023, les crédits des programmes sont globalement en hausse. Cependant, leur progression reste inférieure à l'inflation, à rebours de la communication du Gouvernement, qui présente ce budget comme celui de la transition écologique.

S'agissant du fonctionnement du ministère, le plafond d'emplois augmente pour la première fois depuis des années. Je souligne au passage que certains crédits visent à rénover la façade de la tour Séquoia, achetée par le ministère en 2015, le bâtiment s'étant avéré peu performant d'un point de vue énergétique.

En ce qui concerne le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », les crédits semblent quasiment doubler. En réalité, il s'agit d'un transfert, puisque les crédits liés à la stratégie nationale de la biodiversité, rattachés l'an dernier au programme 380 du fonds vert, rebasculent sur le programme 113. Cette réorganisation est positive en matière de lisibilité, tous les crédits consacrés à la biodiversité étant désormais rassemblés au sein du même programme.

Ces crédits ont fait l'objet d'une gestion plus encadrée au niveau national que les autres politiques du fonds vert. Un exemple est que lorsque des régions n'utilisaient pas leur enveloppe, le montant était repris et transféré à d'autres régions. L'Office français de la biodiversité (OFB), principal opérateur du programme 113, sera en mesure de voter un budget à l'équilibre pour la première fois en 2024, grâce à une augmentation de sa subvention pour charges de service public.

J'en viens au programme 181 « Prévention des risques », dont l'augmentation des crédits s'explique quasi intégralement par la hausse de la subvention versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), son principal opérateur. En effet, l'Agence fait face à des frais de fonctionnement qui augmentent en même temps que ses crédits d'intervention. Ces derniers proviennent aussi de France 2030 et du fonds Chaleur.

L'Ademe gère le fonds économie circulaire, qu'il ne faut pas confondre avec les financements assurés par les éco-organismes.

Elle se charge aussi du fonds Hydrogène, qui est de taille modeste et dont les crédits vont baisser de 38 à 20 millions d'euros, à rebours des discours affichant la volonté de développer ce vecteur énergétique. Les crédits du fonds viennent parfois compléter des crédits de France 2030, ce qui n'est pas idéal en matière de lisibilité.

Les risques technologiques sont pris en considération par ce programme et, vingt-deux ans après l'accident de l'usine AZF, tous les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) devraient être approuvés d'ici à la fin 2023.

En ce qui concerne les risques climatiques, les dernières tempêtes Ciarán et Domingo figurent parmi les cinq épisodes de tempête les plus coûteux. Les fonds manquent pour faire face aux dépenses engendrées, et il serait urgent de revoir l'enveloppe financière du régime de catastrophe naturelle. À ce titre, je déposerai un amendement visant à augmenter les crédits du fonds Barnier.

Le financement de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est également porté par le programme. Un projet de loi a été déposé au Conseil d'État, qui vise à fusionner l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), pour former l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). La traduction budgétaire de la fusion n'apparaît pas encore clairement. Par ailleurs, l'ASN plaide pour un programme budgétaire unique, les crédits étant actuellement éclatés entre la mission « Recherche et enseignement supérieur » et celle que nous examinons.

Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » ou fonds vert connaît une progression véritable, les crédits de paiement (CP) augmentant de 125 %, pour passer de 500 millions d'euros à 1,125 milliard d'euros. Ce nouveau budget semble plus sincère, notamment au regard du nombre important de dossiers déposés en 2023, qui n'ont pas pu être financés faute de crédits suffisants.

De plus, la maquette du programme évolue et deux nouvelles sous-actions sont créées. D'abord, la sous-action « Soutien aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) en milieu rural » se voit allouer 30 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et reprend pour partie les propositions faites par Stéphane Sautarel et Hervé Maurey dans le rapport d'information qu'ils ont remis sur le sujet. Ensuite, la sous-action « Territoires d'industrie » est dotée de 100 millions d'euros en AE. La pertinence de son inscription dans le fonds vert me semble plus critiquable compte tenu de sa mission, qui consiste d'abord à soutenir une activité économique. Le rattachement de ces crédits au programme 380 plutôt qu'à la mission « Économie » permet de présenter artificiellement un volume de financement plus important pour le fonds vert.

Comme l'an dernier, la répartition prévisionnelle des crédits entre les différentes actions et sous-actions du fonds vert n'apparaît pas dans le projet annuel de performances, ce qui est regrettable. Au cours des auditions que nous avons menées, nous avons appris que des grilles de répartition étaient préparées par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et transmises aux préfets. Si cette grille n'est pas rendue publique, il devient difficile d'opérer une comparaison entre le prévisionnel et ce qui a été effectivement dépensé. Ce travail de répartition est en cours pour 2024.

La gestion des crédits du fonds est assimilable à celle de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Ainsi, comme pour la DSIL, il n'y a pas de comité d'attribution des fonds. Les porteurs de projets ont signalé des difficultés rencontrées pour déposer leur dossier. Néanmoins, les dossiers qui n'ont pas été retenus en 2023 seront considérés comme déjà déposés pour 2024. Par ailleurs, dans certains départements, quand les crédits manquent sur le fonds vert, on a recours à la DSIL ou à la DETR, l'inverse se vérifiant également. Une quasi-fongibilité existe donc entre les trois enveloppes.

J'en viens au programme 345 « Service public de l'énergie ». En 2022 comme en 2023, la hausse significative des prix de l'électricité et du gaz avait entraîné un effet inattendu : les énergies renouvelables devenaient rentables et contribuaient au budget de l'État. L'an dernier, des recettes exceptionnelles étaient prévues pour un montant d'environ 36 milliards d'euros. Finalement, les recettes générées en 2022 et 2023 ne s'élèvent qu'à 17,7 milliards d'euros et, pour 2024, la prévision n'est que de 2,7 milliards d'euros, en raison de la baisse des prix sur les marchés de gros. À cet égard, le Gouvernement a diminué les montants prévus par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en septembre 2023.

Dans la loi de finances initiale pour 2021, un mécanisme avait été introduit, qui prévoyait de réviser le tarif d'achat de contrats de soutien à la production d'électricité photovoltaïque, signés entre 2006 et 2011. Le Sénat avait supprimé l'article, mais le Gouvernement a persévéré. Finalement, un arrêté a été annulé par le Conseil d'État et le Gouvernement vient de renoncer à appliquer ce dispositif, qui avait conduit à d'importants travaux préparatoires et mobilisé 10 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.

Par ailleurs, le 26 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel un article de la première loi de finances rectificative pour 2022, qui prévoyait un déplafonnement partiel des contrats de complément de rémunération de certains producteurs, sans inscrire ses modalités précises dans la loi. Suite à cette décision, le Gouvernement a déposé un amendement intégré dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en première lecture à l'Assemblée nationale qui prévoit désormais un déplafonnement intégral et sans conditions.

Crée en 2023, l'action n° 18 « Soutien hydrogène » est pour la première fois, dotée de 680 millions d'euros en AE et de 25 millions d'euros en CP.

Enfin, s'agissant des mesures de soutien aux consommateurs, trois types de dispositifs perdureront en 2024 : le bouclier sur les prix de l'électricité prévu à l'article 52, un dispositif d'amortisseur ciblé prévu au même article, pour lequel le Gouvernement n'a pas su expliquer qui il concernait, et des mesures destinées aux structures d'habitat collectif chauffées au gaz.

Je terminerai en évoquant le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », qui prévoit un montant significatif alloué à des mesures de soutien aux consommateurs, notamment au travers du chèque énergie et des primes à la transition. À cet égard, le fonctionnement du dispositif MaPrimeRénov' évoluera en 2024 pour compter deux parcours : « performance » et « efficacité ».

Le parcours « performance » sera constitué d'aides proportionnelles au coût des travaux visant à soutenir la réalisation de travaux de rénovation globale. Ces financements seront majorés pour les logements F et G. L'accompagnement sera obligatoire. Ce parcours sera financé par le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires ».

Les crédits du programme 174 de la mission que nous examinons seront alloués au financement du parcours « efficacité » de MaPrimeRénov'. Pourtant, bien qu'il soit inscrit sur la mission « Écologie », ce dispositif vise à soutenir la décarbonation du chauffage des logements, sans prévoir de rénovations globales, alors que celles-ci permettent véritablement la réduction de la consommation d'énergie.

Quoi qu'il en soit, les crédits réunis des programmes 135 et 174 ne permettront pas d'atteindre les objectifs fixés en matière de bâtiments de basse consommation. De plus, même si les aides doivent augmenter pour les ménages des déciles inférieurs, le niveau de reste à charge restera bien trop élevé. En effet, pour les ménages très modestes, le reste à charge représente aujourd'hui 45 % du coût des travaux.

Par ailleurs, nous observons une sous-exécution des crédits de MaPrimeRénov' en 2023, qui pourrait aussi perdurer en 2024. Les difficultés rencontrées pour trouver des artisans qualifiés ou définir une rénovation globale expliquent notamment ce problème.

En ce qui concerne le dispositif d'aide à l'acquisition de véhicules propres, il prend deux formes : le bonus ou la prime à la conversion. J'ignore comment les fonds sont répartis entre les deux, car le ministère n'a pas pu répondre. Les modalités d'attribution et le montant de ces deux dispositifs en 2024 ne sont pas encore connus. Comme vous le savez, suite aux débats qui ont eu lieu au Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2023 et à l'amendement que j'avais soutenu au nom de la commission des finances, nous avons été finalement entendus et le bonus ne sera dorénavant attribué qu'à des véhicules présentant un bilan carbone correct. Un arrêté a défini les critères et la grille d'analyse sur lesquels reposera ce bilan. L'Ademe passe en revue tous les véhicules commercialisés en France pour définir les notes obtenues, qui seront connues au mois de décembre. Ce retard perturbera sûrement la consommation des crédits alloués au bonus en 2024.

Des crédits modestes, s'élevant à 50 millions d'euros, seront fléchés pour le leasing social. Nos craintes sont nombreuses quant à l'opérationnalité du dispositif, notamment parce que les véhicules potentiellement éligibles ne sont pas encore produits. Tenant compte de cette difficulté, le Gouvernement étudie la possibilité d'adopter des critères géographiques pour les ménages éligibles. L'article 52 bis porte sur l'inscription dans la loi de cette pratique.

Le programme comprend aussi le dispositif « gros rouleurs », introduit par la loi de finances pour 2023, qui visait à cibler les personnes utilisant leur véhicule pour aller travailler. Le dispositif est prorogé pour 2024 et étendu jusqu'au sixième décile.

