N° 779

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le contrôle budgétaire sur les dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie : l'usine à gaz des aides énergie,

Par Mme Christine LAVARDE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mardi 27 juin 2023, le rapport de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », à la suite de son contrôle budgétaire sur les dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie.

I. UNE PANOPLIE DE DISPOSITIFS MIS EN oeUVRE EN RÉPONSE À LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

A. DES MESURES DÉDIÉES AUX « PETITS CONSOMMATEURS »

En 2022, comme en 2023, les petits consommateurs éligibles aux tarifs réglementés du gaz et de l'électricité ont pu bénéficier des mécanismes dits de boucliers tarifaires qui ont conduit à plafonner les évolutions des prix de l'énergie pour les ménages et les « petits » professionnels ayant une faible consommation d'énergie.

Des dispositifs ad hoc ont été créés dans un second temps pour venir en aide à l'habitat collectif. Contrairement aux boucliers, les aides concernées sont versées ex-post et induisent une avance de trésorerie de la part des consommateurs. Elles supposent également que les bailleurs et les syndics de copropriétés réalisent une démarche pour signaler leurs sites éligibles aux fournisseurs.

Depuis le début de la crise, une série de chèques énergie exceptionnels, pour un montant cumulé de 3 milliards d'euros et des aides en faveur des consommateurs de carburant, pour 8,5 milliards d'euros ont également été mises en oeuvre.

B. DES AIDES DESTINÉES AUX PROFESSIONNELS ET AUX COLLECTIVITÉS

Concernant les professionnels, un mécanisme d'amortisseur sur les prix de l'électricité a été créé dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2023 visant à fournir une aide sur 50 % de la consommation des entités non éligibles au bouclier tarifaire. À la suite de la crise dite des « boulangers » un dispositif complémentaire dit de « sur-amortisseur » a été créé par voie réglementaire pour apporter une aide renforcée aux très petites entreprises (TPE) non éligibles au bouclier qui ont renouvelé leur contrat de fourniture d'électricité en 2022 au paroxysme de la crise. Il doit garantir à ces entités un plafonnement du prix de leur électricité de 230 euros/MWh en 2023.

Des aides de guichet ont également été créées à partir du printemps 2022 pour soutenir les entreprises les plus énergivores. Malgré leur simplification à la fin de l'année 2022, ces aides budgétées sur la mission « Économie » (7 milliards d'euros) peinent toujours à atteindre leur cible.

 
 
 

de dépenses publiques pour financer
les aides de crise

pour financer
les boucliers
et amortisseurs

de pertes de recettes d'accise sur l'électricité

II. DES DISPOSITIFS COÛTEUX DONT LA MISE EN PLACE A ÉTÉ LABORIEUSE

A. UN « RETARD À L'ALLUMAGE » PAR MANQUE D'ANTICIPATION, DÉFAUT DE LISIBILITÉ ET MÉCONNAISSANCE DES PROFILS DES CONSOMMATEURS

1. Un défaut d'anticipation

Le premier bilan de la mise en place des mesures révèle qu'elles ont été conçues dans l'urgence et de manière itérative quand bien même elles auraient pu être davantage anticipées. Les acteurs impliqués sont en effet unanimes pour regretter les conditions de précipitation qui ont présidé à la conception et à la mise en oeuvre des dispositifs. Pourtant, cette situation était tout sauf une fatalité tant il est apparu que le Gouvernement avait reçu des alertes multiples et émanant de nombreux acteurs très en amont de ses prises de décisions tardives.

En outre, dans le cadre de l'examen des dispositions législatives liées à ces mesures, des pratiques gouvernementales plus que contestables ont contribué à affaiblir les prérogatives de la représentation nationale. Lors de l'examen des projets de loi de finances (PLF) pour 2022 et 2023, ces dispositifs complexes, sensibles et porteurs d'enjeux majeurs notamment pour les finances publiques ont été introduits par des amendements du Gouvernement présentés tardivement, sans évaluation préalable sérieuse et sans donner au Parlement le temps et les informations suffisantes pour délibérer de façon suffisamment éclairée. Le manque de préparation du Gouvernement était tel que lors de l'examen de ces mêmes textes, il a proposé, en cours d'examen, et jusque dans les dernières étapes de la procédure législative, des modifications très substantielles des dispositifs qu'il avait déjà lui-même introduits par le dépôt d'amendements tardifs.

La commission de régulation de l'énergie (CRE) a indiqué au rapporteur spécial regretter que le défaut d'anticipation et les atermoiements de l'exécutif aient conduit à la définition très tardive des contours de dispositifs particulièrement complexes. Cette situation a très fortement perturbé leur mise en oeuvre.

2. Un manque de lisibilité

L'hétérogénéité des mesures a nui à la lisibilité de l'architecture globale des dispositifs et a perturbé leur mise en oeuvre. Certains dispositifs, les plus simples et les plus efficaces, interviennent ex-ante et sont directement intégrés à la facture d'énergie. À l'inverse, d'autres dispositifs, qui passent par l'Agence de services et de paiement (ASP), ne sont versés qu'ex-post et impliquent une avance de trésorerie de plusieurs mois pour leurs bénéficiaires. Certains dispositifs sont automatiques ou quasi-automatiques lorsque d'autres exigent des démarches. La complexité, la confusion et le manque de lisibilité pour les acteurs proviennent également de l'hétérogénéité des paramètres et des modalités de calcul entre les différentes mesures. Une autre divergence, source de confusion, tient au circuit emprunté par les compensations versées par l'État aux fournisseurs. Deux circuits ont ainsi été distingués, d'une part le mécanisme des compensations pour charges de service public de l'énergie (CSPE) géré par la CRE et, d'autre part, le circuit des aides géré par l'ASP.

La complexité des mesures, leur mise en oeuvre tardive ainsi que le manque de lisibilité du paysage des aides expliquent sans doute en bonne partie le « retard à l'allumage » des dispositifs qui exigeaient des démarches auprès des fournisseurs, au premier rang desquels les amortisseurs et les soutiens à destination de l'habitat collectif.

À ce manque de lisibilité se sont rajoutés des effets d'annonce et une communication confuse des pouvoirs publics qui ont nui à la compréhension et à la mise en oeuvre des mesures.

3. Une méconnaissance des profils des consommateurs d'énergie

Un des principaux enseignements de la crise et des difficultés rencontrées dans la conception et la mise en oeuvre de mesures de soutien adaptées est le manque évident de connaissance des pouvoirs publics sur le profil des différentes catégories de consommateurs finals d'énergie et leur degré d'exposition à la volatilité des prix. Ce défaut d'informations disponibles explique les difficultés à réaliser de véritables évaluations préalables des mécanismes de soutien, à avoir une vision précise de leurs bénéficiaires potentiels ainsi que des volumes de consommation d'énergie concernés et, par conséquent, à estimer les coûts prévisionnels de ces dispositifs. Pour cette raison, les pouvoirs publics ont souvent dû avancer « à l'aveugle » dans les phases de conception puis de mise en oeuvre des différentes mesures.

B. DES DISPOSITIFS COÛTEUX POUR LES FINANCES PUBLIQUES

Bien que difficilement prévisibles du fait de la volatilité des prix de l'énergie et de la méconnaissance des profils de consommation sur les périmètres ciblés par les dispositifs, les enjeux financiers des aides décidées dans le cadre de la crise des prix de l'énergie sont considérables. Ils pourraient avoisiner les 85 milliards d'euros entre 2021 et 2023.

Coût prévisionnel des principaux dispositifs
mis en oeuvre dans le cadre de la crise des prix de l'énergie depuis 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Les boucliers et amortisseurs à eux seuls pourraient coûter près de 40 milliards d'euros.

Coût prévisionnel au titre des années 2022 et 2023 des dispositifs d'accompagnement des prix de l'électricité et du gaz suivis sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGEC au questionnaire du rapporteur spécial et la délibération n° 2023-106 de la CRE du 13 avril 2023

À ce montant pourraient également être ajoutés les 18 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales pour l'État en raison de la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité en 2022 puis en 2023 ainsi que les 8 milliards d'euros de charges assumées par EDF au titre du relèvement du volume d'ARENH en 2022, ce qui pourrait représenter un coût total de près de 65 milliards d'euros.

À date, l'estimation des coûts prévisionnels des boucliers tarifaires a diminué d'environ 15 milliards d'euros par rapport aux hypothèses sous-jacentes de la LFI pour 2023, 5 milliards d'euros pour les dispositifs électricité et 10 milliards d'euros pour les dispositifs gaz. Cette évolution s'explique principalement par la baisse plus forte et plus rapide que prévue des prix de l'énergie en 2023, tout particulièrement s'agissant du gaz.

À travers le mécanisme budgétaire relatif aux compensations des CSPE, les recettes exceptionnelles dues par les producteurs d'énergie renouvelable (EnR), sous la forme de primes négatives, en raison de l'augmentation des prix de l'électricité, viennent couvrir les compensations dues par l'État aux fournisseurs. Ainsi, budgétairement, le Gouvernement peut-il présenter un coût net des dispositifs de soutien. Or, il apparaît que, pour les mêmes raisons qui expliquent la diminution des coûts des mesures d'aides, à savoir la baisse des prix de l'énergie, les recettes exceptionnelles attendues par l'État au titre des primes négatives versées par les producteurs d'EnR ont diminué de 17 milliards d'euros, soit plus de 50 %, par rapport à la prévision sous-jacente de la LFI pour 2023. Aussi, d'après les prévisions les plus récentes, le montant net de compensations de CSPE devrait se traduire par des recettes exceptionnelles pour l'État limitées à environ 15 milliards d'euros.

Évolution entre les estimations réalisées en fin d'année 2022 et aujourd'hui
des coûts prévisionnels brut et net en 2023
des dispositifs de boucliers et d'amortisseurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGEC au questionnaire du rapporteur spécial

III. LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DE LA CRISE IMPOSENT AUX POUVOIRS PUBLICS DE REVOIR LEUR APPROCHE

A. IL EST INDISPENSABLE DE PRÉVOIR EN AMONT UNE RÉPONSE EN CAS DE REMONTÉE DES PRIX DU GAZ

L'annonce par Bruno Le Maire, le 19 juin 2023, de la suppression du bouclier tarifaire gaz soulève de nombreuses questions. Pourquoi s'empresser de supprimer un dispositif qui, dans le meilleur des cas, ne coûte rien, et qui, dans le pire des cas, représente une sécurité face à une nouvelle poussée des prix du gaz ? En effet, s'il est prévu que les prix du gaz restent bas en 2023, ces prévisions sont entourées de nombreuses incertitudes, notamment d'ordre géopolitique. En outre, la suppression du bouclier tarifaire gaz peut conduire à des distorsions vis-à-vis des clients qui relèvent du mécanisme d'aide au chauffage collectif au gaz, qui lui est applicable toute l'année 2023. En réalité, l'annonce du 19 juin 2023 est représentative de la façon dont les mesures pour lutter contre la hausse des prix de l'énergie ont été communiquées et mises en oeuvre : les décisions ont été soudaines, sans tenir compte des besoins en termes de prévisibilité des acteurs de l'énergie.

Il est nécessaire de sortir d'une logique où un dispositif ad hoc serait mis en place en réaction à une forte hausse des prix de l'énergie, avant d'être entièrement supprimé lorsque ceux-ci sont redescendus, comme si les prix du gaz n'allaient plus jamais connaître de bouleversements. Il convient en revanche de s'interroger sur plusieurs scénarios de remontée des prix, et pour chacun d'eux de définir en amont la réponse la plus adaptée.

Il importe également que les réponses apportées maintiennent une forme de signal-prix, reposant sur des fondamentaux de marché. Le signal-prix est en effet essentiel pour éviter les distorsions de marché, pour inciter à une réduction de la consommation d'énergie.

B. EN RAISON DE L'ÉVOLUTION DES PRIX, LES MESURES DE SOUTIEN AUX CONSOMMATEURS D'ÉLECTRICITÉ DOIVENT ÊTRE PROLONGÉES EN 2024

Compte-tenu notamment des incertitudes persistantes sur le niveau de disponibilité du parc nucléaire d'EDF durant l'hiver prochain, les projections actuelles indiquent clairement que les prix de l'électricité sur les marchés de gros resteront à des niveaux élevés en 2024.

Aussi, la prolongation sans attendre des dispositifs en faveur des particuliers comme des professionnels est-elle une absolue nécessité, pour ne pas pêcher à nouveau par manque d'anticipation avec l'ensemble des nuisances qui s'ensuivraient. Si le Gouvernement s'est engagé à prolonger les dispositifs en faveur des ménages, il n'en a toujours pas fait de même pour les professionnels alors qu'un nombre non négligeable d'entre eux seront encore très fortement exposés aux conséquences de la crise, du fait de la maturité de contrats de fourniture d'électricité signés au moment où les conditions de marché étaient les plus tendues.

Concernant les aides aux particuliers il apparaît également nécessaire de sortir de la logique des chèques exceptionnels décidés dans la précipitation en fin de gestion pour s'engager dans une véritable réforme structurelle du dispositif du chèque énergie. En effet, si l'on avait disposé d'un chèque énergie de droit commun au périmètre plus étendu, les autres mesures exceptionnelles de soutien auraient pu raisonnablement être calibrées à des niveaux inférieurs et le bilan en termes de dépenses publiques aurait peut-être été plus avantageux.

C. LES POUVOIRS PUBLICS DOIVENT MIEUX CONNAÎTRE LES CONSOMMATEURS D'ÉNERGIE ET FAIRE PREUVE DE PLUS DE TRANSPARENCE

Pour qu'à l'avenir les pouvoirs publics puissent répondre à ce type de crises autrement que dans l'improvisation, il est impératif qu'ils puissent disposer d'informations beaucoup plus fines sur les différentes catégories de consommateurs et sur le degré de sensibilité de leur exposition aux fluctuations des prix de l'énergie.

Concernant les conditions d'examen au Parlement, le rapporteur note que, fort du retour d'expérience emmagasiné après deux ans de crise, et alors que les problématiques à venir sur l'année 2024 semblent aujourd'hui bien cernées, le Gouvernement n'aura plus aucune excuse pour ne pas intégrer, dès le dépôt du PLF pour 2024 et accompagnées d'évaluations préalables sérieuses, les mesures de soutien proposées pour l'année à venir.