Je finirai mon intervention en évoquant le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé), dont les crédits n'ont pas évolué depuis 2018, s'élevant toujours à 360 millions d'euros, alors qu'un rapport de la Cour des comptes s'est montré assez sévère, soulignant notamment qu'en raison de l'inflation l'enveloppe ne permet pas de mener l'ensemble des travaux nécessaires.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Les crédits consacrés à l'énergie dans la mission sont très impactés par l'extinction annoncée des mécanismes exceptionnels de protection des consommateurs d'ici à 2024. Les montants baissent de 70 % au sein du programme 345 et de 3 % dans le programme 174. Certes, la conjoncture économique explique cette extinction et je rappelle que, selon la CRE, les prix sont redescendus à 140 euros pour un mégawatt d'électricité et à 50 euros pour un mégawatt de gaz, atteignant des niveaux très inférieurs à ceux de l'année 2022, marquée par le conflit en Ukraine et la découverte du phénomène de corrosion sous contrainte, qui avait limité la production d'énergie.

Pour autant, notre commission s'inquiète de la reconduction limitée du bouclier tarifaire. En ce qui concerne l'électricité, seuls les boucliers individuels et collectifs, ainsi que la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), sont pleinement prolongés. Ce ne sera pas le cas de l'amortisseur et du filet de sécurité, pourtant utiles aux entreprises et aux collectivités. À cet égard, je rappelle que certains contrats signés sont basés sur des niveaux bien supérieurs aux 140 euros par mégawatt. S'agissant du gaz, le projet de loi de finances (PLF) prévoit un bouclier pour les ménages bénéficiant d'un système de chauffage collectif, mais pas de bouclier individuel ni de baisse de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN). Pour les carburants, seule une indemnité est proposée. Les chèques énergie exceptionnels sont abandonnés. Au total, les crédits se limitent à 2,9 milliards d'euros et connaissent une baisse de 90 %.

De plus, une forte incertitude pèse sur les hypothèses macroéconomiques retenues pour le budget. D'abord, si les charges de service public de l'énergie finançant les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables sont positives pour la seconde année consécutive, avec 2,7 milliards d'euros, elles restent très sensibles aux fluctuations des prix du marché. En outre, l'article 11 du PLF autorise le Gouvernement à doubler réglementairement la TICGN pour un montant de 4 milliards d'euros. Enfin, l'article 52 permet de caper à 1,6 milliard d'euros les recettes exceptionnelles tirées des compléments de prix pénalisant les demandes excessives des fournisseurs, dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Or c'est au consommateur que doivent être reversés ces compléments de prix de l'Arenh, comme l'ont proposé la CRE et le rapport d'information intitulé Mieux prévenir et réprimer la fraude à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, remis par notre commission en juillet dernier. Le PLF prévoit aussi de plafonner les contrats de compléments de rémunération des producteurs d'électricité renouvelable pour 1,3 milliard d'euros.

Enfin, nous déplorons plusieurs angles morts dans ce PLF. D'une part, la revitalisation des territoires n'est pas soutenue, contrairement à l'engagement pris dans la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat. D'autre part, la neutralité technologique n'est pas toujours appliquée, l'énergie nucléaire, l'hydroélectricité, l'hydrogène, les biocarburants et les biogaz en pâtissant. Enfin, plusieurs opérateurs de l'État ne disposent pas d'effectifs suffisants, à commencer par la CRE, qui a pourtant besoin de contrôler et de sanctionner les comportements opportunistes.

Le budget prévoyant une revalorisation des crédits alloués à la rénovation énergétique, la mobilité propre et la chaleur renouvelable, je proposerai à notre commission un avis favorable. Par ailleurs, je déposerai plusieurs amendements visant à supprimer la disposition sur les compléments de prix de l'Arenh, pour compléter les effectifs de la CRE et relever les crédits alloués aux centrales à charbon, au chèque énergie et au fonds Chaleur.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je mesure, au fil des années, l'importance de cette mission budgétaire au poids particulièrement dense.

Le fait que le ministère ne soit pas en mesure de répondre aux questions de notre rapporteur spécial est révélateur. Une incompréhension gagne l'opinion, à force d'injonctions sur des sujets qui touchent à l'environnement, à l'écologie, à la consommation et aux pratiques de la vie quotidienne. Nous observons une inadéquation entre les moyens que le budget de la Nation doit consacrer à ces questions et les moyens que les Français doivent aussi y dédier.

Christophe Béchu avait annoncé que le fonds vert serait à la main des élus et cette promesse n'a pas été tenue. Il faut rappeler le Gouvernement à cet engagement. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires avait émis une réserve, expliquant que, pour la première année, les préfets agiraient pour le compte des élus. Quand ce fonds sera-t-il réellement à la main de ces derniers ?

Enfin, je ne suis pas contre la souplesse offerte par la fongibilité des fonds, mais il faut le dire et le faire en transparence. Si les informations ne sont pas partagées, ces transferts ont lieu au bon vouloir de l'État et de ses représentants dans les départements, dans lesquels les situations diffèrent. La cohérence est nécessaire. Il s'agit aussi de la confiance que les élus placent en la parole et le soutien de l'État.

M. Stéphane Sautarel. - D'abord, la Commission européenne appelle certains pays, dont la France, à interrompre les dispositifs de soutien mis en place pour faire face à l'inflation énergétique. Notre rapporteur spécial et le rapporteur pour avis s'interrogent sur les niveaux de ces boucliers, qui sont déjà en baisse.

Ensuite, s'agissant du fonds vert, la meilleure solution pour le mettre aux mains des collectivités serait de le transférer dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui rassemble les autres fonds de soutien à l'investissement des collectivités.

Enfin, la Cour des comptes a souligné certaines limites du Facé ; pourrions-nous travailler en 2024 à des solutions pour sortir de la situation de blocage dans laquelle se trouve le fonds depuis 2018 ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Je partage les inquiétudes exprimées par Daniel Gremillet concernant la forte réduction des soutiens à la consommation d'énergie, alors que certaines entreprises et collectivités ont signé des contrats pour une durée de trois ans, au moment où les prix étaient très élevés.

De manière plus générale, l'objectif de cette mission est d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, d'accélérer la préservation et la restauration de la biodiversité et d'assurer notre souveraineté énergétique. Ces priorités doivent faire l'objet d'une planification pluriannuelle reposant sur une méthode et sur une volonté de rupture. Nous ne pouvons pas nous contenter de simples réajustements de la trajectoire et d'actions prises au fil de l'eau. Or je peine à identifier une véritable stratégie.

Par ailleurs, la transition doit être socialement juste et inclusive ; il s'agit d'un préalable pour qu'elle soit acceptée, notamment par les plus modestes. À ce titre, je partage les inquiétudes de Christine Lavarde, notamment sur les effets de MaPrimeRenov', qui restent trop faibles pour les plus modestes.

J'en viens au leasing social, qui pourrait constituer une piste pour permettre aux plus modestes de se déplacer. Je regrette les retards pris en la matière.

La mission compte quelques avancées, mais souffre d'un manque d'ambition. Par conséquent, nous nous abstiendrons.

M. Vincent Delahaye. - Je voudrais interroger Christine Lavarde sur les aides exceptionnelles pour l'énergie et les carburants. Je m'étais opposé à des aides trop générales et plaide toujours pour mieux cibler les dispositifs. Les boucliers comportent-ils un niveau de prix à partir duquel ils cessent d'être utilisés ?

M. Hervé Maurey. - Sur le fonds vert, je me réjouis que les propositions que nous avions faites avec Stéphane Sautarel soient reprises et que nous puissions en affecter une partie à la mobilité.

Par ailleurs, je parlerai plus de frontière douteuse que de fongibilité. À titre d'exemple, dans mon département, il arrive souvent que des crédits du fonds vert soient alloués à des bornes incendie.

L'absence de contrôle du fonds vert par les élus est problématique.

Le dispositif MaPrimeRénov' est complexe et change tout le temps, ce qui crée un problème de lisibilité et de compréhension ; pourrait-on simplifier, clarifier et stabiliser les choses ?

Enfin, s'agissant des véhicules propres, sommes-nous en règle avec les dispositions légales, qui prévoient d'atteindre un certain pourcentage de véhicules propres au sein des administrations de l'État ?

M. Laurent Somon. - Sur le fonds vert, je partage l'idée que les collectivités devraient exercer un contrôle sur l'affectation des crédits. Dans le PLF pour 2023, il était prévu qu'une partie soit affectée pour compenser la perte de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour les collectivités ; est-ce toujours le cas ?

Vous avez précisé qu'il n'y avait pas d'affectation du fonds vert par objet, mais des priorités sont-elles identifiées ? Les crédits du premier fonds vert semblent avoir été essentiellement affectés au logement alors que les budgets actuels devaient être orientés vers la réindustrialisation ; est-ce le cas ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Je commencerai par les dispositifs de soutien aux consommateurs, qui demeurent. Cependant, les prix du gaz ayant fortement baissé, ils sont passés sous le seuil au-delà duquel se déclenche la mise en place du bouclier gaz. Le dispositif de soutien est donc tombé de lui-même. Lorsque, en juin dernier, j'avais présenté mon rapport d'information intitulé L'usine à gaz des aides énergie, j'avais fait remarquer qu'il était dommage de ne pas garder dans la loi le principe d'un dispositif, de manière que, si le besoin se présentait de nouveau, le dispositif soit prêt à être activé. En l'état, il sera de nouveau nécessaire de légiférer.

En ce qui concerne l'électricité, les consommateurs bénéficient toujours des tarifs réglementés de vente. Le projet de loi de finances prévoit bien de conserver le bouclier dont l'ampleur sera déterminée par le niveau d'augmentation des prix, que le Gouvernement arrêtera en février, suite à la détermination des tarifs réglementés théoriques par la CRE. Jusqu'à présent, ce bouclier s'est matérialisé dans une limitation de la hausse des prix à 4 % en février 2022, à 15 % en février 2023, puis à 10 % supplémentaires en juillet de la même année alors que les calculs de la CRE faisaient état d'une augmentation de 100 %. Avec le bouclier, l'État compense la différence entre le prix de vente théorique et le prix de vente de réel. Le bouclier s'applique à tous les consommateurs éligibles aux tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE), soit les consommateurs ayant une puissance inférieure à 36 kilovoltampères (kVA) : particuliers, TPE et petites collectivités.

Ceux qui ne sont pas éligibles au TRVE bénéficiaient précédemment de l'amortisseur, qui se déclenchait dès lors que les prix de l'électricité devenaient supérieurs à 180 euros le mégawatt. Seuls les consommateurs ayant signé des contrats de long terme à un tarif très élevé devraient continuer de bénéficier d'un dispositif d'amortisseur. Ainsi, tous les consommateurs d'électricité devraient pouvoir bénéficier d'un dispositif de soutien dès lors qu'ils payent un prix largement supérieur au prix du marché actuel.

Le bouclier électricité prend deux formes. D'abord, il consiste en un « capage » de l'augmentation du prix des fournitures. Ensuite, l'État a réduit à son niveau le plus bas l'accise sur les prix de l'électricité, l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), ce qui représente une perte de recettes pour le budget évaluée à 10 milliards d'euros. Le Gouvernement propose de reconduire cette mesure en 2024. En première partie du budget pour 2024, le rapporteur général a fait adopter par la commission une mesure visant à annuler cette minoration d'accise pour les particuliers. Afin que cette hausse ne s'impute qu'aux déciles les plus élevés, nous ouvrons dans la mission un complément de chèque énergie, qui s'adressera aux ménages modestes et moyens. Grâce à ce dispositif, nous aiderons plus que ce qui était prévu les ménages des premier et deuxième déciles ; nous aiderons à même hauteur les ménages des troisième, quatrième, cinquième et sixième déciles et nous faisons payer plus cher ceux des classes moyennes supérieures et aisées. Il s'agit d'une question de soutenabilité de la trajectoire des finances publiques. Comme l'a exprimé la Commission européenne dans son récent rapport publié dans le cadre du semestre européen, nous ne pouvons pas continuer à vivre sous perfusion.

L'aide au carburant ne repose pas sur un seuil de prix. Le guichet est ouvert et, quand les particuliers répondent aux conditions d'éligibilité et qu'ils en font la demande, ils reçoivent le chèque. L'année dernière, les crédits ont été sous-consommés, ce qui explique peut-être que le Gouvernement ait étendu les déciles éligibles.

J'en viens au fonds vert. Je ne souhaite pas un transfert des crédits vers la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et préférerais supprimer le dispositif. Nous demandons à toutes les collectivités de voter des schémas, comme les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, qui ne peuvent être mis en place, faute de ressources. Une partie des recettes de la fiscalité écologique, notamment la TICPE et la TICFE, devrait être affectée aux collectivités, qui s'en serviraient pour financer leurs schémas. Chaque année, un amendement allant dans ce sens est déposé au Sénat. À titre d'exemple, les préfets demandent à toutes les communes d'identifier les écoles ayant besoin de rénovation, afin que celle-ci soit financée par le fonds vert. Si les rénovations ont déjà eu lieu, les communes ne sont pas éligibles. Par ailleurs, une semaine a été donnée aux collectivités pour répondre. Il ne s'agit pas d'une bonne méthode. Il faut décentraliser la gestion des crédits. Le fonds vert ne sert qu'à annoncer que de l'argent a été alloué à l'écologie et, sur les 7 milliards d'euros d'AE annoncés dans ce budget, 2,5 milliards d'euros reposent sur le fonds vert.

L'année dernière, les collectivités n'ont pas été compensées à la hauteur de la CVAE collectée en 2022. On s'aperçoit que 500 millions d'euros ont été fléchés par un amendement déposé à l'Assemblée nationale, pour abonder les crédits du fonds vert. Sur cette somme, 350 millions d'euros étaient dédiés à la stratégie nationale biodiversité, qui rebasculent cette année du programme 380 sur le programme 113. Nous avons assisté à un tour de passe-passe.

En ce qui concerne la réindustrialisation, la nouvelle sous-action « Territoires d'industrie » offre un début de réponse, mais celle-ci n'a pas sa place dans le fonds vert, n'ayant rien à voir avec le verdissement des entreprises.

Le ministère de l'écologie est-il vertueux et responsable ? Je leur ai posé la question, leur document de présentation donnant l'impression d'un ministère exemplaire. Cependant, il n'existe malheureusement pas de comparaisons entre les ministères, donc je ne saurais pas dire où il se situe.

Je finirai en évoquant le leasing social de véhicules électriques. Aujourd'hui, les offres de leasing proposées sur le marché prévoient un premier loyer significatif, entre 3 500 et 4 000 euros, et la durée de détention pour laquelle on s'engage est longue, autour de 36 mois au minimum. Dans sa proposition, le Gouvernement annonce un loyer de 100 euros par mois, sans premier loyer particulier, et une durée de détention minimum plus courte. Ces annonces posent un problème d'équilibre économique. Par ailleurs, les ménages les plus modestes seraient intéressés par des véhicules d'occasion, mais le marché de l'occasion du véhicule électrique n'existe pas encore.

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec l'examen des programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ».

M. Hervé Maurey, rapporteur spécial sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Nous présentons les crédits des programmes 203 « Infrastructures et services de transports » et 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

D'abord, je rappellerai que l'essentiel des investissements de l'État dans les infrastructures de transport est financé par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France). La loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) comporte une programmation des dépenses de l'Agence qui s'achève en 2023. Par ailleurs, son article 3 prévoit que cette programmation devait être actualisée au plus tard en juin 2023, puis tous les cinq ans. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait toujours pas respecté cette disposition.

Pourtant, le travail d'analyse qui doit servir de base à cette programmation a bien été mené par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), qui a remis son rapport en février dernier, dans lequel nous retrouvons certaines de nos remarques passées. Dans le scénario de « planification écologique » qu'il privilégie, le Conseil recommande que l'État, via l'AFIT France, dépense 26 milliards d'euros d'ici à 2027 dans les infrastructures de transport. Certes, la Première ministre a annoncé que le scénario central du COI servirait de base à la construction de la nouvelle programmation, mais cet engagement reste purement verbal et ne saurait se substituer à l'adoption d'une trajectoire d'investissement pluriannuelle par le Parlement.

En attendant la formalisation de cette trajectoire, le budget pour 2024 de l'AFIT France prend en compte les enjeux de décarbonation des transports. Les ressources de l'Agence devraient augmenter de 900 millions d'euros et ses dépenses pourraient atteindre un niveau inédit de 4,6 milliards d'euros. Notons à cet égard qu'une sous-consommation des crédits votés a déjà été observée dans le passé. Ces montants sont loin d'être excessifs tant les besoins de la transition écologique des infrastructures de transport sont colossaux.

Nous en parlons depuis deux ans, mais restons toujours scandalisés par l'attitude des sociétés concessionnaires d'autoroute qui, parce qu'elles sont en conflit avec l'État sur l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire, refusent de verser la contribution annuelle de 60 millions d'euros qu'elles doivent à l'AFIT France. Des procédures judiciaires sont en cours. La recrudescence actuelle des tensions entre l'État et ces sociétés ne présage pas un règlement rapide du conflit, qui est plutôt relancé par la nouvelle taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, qui conduira à imposer 4,6 % de la fraction de chiffre d'affaires des sociétés d'autoroute qui excède 120 millions d'euros. Cette taxe devrait leur coûter environ 450 millions d'euros en 2024.

En 2024, la hausse significative des crédits attendue sur le programme 203 s'explique principalement par l'augmentation de la contribution de SNCF Voyageurs au fonds de concours dédié au financement du réseau ferroviaire. Nous reviendrons plus spécifiquement sur ce sujet qui nous interpelle.

Par ailleurs, le réseau routier national non concédé est engagé dans une spirale de dégradation préoccupante. Le directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) nous a aussi fait part de son inquiétude. Les crédits consacrés ont été rognés par l'inflation et sont désormais insuffisants. Ainsi, un audit de 2018 estimait qu'une somme annuelle d'au moins 1 milliard d'euros d'investissement serait nécessaire pour enrayer la dégradation des chaussées. En tenant compte de l'inflation, ce montant correspond aujourd'hui à 1,2 milliard d'euros. Or en 2024, les crédits devraient tout juste dépasser la barre du milliard d'euros. Dès 2017, le Sénat a alerté les pouvoirs publics sur ces risques de dégradation.

En ce qui concerne les trains de nuit, le Gouvernement n'est pas au rendez-vous de ses engagements. Alors qu'il a multiplié les déclarations, le renouvellement du matériel roulant n'avance pas. Pourtant, la qualité de service reste la condition du succès de ces trains. Nous appelons le Gouvernement à mettre ses actes en cohérence avec ses promesses.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En juillet dernier, la mission d'information de la commission des finances sur le financement des AOM a dressé dans son rapport le constat du besoin de financement résultant de l'indispensable choc d'offre des mobilités du quotidien. En septembre, l'État et Île-de-France Mobilités (IDFM) ont conclu un protocole de financement, que des dispositions fiscales proposées dans ce PLF visent à mettre en oeuvre.

Le Gouvernement ignore une nouvelle fois les AOM locales, métropolitaines et régionales, auxquelles n'est proposée qu'une obscure conférence de financement, assortie d'une demande de rapport. Or un travail sérieux appréhendant l'ensemble des enjeux a été accompli par la mission d'information, qui a notamment formulé des recommandations pour permettre aux AOM de faire face à la hausse prévisionnelle de leurs dépenses.

Le Gouvernement s'obstinant à ne pas vouloir se préoccuper des AOM, notre commission défendra un amendement visant à leur affecter une nouvelle ressource dès 2024, constituée par une fraction des 250 millions d'euros du produit des mises aux enchères des quotas carbone. Cette initiative est salutaire et coche toutes les cases : il s'agit d'une ressource immédiate, pérenne et en ligne avec l'objectif de décarbonation des transports.

Par contraste avec une éventuelle augmentation des taux du versement mobilité, la ressource proposée présente l'avantage de ne pas être réservée aux AOM les mieux dotées en matière de base fiscale ni à celles qui organisent déjà un service de transport collectif régulier. Elle apportera aussi une solution à la mobilité en zone rurale, grande oubliée du système de financement des transports du quotidien.

J'en viens à la question du fret. La Commission européenne a lancé une enquête sur les aides publiques apportées à la société Fret SNCF, notamment sur la reprise de sa dette en 2020 par la filiale de tête du groupe SNCF. La Commission les considérera sans doute comme des aides d'État et, si elle demandait un remboursement de 5 milliards d'euros assorti d'une amende, cela se traduirait par une faillite immédiate de Fret SNCF.