Par-delà les conditions d'examen des dispositions législatives, le projet annuel de performance (PAP) du programme 345 « Service public de l'énergie », annexé au PLF pour 2023, manquait singulièrement de lisibilité et ne permettait pas d'éclairer suffisamment le législateur et la portée de l'autorisation parlementaire s'en est trouvée affectée. L'administration s'est engagée à retravailler en profondeur la présentation de ce PAP dans la perspective du PLF 2024. Le rapporteur y prêtera la plus grande attention.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : définir une stratégie en cas de nouvelle hausse des prix du gaz qui permette de maintenir un signal-prix.

Recommandation n° 2 : dans le cadre de la reconduction des dispositifs dédiés à l'habitat collectif en 2024, en gaz comme en électricité, prévoir un traitement particulier pour les structures qui ont signé en 2022, des contrats de fourniture à des tarifs très élevés pour une maturité supérieure à un an.

Recommandation n° 3 : fixer le bouclier électricité 2024 à un niveau permettant de lisser l'évolution des TRVe pour les particuliers dans une perspective d'extinction du dispositif de soutien public en 2025 si les tendances de réduction des prix de l'électricité à cet horizon se confirment.

Recommandation n° 4 : élargir l'éligibilité du chèque énergie aux troisième et quatrième déciles, également pour qu'en cas de nouvelle crise, les dispositifs exceptionnels puissent être calibrés à des niveaux moins coûteux pour les finances publiques.

Recommandation n° 5 : expérimenter l'attribution du chèque énergie aux sociétés d'HLM et lancer une réflexion sur l'usage du chèque énergie dans les copropriétés.

Recommandation n° 6 : engager rapidement une négociation avec nos partenaires européens afin de prolonger au-delà de 2023 les aides exceptionnelles susceptibles d'être accordées aux PME pour faire face à la hausse des prix de l'énergie.

Recommandation n° 7 : prolonger les dispositifs d'amortisseur et de sur-amortisseur en 2024 en les assortissant de paramètres incitatifs à la sobriété énergétique.

Recommandation n° 8 : en 2025, mettre en place un dispositif d'aide public ciblé pour accompagner les consommateurs professionnels qui se sont engagés au cours du second semestre 2022 sur des contrats de fourniture d'électricité d'une durée de trois ans.

Recommandation n° 9 : encourager le développement d'espace d'échanges de bonnes pratiques, aux niveaux local comme national, visant à réduire la consommation d'énergie des entreprises.

Recommandation n° 10 : pour pouvoir répondre efficacement à des crises de ce type et ne pas se retrouver démunis, les pouvoirs publics doivent pouvoir disposer de données beaucoup plus fines sur les différentes catégories de consommateurs finals d'énergie et sur le degré de sensibilité de leur exposition aux fluctuations des prix.

Recommandation n° 11 : compléter les informations figurant sur le projet annuel de performance (PAP) du programme 345 « Service public de l'énergie » et améliorer très sensiblement la lisibilité des crédits de l'action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ».

Recommandation n° 12 : anticiper dès maintenant la prolongation des dispositifs de soutien aux particuliers et aux entreprises pour que des dispositifs complets, appuyés par des évaluations préalables sérieuses, puissent être intégrés au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 dès sa présentation.

PREMIÈRE PARTIE

LES DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT MIS EN oeUVRE POUR FAIRE FACE À LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

I. LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET SA RÉPERCUSSION SUR LES FACTURES DES CONSOMMATEURS FINALS

A. LES PRIX DU GAZ ONT CONNU DES VARIATIONS TRÈS IMPORTANTES ENTRE 2021 ET 2023, QUI SE SONT RÉPERCUTÉES SUR LES TARIF RÈGLEMENTÉS DE VENTE

1. Après un pic en 2022, les prix du gaz sont redescendus au niveau de mai 2021
a) L'automne et l'hiver 2021 : la première phase de la crise

Les prix de gros européens du gaz naturel ont augmenté à partir du printemps 2021, et de façon plus importante et rapide à compter du mois de juillet. Ces niveaux de prix, qui étaient alors inédits en Europe, découlaient de plusieurs facteurs :

une demande importante, dans un contexte de reprise économique au niveau mondial, de niveaux bas de stockages européens en gaz en raison d'un hiver 2020-2021 rigoureux1(*) et d'une croissance de la consommation de gaz naturel liquéfié (GNL) en Asie supérieure à la croissance de la production mondiale, limitant les quantités livrées sur les marchés européens ;

une offre contrainte, en raison de la saturation des capacités de production en Algérie et en Norvège, d'une tendance décroissante de la production de gaz naturel dans l'Union européenne, avec notamment l'arrêt progressif de l'exploitation du champ de Groningue aux Pays-Bas, et d'exportations de gaz russe vers l'Union européenne restant inférieures aux niveaux observés par le passé, notamment en 2019.

b) En 2022 : l'explosion des prix du gaz

Les anticipations de prix du gaz par les acteurs du marché à la fin de l'année 2021 prévoyaient que les prix de gros sur les produits futurs retrouveraient des niveaux plus modérés, tout en restant élevés, à partir du deuxième trimestre 2022, avant de revenir à un niveau normal en 2023.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, et le conflit qui s'en est suivi, ont bouleversé ces prévisions : le prix sur le cours spot européen de référence pour le gaz (TTF néerlandais) est passé de 73 euros le MWh le 13 février 2022 à 193 euros le MWh le 27 févier, avant de décroître légèrement et de se maintenir à un niveau très élevé (175 euros le MWh le 3 juillet 2022, contre 40 euros le MWh le 25 juillet 2021).

Les prix du gaz ont ensuite fortement remonté le reste de l'été, jusqu'à atteindre 310 euros/MWh le 26 août. À titre de comparaison, les prix sont près de 15 fois plus élevé qu'au début de l'année 2021 (aux alentours de 20 euros le MWh). Cette forte hausse a été provoquée par les annonces fin août de la maintenance sur Nordstream 1.

Les prix étaient ensuite redescendus en septembre et en octobre (fin septembre 2022, les prix du gaz s'élevaient à 102,18 euros/MWh), mais restaient nettement plus élevés qu'en 2021.

L'Union européenne importe environ 155 milliards de mètres cubes de gaz russe chaque année, soit 40 % de sa consommation (le gaz russe représente 18 % des importations françaises de gaz). Dans le contexte du conflit russo-ukrainien, Gazprom a considérablement réduit ses exportations de gaz vers l'Union européenne via le pipeline Nord Stream 1, impactant les importations françaises et allemandes : la France ne reçoit plus de gaz russe par gazoduc depuis la mi-juin 2022. L'augmentation considérable des prix du gaz sur le marché de gros européen a ainsi découlé principalement de la réduction des livraisons de gaz russe.

La Commission de régulation de l'énergie, dans une délibération du 22 juin 2022 indique qu'en l'absence de prolongation du gel tarifaire à compter du 1er juillet 2022, les TRVg auraient augmenté de 51,31 % hors taxes par rapport aux tarifs gelés à leur niveau d'octobre 2021.

Par ailleurs, alors que les marchés de gros du gaz en France et en Allemagne étaient historiquement très proches, le spread France/Allemagne a fortement augmenté au pic de la crise (août/ septembre 2022), atteignant 80 euros/MWh, en défaveur de la France, en raison du remplissage des stockages par l'Allemagne.

Évolution des prix du gaz entre janvier 2021 et octobre 2022

c) En 2023 : une redescente progressive du prix du gaz

Au cours de l'année 2023, le prix du gaz a poursuivi sa tendance baissière engagée à la fin de l'année 2022. Ainsi, au 10 avril 2023, il était à 42,6 euros par MWh, contre 60,5 euros par MWh au 5 janvier 2023 (marché « day-ahead »).

La baisse du prix du gaz s'explique par l'augmentation de l'approvisionnement de l'Europe en gaz norvégien, ainsi que par une demande de gaz en diminution. Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, Engie souligne que cette baisse de la demande est « amenée à se poursuivre du fait de la reconduction du plan européen de baisse de 15 % de la demande de gaz [...] décidée lors du Conseil UE du 30 mars »2(*).

Évolution des prix du gaz de mai 22 à mai 2023

2. L'évolution des prix de gros du gaz se répercute de manière importante sur le prix

Les consommateurs aux offres de marché ont subi de plein fouet l'augmentation des prix, mais les consommateurs au tarif réglementé de vente du gaz (TRVg), n'ont pas été épargnés par la crise.

En effet, le TRVg n'est pas un « prix fixe ». Il fluctue depuis 2013 mensuellement sur la base d'une formule qui repose principalement sur l'évolution des prix de gros du gaz, mensuels et trimestriels. Plus précisément, le niveau des TRVg évolue de manière annuelle concernant leur composante « hors approvisionnement », et de manière mensuelle pour leur composante « approvisionnement ». L'encadré suivant présente de manière détaillée la façon dont les TRVg sont calculés.

Les tarifs réglementés de vente de gaz

Les TRV de gaz sont encadrés par les articles L. 445-1 à L. 445-4 et R. 445-1 à R. 445-7 du code de l'énergie.

Aux termes de l'article L. 445-3, « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts [...] ». L'article R. 445-2 du code de l'énergie précise que « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel couvrent les coûts d'approvisionnement en gaz naturel et les coûts hors approvisionnement. Ils comportent une part variable liée à la consommation effective et une part forfaitaire calculée à partir des coûts fixes de fourniture du gaz naturel [...] ».

Une formule tarifaire traduit la totalité des coûts d'approvisionnement en gaz naturel pour chaque fournisseur (article R. 445-3 du code de l'énergie). La formule tarifaire et les coûts hors approvisionnement permettent de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente de celui-ci.

Les coûts hors approvisionnement comprennent notamment :

- les coûts d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel et, le cas échéant, des réseaux de distribution publique de gaz naturel, résultant de l'application des tarifs d'utilisation des infrastructures de gaz fixés par la Commission de régulation de l'énergie ;

- les coûts d'utilisation des stockages de gaz naturel ;

- les coûts de commercialisation des services fournis (marketing, gestion de clientèle, etc.), y compris une marge commerciale raisonnable.

Aux termes de l'article R. 445-4 du code de l'énergie, un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) « fixe, à l'issue de l'analyse détaillée remise par celle-ci, [...] au plus tard le 1er juillet, les barèmes des tarifs réglementés à partir, le cas échéant, des propositions du fournisseur, ainsi que la formule tarifaire des TRV pour les 12 mois suivants, reflétant l'évolution des coûts d'approvisionnement à un pas de temps mensuel ou trimestriel. » Dit plus simplement, les TRVg sont fixés une fois par an par l'État, sur proposition de la CRE.

Concernant les coûts d'approvisionnement R. 445-5 du code de l'énergie prévoit que « le fournisseur modifie, selon une fréquence définie par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie et au maximum une fois par mois, jusqu'à l'intervention d'un nouvel arrêté tarifaire pris en application de l'article R. 445-4, les barèmes de ses tarifs réglementés en y répercutant les variations des coûts d'approvisionnement en gaz naturel, telles qu'elles résultent de l'application de sa formule tarifaire ».

En résumé, l'évolution mensuelle des TRV de gaz naturel reflète donc les variations de la composante « approvisionnement » seulement, à l'exception du mois de juillet où l'évolution des TRV intègre aussi la révision des coûts hors approvisionnement.

Source : commission des finances

Décomposition des coûts couverts par la facture au tarif réglementé de vente
de gaz naturel d'Engie pour un client moyen en octobre 2021

Source : GRDF

La France important 99 % du gaz naturel qu'elle consomme, elle est fortement exposée aux variations des prix du gaz sur les marchés européens et mondiaux, et en conséquence les TRVg, par la composante « approvisionnement » essentiellement, sont également affectés. Ainsi, entre juin et octobre 2021, le TRVg moyen a augmenté de près de 44 %.

À partir de l'automne 2021, le TRVg a été gelé, pour éviter que la crise énergétique ait des conséquences trop importantes sur les ménages. Toutefois, la Commission de régulation de l'énergie a continué à publier, pour référence, les TRVg tels qu'ils seraient s'ils n'y avaient pas eu le gel des prix. Pour cette raison, cette mesure est parfois appelée « TRVg non gelés ».

La Commission de régulation de l'énergie, dans une délibération du 22 juin 2022 avait par exemple indiqué qu'en l'absence de prolongation du gel tarifaire, les TRVg auraient augmenté de 51,31 % hors taxes à compter du 1er juillet 2022 par rapport aux tarifs gelés à leur niveau d'octobre 2021.

Comparaison de l'évolution des TRVg avec et sans gel
entre janvier 2019 et juillet 2022

Source : commission de la régulation de l'énergie

Dans le sens inverse, la diminution du prix de gros du gaz en 2023 a également conduit à une diminution des TRVg, si bien qu'ils se trouvent en dessous de la limite de prix définie lors de la prolongation du bouclier tarifaire gaz par la loi de finances initiale pour 2023, c'est-à-dire le niveau des TRVg en octobre 2021 augmenté de 15 %.

B. S'ILS ONT FORTEMENT BAISSÉ DEPUIS LE DÉBUT DE L'ANNÉE, LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ EN FRANCE DEMEURENT PLUS ÉLEVÉS QU'AILLEURS EN EUROPE ; LEUR ÉVOLUTION EST INCERTAINE

1. Après avoir atteint son acmé en 2022, la crise des prix de l'électricité s'atténue même si les prix restent très nettement supérieurs à leur niveau d'avant crise
a) L'automne et l'hiver 2021 : la première phase de la crise

Dans le sillage de la hausse des prix du gaz, en raison du système de formation des prix de l'électricité sur le marché européen (voir encadré infra), les prix de gros de l'électricité se sont envolés à partir de l'automne 2021 pour atteindre des sommets historiques jamais observés auparavant.

Pourquoi la hausse des prix de l'électricité est-elle corrélée à celle du gaz ? La formation des prix de l'électricité sur le marché européen selon la règle de « l'ordre de mérite »

Dans le cadre du marché européen de l'énergie, et selon le principe dit de « l'ordre de mérite » ou de la « vente au coût marginal », la formation du prix de gros de l'électricité est déterminée par le prix de production de la dernière centrale nécessaire pour satisfaire la demande. C'est la centrale dite « marginale ».

En règle générale, en Europe, en cas de pic de consommation, il s'agit souvent d'une centrale à gaz. Cette modalité de fixation des prix de gros de l'électricité explique la dépendance des prix de l'électricité à l'évolution des cours du gaz.

Le prix de l'électricité sur les marchés « spot » à court terme est extrêmement dépendant de l'évolution du prix des intrants qui alimentent les centrales électriques marginales et donc particulièrement des cours du gaz.