Pour éviter ce scénario, le Gouvernement a choisi la voie de la négociation et proposé un plan de discontinuité, qui est douloureux. Nous sommes préoccupés par l'approche de la Commission, qui paraît incohérente. En effet, le secteur du fret ferroviaire est structurellement déficitaire en Europe et, en favorisant la concurrence sur ce marché, on favorise les filiales d'opérateurs historiques européens. Fret SNCF comptera donc deux sociétés : une dédiée à la maintenance et une autre au transport de marchandises. De plus, elle devra abandonner 23 lignes, qui seront ouvertes à la concurrence et figurent parmi les plus rentables. Fret SNCF se concentrerait donc sur le wagon isolé, qui constitue le secteur le moins rentable.

J'en viens à la régénération et à la modernisation des infrastructures ferroviaires. En mars 2022, dans leur rapport d'information intitulé Situation de la SNCF et ses perspectives, Hervé Maurey et Stéphane Sautarel avaient démontré à quel point les investissements étaient insuffisants. Ils avaient recommandé d'augmenter de 1 milliard d'euros par an les dépenses de régénération, mais aussi de programmer et de financer le déploiement des technologies de modernisation du réseau.

En février dernier, le rapport du COI a dressé le même constat et formulé les mêmes recommandations. La Première ministre a repris à son compte ces propositions et annoncé que, d'ici à 2027, les dépenses augmenteraient de 1,5 milliard d'euros par an.

Malgré ces paroles, des zones d'ombre demeurent. Il reste à décider de la trajectoire de montée en puissance des investissements et de savoir qui va payer. À cette dernière question, l'État répond qu'il doit plutôt s'agir de la SNCF, grâce aux bénéfices dégagés par sa filiale Voyageurs. Ainsi, le Gouvernement a déjà annoncé que 300 millions d'euros supplémentaires seraient prélevés en 2024 sur les résultats de la SNCF. D'après nos informations, le conseil d'administration de la SNCF ajoutera 175 millions d'euros dès 2024.

À moyen terme, cette modalité de financement présente des risques importants. En premier lieu, il n'est pas certain que SNCF Voyageurs reste en situation favorable et qu'elle puisse supporter ce fardeau. En deuxième lieu, cette solution est antinomique avec le contexte d'ouverture à la concurrence. D'une part, SNCF Réseau va accroître son lien de dépendance financier avec SNCF Voyageurs et, d'autre part, SNCF Voyageurs se trouvera lestée d'un lourd handicap face à ses concurrents, en finançant 50 % de la régénération et de la modernisation du réseau. En troisième lieu, cette pression financière contraindra les investissements de SNCF Voyageurs et aura un effet négatif sur le développement de l'offre ferroviaire, ce dont s'inquiète aussi l'Autorité de régulation des transports (ART). En quatrième lieu, ce choix pourrait se traduire par la poursuite de l'inflation des prix des billets. Pour toutes ces raisons, nous continuons à appeler à une nouvelle LOM et nous travaillerons sur le financement des infrastructures de transport en général, afin de trouver des solutions innovantes et en phase avec l'objectif de décarbonation.

Enfin, les crédits du programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » devraient rester relativement stables en 2024.

En conclusion, nous vous proposons d'adopter les crédits des programmes 203 et 205 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». - Le programme 159 regroupe les subventions pour charges de service public du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.

Après une décennie de baisses substantielles de ses moyens, Météo-France connaît un répit bienvenu depuis l'année dernière. Comme je l'avais exposé dans un rapport d'information en 2021, cet opérateur est de plus en plus sollicité du fait de la multiplication des phénomènes extrêmes. En 2024, ses effectifs doivent progresser de 25 équivalents temps plein travaillés (ETPT).

À l'horizon 2026, Météo-France devra investir dans de nouveaux supercalculateurs pour 350 millions d'euros. Il s'agit d'un enjeu important pour multiplier la surface de calcul, rester dans la course et s'adapter au changement climatique. J'avais indiqué, dans le même rapport, que la direction générale de l'aviation civile (DGAC) devait mieux participer à l'analyse météorologique pour le secteur aéronautique. Je me réjouis, à cet égard, que Météo-France engage une mise à jour de sa comptabilité analytique en 2024, puisque cela permettra de rouvrir les discussions entre les deux organismes. En effet, le financement que fournit la DGAC pour la prévision aéronautique est gelé depuis 2012. La commission des finances a soulevé ce sujet et a été entendue, du moins sur la méthode.

L'année dernière, dans un autre rapport d'information, je vous avais présenté la transformation en cours au sein de l'IGN.

Je vous avais aussi signalé un certain nombre de risques associés à son nouveau modèle économique, dont celui de devenir plus dépendant de grands programmes financés par des commanditaires publics. En l'occurrence, de grands ministères tels que celui de la défense ou de l'agriculture font appel à l'opérateur : soumis eux-mêmes à des contraintes, ils ont parfois tendance à considérer que l'IGN est une variable d'ajustement, d'où un risque de trou d'air que je pressentais. Celui-ci est malheureusement arrivé plus tôt que je ne l'imaginais, et l'IGN risque fort d'être confronté à un problème budgétaire et de se trouver à court de trésorerie dès l'année prochaine.

Je salue ici les efforts que nous avons collectivement fournis lors de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) à l'occasion de la commission mixte paritaire qui s'est tenue hier. Le rapporteur général a relayé cette préoccupation, ce dont je le remercie, et nous avons voté une subvention de 4 millions d'euros en faveur de l'IGN, qui doit réussir sa transformation. Je crois que nous avons ainsi joué un rôle utile pour lui permettre d'achever cette mutation, qui mobilise l'ensemble de ses équipes.

J'en viens au Cerema qui, après un passage à vide, a retrouvé une vraie dynamique. Lors du vote de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), nous avions validé le passage à une quasi-régie conjointe État-collectivités, qui permet aux collectivités adhérentes de cotiser et de faire appel au Cerema.

Ce nouveau modèle économique a été mis en place cette année : les premiers résultats semblent encourageants et devront être observés à l'avenir. Si ces ressources nouvelles permettent à ces organismes de boucler leur budget, elles ne sont pas sans présenter des risques dans la mesure où la part de la subvention pour charges de service public devient nettement minoritaire.

Du fait de cette vitalité retrouvée et pour la première fois de son histoire, les effectifs du Cerema devraient augmenter de 10 ETP en 2024, ce qui est sans doute insuffisant. J'aurai l'occasion de déposer un amendement à ce sujet, le Cerema souhaitant voir son plafond d'emplois augmenter sans que sa subvention progresse nécessairement, en estimant qu'il pourra couvrir cette hausse par son chiffre d'affaires, au moyen de la conquête de marchés.

J'en viens au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », dit « Bacea », c'est-à-dire les dépenses de la DGAC.

Après des années marquées par la pire crise de son histoire et des chutes considérables du trafic, le transport aérien retrouve des couleurs, le trafic ayant presque retrouvé son niveau d'avant-crise. En 2024, les évolutions incluent un dispositif de rattrapage des conséquences de la crise, qui s'est traduite par une augmentation de la dette, dans la mesure où les redevances de navigation aérienne - c'est-à-dire les principales recettes du Bacea - dépasseront leur niveau d'avant-crise.

Le transport aérien se porte mieux, j'en conviens. Cependant, je ne peux pas vous cacher mon scepticisme, voire ma préoccupation, s'agissant des répercussions sur le secteur de la nouvelle taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, instaurée par l'article 15. Les aéroports sont en effet la victime collatérale de la volonté de l'État de mettre à contribution les sociétés d'autoroutes, puisque le Conseil d'État a estimé que d'autres secteurs devaient être soumis à cette taxe, à hauteur d'au moins 20 %, afin qu'elle soit valide sur le plan juridique.

Avec ce cran d'imposition supplémentaire, plusieurs aéroports seront confrontés à des difficultés, en particulier l'aéroport de Nice. J'ai eu l'occasion d'auditionner le président du directoire de cet aéroport, qui a fait état d'une très faible rentabilité des investissements, nettement en deçà des normes du marché : si cette trajectoire se confirme, il deviendra très malaisé d'investir, y compris dans l'amélioration du service ou dans la sécurité.

Pour de nombreux aéroports, cette taxe sera d'autant plus lourde à supporter que la capacité à la répercuter sur les billets des passagers n'existe pas, ce qui est le cas de Nice, en vertu du principe de modération tarifaire qui s'impose à l'ART, chargée d'agréer les redevances.

Au-delà de ce constat, la taxe aura un effet paradoxal puisqu'elle accordera un avantage concurrentiel aux compagnies low cost, basées dans d'autres aéroports que les quatre plus grands du pays, ce qui viendra encore affaiblir des compagnies françaises qui perdent 1 % de parts de marché chaque année.

La DGAC, pour sa part, se trouve en pleine négociation de son nouveau protocole social. Les grèves étant récurrentes chez les contrôleurs aériens, le Sénat a apporté sa contribution en votant une proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic, proposition votée dans des termes identiques par l'Assemblée nationale la semaine dernière.

Cette loi viendra instaurer une forme de prévisibilité dans les déclarations des contrôleurs aériens grévistes, ce qui devrait permettre de mieux calibrer le service minimum. Ce texte a déclenché une grève en réaction la semaine dernière, mais nous avons accompli un effort afin que le dialogue social soit désormais basé sur la réalité du nombre de grévistes et non sur des prévisions erratiques, en vue d'éviter des annulations de dernière minute.

Ce texte reflète, une fois encore, la volonté d'améliorer le dialogue social, les contrôleurs aériens devant encore fournir des efforts de productivité en contrepartie de mesures indemnitaires. Dénommées « protocoles sociaux », ces pratiques semblaient assez atypiques et n'avaient pas fait leurs preuves - c'est un euphémisme. Si les objectifs de performance de ce nouveau protocole social semblent ambitieux, je reste à ce stade dubitatif, et je proposerai à la commission de s'y pencher de plus près.

En outre, le PLF 2024 marque une impulsion budgétaire supplémentaire en faveur d'un domaine que j'avais évoqué dans un rapport d'information en juin dernier, à savoir les grands investissements de la DGAC pour la modernisation du contrôle aérien. J'avais alors souligné l'obsolescence de certaines infrastructures de base, sujet jusqu'alors masqué par les grands programmes informatiques et numériques, mais qui était porteur de difficultés, voire de risques.

Au sein de la DGAC, la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) doit donc maintenir à niveau et moderniser les infrastructures, d'où la nécessité de lui apporter un soutien. Parmi les investissements nécessaires, citons ceux qui visent à assurer la transition du nouvel outil d'assistance du contrôle aérien (4-Flight) vers un système qui pourra être mutualisé avec des partenaires européens de la DSNA.

Un dernier mot sur la lourde dette du Bacea : après avoir culminé à 2,7 milliards d'euros en 2022, elle a amorcé un repli cette année, mais la décrue sera longue et nous devrons rester vigilants.

Je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». En ce qui concerne le programme 159, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. -

Sur le fond, je salue la hausse des crédits alloués au programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable plaide depuis plusieurs années en faveur d'un renforcement des moyens consacrés à la régénération, à la modernisation et au développement de nos infrastructures de transport, en particulier les infrastructures ferroviaires.

Pour autant, ce nouveau PLF n'apporte pas réellement de traduction concrète des annonces du Gouvernement en la matière. Je pense en particulier à la « nouvelle donne ferroviaire » promise par la Première ministre, avec 100 milliards d'euros en faveur du secteur d'ici à 2040 : nous n'en connaissons à ce jour ni les modalités de financement ni la ventilation. En outre, le montant de 1,5 milliard d'euros attendu chaque année d'ici à la fin du quinquennat en matière de régénération et de modernisation ne bénéficie pas d'un plan de financement à ce stade.

Tout laisse à penser - M. Maurey et Mme Carrère-Gée l'ont rappelé dans leur rapport - que la SNCF aura la lourde tâche de trouver les ressources nécessaires. Pire encore, nous n'avons aucune stratégie établie en matière de modernisation du réseau : nous resterons donc les cancres européens sur ce sujet, au même niveau que la Lituanie dans le domaine de la modernisation des infrastructures ferroviaires.

Par ailleurs, j'ai cru comprendre que les crédits du plan d'avenir, des contrats de plan État-région (CPER) et des services express régionaux métropolitains (Serm) ne font qu'un, mais peut-être que mes collègues pourront m'éclairer.

Enfin, vous avez évoqué la nouvelle taxe instituée par l'article 15 du PLF pour 2024, qui permettra à l'Afit France de disposer de nouvelles ressources, ce dont je me félicite en tant qu'administrateur de cet organisme. J'ai cependant pris connaissance d'un amendement du rapporteur général visant à amputer ces ressources potentielles à hauteur de 100 millions d'euros, alors que le modèle économique de l'Afit France est à bout de souffle. Je m'interroge, néanmoins, quant à la solidité juridique du dispositif créé par l'article 15.

En vous remerciant pour votre invitation, je formule le voeu que nos deux commissions travaillent de façon plus étroite et synchronisée pour les prochains PLF, dans l'intérêt exclusif de notre institution.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - S'agissant de la modernisation du réseau ferroviaire, M. Hervé Maurey, qui avait déjà remis un rapport d'information très complet sur le sujet, souligne de nouveau le retard pris dans ce domaine. Je rappelle que la première ligne à grande vitesse (LGV) qui n'a pas été financée en totalité par l'État est la LGV Est, sujet qui fait écho à celui des trains d'équilibre du territoire (TET) : la région Grand Est a en effet proposé récemment, avec d'autres collectivités, de contribuer à hauteur de 50 % aux frais de fonctionnement du rétablissement d'une desserte ferroviaire entre Nancy et Lyon.

Nous devons jouer sur deux tableaux, le second étant celui de la modernisation du réseau routier, aujourd'hui détérioré. Rappelons en effet que certains territoires - c'est le cas de l'Ardèche - sont dépourvus de desserte ferroviaire et que la politique du « tout rail » a ses limites. Si nous souhaitons faire preuve d'équité, nous devrons élaborer, tant pour le réseau routier que pour le réseau ferroviaire, un plan ambitieux sur au moins dix ans, en définissant des priorités et en ne nous bornant pas à parer au plus urgent.

J'ajoute, à propos de la voirie, qu'il faut faire preuve de logique en installant des chaussées drainantes sur les voies dites « vertes » dédiées aux mobilités actives, quitte à ce qu'elles coûtent plus cher et à ce qu'on s'y déplace moins vite. Alors que nous ne sommes déjà pas capables de mettre le bitume approprié sur les voies réservées aux automobilistes, utiliser un fond vert sur les voies dites « vertes » mais bitumées me semble davantage traduire l'adage « tout et son contraire » que la formule « en même temps ».

M. Marc Laménie. - Je remercie l'ensemble des rapporteurs pour leur travail. Le rapport d'information d'Hervé Maurey et de Stéphane Sautarel dédié aux infrastructures ferroviaires a été cité : quelle suite a été donnée aux recommandations issues de cet important travail ?

Concernant la SNCF, je peine à m'y retrouver avec SNCF Réseau, SNCF Voyageurs, Gare & Connexions, etc. Combien d'ETP l'Afit France compte-t-elle ? Ne fait-elle pas doublon avec d'autres organismes ? N'est-il pas envisageable de simplifier la répartition des missions ?

Par ailleurs, existe-t-il un engagement pour les TET ?

J'aimerais aussi obtenir des précisions sur la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance : en quoi consiste-t-elle ? Abondera-t-elle les ressources de l'Afit France ? Comment s'articule-t-elle avec le plan d'investissements de 100 milliards d'euros en faveur du ferroviaire ?

Enfin, sur la partie fluviale, qu'en est-il de la situation de Voies navigables de France (VNF), important opérateur de l'État ? Hormis le tourisme fluvial, plus aucune péniche ne circule dans les Ardennes, qu'il s'agisse de la Meuse ou des canaux.

M. Michel Canévet. - À quoi l'Afit France sert-elle ? Ne serait-il pas temps de la supprimer dans une logique de rationalisation ?

Pour ce qui concerne la SNCF, les opérations de désendettement permettent-elles à l'entreprise de retrouver une meilleure santé financière et de dégager des excédents permettant d'améliorer le réseau, objectif absolument nécessaire ? Cette tendance à renouer avec les excédents pourra-t-elle durer et permettre la remise en état du réseau comme des gares ? Celles-ci ont été affectées par de nombreux dysfonctionnements et doivent faire l'objet d'investissements afin de garantir la fiabilité du réseau.

S'agissant du transport aérien, les liaisons d'aménagement du territoire, aussi nécessaires qu'utiles, pourront-elles être maintenues à l'avenir ? 

M. Bruno Belin. - Qu'est-il prévu dans le PLF 2024 pour soutenir les collectivités locales face au défi que représente l'entretien des ouvrages d'art et des ponts, notamment des ponts orphelins ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Les sujets abordés par les rapporteurs touchent de près mon département, l'Essonne. Nous avons tous en mémoire la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge le 12 juillet 2013, qui n'a fait que démontrer l'absolue nécessité de moderniser le réseau.

De la même manière, la présence de l'aéroport d'Orly, à cheval sur les départements de l'Essonne et du Val-de-Marne, m'amène à souligner le caractère incontournable de la modernisation des instruments d'approche.

Mme Florence Blatrix Contat. - Les rapporteurs ont-ils eu, au cours des auditions, des indications au sujet d'une éventuelle loi de programmation qui permettrait de mieux définir les modalités de mise en oeuvre du plan ferroviaire doté de 100 milliards d'euros ?

Je partage également leurs interrogations et leurs inquiétudes quant au financement par SNCF Voyageurs de la régénération du réseau. Sans ouvrir ici le débat sur la gratuité des transports, il faudrait éviter une augmentation du prix des billets telle qu'elle découragerait les usagers d'emprunter les transports collectifs.

Par ailleurs, je me réjouis de votre position relative à l'enquête de la Commission européenne et à la nécessité d'éviter la mise en concurrence du fret, déjà en grande difficulté.

S'agissant du versement mobilité, pourrait-on envisager un déplafonnement ? Certes, la question des marges des entreprises est cruciale, mais nous pourrions sans doute aller un peu plus loin.

Je déplore, enfin, le manque de vision de l'État : alors que la région Auvergne-Rhône-Alpes est concernée au premier chef par le projet de liaison Lyon-Turin - une infrastructure absolument essentielle -, le Gouvernement n'avance pas et ne nous donne aucune visibilité. La question doit pourtant être tranchée très rapidement : il est exclu de reporter ce projet, qui date déjà de plus de trente ans et qui est essentiel, tant pour nos territoires que pour le fret et la décarbonation des transports.

M. Pascal Savoldelli. - Malgré l'excellent travail du rapporteur spécial sur le contrôle et l'exploitation aériens, le passage sur la reprise des négociations avec les partenaires sociaux n'impacte guère, me semble-t-il, les finances publiques.

Ces remarques n'ont pas lieu d'être dans un rapport financier, d'autant que le rapporteur spécial a exprimé une certaine suspicion par rapport à la logique du « donnant-donnant » et ouvre un débat par trop conflictuel par rapport au droit du travail.

Par ailleurs, la fragilité du modèle économique de l'IGN suscite des inquiétudes. Le rapport se félicite de l'augmentation de la part que prend l'État dans le nouveau modèle de l'Institut, mais celui-ci a transféré des missions de service public au secteur privé.

Où va l'argent public ? Pour bien connaître le périmètre de l'activité de l'IGN, dont le siège se trouve à Saint-Mandé, dans mon département, je nourris de sérieux doutes à l'égard de ce nouveau modèle : plus on accentuera la délégation au privé des pans entiers de l'activité, plus on risque de s'orienter, à terme, vers la privatisation de l'organisme.

M. Stéphane Sautarel. - Je remercie à mon tour les rapporteurs pour leur travail, tout en regrettant la continuité de certaines observations et de limites. En particulier, alors que les constats au sujet de la modernisation et de la régénération du réseau ferroviaire sont unanimes et que les annonces ont été faites, les crédits ne sont toujours pas là, ce qui me semble incroyable dans le cadre de la gestion d'une politique publique majeure. Qui plus est, l'appel à SNCF Voyageurs et non pas à SNCF Réseau est une aberration totale qui pose question une nouvelle fois quant au modèle ferroviaire français.

Concernant les AOM, je me félicite de l'initiative du Sénat et de l'affectation de quotas carbone, qui garantissent un droit de suite à nos observations sur les besoins de financement des AOM, qu'il s'agisse d'Île-de-France Mobilités ou des AOM de province. Sans cette initiative sénatoriale, il me semble que le Gouvernement ne nous aurait apporté aucune réponse dans ce PLF pour 2024 : je demande aux rapporteurs de confirmer ce point.

M. Jean-Baptiste Blanc. - L'augmentation des crédits et des ETP du Cerema serait-elle liée, par hasard, à l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) ? Si oui, comment appréhende-t-il cette nouvelle mission ? Sur le plan de la gouvernance enfin, les élus sont-ils associés à la démarche ? L'impression a pu être donnée que l'intelligence artificielle faisait son entrée au Cerema à des fins de surveillance du sol français.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale. - L'Afit France compte un nombre très limité d'emplois, inférieur à une dizaine. L'objectif de cet établissement consiste à avoir une visibilité de long terme sur le financement des infrastructures, ce qui est absolument nécessaire compte tenu des enjeux de la durée des projets.