Source : commission des finances du Sénat

Alors qu'avant la crise, la moyenne de prix s'établissait autour de 50 euros par mégawattheure (MWh) et que le précédent record historique était de 93 euros/MWh lors de la crise financière de 2008, les prix du marché à terme de douze mois (CAL Y+1) ont constamment progressé au cours de l'hiver 2021-2022 pour dépasser les 400 euros/MWh au mois de janvier 2022.

Évolution des prix de marché à terme (un an, deux ans et trois ans) de l'électricité (juin 2021 - juin 2022)

(en euros/MWh)

Source : site internet du courtier Opéra énergie

b) L'été 2022 : le paroxysme de la crise

Dès le mois de juin 2022, la crise des prix de l'électricité a repris de plus belle pour atteindre son apogée en août 2022, mois au cours duquel les prix de gros à douze mois ont tutoyé les 1 200 euros/MWh. Ils ont ensuite fluctué entre 500 et 600 euros/MWh jusqu'à l'automne avant de retomber autour de 450 euros en fin d'année.

Évolution des prix de marché à terme (un an, deux ans et trois ans) de l'électricité (juin 2022 - juin 2023)

(en euros/MWh)

Source : site internet du courtier Opéra énergie

En France, en 2022, la crise des prix de l'électricité s'est trouvée exacerbée par une production d'électricité historiquement basse en raison des difficultés d'exploitation du parc nucléaire d'EDF. Alors que les maintenances liées au programme de « grand carénage »3(*), avaient pris du retard, l'opérateur a été confronté à un phénomène de corrosion sous contrainte qui l'a conduit à mettre à l'arrêt de nombreux réacteurs afin de les inspecter. Au total, 26 réacteurs, soit la moitié du parc, étaient à l'arrêt à l'automne 2022. En outre, la sécheresse de l'année 2022 a provoqué une réduction importante de la production électrique d'origine hydraulique. Cette situation explique qu'en 2022, la hausse des prix de l'électricité a été plus forte en France qu'ailleurs en Europe, notamment en Allemagne.

Dans une étude du mois de décembre 2022 consacrée aux prix de gros de l'électricité en 20224(*), la CRE a analysé les raisons de l'explosion des prix. Elle met notamment en exergue l'extrême illiquidité du marché de l'électricité en France au moment du paroxysme de la crise. Elle note notamment que « dans cette situation de très forte incertitude, la couverture individuelle des risques liés aux activités physiques (production, fourniture, consommation, échanges aux frontières) conduit d'un côté à des achats supérieurs à la moyenne des besoins anticipés et de l'autre côté à une réduction des ventes sur les marchés à terme. Cela contribue mécaniquement à une tension sur les marchés à terme encore plus forte que celle de l'équilibre physique global anticipé, de nature à expliquer, au moins en partie, le renchérissement des prix en France ». En raison des craintes sur la disponibilité du parc nucléaire français, le marché de l'électricité a ainsi été soumis à une tension extrême au cours de l'été et de l'automne 2022. Elle note également que « les volumes échangés sur les marchés à terme français ont significativement chuté en 2022 » rendant ainsi la couverture des risques plus difficile et contribuant à une plus grande volatilité des prix de marché.

c) 2023 : malgré une baisse significative, les prix demeurent élevés et les facteurs de volatilité restent présents en France

Depuis le mois de décembre 2022, on observe une détente des prix de marché. L'amorce de cette détente est corrélée avec la diminution observée sur les prix du gaz mais aussi avec la hausse progressive des capacités de production du parc nucléaire d'EDF et la douceur de l'hiver 2022-2023. Les prix constatés depuis le mois de janvier 2023, autour de 200 euros/MWh5(*) restent encore quatre fois supérieurs au niveau moyen observé avant la crise.

En mars et en avril 2023, un ressaut inquiétant des prix a été constaté en France, en décalage avec l'évolution des prix constatés chez nos voisins, notamment allemands. Le marché de l'électricité français était alors de nouveau confronté à un manque de liquidité et de profondeur. Cette situation témoignait des incertitudes persistantes relatives à la production du parc nucléaire français au cours de l'hiver 2023-2024. Ces inquiétudes provenaient probablement des nouvelles difficultés liées aux phénomènes de corrosion sous contrainte ainsi qu'à l'impact des grèves dans les centrales sur les opérations de maintenance du parc.

Cet épisode révèle l'incertitude forte qui demeure sur l'évolution des prix de l'électricité en France ce qui complique la capacité des pouvoirs publics à se projeter pour calibrer de façon suffisamment anticipée d'éventuels prolongements des mécanismes de soutiens aux consommateurs mis en place depuis la fin de l'année 2021.

2. L'exposition des consommateurs à la volatilité des prix de marché

a) Les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) sont de plus en plus exposés à la volatilité des prix de marché

Les dispositions du code de l'énergie réservent aujourd'hui l'éligibilité des TRVe aux ménages6(*) et aux petits « consommateurs finals non domestiques », notamment des TPE ou de petites communes qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels ne dépassent pas 2 millions d'euros, à condition que la puissance d'électricité souscrite des sites concernés soit inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (kVA). Les TPE dont les niveaux de consommation électrique sont importants ne sont donc pas éligibles aux TRVe. Une majorité des boulangers, des bouchers, des fleuristes et des petits restaurateurs se retrouvent par exemple dans cette situation.

Au 30 septembre 2022, d'après le bilan de l'ouverture des marchés de détail de l'énergie pour le troisième trimestre 2022 publié par la CRE en mars 2023, 21,5 millions de ménages en France bénéficient d'une offre au TRVe ainsi que 1,5 million de sites non résidentiels.

Les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) sont ce que l'on appelle des tarifs « intégrés » ayant vocation à couvrir tant les coûts de production que les coûts de commercialisation et d'acheminement. Conformément aux dispositions du code de l'énergie, la CRE transmet au moins une fois par an au Gouvernement des propositions motivées de TRVe. Le calcul de ces TRVe passe par l'application du principe dit de « l'empilement des coûts » qui doit rendre ce tarif reproductible et « contestable » par les fournisseurs alternatifs. Le niveau des TRVe se trouve ainsi déterminé par l'addition des coûts suivants :

- le coût d'approvisionnement de la part relevant des droits théoriques au dispositif de l'ARENH, fixé à un montant, censé refléter les coûts de production du parc nucléaire, de 42 euros par mégawattheure aujourd'hui, très nettement inférieur aux prix du marché de l'électricité ;

- le coût d'approvisionnement du complément de fourniture après achat des volumes d'ARENH (dit « complément de marché ») et relevant des achats de produits à terme sur les marchés de gros de l'électricité, qui explique la dépendance partielle des TRVe aux évolutions des prix de gros sur le marché européen ;

- le coût d'approvisionnement en capacité, établi à partir des références de prix issues des enchères du mécanisme d'obligation de capacité ;

- le coût d'acheminement par les réseaux de transport et de distribution d'électricité ;

- le coût de commercialisation7(*) ;

- et enfin la rémunération de l'activité de fourniture d'électricité.

Description de la détermination des TRVe par la CRE
selon la méthodologie de l'empilement des coûts

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

Le complément de marché calculé par la CRE correspond à la moyenne des prix de marché à terme pour une année donnée lissée sur 24 mois. Ce système permet d'atténuer l'exposition des TRVe à l'évolution des prix de gros de l'électricité.

Dans le calcul réalisé par la CRE pour 20238(*) le complément de marché représente 33 % de la part d'approvisionnement, soit 17 % du total des TRVe non gelé9(*) HT. Pour mesurer l'exposition globale des TRVe aux prix de gros il est nécessaire de prendre en compte le coût du complément d'approvisionnement en énergie et en garanties de capacité consécutif à l'écrêtement de l'ARENH. En effet, puisque les demandes d'ARENH sont structurellement supérieures au plafond de 100 térawattheures (TWh), le volume initialement pris en compte dans la construction des TRVe, qui correspond aux droits théoriques, est écrêté et une part d'approvisionnement de marché complémentaire doit être ajoutée dans la détermination du niveau des TRVe10(*). Au total, les TRVe se trouvent désormais exposés aux prix de marché à hauteur d'environ 50 % de la part approvisionnement. Dans un rapport de juillet 2022 sur l'organisation des marchés de l'électricité, la Cour des comptes souligne l'exposition de plus en plus forte des TRVe aux prix de marché.

Évolution de la part « fourniture d'énergie » (ARENH et marché) des TRVe
entre 2016 et 2022

(en euros / MWh)

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

Cette évolution explique en partie l'augmentation régulière des TRVe TTC depuis 2014.

Évolution des différentes composantes des TRVe toutes taxes comprises (TTC) destinés aux ménages entre 2013 et 2022

(en euros / MWh)

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

En 2023, les propositions de TRVe non gelés de la CRE11(*) ont révélé de nouvelles hausses de près de 80 % par rapport aux TRVe non gelés proposés en 202212(*) qui avaient déjà augmenté de 45 % par rapport à 2021.

b) Les consommateurs non éligibles aux TRVe sont encore davantage exposés à la volatilité des prix de marché de l'électricité

Si les TRVe se trouvent être de plus en plus affectés par le niveau des prix de marché, l'exposition à la volatilité de ces derniers est encore bien plus prononcé pour les entités qui ne sont pas éligibles aux TRVe.

Ainsi, les TPE qui disposent d'un compteur électrique d'une puissance supérieure à 36 kVA, les petites et moyennes entreprises (PME), les entreprises de taille intermédiaire (ETI) concluent, en moyenne pour une durée de trois ans, des contrats de fournitures sur la base d'offres aux tarifs non régulés proposés par les fournisseurs. Les tarifs prévus dans ces contrats sont par définition plus volatiles et plus dépendants des évolutions des prix de gros de l'électricité. Tout particulièrement dans la période de volatilité extrême actuelle, ces entités se trouvent extrêmement contraintes par la période au cours de laquelle elles doivent renouveler leur contrat.

Enfin, certains gros industriels électro-intensifs se fournissent directement sur les marchés, ce qui les expose davantage à la volatilité de ces derniers.

II. LES DISPOSITIFS DÉDIÉS AUX PETITS CONSOMMATEURS

A. LES BOUCLIERS TARIFAIRES POUR LE GAZ ET L'ÉLECTRICITÉ

1. Le bouclier tarifaire « gaz » a progressivement été élargi à l'ensemble des consommateurs finals résidentiels

Lors d'une intervention télévisée le 21 octobre 2021, le Premier ministre a annoncé le gel du prix du gaz pour toute l'année 2022, au motif que la baisse du prix du gaz, initialement prévue à partir d'avril, interviendrait finalement plus lentement que prévu.

L'article 181 de la LFI pour 2022 traduit cette annonce dans la loi, en prévoyant un mécanisme de compensation pour les fournisseurs de gaz. Il s'agit du premier dispositif de bouclier tarifaire « gaz » mis en place.

L'article 181 prévoit en effet une compensation par l'État, au titre de la compensation des charges de service public de l'énergie, des pertes que les fournisseurs subissent, diminuées des recettes supplémentaires perçues au titre du rattrapage prévu à l'issue de la période de gel des TRVg. La compensation s'applique à la fois pour les fournisseurs historiques, qui proposent des offres aux TVRg, et pour les fournisseurs qui proposent des offres indexées sur les TRVg.

Dès lors, tous les fournisseurs ont l'obligation de répercuter le gel sur leurs offres aux TRVg. L'intérêt d'une telle mesure est que les ménages n'aient aucune charge de trésorerie, puisque le bouclier tarifaire agit en « amont » de la réception de la facture de gaz.

Initialement prévu jusqu'au 30 juin 2022, le bouclier tarifaire « gaz » a été étendu une première fois jusqu'au 31 décembre 2022 par l'arrêté du 25 juin 2022. L'article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de la loi finances pour 2023 a prolongé le bouclier tarifaire, en limitant la hausse des TRVg à 15 % TTC par rapport au prix d'octobre 2021 pour la période du 1er janvier 2023 au 30 juin 2023.

D'abord réservé aux clients avec une offre au TRVg, l'article 37 de la première loi de finances rectificative pour 2022 a étendu le bouclier tarifaire gaz à l'ensemble des clients qui disposent d'un contrat en offre de marché. Pour ce faire, l'article 37 prévoit ainsi un nouveau mécanisme de calcul des pertes de recettes qui a vocation à s'appliquer pour les offres de marché. Les pertes sont calculées en fonction d'un terme unique calculé comme la différence entre le TRVg non gelé et le TRVg avec le bouclier tarifaire qui doit être appliqué aux volumes livrés aux clients.

La loi de finances initiale pour 2023 a en outre inclus dans le périmètre du bouclier tarifaire gaz les propriétaires uniques d'un immeuble à usage principal d'habitation ainsi que les syndicats de copropriétaires d'un tel immeuble.

2. Le dispositif de bouclier sur les prix de l'électricité se matérialise par un gel des TRVe dont le bénéfice s'étend à l'ensemble des clients qui sont éligibles à ces tarifs13(*)

En 2022 puis en 2023, un dispositif dit de « bouclier tarifaire » a été instauré pour limiter les effets de la hausse des prix de marché sur les factures des petits consommateurs éligibles aux TRVe (voir supra). Ce dispositif a permis, en moyenne, de contenir à 4 %14(*) en 2022 puis à 15 % en 2023 les hausses des factures d'électricité des consommateurs éligibles aux TRVe.

Le bouclier tarifaire pour l'année 2022 a été prévu par les dispositions de l'article 181 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2022 tandis que le bouclier tarifaire pour l'année 2023 l'a été par l'article 181 de la LFI pour 2023.

Ce dispositif a consisté en un gel de l'augmentation des TRVe. Ce gel a été instauré par voie réglementaire, sous forme d'arrêtés qui se sont opposés15(*), en vertu des dispositions prévues en LFI pour 2022 puis pour 2023, à l'évolution des TRVe proposée chaque année en janvier par la CRE selon les modalités de calcul prévues par le code de l'énergie. La différence entre le niveau des TRVe non gelés par la CRE et le niveau des TRVe gelés par arrêté est compensée aux fournisseurs par l'État au titre des charges de service public de l'énergie (CSPE).