Il s'agit également d'être en mesure de flécher les ressources via des fonds de concours, ce qui présente un intérêt budgétaire certain : nous savons bien, pour l'avoir tous expérimenté, que des dépenses noyées dans le budget de l'État ont tendance à se diluer, conduisant à ce que les ressources ne soient pas au rendez-vous pour mener à bien les projets.

Aucun élément nouveau n'est, à ma connaissance, à signaler sur les TET cette année, l'ouverture de nouvelles lignes et le renouvellement du matériel roulant devant se poursuivre, avec 3,5 milliards d'euros dédiés à l'acquisition de rames neuves d'ici à 2025.

Madame Blatrix Contat, je partage votre interrogation sur la loi de programmation : le ministre des transports semble y être favorable et cherche, si l'on peut dire, des voies de passage au Parlement. Aucune annonce n'a été faite en dehors des voeux du ministre, alors même qu'une échéance avait été prévue dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités.

Concernant le versement mobilité, il est effectivement possible d'aller plus loin, comme c'est le cas en Île-de-France. Pour le reste des AOM en revanche, la proposition du rapporteur général d'affecter 250 millions d'euros provenant du produit des enchères des quotas carbone va déjà dans la bonne direction, car elle présente l'avantage de ne pas favoriser les AOM disposant des bases fiscales les plus élevées.

Au sujet de VNF, son directeur général nous a confirmé que la période de mise sous tension que l'organisme a traversée, avec des objectifs de réduction d'effectifs de 80 personnes à 100 personnes par an qu'il a lui-même qualifiés de « mordants », cède la place à un contrat d'objectifs et de performance révisé, incluant une stabilisation des effectifs sur trois ans. Sur le plan financier, 300 millions d'euros par an sont également garantis sur la même période. Les perspectives de VNF sont donc bien meilleures pour 2024.

M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Monsieur Laménie, notre rapport a donné lieu à deux mesures concrètes : d'une part, le fait que les crédits du fonds vert puissent aller davantage vers des actions de mobilité, ce qui n'était pas le cas précédemment ; d'autre part, les 250 millions d'euros issus des ventes de quotas carbone font suite à notre travail. L'ensemble de nos recommandations n'a évidemment pas été retenu, mais l'important est bien d'amorcer des mesures et dispositifs, ce qui est positif compte tenu de l'équilibre général des finances.

Par ailleurs, monsieur Canévet, le Gouvernement affiche sa volonté de faire reposer l'essentiel du financement prévisionnel de la régénération du réseau sur SNCF Mobilités, ce qui ne nous paraît pas très sain. Un prélèvement sur les résultats de cette entité est prévu cette année et atteindrait désormais plus de 1 milliard d'euros, en augmentation de près de 500 millions d'euros par rapport à ce qui était prévu initialement.

Ce mode de financement est préoccupant : comme l'ont exprimé des représentants de la SNCF, cet argent n'est par définition pas consacré au renouvellement du matériel, notamment dans les trains de nuit, ni à la maîtrise du prix du billet, qui est pourtant un aspect essentiel dans la transition écologique et dans le choix de modes de transport alternatifs à l'automobile. Comme nous l'avons déjà souligné par le passé, le mode de financement global du système ferroviaire mériterait donc d'être revu.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Monsieur Canévet, ne cachons pas le fait que les perspectives sont plutôt sombres pour les lignes d'aménagement du territoire, dont le déficit naturel est comblé par l'État et par les collectivités - principalement les régions, mais aussi parfois les départements - afin de les maintenir.

Les difficultés de ces lignes sont réelles, avec une augmentation des coûts liée à une baisse du trafic et de la fréquentation, notamment sur les clientèles d'entreprise. Très fortement dégradé, le modèle des lignes d'aménagement du territoire appellera une mobilisation de l'État aux côtés des collectivités, des choix n'étant malheureusement pas à exclure. Ces lignes remplissent pourtant, dans le cas des départements excentrés, une fonction majeure, et le train ne peut pas toujours s'y substituer.

Monsieur Belin, 20 millions d'euros viennent d'être ajoutés via un amendement aux 130 millions d'euros dédiés à l'entretien des ponts, au titre du projet de loi de finances de fin de gestion. Il s'agit d'un programme important pour le Cerema, particulièrement suivi par son directeur général.

Par ailleurs, je tiens à rassurer monsieur Savoldelli, des crédits sont bien prévus pour les protocoles sociaux de la DGAC. Le précédent protocole, sur la période 2016-2019, a coûté 50 millions d'euros au budget annexe, soit un montant non négligeable. Regardons les réalités de ce secteur en face : les métiers liés au contrôle aérien, qu'il s'agisse des contrôleurs eux-mêmes ou des métiers support tels que les électroniciens, sont difficiles, puisqu'il est question d'une mission régalienne de sécurité, qui implique une mobilisation 24 heures sur 24 et une responsabilité considérable.

Pour autant, nous pouvons faire des comparaisons avec nos voisins européens. Certes, les contrôleurs sont moins bien payés qu'ailleurs, mais ils sont également moins productifs, la France étant de plus championne d'Europe en termes de retards et de nombre de jours de grève. Je maintiens que la loi récemment votée vise à améliorer la situation, en respectant à la fois les contrôleurs et le dialogue social.

Lesdits contrôleurs y trouvent aussi une contrepartie avec une meilleure prévisibilité, puisqu'ils ne seront plus réquisitionnés abusivement comme ils l'étaient depuis des années : le service minimum sera ainsi revu en abaissant les niveaux de réquisition. De plus, les contrôleurs seront prévenus bien plus tôt de leur réquisition, à savoir l'avant-veille et non plus quelques heures avant, ce qui me semble être un point d'équilibre.

Cela étant dit, les problématiques d'organisation du transport aérien et d'adaptation au trafic restent posées et doivent être traitées par le dialogue social. Les protocoles sociaux me semblent mériter un examen : je n'ai pas connaissance, dans les autres services de l'État, d'un dispositif en vertu duquel une réorganisation entraîne le versement de primes.

Les moyens de parvenir à un équilibre et à une forme de « donnant-donnant » doivent être identifiés pour moderniser le secteur, sous peine de rencontrer des difficultés à l'avenir. D'autres pays européens ont ainsi décidé de ne pas conserver le contrôle aérien dans le giron public, je souhaite au contraire qu'il y demeure, mais en traitant les problèmes par le dialogue, je pense que les contrôleurs y sont particulièrement attentifs.

Concernant l'IGN, ne nous méprenons pas : je ne me félicite pas du changement de modèle, j'estime plutôt qu'il s'agissait d'une nécessité alors que l'IGN traversait une crise existentielle et que certains plaidaient pour sa disparition. Sa refondation passe par un travail d'investissements visant à lui redonner tout son rôle d'opérateur central de l'État en matière d'information géographique.

Le trou d'activité pressenti pour 2024 se confirme. Nous ne l'avons pas complètement comblé, mais la subvention de 4 millions d'euros votée hier en commission mixte paritaire reflète le soutien du Sénat à l'établissement. S'il faudra suivre la manière dont ce nouveau modèle se déploie, les ministères ne devront pas, pour leur part, lui confier d'autres missions sans actualiser les coûts. Je crois que l'IGN est engagé sur la bonne voie et doit encore affronter une épreuve de vérité budgétaire et financière. Nous avons en tout état de cause besoin d'un opérateur public dans cette matière centrale.

M. Jean-Baptiste Blanc a évoqué, à propos du Cerema, un « effet ZAN » dans le surcroît d'activité de l'organisme. Je ne dispose d'aucun élément en ce sens, mais souligne que le directeur général a mené un important travail de remobilisation des équipes. Le Cerema bénéficie d'une confiance et d'une attractivité nouvelles, y compris auprès des collectivités qui y font leur entrée, dans le cadre du schéma de régie quasi conjointe que nous avons adopté ici même.

En termes de gouvernance, les élus prennent toute leur place au conseil de surveillance et au conseil d'administration du Cerema, dans un nouvel équilibre. Ce type d'établissements a souvent fait office de variable d'ajustement pour l'administration centrale, qui baissait davantage leurs crédits que la diminution qu'elle s'appliquait à elle-même. Nous avons essayé de stabiliser ces établissements, qui sont autant d'outils de l'État utiles au service des collectivités et de la mobilité.

Enfin, M. Hugonet a entièrement raison de plaider en faveur d'une modernisation des systèmes d'approche en région parisienne et autour d'Orly. Des annonces ont été faites au sujet de la descente continue face à l'ouest, enjeu majeur pour les riverains et pour les collectivités voisines puisqu'il s'agit de mieux lutter contre les nuisances sonores aéroportuaires. Le sujet auquel sont confrontés le ministère des transports et la DGAC reste complexe : si l'on choisit de resserrer les faisceaux, le nombre de territoires touchés sera moindre, mais au risque de faire des perdants.

Article 35

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-26 (FINC.1) vise à « réaffecter » la suppression de la réduction de la TICFE en première partie par la création de chèques énergie exceptionnels pour les déciles 1 à 6. Si le montant est à première vue considérable, le dispositif permet, dans sa globalité, de générer 1 milliard d'euros d'économies.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale. - Le sixième décile correspond à des revenus annuels d'environ 27 000 euros, me semble-t-il.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Il s'agit bien d'une mesure de redistribution ciblant les classes moyennes et populaires. J'ajoute que seuls 25 % des crédits ouverts pour le chèque fioul et le chèque bois ont été consommés.

L'amendement II-26 (FINC.1) est adopté.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-27 (FINC.2) vise à rehausser le montant du fonds Barnier de 30 millions d'euros afin d'engager les travaux permettant de prévenir les futurs épisodes d'inondations.

L'amendement II-27 (FINC.2) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 50

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article acte la réforme de MaPrimeRénov', notamment du renforcement des contrôles et de la lutte contre la fraude.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 50.

Article 50 bis (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Emporté par son élan visant à étendre MaPrimeRénov' à Saint-Pierre-et-Miquelon, le Gouvernement a retenu deux articles très similaires dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale : je vous propose de ne conserver que l'article 50 bis, mieux rédigé.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 50 bis.

Article 50 ter (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-28 (FINC.3) a pour objet la suppression de cet article, quasi identique à l'article 50 bis.

L'amendement II-28 (FINC.3) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat de supprimer l'article 50 ter.

Article 51

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article vise à prolonger le congé de reconversion mis en place dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 51.

Article 52

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-29 (FINC.4) vise à supprimer les alinéas relatifs à la révision de la répartition du complément de prix Arenh : en effet, adopter une telle modification au débotté pourrait avoir des effets sur le fonctionnement des marchés qui ne seraient pas nécessairement au bénéfice des consommateurs. Ce point est corroboré par l'analyse de la CRE.

L'amendement II-29 (FINC.4) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article 52, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 52 bis (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article vise à sécuriser le dispositif de leasing social en l'inscrivant dans la loi.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 52 bis.

Article 52 ter (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article a pour objet d'étendre le fonds Barnier à certaines mesures prises par les agences de la zone des 50 pas géométriques située en outre-mer, c'est-à-dire la zone littorale.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 52 ter.

Article 52 quater (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-30 (FINC.5) vise à garantir que le Gouvernement présente au Parlement un bilan de l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » (Mirapi) à la date à laquelle le rapport d'évaluation aurait dû être initialement rendu, c'est-à-dire en mars 2024.

L'amendement II-30 (FINC.5) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article 52 quater, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 52 quinquies (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'article vise, sans la nommer, uniquement la centrale biomasse de Gardanne, qui bénéficiait d'un dispositif d'obligation d'achat. Après avoir choisi de le suspendre au regard de l'évolution des prix de l'électricité afin de profiter de la rente fournie par le marché, ce site souhaite de nouveau en bénéficier.

Le Gouvernement lui donne ce droit et vient modifier les clauses du contrat initial en prévoyant désormais une indexation des coûts sur l'inflation. Si ce choix me semble scandaleux, notamment d'un point de vue environnemental, il existe un enjeu social autour des 90 emplois de cette centrale, dénuée de toute pertinence écologique. Avis favorable, mais uniquement sur le volet social.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 52 quinquies.

Article 52 sexies (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article vise à contrecarrer la décision du Conseil constitutionnel du mois d'octobre dernier et à inscrire dans la loi le déplafonnement intégral et sans condition des contrats de complément de rémunération.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 52 sexies.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

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* *

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Secrétariat général

- M. Guillaume LEFORESTIER, secrétaire général - responsable du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ».

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

- M. Patrick SOULÉ, adjoint au directeur général de la prévention des risques - responsable du programme 181 « Prévention des risques ».

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN)

- M. Philippe MAZENC, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) - responsable du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » et du programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » ;

- Mme Sylvie ESCANDE-VILBOIS, cheffe de la mission performance.

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

- Mme Sophie MOURLON, directrice générale.

Agence de la transition écologique (ADEME)

- M. Sylvain WASERMAN, président-directeur général.

Office français pour la biodiversité (OFB)

- M. Olivier THIBAULT, directeur général ;

- M. Denis CHARISSOUX, directeur général délégué aux ressources.

Commission de régulation de l'énergie (CRE)

- Mme Emmanuelle WARGON, présidente.

Plateforme automobile (PFA)

- M. Marc MORTUREUX, directeur général.

Intercommunalité de France

- M. Boris RAVIGNON, vice-président Finances et fiscalité.

Association des maires de France

- M. Bertrand HAUCHECORNE, vice-président ;

- M. Antoine HOMÉ, vice-président.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Soit les programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » et 159 « Expertise, géographie et météorologie ». 

* 2 Ministère de la transition écologique.

* 3 Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales.

* 4 Article L. 213-9-2 du code de l'environnement. Ces actions ou travaux d'intérêts communs doivent contribuer à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, des milieux aquatiques, du milieu marin et de la biodiversité.

* 5 À la fin août 2022, 15 077 communes étaient couvertes par un PPRN opposable, et 2 173 communes relevaient d'un PPRN prescrit.

* 6 La diminution du nombre de communes sur le territoire desquelles un PPRN est prescrit depuis le milieu des années 2000 résulte de l'approbation d'un nombre croissant de PPRN.

* 7 Les montants correspondent aux délégations des crédits extra-budgétaires du FPRNM.

* 8 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti, rapporteur Christine Lavarde, 15 février 2023.

* 9 Outre le programme 181, les moyens budgétaires de l'ASN se répartissent sur les programmes 217 « conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer », 354 « administration territoriale de l'État », 218 « conduite et pilotage des politiques économique et financière » et 190 « recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables ».

* 10 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 11 Dont un million d'euro provenant de manière résiduelle du plan de relance.

* 12 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur le mode de financements des autorités organisatrices de mobilité, rapporteurs Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, 4 juillet 2023.

* 13 En effet, comme pour la DSIL, et contrairement à la DETR, les commissions d'élus n'ont aucun rôle dans l'attribution des subventions.

* 14 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur les dotations d'investissement aux collectivités territoriales, Charles Guené et Claude Raynal, 22 juillet 2022, page 28.

* 15 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 16 20 000 pour les communes d'outre-mer.

* 17 En vertu des dispositions de l'article L. 121-9 du code de l'énergie.

* 18 Délibération n° 2022-272 de la Commission de régulation de l'énergie du 3 novembre 2022 relative à la réévaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 19 Délibération n° 2023-200 de la Commission de régulation de l'énergie du 13 juillet 2023 relative à la l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2024 et à la réévaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 20 Délibération n° 2023-293 de la Commission de régulation de l'énergie du 21 septembre 2023 portant modification de la délibération n° 2023-200 du 13 juillet 2023 relative à la l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2024 et à la réévaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 21 Les échéanciers des producteurs ayant été ajustés en conséquence dès le deuxième semestre 2023.

* 22 La diminution des crédits relatifs aux frais divers en 2024 s'explique par les intérêts dus par les fournisseurs pour lesquels les acomptes de CSPE versés au titre d'une année se trouvent être en réalité supérieurs aux CSPE effectives. Ces écarts dus aux fluctuations des prix de gros de l'énergie sont amplifiés dans le contexte actuel.

* 23 Rapport d'information de Mme Christine LAVARDE, fait au nom de la commission des finances

n° 864 (2020-2021) - 29 septembre 2021.

* 24 Délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023.

* 25 L'arrêté fixant le prix seuil n'ayant été publié que le 28 décembre 2022.

* 26 Décision n° 2023-1065 QPC du 26 octobre 2023.

* 27 Dans cette perspective, l'article L. 446-2 du code de l'énergie prévoit que les fournisseurs de gaz naturel sont tenus de conclure des contrats d'achat de biométhane produit par les installations éligibles à l'obligation d'achat. L'application de ces contrats génère un surcoût, qui correspond à la différence entre le prix d'acquisition du biométhane et le prix moyen constaté sur le marché de gros du gaz naturel ainsi qu'aux coûts de gestion du dispositif. C'est ce surcoût, évalué tous les ans par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), que l'État prend à sa charge.

* 28 En plus des charges calculées au titre de la seule année 2024, ce montant intègre 30 millions d'euros qui correspondent à d'anciennes régularisations au titre de la période 2012-2021.

* 29 Ce processus permet d'atteindre des rendements énergétiques globaux supérieurs à ceux obtenus via la production séparée de chaleur (chaudières) et d'électricité (centrales électriques) et de générer ainsi des économies d'énergie primaire. La chaleur produite est généralement utilisée par injection dans un réseau de chaleur ou pour un processus industriel.

* 30 Avec un effet rétroactif sur le deuxième semestre de l'année 2022.

* 31 Hors minoration de l'accise sur l'électricité.

* 32 Le coût total de la mesure était alors estimé à un milliard d'euros mais 300 millions d'euros devaient être couverts par des reports de crédits non consommés dans le cadre du dispositif de remise généralisée mis en oeuvre en 2022.

* 33 L'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte définit le chèque énergie comme « un titre spécial de paiement permettant aux ménages dont le revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond, d'acquitter notamment tout ou partie du montant des dépenses d'énergie relatives à leur logement ou des dépenses qu'ils assument pour l'amélioration de la qualité environnementale ou la capacité de maîtrise de la consommation d'énergie de ce logement ».

* 34 La première personne du ménage compte pour 1 UC, la deuxième pour 0,5 UC et les suivantes pour 0,3UC.

* 35 Le montant versé était de 200 euros pour les 5,8 millions de ménages bénéficiaires du chèque énergie de droit commun (deux premiers déciles de revenus) et 100 euros pour les autres ménages (troisième et quatrième déciles).

* 36 Le « chèque fioul » concerne les cinq premiers déciles de revenus, soit 1,6 million de ménages et correspond à une aide de 200 euros pour les bénéficiaires du chèque énergie et de 100 euros pour les autres.

* 37 Le « chèque bois » s'adresse quant à lui aux sept premiers déciles de revenus, soit 2,6 millions de ménages, pour un montant de 50 à 200 euros en fonction des revenus, de la composition du ménage et du type de combustible bois utilisé. Ces aides sont cumulables avec le chèque énergie classique ainsi qu'avec le chèque énergie exceptionnel pour 2022.

* 38 Rapport d'information n° 779 (2022-2023) fat au nom de la commission des finances sur le contrôle budgétaire sur les dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie par Mme Christine Lavarde, juin 2023.

* 39 Le décret n° 2023-2 du 2 janvier 2023 relatif à la création, aux conditions et aux modalités de versement d'une indemnité carburant.

* 40 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 168.

* 41 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

* 42 Article 164 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 43 Décret n° 2022-1035 du 22 juillet 2022 pris pour application de l'article 164 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 44 Arrêté du 21 décembre 2022 relatif à la mission d'accompagnement du service public de la performance énergétique de l'habitat.

* 45 Ce plafond est de 4 000 euros dans le cas d'une situation de traitement de l'habitat indigne et de précarité énergétique.

* 46 Une note du CLER - Réseau pour la transition énergétique (ex « Comité de liaison pour les énergies renouvelables), réalisée avec l'association négaWatt et datée de janvier 2023, situe ce seuil à 55°.

* 47 Extrait du compte-rendu du 4 mai 2023 de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques de rénovation énergétique.

* 48 Il s'agit du chiffre hors Île-de-France. Dans cette région, le plafond est 32 967 euros.

* 49 « Bilan statistique des éco-prêts émis en 2021 », SGFGAS.

* 50 Audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 31 octobre 2023 de Thomas Cazenave, ministre délégué aux comptes publics, sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.

* 51 Sur MaPrimeRénov' hors MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriété.

* 52 C'est le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres, dont la gestion est assurée par l'Agence de services et de paiement, qui est chargé du suivi des dossiers des demandes d'aides et qui assure leur versement.