Cette compensation est également versée aux fournisseurs au titre de leurs consommateurs éligibles aux TRVe qui ne disposent pas de contrats au TRVe, ce qui rend ces derniers également éligibles au dispositif de bouclier tarifaire16(*). De plus, le dispositif dit de « foisonnement » prévu par la loi permet à un fournisseur d'optimiser les compensations qu'il perçoit afin d'en faire davantage bénéficier ses clients qui disposent des contrats de fournitures les plus onéreux. En effet, pour certains clients, qui disposent des contrats les plus compétitifs, le niveau de la compensation s'avère supérieur au montant nécessaire pour réduire leur facture au niveau des TRVe gelés. Dans cette hypothèse, le fournisseur est autorisé à utiliser ce « surplus » de compensation pour réduire davantage la facture d'autres clients qui disposent de contrats plus onéreux, leur permettant ainsi de se rapprocher au maximum du prix des TRVe gelés. Ce dispositif s'applique tout particulièrement pour les petits consommateurs professionnels dont les prix des contrats sont plus dispersés que ceux des particuliers.

En 2022, le dispositif de bouclier tarifaire a été en grande partie financé par EDF à travers un relèvement à hauteur de 20 térawattheures (TWh) du volume d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH). Cette mesure, qui s'est répercutée sur l'ensemble des contrats de fourniture d'électricité, a d'ailleurs bénéficié à l'ensemble des consommateurs, particuliers comme professionnels, très au-delà du périmètre des personnes et entités éligibles au bouclier à proprement parler.

En 2022 comme en 2023, le gel des TRVe a également été en partie financé par la minoration des taux d'accise sur l'électricité (l'ancienne TICFE) à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne. Cette disposition profite également à l'ensemble des consommateurs d'électricité.

B. LES MESURES DÉDIÉES À L'HABITAT COLLECTIF

1. Des dispositifs pour le gaz introduits à partir du printemps 2022

Le décret du 9 avril 2022 a institué une aide pour les ménages vivant dans des logements chauffés collectivement au gaz pour leurs consommations du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022.

Tout comme le bouclier tarifaire gaz, cette aide a été prolongée à plusieurs reprises. Le décret du 14 novembre 2022 l'a étendu pour les consommations du 1er juillet au 31 décembre 2022, et le décret du 30 décembre 2022 pour l'ensemble des consommations de l'année 2023.

Ce mécanisme vise les logements collectifs, comme les copropriétés ou les logements, chauffés collectivement au gaz, via un contrat d'achat direct de gaz naturel, dans le cadre d'un contrat d'exploitation de chaufferie et par un réseau. Il faut relever que les copropriétés sont intégrées depuis le 1er janvier 2023 au bouclier tarifaire gaz « classique », ce qui ne facilite pas la lisibilité du dispositif. Malgré cela, le mécanisme sera tout de même appelé « mécanisme d'aide pour le chauffage collectif au gaz » dans la suite du rapport.

Contrairement au bouclier tarifaire gaz, le gel des prix pour les ménages n'est pas répercuté par les fournisseurs de gaz, mais par les gestionnaires de copropriétés et logements sociaux, qui les prennent en compte dans le calcul des charges. En retour, les gestionnaires bénéficient d'une aide forfaitaire de la part des fournisseurs de gaz. Le mécanisme d'aide pour le chauffage collectif doit permettre une protection équivalente à celle du bouclier tarifaire gaz.

En outre, les structures qui ont souscrit à des contrats à prix très hauts au second semestre 2022 bénéficient d'une aide complémentaire : au-delà du TRV non gelé majoré de 30 %, la facture est prise en charge à hauteur de 75 % par l'État.

Fonctionnement du mécanisme d'aide pour le chauffage collectif au gaz

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général sur le suivi des mesures relatives à l'énergie

Les résidences sociales, et certaines formes de résidence spécifiques, ont été progressivement incluses dans ce mécanisme.

Le décret du 14 décembre 2022 a ainsi inclus les établissements hébergeant des personnes âgées (Ehpad) ou handicapées17(*), les casernes de gendarmerie, les logements en intermédiation locative, et les logements mobilisés pour l'accueil de personnes défavorisées18(*). Le décret du 30 décembre 2022 a une nouvelle fois élargi le mécanisme pour les organismes d'accueil communautaire et d'activité solidaires19(*), les structures de l'aide sociale à l'enfance, et les établissements de la production judiciaire de la jeunesse.

Calendrier de mise en oeuvre du dispositif d'accompagnement des prix du gaz dédié à l'habitat collectif

Source : ministère de la transition énergétique

2. Des mesures ad hoc pour les prix de l'électricité crées très tardivement

Si l'habitat collectif s'est révélé être le grand oublié des premières mesures de soutien aux prix de l'énergie mises en oeuvre en fin d'année 2021 et au début de l'année 2022, au sein même de l'habitat collectif, le chauffage collectif à l'électricité est demeuré une autre lacune. Alors même que la situation du chauffage collectif au gaz avait été traitée par voie règlementaire en avril 2022, il a fallu attendre le 30 décembre 2022 pour qu'un dispositif équivalent soit prévu pour l'électricité. Ce sont en effet deux décrets du 30 décembre 2022 qui ont instauré un tel dispositif, le premier rétroactivement pour la période s'étendant du 1er juillet 2022 au 31 décembre 202220(*) et le second pour l'année 202321(*).

Ces dispositifs concernent les particuliers résidant en logements collectifs (immeubles d'habitation en copropriété, en location privée ou en logement social) chauffés collectivement à l'électricité par un contrat de fourniture d'électricité, dans le cadre d'un contrat d'exploitation de chaufferie ou par un réseau de chaleur. Ces dispositifs concernent également les casernes de gendarmerie, les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou handicapées, les logements en intermédiation locative, les logements mobilisés pour l'accueil de personnes défavorisées22(*) ou encore les structures de l'aide sociale à l'enfance et les établissements de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce dispositif bénéficie également aux opérateurs de bornes de recharge23(*).

Ces dispositifs interviennent ex-post et induisent donc, à la différence du bouclier tarifaire, une avance de trésorerie de la part des consommateurs. Ils ont vocation à être répercutés sur leurs charges par les bailleurs et copropriétés. S'ils n'exigent aucune démarche des consommateurs eux-mêmes, ces dispositifs supposent que les bailleurs et les syndics de copropriétés signalent leurs sites éligibles aux fournisseurs par le moyen d'une attestation sur l'honneur.

Le mode de calcul des aides est équivalent à celui prévu dans le cadre du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité, soit la différence entre les TRVe non gelés et les TRVe gelés. Toutefois, en 2022 tout particulièrement, des organismes gestionnaires de logements collectifs ont pu renouveler leurs contrats de fourniture à des prix extrêmement élevés, bien supérieurs au niveau des TRVe non gelés calculés par la CRE. Aussi, le montant de compensation prévu par les mécanismes du bouclier tarifaire ne permet pas de contenir les évolutions de tarifs de façon aussi efficace que le bouclier peut le faire pour les résidents qui disposent de leur propre contrat de fourniture d'électricité.

Pour cette raison liée à la différence de nature entre les contrats de fourniture d'électricité individuels et collectifs, les dispositifs prévoient que pour les contrats souscrits en 2022, l'aide soit bonifiée par rapport à celle dont bénéficient les consommateurs individuels dans le cadre du bouclier. Cette bonification doit être versée lorsque le prix prévu au contrat est de plus de 30 % supérieur au prix du TRVe non gelé. Au-delà de ce seuil, 75 % du prix de l'électricité contractualisé doit être pris en charge par l'État.

Calendrier des procédures relatives aux dispositifs d'aides relatifs au chauffage collectif électrique

Source : ministère de la transition énergétique

C. DES CHÈQUES ET DES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT DESTINÉS À COMPENSER LA HAUSSE DES PRIX DU CARBURANT ET DES COMBUSTIBLES SONT VENUS COMPLÉTER LE DISPOSITIF

1. Une pluralité de chèques exceptionnels

Sans que son régime ne soit modifié de façon structurelle, le dispositif du chèque énergie a été sensiblement affecté par la crise des prix de l'énergie. Les pouvoirs publics ont recouru à ce mécanisme pour mettre en oeuvre des aides complémentaires destinées aux ménages modestes, sous forme de chèques exceptionnels, ou visant spécifiquement certaines catégories de combustibles de chauffage en raison de l'augmentation des prix des énergies concernées.

Ainsi, un chèque énergie exceptionnel de 100 euros avait été distribué à tous les bénéficiaires du chèque énergie (5,8 millions de ménages) à la fin de l'année 2021. Adoptés dans le cadre de la LFR de fin d'année 2021, les crédits nécessaires à cette première mesure ont atteint 600 millions d'euros. Un nouveau chèque énergie exceptionnel, cette fois étendu jusqu'au quatrième décile de revenus (12 millions de ménages) a été prévu par la seconde LFR pour 2022 pour 1,8 milliard d'euros. Le montant versé était de 200 euros pour les 5,8 millions de ménages bénéficiaires du chèque énergie de droit commun (deux premiers déciles de revenus) et 100 euros pour les autres ménages (troisième et quatrième déciles).

Par ailleurs, la première et la seconde LFR pour 2022 ont également ouvert des crédits budgétaires, à hauteur de 230 millions d'euros pour chaque dispositif, afin d'instaurer des aides destinées à accompagner les ménages qui se chauffent au fioul domestique d'une part et au bois d'autre part.

Le « chèque fioul » concerne les cinq premiers déciles de revenus, soit 1,6 million de ménages et correspond à une aide de 200 euros pour les bénéficiaires du chèque énergie et de 100 euros pour les autres.

Le « chèque bois » s'adresse quant à lui aux sept premiers déciles de revenus, soit 2,6 millions de ménages, pour un montant de 50 à 200 euros en fonction des revenus, de la composition du ménage et du type de combustible bois utilisé. Ces aides sont cumulables avec le chèque énergie classique ainsi qu'avec le chèque énergie exceptionnel pour 2022.

2. Aides aux carburants : d'une remise généralisée à une indemnité ciblée

Pour répondre à la hausse des prix observée au printemps 2022, une remise sur les prix des carburants à hauteur de 15 centimes d'euros hors taxes (HT) a été mise en oeuvre par voie réglementaire au moyen d'un décret du 25 mars 202224(*). Cette aide devait initialement intervenir sur la période allant du 1er avril au 31 juillet 2022. Pour la financer, 3 milliards d'euros ont été ouverts sur le programme 345 « Service public de l'énergie » dans le cadre du décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

Dans le cadre de la première LFR pour 2022, ce dispositif a été prolongé et même amplifié à hauteur de 25 centimes d'euros HT du 1er septembre au 15 novembre 2022 avant de diminuer à 8,33 centimes d'euros HT jusqu'à la fin de l'année. Cette seconde période de la remise a été financée par 4,7 milliards d'euros de crédits supplémentaires inscrits et consommés cette fois sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

Tous les publics ont été concernés par cette aide générale, indépendamment du régime fiscal dont relève le carburant et son usage. L'intégralité des carburants utilisés pour les transports routier, fluvial, ferroviaire ou pour la pêche ont été subventionnés. Toutes les essences, tous les gazoles ainsi que le gaz de pétrole liquéfié (GPL) carburant et le gaz naturel véhicules étaient concernés.

L'aide était directement versée aux opérateurs chargés de fournir ou mettre à la consommation les carburants, elle était ensuite répercutée par eux sur les prix, au bénéfice du consommateur final. Des entreprises distribuant du carburant, notamment routier, ont mis en place des dispositifs d'aide complémentaires qui ont contribué à baisser le prix effectif payé à la pompe par le consommateur.

Cette remise carburant non ciblée a été remplacée au 1er janvier 2023 par une indemnité de 100 euros ciblée sur les travailleurs modestes qui utilisent leur véhicule individuel pour se rendre sur leur lieu de travail. 1 milliard d'euros de crédits a été adopté dans le cadre de la LFI pour 2023 afin de financer cette aide effectivement instaurée par un décret du 2 janvier 202325(*).

III. LES DISPOSITIFS DÉDIÉS AUX PROFESSIONNELS ET AUX COLLECTIVITÉS

A. LES AMORTISSEURS

1. L'amortisseur de droit commun

L'article 181 de la LFI 2023 a créé un mécanisme de soutien baptisé « amortisseur » sur les prix de l'électricité. Cet article prévoit que les entités éligibles à ce nouveau dispositif bénéficient d'une baisse du prix de leur fourniture d'électricité égale à un montant en euros/MWh correspondant à la différence entre le prix de l'électricité du contrat et un « prix d'exercice » (un prix de référence) dans la limite d'un « plafond » exprimé lui aussi en euros/MWh. Cette réduction s'applique sur une certaine « quotité » de consommation d'électricité du client final.

En application de l'article 181 de la LFI pour 2023, le décret n° 2022-1774 du 31 décembre 202226(*) a précisé les trois paramètres qui doivent déterminer le calcul de l'amortisseur, à savoir la quotité de consommation d'électricité concernée, fixée à 50 %, le prix d'exercice de référence, fixé à 180 euros/MWh et, enfin, le plafond d'aide, fixé à 320 euros /MWh.

L'application de l'amortisseur électricité revient ainsi à réduire la facture des clients éligibles, pour la moitié des volumes consommés, de l'écart entre le prix de l'électricité de leur contrat et le prix d'exercice de 180 €/MWh, cette réduction étant plafonnée à 320 €/MWh. L'aide annuelle maximale27(*) découlant de ces paramètres est ainsi de 160 €/MWh.

Première illustration du mécanisme d'amortisseur

Source : ministère de la transition écologique

Deuxième illustration du mécanisme d'amortisseur (avec atteinte du plafond)

Source : ministère de la transition écologique

Le même décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022 définit les consommateurs finals éligibles au dispositif d'amortisseur (voir encadré ci-après).

Les consommateurs finals éligibles à l'amortisseur

Sont éligibles au mécanisme d'amortisseur, les consommateurs finals autres que ceux éligibles au dispositif de bouclier tarifaire électricité appartenant à l'une des catégories suivantes :

1° Les PME28(*) ;

2° Les personnes morales de droit public qui emploient moins de 250 personnes et dont les recettes annuelles n'excèdent pas 50 millions d'euros ;

3° Les personnes morales de droit public ou privé29(*) dont les recettes annuelles provenant de financements publics, de taxes affectées, de dons ou de cotisations, sont supérieures à cinquante pour cent des recettes totales.

4° Les collectivités territoriales et leurs groupements.

Source : décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022 pris en application des VIII et IX de l'article 181 de la loi no 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

2. Le « sur-amortisseur » TPE improvisé en catastrophe pour répondre à la crise dite des « boulangers »

En raison notamment des difficultés rencontrées par les boulangers et les autres TPE dont le cycle productif nécessite une puissance élevée et ainsi non éligibles aux TRVe et, par voie de conséquences, au bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité (voir supra), le Gouvernement, après une concertation avec les fournisseurs, a mis en oeuvre par voie réglementaire un dispositif spécifique destiné à celles de ces TPE qui ont renouvelé leur contrat de fourniture d'électricité en 2022.

Ce dispositif, qualifié de « sur-amortisseur » dans la mesure où il fonctionne selon les mêmes modalités que l'amortisseur mais avec des paramètres calibrés différemment, doit permettre de garantir à ces TPE, en 2023 un prix de leur électricité de 230 euros/MWh.

Les modalités précises de cette aide ont été définies dans un décret du 3 février 202330(*) modifiant le décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022. Le décret précise notamment que les entreprises éligibles au sur-amortisseur sont celles :

- qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros, pour leurs sites souscrivant une puissance supérieure à 36 kilovoltampères (TPE et assimilées) ;

- ayant signé ou renouvelé un contrat de fourniture d'électricité au titre de 2023 entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022 ;

- dont le prix de la part variable de l'électricité hors taxes, hors acheminement, moyen en euros par MWh résultant de leur contrat pour l'année 2023 excède 280 euros/MWh en moyenne annuelle.

Calqué sur le fonctionnement de l'amortisseur, le mécanisme TPE retient les paramètres suivants : une quotité de consommation d'électricité éligible fixée à 100 %, un prix de référence de 230 euros/MWh et un plafond de 1 500 euros/MWh.

B. 7 MILLIARDS D'EUROS D'AIDES DE GUICHET BUDGÉTÉS SUR LA MISSION ÉCONOMIE QUI NE TROUVENT PAS LEUR PUBLIC

Un mécanisme d'aides de guichet destiné à soutenir les entreprises les plus consommatrices d'énergie a été créé dans le cadre du plan dit de résilience. Une première tranche de 1,5 milliard d'euros de crédits a été inscrite sur la mission « Économie » via le décret d'avance du 7 avril 202231(*). Une deuxième tranche de crédits de 1,5 milliard d'euros a été ouverte dans le cadre de la première loi de finances rectificative (LFR) pour 202232(*).

Cependant, en raison de critères trop restrictifs et d'une procédure trop complexe, ces aides n'ont pas atteint leur public et seulement 80 millions d'euros ont été effectivement consommés en 2023 sur l'enveloppe totale de 3 milliards d'euros.

Après des négociations avec la Commission européenne, en novembre 2022, les critères et les procédures des aides ont été simplifiées et une nouvelle tranche de 4 milliards d'euros de crédits a été adoptée et portée sur la mission « Économie » dans le cadre de l'examen de la LFI pour 2023.

Désormais, le mécanisme d'aides de guichet pour le paiement des factures de gaz et d'électricité est conditionné à deux critères :

- un prix de l'énergie ayant augmenté de plus de 50 % sur la période considérée par rapport au prix moyen payé en 2021 ;

- des dépenses d'énergie d'au moins 3 % du chiffre d'affaires sur la période considérée.

Il ressort des auditions conduites par le rapporteur spécial que le fonctionnement de ces aides reste très insatisfaisant, ce qui expliquerait en grande partie le bilan très mitigé du soutien dont ont pu bénéficier les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises par rapport à leurs homologues, en particulier allemandes.

DEUXIÈME PARTIE

UN PREMIER BILAN QUALITATIF ET QUANTITATIF DES DISPOSITIFS

I. LE BILAN QUALITATIF DES DISPOSITIFS

A. UN MANQUE D'ANTICIPATION ET UNE IMPRÉPARATION RÉCURRENTS DU GOUVERNEMENT ONT ENTRAVÉ LES CONDITIONS D'ÉLABORATION ET DE MISE EN oeUVRE DES MESURES

1. Des mesures conçues dans l'urgence et de manière itérative quand bien même elles auraient pu être davantage anticipées

Si la nécessité d'avoir mis en oeuvre des dispositifs destinés à atténuer les effets de la crise des prix de l'énergie sur les consommateurs n'est remise en cause par personne, les acteurs impliqués sont unanimes pour regretter les conditions d'urgence et de précipitation qui ont présidé à la conception et à la mise en oeuvre des mesures. Les effets néfastes induits par ce phénomène ont par ailleurs été exacerbés par l'extrême complexité de dispositifs qui auraient exigé bien davantage d'anticipation de la part de l'exécutif.

Car, et c'est l'un des enseignements tirés du cycle d'auditions du rapporteur spécial, cette situation d'urgence et de précipitation était tout sauf une fatalité. Pour chacune des chroniques qui ont émaillé la mise en oeuvre chaotique des aides, il est apparu que le Gouvernement avait reçu des alertes multiples et émanant de nombreux acteurs très en amont d'arbitrages qui ont été pris de façon beaucoup trop tardive. La commission de régulation de l'énergie (CRE), les fournisseurs ainsi que les organisations représentatives des consommateurs professionnels comme des particuliers dressent ce constat de façon unanime.

Ce manque d'anticipation caractérisé s'est manifesté à de nombreuses reprises depuis la fin de l'année 2021. Le tempo de la décision de relever de 20 térawattheures (TWh) le volume du plafond d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) en est un premier exemple. Cette décision n'est intervenue qu'en janvier 2022, alors même que le guichet ARENH annuel organisé par la CRE avait été organisé en novembre 2021. Aussi, un dispositif ad hoc complexe a dû être appliqué pour mettre en oeuvre cette augmentation du volume d'ARENH à compter du mois d'avril 2022 après la publication d'arrêtés et de délibérations de la CRE en mars de la même année. Cette mise en oeuvre très tardive a pénalisé l'ensemble des acteurs impliqués, et en particulier l'entreprise Électricité de France (EDF), dans un domaine où, en raison de l'enjeu des stratégies d'approvisionnement, et plus encore du fait de la volatilité extrême des prix, le besoin de visibilité est important.

Loin de tirer les leçons de ces premières expériences malheureuses, le Gouvernement, prenant le risque de fragiliser le tissu économique national, a récidivé dans son déficit d'anticipation. À la lumière de ses auditions, le rapporteur spécial a notamment pu constater que, malgré les signes avant-coureurs et les alertes qui lui étaient parvenues dès le printemps 2022, l'exécutif n'a rien fait pour anticiper la hausse fulgurante des prix du gaz et plus encore de l'électricité qui s'est déclenchée en juin 2022 pour atteindre son apogée au mois d'août de la même année.

Très tôt les fournisseurs ont pourtant tiré le « signal d'alarme » dans la perspective d'une vague importante de renouvellements de contrats de fourniture d'électricité qui allait intervenir au plus mauvais moment, celui où la crise des prix de l'électricité devait atteindre son paroxysme. L'exécutif était pleinement conscient de la situation à venir mais il ne l'a pas anticipée. Dans une forme de déni, il a préféré repousser l'échéance pour réagir « dos au mur », dans l'improvisation, la précipitation et la cacophonie aggravée par une communication souvent illisible et parfois contradictoire (voir infra).

Le Gouvernement s'est aussi manifesté par son manque de réactivité pour combler les « trous dans la raquette » des dispositifs d'aides initiaux. Ce phénomène s'est traduit par une construction très itérative et confuse de l'architecture globale des dispositifs de soutien. L'oubli de certains publics ou la sous-estimation des effets de la crise sur certaines catégories de consommateurs provient d'une autre difficulté, à savoir le manque d'informations dont disposent les pouvoirs publics et même les fournisseurs sur les profils de consommation et l'exposition des différents types de consommateurs (voir infra). Toutefois, alerté en amont de ces lacunes, le Gouvernement a réagi de façon beaucoup trop lente.

À ce titre, entre l'automne 2021 et le printemps 2022, alors même que les prix du gaz flambaient et que les acteurs du secteur, notamment l'Union sociale pour l'habitat (USH), alertaient régulièrement le Gouvernement sur cette situation intenable, aucune mesure n'a été mise en place pour protéger l'habitat collectif alors que dans le même temps, le pouvoir d'achat des autres ménages était protégé par les boucliers sur les prix du gaz et de l'électricité. Il aura ainsi fallu attendre un décret d'avril 202233(*) pour qu'un dispositif soit prévu en faveur des ménages vivant dans des logements chauffés collectivement au gaz naturel.

En revanche, à cette date, rien n'était encore prévu pour les ménages vivant dans des logements chauffés collectivement à l'électricité. Si les enjeux au niveau national sont moins importants que pour le gaz34(*), cette situation laissait subsister une inégalité de traitement évidente pour les ménages concernés. Très tôt au cours de l'année 2022 cette problématique a été soulevée, l'exécutif étant unanimement appelé à corriger ce défaut manifeste. Pourtant il aura fallu attendre la fin de l'année 2022 pour que deux décrets du 30 décembre prévoient un dispositif rétroactif qui s'applique au second semestre 202235(*) et un autre pour l'année 202336(*).

La situation peut-être la plus emblématique du manque d'anticipation du Gouvernement a été la crise dite des « boulangers » en début d'année 2023 qui a finalement abouti à la mise en oeuvre du nouveau dispositif dit de « sur-amortisseur » ou de « garantie 280 euros » destiné à venir en aide aux TPE fortement consommatrices d'électricité37(*) non éligibles au bouclier (voir supra) qui avaient conclu des contrats de fourniture à des prix très élevés en 2022, à l'apogée de la flambée des prix de l'électricité. L'improvisation en catastrophe de ce dispositif n'était en rien une fatalité. La problématique était clairement identifiée depuis plusieurs mois et les professionnels comme la CRE avaient alerté à plusieurs reprises le Gouvernement sur la sensibilité et l'enjeu économique liés à l'exposition de ces TPE à la crise des prix de l'électricité.

2. Des pratiques gouvernementales qui ont affaibli les prérogatives de la représentation nationale

Le manque d'anticipation et la précipitation de l'exécutif dans la conception des différents dispositifs de soutien ont également porté un préjudice certain à la qualité des débats parlementaires. En effet, lors de l'examen des projets de loi de finances (PLF) pour 2022 et 2023, des dispositifs aussi complexes, aussi sensibles et aussi porteurs d'enjeux, notamment pour les finances publiques, que les boucliers tarifaires ou l'amortisseur ont été introduits par des amendements du Gouvernement présentés tardivement, sans évaluation préalable sérieuse et sans donner à la représentation nationale le temps et les informations suffisantes pour délibérer de façon suffisamment éclairée.

Le manque de préparation du Gouvernement était tel que lors de l'examen des PLF pour 2022 et 2023 il a même proposé, en cours d'examen, et jusque dans les dernières étapes de la procédure législative, des modifications très substantielles des dispositifs qu'il avait lui-même introduits par le dépôt d'amendements tardifs.

Ainsi, dans le cadre de l'examen du PLF pour 2022, une première version des dispositions législatives concernant les boucliers tarifaires sur les prix du gaz et de l'électricité a été introduite par deux amendements déposés par le Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale. Cependant, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a déposé un nouvel amendement très technique et substantiel qui apportait de profondes modifications au dispositif de bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité qui, à ce stade, ne reposait que sur la minoration des taux de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). L'article 181 de la LFI pour 2022 qui fixe les dispositions législatives des boucliers tarifaires pour 2022 a été le résultat de ces itérations tardives.

Les conditions dans lesquelles la représentation nationale a eu à délibérer des mesures fiscales et budgétaires proposées par l'exécutif dans le cadre de l'examen du PLF pour 2023 ont été plus insatisfaisantes encore, manifestant une véritable forme de mépris du Gouvernement pour le Parlement. Sans pouvoir invoquer cette fois les impératifs d'un contexte profondément nouveau qui aurait pu expliquer son impréparation et sa manière d'agir dans l'urgence et la précipitation, le Gouvernement, sans égard pour la bonne information et les prérogatives de la représentation nationale ainsi que pour le bon déroulement des débats parlementaires, a réitéré la méthode employée au cours de l'examen du PLF pour 2022.

Il a ainsi introduit par amendement en cours d'examen, sans que la représentation nationale puisse disposer d'une étude d'impact digne de ce nom, une première version des nouveaux dispositifs de boucliers tarifaires et d'amortisseur pour 2023. La plupart des paramètres relatifs à ces dispositifs avaient été distillés progressivement par voie de presse sans cohérence d'ensemble et sans que le Parlement ne soit en capacité de disposer de toutes les informations nécessaires à l'évaluation des effets de ces dispositifs.

Lorsque l'on sait que la crise des prix de l'énergie avait battu son plein tout au long de l'année 2022 et que depuis plusieurs mois il était très clair que des mesures de soutien en faveur des particuliers comme des professionnels seraient indispensables en 2023, un tel aveu d'impréparation est confondant.

Son absence d'anticipation et son niveau d'impréparation étaient tels que le Gouvernement a même déposé très tardivement en première lecture au Sénat, au stade de l'examen en séance, un amendement extrêmement technique qui révisait très substantiellement ces dispositifs, et tout particulièrement le mécanisme d'amortisseur. Toutefois, il est encore apparu que le dispositif n'était pas opérationnel et le Gouvernement a déposé, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, un nouvel amendement visant à modifier une fois encore le dispositif d'amortisseur.

Pour des dispositifs si nécessaires au soutien des consommateurs et dont les enjeux financiers pour l'État se comptent en dizaines de milliards d'euros, il n'est pas acceptable que la représentation nationale ait eu à se prononcer dans des délais d'examens si contraints et sans disposer des éléments d'information suffisants à une prise de décision pleinement éclairée.

Ces conditions d'examen déplorables expliquées par l'impréparation de l'exécutif se sont même reproduites de manière exacerbées dans le cadre de l'adoption de la contribution sur la rente inframarginale de production d'électricité (CRI).

3. Le manque d'anticipation de l'exécutif a fortement perturbé les conditions de mise en oeuvre des mesures

La CRE a fait savoir au rapporteur spécial qu'elle regrettait que le défaut d'anticipation et les atermoiements de l'exécutif aient conduit à la définition très tardive des contours de dispositifs particulièrement complexes. Cette situation a très fortement perturbé leur mise en oeuvre.