* 53 Dont 275 000 bonus attribués à des voitures particulières.

* 54 Dans les ventes annuelles de véhicules neufs.

* 55 Dans les ventes annuelles de véhicules neufs.

* 56 La transition est-elle accessible à tous les ménages ? I4CE, octobre 2023.

* 57 Décret n° 2023-886 du 19 septembre 2023 relatif au conditionnement de l'éligibilité au bonus écologique pour les voitures particulières neuves électriques à l'atteinte d'un score environnemental minimal.

* 58 Arrêté du 19 septembre 2023 relatif à la méthodologie de calcul du score environnemental et à la valeur de score minimale à atteindre pour l'éligibilité au bonus écologique pour les voitures particulières neuves électriques.

* 59 La création du CAS par l'article 7 de la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 a conduit à budgétiser des aides auparavant directement prises en charge par le Fonds d'amortissement des charges d'électrification géré par Électricité de France (EDF), qui avait été mis en place dès 1936 par l'article 108 de la loi de finances du 31 décembre 1936, confirmé par l'article 38 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. Elle a nécessité la reprise par les services de l'État de la gestion de ces aides avec la création d'une mission chargée du financement de l'électrification rurale, placée sous l'autorité du directeur général de l'énergie et du climat.

* 60 C'est à dire des travaux de premier établissement, d'extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution.

* 61 Si ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux.

* 62 Lorsque ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux.

* 63 La loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie prévoit que le préfet engage une procédure de création d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte à l'échelle environnementale lorsque la maîtrise d'ouvrage n'est exercée ni par le département, ni par un groupement couvrant le territoire départemental, ni par un groupement de collectivités territoriales dont la population est au moins égale à un million d'habitants.

* 64 Article 16 de l'arrêté du 27 mars 2013 pris en application du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l'électrification rurale. Ces minorations ne peuvent représenter plus de 25 % des droits à subvention des AODE concernées.

* 65 C'est à dire principalement Enedis (ex ERDF) et les autres entreprises locales de distribution (ELD).

* 66 En effet, le taux de contribution est différent selon que les communes sont urbaines ou rurales : il doit être compris entre 0,03 et 0,05 centime d'euro par kilowattheure pour les communes dont la population est inférieure à 2 000 habitants et entre 0,15 et 0,25 centime d'euro par kilowattheure pour les autres communes. Ces taux sont fixés annuellement par un arrêté des ministères chargés du budget et de l'énergie et ajustés afin de correspondre aux prévisions de dépenses et assurer l'équilibre du CAS. Pour l'année 2023, l'arrêté du 5 juillet 2023 relatif au taux 2023 de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité pour le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale a fixé le taux de contribution à :

- 0,191475 centime d'euro par kilowattheure pour les communes urbaines ;

- 0,038295 centime d'euro par kilowattheure pour les communes rurales.

* 67 Pour améliorer la qualité de l'électricité distribuée, la sécurisation des réseaux face aux intempéries, ainsi que leur extension et leur enfouissement.

* 68 Ainsi que 19,5 millions d'euros sur le programme « Infrastructures et services de transports » et 880 704 euros sur le programme « Expertise, information géographique et météorologique ».

* 69 Décret n° 2021-344 du 29 mars 2021 relatif à l'habilitation de mandataires dans le cadre de la prime de transition énergétique.

* 70 Composée du directeur général de de l'ANAH, d'un représentant du ministre chargé du logement, d'un représentant du ministre chargé de l'économie, d'un représentant du ministre chargé du budget et d'un représentant du ministre chargé de l'énergie.

* 71https://www.economie.gouv.fr/nouveaux-moyens-lutter-contre-fraude-renovation-energetique-2024

* 72 En comptant à la fois les crédits inscrits sur le programme 174 et ceux inscrits sur le programme 135.

* 73 Ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d'accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon.

* 74 Les conditions d'application de cette ordonnance ont été précisées dans le décret n° 2021-297 du 18 mars 2021 relatif aux conditions d'application de l'ordonnance no 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d'accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon.

* 75 Article L. 1233-71.

* 76 Ou « consommateurs finals domestiques ».

* 77 Qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels ne dépassent pas 2 millions d'euros.

* 78 Une majorité des boulangers, des bouchers, des fleuristes et des petits restaurateurs se retrouvent par exemple dans cette situation.

* 79 Fixé à un montant, censé refléter les coûts de production du parc nucléaire, de 42 euros par mégawattheure aujourd'hui, très nettement inférieur aux prix du marché de l'électricité.

* 80 Établi à partir des références de prix issues des enchères du mécanisme d'obligation de capacité.

* 81 Les coûts de commercialisation retenus par la CRE sont ceux d'EDF.

* 82 C'est-à-dire le plafond du volume global d'Arenh pouvant être cédé par EDF au titre d'une année.

* 83 Délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 84 C'est-à-dire avant application du bouclier tarifaire.

* 85 Pour calculer cette part, la CRE prend en compte une moyenne des prix à terme des deux derniers mois de l'année qui précède l'année de livraison.

* 86 Délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 87 Délibération n° 2022-08 de la CRE du 18 janvier 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 88 Comme le rapporteur l'a souligné dans son analyse des crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, la moyenne de 4% cachait alors de fortes disparités. Les consommateurs ayant un contrat heures pleines / heures creuses ont connu une hausse supérieure pouvant atteindre 11%. Le design des tarifs avait été revu en 2023 pour corriger cette absurdité.

* 89 Une série de cinq arrêtés du 30 janvier 2023 pour le bouclier tarifaire 2023 qui sont venus s'opposer aux TRVe calculés par la CRE dans sa délibération n° 2023-17 du 19 janvier 2023.

* 90 Avec comme limite que le niveau de tarif effectivement du par ces clients ne pouvant pas être ramené à un niveau inférieur aux TRVe gelés.

* 91 En effet, pour certains clients, qui disposent des contrats les plus compétitifs, le niveau de la compensation s'avère supérieur au montant nécessaire pour réduire leur facture au niveau des TRVe gelés. Dans cette hypothèse, le fournisseur est autorisé à utiliser ce « surplus » de compensation pour réduire davantage la facture d'autres clients qui disposent de contrats plus onéreux, leur permettant ainsi de se rapprocher au maximum du prix des TRVe gelés. Ce dispositif s'applique tout particulièrement pour les petits consommateurs professionnels dont les prix des contrats sont plus dispersés que ceux des particuliers.

* 92 Avec un effet rétroactif sur le deuxième semestre de l'année 2022.

* 93 Décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022 pris en application des VIII et IX de l'article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 94 Puisqu'elle ne porte que sur 50% de la consommation du client.

* 95 « Les personnes morales de droit privé qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros. Ces critères sont appréciés au sens de l'annexe I du règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014 susvisé ».

* 96 Notamment les associations.

* 97 Décret n° 2023-62 du 3 février 2023 relatif à l'aide en faveur des TPE éligibles au bouclier et à l'amortisseur ayant signé un contrat en 2022 et modifiant les décrets n° 2022-1764 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix de l'électricité au second semestre 2022, n° 2022-1763 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix de l'électricité pour 2023 et n° 2022-1762 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix du gaz naturel en 2023.

* 98 Égale à la partie positive de la différence entre la quantité cédée et la quantité théorique constatée ex-post.

* 99 Les modalités de calcul et de répartition du complément de rémunération se trouvent ainsi déterminées à la section 5 du chapitre VI du titre III du livre III de la partie réglementaire du code de l'énergie, soit aux articles R. 336-28 à R. 336-38.

* 100 Prévues à l'article L131-2 du code de l'énergie.

* 101 Délibération n° 2023-200 de la Commission de régulation de l'énergie du 13 juillet 2023 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2024 et à la réévaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 102 Il s'agit d'une part de modifications visant le 3° du B ainsi que les deuxième et cinquième alinéas du D du I et, d'autre part de l'ajout d'un D bis à ce même I.

* 103 Et qui figuraient à ce titre à l'article 181 de la LFI pour 2023.

* 104 Les consommateurs définis au 2° du I de l'article L. 337-7 du code de l'énergie.

* 105 C'est-à-dire hors tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (TURPE).

* 106 Rapport d'information n° 779 (2022-2023) fat au nom de la commission des finances sur le contrôle budgétaire sur les dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie par Mme Christine Lavarde, juin 2023.

* 107 Délibération n° 2023-176 de la CRE du 29 juin2023 portant décision sur le calcul du complément de prix Arenh sur l'année 2022.

* 108 Délibération n° 2022-187 de la CRE du 30 juin 2022 portant décision sur le calcul du complément de prix Arenh sur l'année 2021.

* 109 A l'occasion du capital market day d'Ampere du 15 novembre 2023, le constructeur a précisé le calendrier de production de sa gamme : la Renault 5 sera dévoilée au premier trimestre 2024, la Renault 4 sera lancée en 2025, la mise en production de la Legend, dont le prix de vente sera inférieur à 20 000 euros, n'a pas été précisée.

* 110 La transition est-elle accessible à tous les ménages ? I4CE, octobre 2023.

* 111 La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est une extension terrestre du domaine public maritime (DPM) instaurée dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion.

* 112 Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

* 113 Arrêté du 27 septembre 2021 portant désignation des communes dans lesquelles s'applique le dispositif expérimental « Mieux reconstruire après inondation ».

* 114 Arrêté du 21 décembre 2021 portant désignation des communes dans lesquelles s'applique le dispositif expérimental « Mieux reconstruire après inondation ».

* 115 Arrêté du 28 avril 2022 portant désignation des communes dans lesquelles s'applique le dispositif expérimental « Mieux reconstruire après inondation ».

* 116 Électricité de France (EDF) et les entreprises locales de distribution (ELD).

* 117 Déterminé par des arrêtés dits « tarifaires ».

* 118 Via son unité 4 également appelée « Provence 4 biomasse ».

* 119 Instaurée pour 2022 et 2023 par l'article 54 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 120 Décret n° 2021-1691 du 17 décembre 2021 relatif à l'obligation de transmission d'une attestation de conformité aux prescriptions mentionnées à l'article R. 311-43 du code de l'énergie et portant modification de la partie réglementaire du code de l'énergie relative à la production d'électricité et à la vente de biogaz.

* 121 La formulation précisait ainsi « dans la limite des montants totaux perçus depuis le début du contrat au titre du complément de rémunération ».

* 122 Principalement des appels d'offres lancés entre 2016 et 2019.

* 123 Délibération n° 2023-200 de la CRE du 13 juillet 2023.

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