En effet, en raison d'arbitrages gouvernementaux beaucoup trop tardifs, de dispositifs législatifs improvisés et révisés en profondeur jusque dans les derniers moments de l'examen du PLF pour 2023 et de textes règlementaires d'application publiés très tardivement, la CRE a dû construire, elle-même en urgence, et dans des conditions tout sauf optimales, la doctrine de ces dispositifs très complexes. Elle a ainsi dû publier, dans des délais très contraints, des lignes directrices qui sont venues fixer rétroactivement les règles de plusieurs dispositifs qui entraient en vigueur au 1er janvier 2023, au premier rang desquels l'amortisseur et le sur-amortisseur.

Il a en effet fallu attendre le début du mois de février 2023 pour que les différents textes réglementaires d'application des dispositions législatives soient publiés, certains ayant même été révisés à plusieurs reprises. Dans le prolongement, la CRE a publié des délibérations jusqu'en mars 2023 pour établir la doctrine des différents dispositifs et donner ainsi aux fournisseurs d'énergie la visibilité qu'ils attendaient. Une dernière délibération doit encore être prise par la CRE en juillet 2023 pour préciser aux fournisseurs les éléments qu'ils seront tenus de lui remettre pour qu'elle puisse évaluer leurs coûts d'approvisionnement.

Le manque d'anticipation originel du Gouvernement s'est répercuté tout au long du processus et a perturbé l'ensemble des maillons de la chaîne jusqu'aux fournisseurs d'énergie qui ont dû mettre en oeuvre les nouvelles mesures dans la précipitation, dans des délais extrêmement contraints, après la publication tardive des textes réglementaires et des lignes directrices de la CRE. Cette situation, qui relevait d'abord d'un défi opérationnel, leur a aussi occasionné des charges de gestion complémentaires qui peuvent être classées au rang des « coûts cachés » des dispositifs de soutien (voir infra).

B. UN DÉFAUT DE LISIBILITÉ AGGRAVÉ PAR UNE COMMUNICATION CONFUSE DES POUVOIRS PUBLICS

1. Des difficultés de mise en oeuvre induites par une hétérogénéité source de confusion
a) Un maquis peu lisible

Les différents dispositifs de soutien aux consommateurs se caractérisent par une grande hétérogénéité qui a indiscutablement nui à leur lisibilité et à leur bonne compréhension par leurs bénéficiaires potentiels, en particulier s'agissant des petits professionnels.

Certains dispositifs d'aide, les plus simples, les plus efficaces et qui n'occasionnent pas d'avance de trésorerie de la part de leurs bénéficiaires, interviennent ex-ante et sont directement intégrés à la facture d'énergie. Il s'agit des boucliers tarifaires et des amortisseurs. À l'inverse, d'autres dispositifs, qui passent par l'Agence de services et de paiement (ASP), ne sont versés qu'ex-post et impliquent une avance de trésorerie de plusieurs mois pour leurs bénéficiaires. Il s'agit principalement des mesures d'aides dédiées à l'habitat collectif.

Certains dispositifs sont automatiques ou quasi-automatiques, comme les boucliers tarifaires, lorsque d'autres exigent des démarches de la part de leurs bénéficiaires. Figurent dans cette dernière catégorie les dispositifs d'amortisseurs ainsi que les mesures dédiées à l'habitat collectif pour lesquels les bénéficiaires doivent se signaler auprès de leur fournisseur par le moyen d'attestations.

La complexité, la confusion et le manque de lisibilité pour les acteurs proviennent également de l'hétérogénéité des paramètres et des modalités de calcul entre les dispositifs. À titre d'exemple, les aides consacrées à l'habitat collectif prennent pour référence le point de livraison tandis que l'amortisseur prend pour référence le SIREN du client.

Une autre source de confusion majeure, à l'origine du mouvement de contestation dit des « boulangers » en début d'année 2023, tient à la condition d'éligibilité des TPE aux TRVe relative à la puissance de leur compteur électrique38(*), éligibilité qui, par voie de conséquence, emporte aussi le bénéfice du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité. Sans doute en partie alimentée par les choix de communication du Gouvernement à propos de la protection des TPE par le bouclier tarifaire, cette confusion s'est transformée en frustration et en colère lorsque ces TPE, pourtant les plus exposées à la hausse des prix de l'électricité, ont pris conscience qu'elles ne seraient pas protégées à la hauteur de leurs homologues et que, pour celles qui avaient renouvelé leurs contrats en 2022, elles allaient subir des hausses de prix susceptibles de menacer leur pérennité.

Une dernière divergence tient au circuit emprunté par les compensations versées par l'État aux fournisseurs au titre de ces dispositifs. Deux circuits distincts ont ainsi été distingués, d'une part le mécanisme des compensations pour charges de service public de l'énergie (CSPE) géré par la CRE et, d'autre part le circuit géré par l'ASP. Selon les dispositifs, les fournisseurs doivent ainsi alternativement adresser leurs demandes de compensations soit à la CRE, dans le cadre des « guichets » qu'elle organise en vertu des dispositions du code de l'énergie et de l'article 181 de la LFI pour 202339(*), soit à l'ASP, dans le respect des délais établis pour les dispositifs concernés. Les compensations relatives aux dispositifs de boucliers tarifaires et d'amortisseurs sont versées par la CRE au titre des CSPE tandis que les compensations des mesures dédiées à l'habitat collectif sont prises en charge par l'ASP.

Outre ses effets négatifs en termes de lisibilité pour leurs bénéficiaires potentiels, la multiplication des circuits, des guichets d'aides et de dispositifs aux caractéristiques et aux périmètres différents contribuent aussi à accroître la complexité des dispositifs et les charges administratives qu'ils induisent pour les fournisseurs (voir infra) qui soulignent notamment la particulière lourdeur des mécanismes gérés par l'ASP.

b) Le manque de lisibilité a retardé la mise en route des mesures

La complexité des mesures, leur mise en oeuvre tardive ainsi que le manque de lisibilité du paysage des aides expliquent sans doute en bonne partie le « retard à l'allumage » des dispositifs non automatiques, au premier rang desquels les amortisseurs et les soutiens à destination de l'habitat collectif.

Ainsi, pour les dispositifs d'amortisseurs, le retour des attestations de la part des bénéficiaires, principalement les TPE et les PME, a-t-il été beaucoup plus lent qu'escompté. À la fin du mois de janvier seuls 30 % des attestations qui étaient attendues avaient été effectivement reçus par les fournisseurs. Alors que la date limite pour faire parvenir ces attestations avait initialement été fixée au 31 mars 2023, cette situation laissait craindre un taux de non recours extrêmement élevé. Le délai a été reporté au 30 juin 2023 et depuis, le risque d'un taux de non recours significatif a été écarté puisque plus de 85 % des attestations attendues ont désormais été transmises aux fournisseurs.

En revanche, et même si la situation réelle est très difficile à estimer faute d'informations disponibles, les perspectives semblent beaucoup moins favorables pour le dispositif rétroactif de soutien aux prix de l'électricité dédié à l'habitat collectif au titre du second semestre 2022. À la fin du mois de mai 2023, seules 86 demandes de compensations relatives à cette mesure avaient été déposées auprès de l'ASP pour un total de 42 millions d'euros.

Les fournisseurs ont souligné à quel point la mise en oeuvre de ce dispositif, notamment compte tenu des délais imposés, avait été délicate. Certains font état d'un taux de retour d'attestation inférieur à 15 % par rapport aux sites qu'ils avaient ciblés.

Cependant, et c'est symptomatique du manque d'informations dont disposent les pouvoirs publics non seulement pour concevoir les dispositifs de soutien mais également pour en suivre et en piloter la mise en oeuvre, l'administration n'a toujours aucune visibilité à ce jour sur le nombre de sites qui se sont manifestés auprès de leurs fournisseurs pour demander une aide au titre du second semestre 2022. L'ampleur du risque de non recours sur ce dispositif, qui pourrait être élevé compte-tenu de sa complexité, n'est ainsi pas connue à ce jour.

c) Des difficultés particulières rencontrées par les copropriétés

Au cours de ses auditions, le rapporteur spécial a été interpellé sur les difficultés particulières rencontrées par les copropriétés en raison de la complexité des aides qui leur sont dédiées. L'administration reconnaît qu'elle a beaucoup de mal à suivre ces dispositifs.

L'ASP commence tout juste à recevoir de premières demandes de versements des fournisseurs. La complexité des différentes étapes du processus explique que les copropriétaires n'ont pas encore été bénéficiaires de l'aide qui intervient avec plus d'une année de décalage et occasionne parfois une avance de trésorerie particulièrement lourde, susceptible d'avoir une incidence sur les impayés de charges de copropriétés. Certains fournisseurs, qui avaient réalisé des actions proactives de prospection disent regretter le manque d'investissement des syndics de copropriété.

Si, à défaut de remontées d'informations suffisamment fiables à ce stade, il apparaît encore trop tôt pour tirer des conclusions suffisamment étayées sur le bilan de la mise en oeuvre des dispositifs d'aides en faveur des copropriétés, le rapporteur spécial suivra avec attention les futurs développements relatifs à cette problématique sensible.

2. Des effets d'annonce et une communication confuse ont nui à la compréhension et à la mise en oeuvre des dispositifs

À l'impréparation et au manque d'anticipation du Gouvernement dans la construction de la réponse à la crise des prix de l'énergie, s'est ajoutée une stratégie de communication confuse et illisible, privilégiant les effets d'annonce, qui s'est retournée contre les pouvoirs publics en perturbant durablement la mise en oeuvre des dispositifs et la perception qu'en ont les acteurs.

Cette communication confuse a été source d'incompréhension, elle a parfois donné de faux espoirs à certains consommateurs qui se sont rapidement transformés en frustration puis en colère et, elle a in fine obscurci encore davantage la compréhension des dispositifs, compliquant leur bonne appréhension par les acteurs.

Ainsi, la communication du Gouvernement de type « effets d'annonce » quant à la protection universelle des ménages par les boucliers a fait naître des incompréhensions puis des frustrations fortes parmi ceux qui, à l'origine, n'étaient pas éligibles au dispositif, en particulier les ménages utilisant un chauffage collectif. De même, la crise dite des « boulangers » est également largement le résultat d'une incompréhension de la part des TPE inéligibles aux TRVe par rapport à la communication gouvernementale qui vantait la protection apportée par le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité au tissu des TPE. Dans les deux cas, les « effets d'annonce » imprécis du Gouvernement, occultant les lacunes des mesures, ont généré dans un premier temps des espoirs puis des frustrations avant de se transformer en vives protestations et de finalement se retourner contre l'exécutif lui-même, contraint d'improviser des dispositifs ad hoc en urgence.

La communication relative aux mesures de soutien dédiées à l'habitat collectif, improprement qualifiées de « boucliers », a également induit de la confusion et de l'incompréhension de la part des bénéficiaires. En effet, ces mesures sont très différentes des boucliers tant en ce qui concerne leurs procédures que leur temporalité puisqu'elles n'interviennent qu'ex-post et induisent des avances de trésorerie de la part des consommateurs éligibles. Le rapporteur spécial a pu constater lors de ses auditions que ces effets d'annonce induisent encore aujourd'hui de l'incompréhension et de la frustration, notamment s'agissant des copropriétés qui s'interrogent pour savoir quand et si elles recevront bien les aides promises.

L'épisode au cours duquel la communication des pouvoirs publics a probablement été la plus confuse et la plus illisible est celui des renouvellements de contrats de fourniture d'électricité conclus au plus fort de la crise, à l'été et à l'automne 2022. Durant cette période, les messages des pouvoirs publics, que ce soit le Gouvernement ou la CRE, ont été très fluctuants et contradictoires générant incompréhension et angoisse pour les entreprises qui se voyaient proposer des contrats de fourniture à des prix exorbitants et qui ne savaient pas si elles devaient ou non les signer.

Le Gouvernement a dans un premier temps demandé aux entreprises de temporiser et de ne pas renouveler leurs contrats avant, dans un deuxième temps de tenir le discours exactement inverse craignant que des consommateurs se retrouvent sans contrat de fourniture en 2023. La CRE elle-même a incité les entreprises à renouveler leurs contrats à cette période pour qu'elles puissent bénéficier du dispositif d'ARENH en 2023.

Ces messages contradictoires ont introduit de l'illisibilité du côté des consommateurs comme des fournisseurs qui pour certains, par rationalité économique et en présence d'un marché très tendu et très peu liquide sur lequel ils pouvaient difficilement réaliser des achats à terme pour garantir les volumes prévisionnels de fourniture de ces contrats, étaient très réticents à proposer de nouveaux contrats à leurs clients pendant cette période. C'est dans ce contexte, et pour éviter le spectre de consommateurs se retrouvant sans contrat en 2023 que le Gouvernement a négocié une charte de 25 engagements avec les principaux fournisseurs d'énergie le 5 octobre 2022. Les fournisseurs se sont notamment engagés à proposer au moins une offre de renouvellement à leurs clients pour l'année 2023.

La confusion de la communication gouvernementale au sujet des renouvellements de contrats de fourniture d'électricité en 2022 n'avait cependant pas encore atteint son point d'orgue. Il le sera en janvier 2023 lorsque le Gouvernement a annoncé, avant d'effectuer un rétropédalage, que les contrats signés au plus fort de la crise par les professionnels pourraient être résiliés ou renégociés sans indemnités pour les fournisseurs. Cette déclaration démagogique qui ne tenait absolument pas compte de la réalité économique sous-jacente aux contrats de fourniture a fait naître des espérances et des illusions durables dans l'esprit des consommateurs qui, encore aujourd'hui, s'appuient sur ces déclarations pour exiger de leurs fournisseurs une renégociation ou une résiliation de leurs contrats sans frais.

La déclaration de l'exécutif était d'autant plus démagogique que le Gouvernement lui-même avait imposé aux fournisseurs de proposer des contrats à leurs clients, y compris au plus fort de la crise. Or, lorsqu'un fournisseur conclut un contrat avec un client il doit se « sourcer », c'est-à-dire provisionner ce contrat en achetant à l'avance le volume d'énergie correspondant à la consommation anticipée sur la durée à venir du contrat. Lorsqu'ils concluent des contrats en période de prix élevés, les fournisseurs eux-mêmes achètent les volumes d'énergie correspondant à des tarifs élevés. Aussi, la résiliation sans indemnités de ces contrats induirait de très lourdes pertes financières pour les fournisseurs.

C. LES POUVOIRS PUBLICS N'ONT PAS UNE CONNAISSANCE SUFFISAMMENT FINE DU PROFIL DES CONSOMMATEURS D'ÉNERGIE

1. Faute d'informations disponibles, les pouvoirs publics ont construit les dispositifs « à tâtons »

Un des principaux enseignements de la crise et des difficultés rencontrées dans la conception et la mise en oeuvre de mesures de soutien adaptées est le manque évident de connaissance des pouvoirs publics sur le profil des différentes catégories de consommateurs finals d'énergie et leur degré d'exposition à la volatilité des prix. En effet, il est clairement apparu que ni les administrations de l'État, ni la CRE, ni même les fournisseurs d'énergie ne disposaient d'une vision suffisamment fine et exhaustive des différents segments de consommateurs susceptibles de permettre la conception éclairée et le suivi précis de mesures de soutien ciblées envers les profils les plus exposés. Ce défaut d'informations disponibles explique les difficultés à réaliser de véritables évaluations préalables des mécanismes de soutien, à avoir une vision précise de leurs bénéficiaires potentiels ainsi que des volumes de consommation d'énergie concernés et, par conséquent, à estimer les coûts prévisionnels de ces dispositifs.

Pour cette raison, les pouvoirs publics ont souvent dû avancer « à l'aveugle » dans les phases de conception puis de mise en oeuvre des différentes mesures. Ce phénomène peut expliquer en partie l'impréparation du Gouvernement et les différentes lacunes des dispositifs qui ont été identifiées puis corrigées par l'ajout de mesures complémentaires au fil de l'eau dans le cadre d'une construction incrémentale de l'architecture du mécanisme de soutien.

La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) a reconnu que ce manque de données d'analyse l'avait empêchée de parfaitement mesurer, et donc d'anticiper, l'exposition particulière de certains secteurs à la hausse des prix de l'énergie. Ce n'est qu'au fur et à mesure des développements de la crise et de la mise en oeuvre des mesures que les appels à l'aide lancés par certaines filières économiques ou certains profils de consommateurs ont permis aux pouvoirs publics de disposer d'une vision plus précise, d'une part de la traduction concrète des aides et, d'autre part, du degré d'exposition de chaque secteur à la crise.

Au titre des principaux enseignements des mesures mises en oeuvre dans le cadre de la crise des prix de l'énergie et du premier bilan provisoire qui peut en être tiré, la DGEC a ainsi tout particulièrement souligné auprès du rapporteur spécial les enjeux et la difficulté à évaluer en amont les volumes de consommations d'énergie susceptibles d'être concernés par les dispositifs envisagés. Il lui était ainsi extrêmement difficile d'estimer, sur un périmètre de bénéficiaires donné et en fonction des paramètres déterminés, la part des consommateurs susceptibles d'être concernés et le niveau de soutien dont ils pourraient bénéficier. Il en résulte que l'évaluation prévisionnelle du coût des dispositifs s'est révélée très complexe, ce phénomène de méconnaissance des profils de consommation des bénéficiaires venant s'ajouter à l'incertitude principale qui tient à la volatilité des prix de gros de l'énergie.

Dans la mesure où ce sont des données commercialement sensibles pour les fournisseurs, les pouvoirs publics n'ont pas non plus connaissance de la distribution par types de consommateurs des prix des contrats de fourniture d'énergie, de leur maturité ou de leurs dates de renouvellement.

2. Il est encore très difficile d'obtenir des données fiables sur les effets réels et la traduction concrète des dispositifs

Concernant les dispositifs de boucliers, les estimations dont disposent les pouvoirs publics s'agissant des bénéficiaires sont très agrégées et peu propices à la réalisation d'études d'impact suffisamment détaillées.

Ainsi, pour le bouclier sur les prix du gaz, l'administration estime, sur la base des données de la CRE, que 10,6 millions de sites résidentiels sont éligibles au dispositif. L'administration considère qu'en 2023, le bouclier sur les prix du gaz devrait concerner un volume de consommation de 70 TWh.

S'agissant du bouclier sur les prix de l'électricité, toujours à partir des données de la CRE, il apparaît que 34 millions de sites résidentiels sont éligibles au dispositif. La CRE recense par ailleurs 4,7 millions de petits sites « non résidentiels » (compteur inférieur à 36 kVA) également éligibles au bouclier. Hormis à partir d'extrapolations très aléatoire, les pouvoirs publics ne sont pas en mesure de détailler la composition de ces 4,7 millions de petits sites « non résidentiels » qui se composent, entre autres, de TPE et de petites communes. Sur la base d'extrapolations à prendre avec beaucoup de précautions, l'administration estime que sur les 3,8 millions de TPE recensées par l'INSEE, 2,5 millions pourraient être éligibles au bouclier, soit les deux-tiers. Une enquête récente de la CPME portée à la connaissance du rapporteur spécial indique que la part des TPE disposant d'un compteur d'une puissance inférieure à 36 kVA et éligibles au bouclier tarifaire pourrait être plus importante et se situer autour de 84 %. Sur la base également d'extrapolations à prendre avec précaution l'administration considère que 30 000 communes pourraient être éligibles au bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité.

L'administration estime qu'en 2023, le bouclier sur les prix de l'électricité devrait concerner 186 TWh de consommation dont 167 TWh pour les ménages et 19 TWh pour les sites « non résidentiels ».

Selon l'administration, de 0,8 à 1,3 million de TPE pourraient être éligibles aux amortisseurs. Mais les fournisseurs estimaient le total de leurs clients éligibles à ces dispositifs à environ 1 million d'entités, tous types confondus. Ces différents chiffres illustrent l'extrême fragilité de ces estimations et la difficulté pour l'administration à anticiper ne serait-ce que le nombre agrégé de consommateurs potentiellement éligibles à chaque dispositif. Autant dire qu'essayer de descendre plus en détail dans la granularité est une vraie gageure et amènerait à des résultats nécessairement très hypothétiques. À ce jour néanmoins, les retours d'attestations dans le cadre des dispositifs d'amortisseurs concerneraient à 70 % des TPE, à 20 % des PME, à 5 % de collectivités locales et à 5 % de personnes morales dont les recettes proviennent majoritairement de financements publics.

Sur 2023, d'après les estimations réalisées par l'administration, les dispositifs d'amortisseur et de sur-amortisseur pourraient concerner respectivement 59 TWh et 4 TWh de consommation d'électricité.

S'agissant des dispositifs destinés à l'habitat collectif gérés par l'ASP, l'incapacité d'estimer suffisamment précisément en amont les publics cibles et les volumes de consommation d'énergie exposés aux dispositifs prévus est plus flagrante encore. Pour concevoir ces mécanismes, les pouvoirs publics ont dû naviguer à vue et, encore aujourd'hui, ils ne sont pas en mesure de fournir des données prévisionnelles robustes si ce n'est ex-post, à l'issue de des phases d'instruction effective des dossiers par l'ASP.

D. L'INCITATION AUX ÉCONOMIES D'ÉNERGIE A PU ÊTRE NÉGLIGÉE DANS LA CONCEPTION DES MESURES DE SOUTIEN

En premier lieu, le rapporteur spécial tient à rappeler qu'il avait été étonné de constater que le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité pour 2022 était partiellement désincitatif en matière d'optimisation de la consommation. En effet, après application du bouclier, il s'avérait que, s'agissant des contrats en option heures pleines / heures creuses, le tarif des heures creuses avait nettement plus augmenté (+ 8,1 %) que le tarif des heures pleines (+ 1,1 %). Le rapporteur spécial note que ce défaut a été corrigé par la CRE dans le calcul des TRVe et de l'application du bouclier en 2023. Cette évolution fait partie de la révision de la méthode de fixation des TRVe prévue par une délibération du 12 janvier40(*).

Les dispositifs mis en oeuvre n'effacent pas totalement, parfois même loin de là, le signal prix dans la mesure où leurs paramètres maintiennent dans tous les cas une exposition plus ou moins forte des bénéficiaires à la hausse des prix de l'énergie. Les boucliers ont plafonné les hausses des prix de l'énergie à 4 % en 2022 puis 15 % en 2023 pour les ménages, des niveaux certes très inférieurs à l'évolution qui aurait été celle des tarifs sans boucliers mais qui ne sont pas indolores, notamment pour les foyers modestes et les classes moyennes qui ne bénéficient pas par ailleurs du chèque énergie. À contrario, le signal prix résiduel maintenu par les dispositifs de boucliers s'est très probablement révélé insuffisant pour inciter les ménages plus aisés et cette mesure, de par son caractère général dénué de progressivité, s'est nécessairement traduite par une part non négligeable « d'effets d'aubaine ».

Les critères du dispositif d'amortisseur conduisent à exposer au moins 50 % de la consommation de ses bénéficiaires à la hausse des prix de marchés dans toute son ampleur, un pourcentage qui peut même être accru en cas d'application du plafonnement pour les contrats de fourniture aux prix les plus élevés.

Aussi, les dispositifs de soutien mis en oeuvre, parce qu'ils ne couvrent pas l'intégralité de la hausse des prix, maintiennent par défaut une forme d'incitation des consommateurs à réduire leur consommation. Cependant, en eux-mêmes, ils ne prévoient pas de mécanisme visant à encourager ces pratiques.

Dans son fonctionnement, le dispositif de « sur-amortisseur » destiné aux TPE comporte même une véritable dimension désincitative dans la mesure où, en garantissant un prix identique gelé toute l'année à 280 euros/MWh, il gomme les incitations horosaisonières qui habituellement font varier les prix entre les saisons d'été et d'hiver pour inciter à un déplacement de consommation vers les premières. Aussi, paradoxalement, ce mécanisme va conduire à renchérir les tarifs des factures de la saison d'été ce qui, au-delà de l'effet désincitatif lié à une diminution du signal prix en saison hivernale, risque de générer de l'incompréhension de la part des entreprises. Dans ce cas de figure, le Gouvernement a choisi de sacrifier la dimension incitative à l'impératif de lisibilité. Là encore, l'objectif risque de n'être que partiellement atteint lorsque les clients vont se rendre compte qu'ils payent leur électricité plus cher qu'habituellement au cours de la saison d'été.

Cependant, en dépit des limites des dispositifs en matière d'incitation aux économies d'énergie, la crise actuelle a vraisemblablement provoqué une vraie prise de conscience dans la mesure où l'on a observé pendant l'hiver 2022 une baisse de la consommation41(*) plus forte qu'anticipé.

E. LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DES RÉPONSES DES DIFFÉRENTS PAYS EUROPÉENS À LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

L'analyse comparative de la réponse à la crise des prix de l'énergie par les différents pays européens révèle que chaque pays a mobilisé, à des degrés divers, toute la panoplie des leviers de soutien envisageables : réduction de fiscalité, régulation des prix, aides directes aux revenus des ménages ou encore subventions aux entreprises.

Les principaux enseignements tendent à démontrer que la France a plutôt mieux protégé les petits consommateurs, particuliers comme professionnels, tandis qu'un pays comme l'Allemagne s'est davantage focalisé sur les plus gros consommateurs professionnels et tout particulièrement industriels, en particulier ses petites et moyennes entreprises (PME) et ses entreprises de taille intermédiaire (ETI), un segment qui apparaît comme le « talon d'Achille » du dispositif d'aides français si on le compare à son homologue allemand. Cependant, l'Allemagne a, comme la France, observé un faible taux de consommation des aides de guichet aux entreprises et, les études semblent montrer que le prix de l'électricité acquitté par les entreprises électro-intensives et hyper électro-intensives françaises est resté en 2023 plus compétitif que celui de leurs homologues allemandes.

Bien que la France ne se soit pas complètement privée du levier fiscal, principalement en minorant les tarifs d'accise sur l'électricité pour un coût cumulé de 18 milliards d'euros en 2022 et 2023, d'autres pays (Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas, etc.) l'ont utilisé de façon plus systématique (pour le gaz, l'électricité comme les carburants), y compris via la baisse temporaire des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Pour aider ses entreprises, un pays comme l'Italie a principalement eu recours à des crédits d'impôts.

Les dispositifs de soutien allemand comportaient quant à eux une dimension incitative à la sobriété énergétique particulièrement prononcée.

Dans la mesure où l'Allemagne est très dépendante de l'approvisionnement en gaz pour sa consommation énergétique, le coût prévisionnel de ses dispositifs de soutien a énormément baissé en 2023 en raison de la baisse des prix de marché.

L'Espagne et le Portugal, du fait de leur faible degré de connexion à la plaque européenne, ont pu bénéficier d'une dérogation de la Commission sur la formation du prix de l'électricité dite « modèle ibérique ». Par un subventionnement public du gaz utilisé pour produire de l'électricité, ces pays ont pu réduire le prix de marché de celle-ci.

Des remises directes à la pompe ont été décidées ailleurs en Europe, notamment en Espagne et au Royaume-Uni tandis que d'autres pays ont fait le choix de réduire temporairement la fiscalité sur les carburants.

II. EN RÉPONSE À LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE L'ÉTAT POURRAIT DÉPENSER PLUS DE 85 MILLIARDS D'EUROS EN 2022 ET 2023

A. DES DISPOSITIFS PARTICULIÈREMENT COÛTEUX POUR LES FINANCES PUBLIQUES

1. Des mécanismes de compensation des fournisseurs principalement fondés sur le concept de charges de service public de l'énergie (CSPE)

Le financement par l'État des mesures de soutien aux consommateurs d'énergie transite par deux circuits principaux. D'une part42(*) les compensations pour charges de service public de l'énergie (CSPE) pilotées par la CRE et, d'autre part, les aides gérées par l'agence de services et de paiement (ASP)43(*).

Concernant les compensations de CSPE, en 2022, s'agissant du bouclier sur les prix de l'électricité, seul un acompte de 131 millions dédié aux fournisseurs d'électricité de moins d'un million de clients44(*) a été versé. Le dispositif de bouclier tarifaire sur les prix du gaz pour 2022 prévoyait également le versement d'acomptes aux fournisseurs45(*). En 2022, les versements correspondants aux acomptes relatifs aux compensations du bouclier sur les prix du gaz ont atteint 580 millions d'euros. Le reste des compensations de CSPE au titre des boucliers sera versée en 2023.

En 2023, contrairement à 2022, l'article 181 de la LFI pour 2023 prévoit que l'ensemble des fournisseurs, en gaz comme en électricité, peuvent bénéficier d'acomptes mensuels au titre des compensations pour CSPE liées aux dispositifs de soutien aux consommateurs. Compte-tenu des enjeux financiers et des avances de trésorerie considérables que ces mesures auraient occasionnées pour les fournisseurs en l'absence d'acomptes prévisionnels, il ne pouvait raisonnablement en être autrement.

S'agissant des dispositifs d'accompagnement des prix de l'électricité (bouclier et amortisseurs), et en vertu des dispositions de l'article 181 de la LFI pour 2023, l'évaluation de ces acomptes par la CRE s'est faite en plusieurs étapes. Un guichet organisé du 1er au 20 janvier 2023 a permis de réaliser une première évaluation, dite « préliminaire », et de déterminer un premier échéancier d'acomptes prévisionnels pour les premiers mois de l'année46(*). Puis, un deuxième guichet, qui s'est tenu en mars a permis de réévaluer le montant de ces acomptes prévisionnels47(*). Dans le cadre de la délibération annuelle de la CRE de juillet prochain relative à l'évaluation des compensations de CSPE pour 2024, une nouvelle réévaluation des acomptes relatifs aux compensations des dispositifs d'aide pour 2023 sera réalisée avec un effet immédiat, dès le mois d'août 2023, sur les acomptes prévisionnels dus aux fournisseurs. Enfin, la délibération annuelle de la CRE de juillet 2024 portant sur l'évaluation des CSPE pour 2025 établira le montant définitif des compensations de CSPE dues aux fournisseurs aux titres des dispositifs en vigueur en 2023, notamment après analyse de leurs coûts d'approvisionnement.

Concernant le bouclier tarifaire sur le gaz, une délibération n° 2023-3248(*) du 25 janvier 2023 a déterminé le montant des acomptes prévisionnels à verser aux fournisseurs du 1er janvier au 30 juin 2023.

2. Des enjeux financiers difficilement prévisibles mais considérables pour les finances publiques
a) Entre 2021 et 2023, environ 85 milliards d'euros de dépenses publiques pour répondre aux conséquences de la crise des prix de l'énergie

D'après les estimations les plus récentes, les principales mesures de soutien aux consommateurs mises en oeuvre dans le cadre de la crise des prix de l'énergie depuis la fin de l'année 2021 pourraient se traduire par un coût total situé entre 80 milliards d'euros et 90 milliards d'euros49(*). Ce montant a été revu à la baisse depuis la fin de l'année 2022, principalement en raison de la baisse plus rapide qu'anticipé des prix du gaz naturel qui s'est traduite par une diminution très sensible du coût prévisionnel en 2023 des dispositifs visant à accompagner les consommateurs de gaz.

Actualisation du coût des principaux dispositifs mis en oeuvre
dans le cadre de la crise des prix de l'énergie depuis 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Alors que les dernières estimations du coût des boucliers sur les prix de l'électricité 2022 et 2023 s'élèvent à 23,6 milliards d'euros, les dispositifs dédiés au chauffage électrique collectif pourraient occasionner des dépenses de l'ordre de 1,1 milliard d'euros, soit un total de 24,7 milliards d'euros.

Il est à noter qu'en 2022, le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité a été en partie financé par une augmentation de 20 TWh du plafond du volume d'ARENH occasionnant une charge d'environ 8 milliards d'euros pour EDF. Enfin, le dispositif global permettant de réduire les prix de l'électricité inclut également la diminution des taux de l'accise sur l'électricité (l'ancienne TICFE) à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne. En termes de réduction de ses recettes, cette mesure aura un coût pour l'État d'environ 18 milliards d'euros sur la période 2022-2023.

Le coût total des boucliers sur les prix du gaz 2022-2023 a été nettement réduit du fait de la baisse des prix constatée en 2023. D'après les dernières estimations, ils pourraient se traduire par des dépenses publiques à hauteur de 5,4 milliards d'euros tandis que les mesures dédiées à l'habitat collectif pourraient coûter 4,6 milliards d'euros, soit un total de 10 milliards d'euros.

Le coût prévisionnel de l'amortisseur de droit commun a légèrement diminué à 2,9 milliards d'euros par rapport à la prévision réalisée en LFI pour 2023 (3 milliards d'euros). En revanche, la création du dispositif de sur-amortisseur dédié aux TPE non éligibles au bouclier devrait se traduire par une dépense nouvelle d'environ 700 millions d'euros50(*), soit un coût total prévisionnel de 3,6 milliards d'euros pour les dispositifs d'amortisseurs sur les prix de l'électricité.

Sur la mission « Économie », un total de 7 milliards d'euros de crédits ont été ouverts pour financer les aides de guichet destinées aux entreprises les plus consommatrices d'énergie. À ces crédits viennent s'ajouter les 200 millions d'euros liés au mécanisme de compensation des coûts du marché européen d'échanges des quotas d'émissions.

Le total des crédits ouverts pour financer les chèques énergie exceptionnels en 2021 (600 millions d'euros) puis en 2022 (1,8 milliard d'euros) ainsi que les chèques destinés à soutenir les ménages qui se chauffent au fioul domestique (230 millions d'euros) ainsi que ceux qui se chauffent au bois (230 millions d'euros) s'établit quant à lui à 2,9 milliards d'euros.

Cumul des coûts des chèques exceptionnels mis en oeuvre
dans le cadre de la crise des prix de l'énergie (2021-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse des prix des carburants a également été à l'origine, en 2022 et dans une moindre mesure en 2023, d'une série de mesures de soutien pour un coût cumulé d'environ 10,4 milliards d'euros pour les finances publiques.

La principale et la plus onéreuse de ces mesures est la remise carburants qui a été mise en oeuvre à compter du mois d'avril 2022 avant d'être renforcée à compter du mois d'août. Son coût total s'est élevé à 8 milliards d'euros. Par ailleurs, 1 milliard d'euros de crédits ont été ouverts en LFI pour 2023 afin de financer une aide de 100 euros destinée à compenser une part de la hausse des prix des carburants pour les actifs modestes qui utilisent un véhicule individuel pour se rendre sur leur lieu de travail.

Dans le cadre du décret d'avance d'avril 2022 destiné à financer les mesures du plan dit de « résilience » ainsi que de la première loi de finances rectificative (LFR) pour 202251(*), 510 millions d'euros de crédits ont par ailleurs été ouverts pour financer des aides destinées aux secteurs du transport routier (400 millions d'euros), du fret ferroviaire (26 millions d'euros), du BTP (80 millions d'euros) et de la pêche (30 millions d'euros).

Enfin, compte-tenu notamment des conséquences de la hausse du prix des carburants sur le secteur du BTP, l'article 22 de la première LFR pour 2022 a reporté d'un an, au premier janvier 2024, la suppression du tarif réduit d'accise sur le gazole non routier (GNR) occasionnant un manque à gagner budgétaire d'environ 900 millions d'euros pour l'État.

La seconde LFR pour 2022 a également ouvert 275 millions d'euros sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » au titre d'un fonds de compensation du surcoût de l'énergie dédié aux établissements d'enseignement supérieur. En 2022, seuls 100 millions d'euros ont été effectivement versés, le reste ayant été reporté sur 2023

Il conviendrait également d'ajouter à ces montants les versements effectués dans le cadre des dispositifs de filets de sécurité 2022 et 2023 destinés à accompagner les collectivités territoriales et pour lesquels respectivement 0,4 milliard d'euros et 1,5 milliard d'euros de crédits ont été ouverts en lois de finances mais dont le coût réel demeure à ce stade difficile à estimer compte-tenu notamment de leur articulation avec les mécanismes de boucliers et d'amortisseurs.

Par ailleurs, et même si sa vocation était de couvrir des augmentations de prix au-delà du seul périmètre de l'énergie, l'indemnité inflation adoptée par la LFR de fin de gestion 2021 pour un coût de 3,2 milliards d'euros de crédits pourrait également être, au moins en partie intégrée à ce décompte.

b) Des boucliers et amortisseurs dont le coût pourrait à lui seul avoisiner les 40 milliards d'euros en 2022 et 2023

D'après les estimations les plus récentes réalisées par la CRE et la DGEC, le coût total des dispositifs de soutien des consommateurs de gaz et d'électricité qui sont suivis sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », à savoir les mesures de boucliers, d'amortisseurs et dédiées à l'habitat collectif, pourrait, au titre des années 2022 et 2023, atteindre plus de 38 milliards d'euros. Le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité devrait représenter à lui seul près des deux tiers de ces dépenses (24 milliards d'euros).

Coût prévisionnel au titre des années 2022 et 2023 des dispositifs d'accompagnement des prix de l'électricité et du gaz suivis sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGEC au questionnaire du rapporteur spécial et la délibération n° 2023-106 de la CRE du 13 avril 2023

À ce montant pourrait également être ajouté les 18 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales pour l'État en raison de la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité en 2022 puis en 2023 ainsi que les 8 milliards d'euros de charges assumées par EDF au titre du relèvement du volume d'ARENH en 2022, ce qui pourrait représenter un coût total de près de 65 milliards d'euros.

À date, l'estimation des coûts prévisionnels des boucliers tarifaires a diminué d'environ 15 milliards d'euros par rapport aux hypothèses sous-jacentes de la LFI pour 2023, 5 milliards d'euros pour les dispositifs électricité et 10 milliards d'euros pour les dispositifs gaz. Cette évolution s'explique principalement par la baisse plus forte et plus rapide que prévue des prix de l'énergie en 2023, tout particulièrement s'agissant du gaz.

Pour les dispositifs financés via le mécanisme des compensations de CSPE, le calendrier d'exécution des dépenses effectives déborde sur l'année N+1 dans la mesure où, en vertu des dispositions du code de l'énergie, la dernière mensualité au titre d'une année N est versée aux fournisseurs au mois de janvier de l'année N+1. On observe également un décalage dans le temps des versements effectués par l'ASP dans le cadre des dispositifs qu'elle gère dans la mesure où ils interviennent ex-post.

Aussi, en comptabilité budgétaire52(*), les dépenses effectives relatives aux dispositifs d'accompagnement des prix de l'électricité et du gaz mis en oeuvre au titre des années 2022 et 2023 financés par la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pourraient-elles s'élever, au regard des prévisions les plus actualisées, à près de 35 milliards d'euros en 2023 puis à environ 3 milliards d'euros en 2024. Seuls 1,3 milliard d'euros avaient été effectivement décaissés à ce titre en 2022.

Coût prévisionnel des dispositifs d'accompagnement des prix de l'électricité suivis sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et calendrier des décaissements effectifs (2022-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGEC au questionnaire du rapporteur spécial et la délibération n° 2023-106 de la CRE du 13 avril 2023

Le coût prévisionnel total des différents dispositifs au titre de la seule année 2023 (dont certaines des dépenses ne seront exécutées qu'en 2024) s'élève à un peu plus de 31 milliards d'euros.

Coût prévisionnel au titre de l'année 2023
des dispositifs d'accompagnement des prix de l'électricité et du gaz
suivis sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGEC au questionnaire du rapporteur spécial et la délibération n° 2023-106 de la CRE du 13 avril 2023

Du fait de la diminution significative des coûts prévisionnels des mesures relatives au gaz en raison de la baisse des prix de cette énergie en 2023, le bouclier électricité à lui seul représenterait plus des trois-quarts du coût total (24 milliards d'euros). Les 10 milliards d'euros de pertes de recettes pour l'État liés à la prolongation de la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité en 2023 pourraient être ajoutés à ce montant. Le total avoisinerait alors les 50 milliards d'euros dont 46 milliards d'euros, soit 90 %, au titre des mesures destinées à accompagner les consommateurs d'électricité53(*).

Répartition du coût prévisionnel en 2023
des dispositifs d'accompagnement des prix de l'électricité

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGEC au questionnaire du rapporteur spécial et la délibération n° 2023-106 de la CRE du 13 avril 2023

D'après la délibération n° 2023-106 du 13 avril 2023 de la CRE relative à l'évaluation des acomptes versés aux fournisseurs d'électricité, environ 10 % du coût du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité relèverait du soutien aux « petits professionnels », c'est-à-dire notamment les TPE et communes éligibles aux TRVe.

À ce jour, 87 fournisseurs ont déposé des demandes de compensation auprès de la CRE au titre des dispositifs de soutien aux prix de l'électricité.

À travers le mécanisme budgétaire relatif aux charges de service public de l'énergie (CSPE) retracées sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », les recettes exceptionnelles dues par les producteurs d'EnR, sous la forme de primes négatives, en raison de l'augmentation des prix de l'électricité sur le marché de gros depuis 2021, qui transitent par les fournisseurs, au premier rang desquels EDF et sa filiale EDF obligation d'achat, viennent couvrir les compensations dues par l'État aux fournisseurs au titre des mesures prises pour soutenir les consommateurs d'énergie reconnues comme des charges de service public de l'énergie.

Ainsi, budgétairement, le Gouvernement peut-il présenter, au sein du programme 345, un coût net des dispositifs de soutien. Or, il apparaît que, pour les mêmes raisons qui expliquent la diminution des coûts des mesures d'aides, à savoir la baisse des prix de l'énergie, en l'occurrence essentiellement la diminution des prix de gros de l'électricité, les recettes exceptionnelles attendues par l'État au titre des primes négatives versées par les producteurs d'EnR ont diminué de 17 milliards d'euros, soit plus de 50 %, par rapport à la prévision sous-jacente de la LFI pour 2023.

Aussi, d'après les prévisions les plus récentes, et avant que la CRE ne réévalue les compensations de CSPE au titre de 2022 et 2023 dans sa délibération annuelle de juillet prochain, il apparaît que pour 2023, le montant net de compensations de CSPE devrait se traduire par des recettes exceptionnelles pour l'État limitées à environ 15 milliards d'euros.

Évolution entre les estimations réalisées en fin d'année 2022 et aujourd'hui
des coûts prévisionnels brut et net en 2023
des dispositifs de boucliers et d'amortisseurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGEC au questionnaire du rapporteur spécial

L'ampleur de cette réduction des recettes exceptionnelles qui étaient attendues par l'État pourrait conduire à une hausse du coût net des dispositifs de soutien aux consommateurs financés par le programme 345. Or, en vertu des dispositions exceptionnelles prévues à l'article 181 de la LFI pour 2023, la délibération que la CRE doit prendre en juillet aura un effet immédiat sur les échéanciers des producteurs d'EnR, et non différé à l'année N+1 comme c'est le cas dans la procédure habituelle. Autrement dit, le cas échéant, les crédits disponibles sur le programme 345 pourraient venir à manquer ce qui se traduirait, du fait de la souplesse de gestion des crédits de ce programme atypique, réalité par ailleurs éminemment contestable au regard de l'autorisation parlementaire, par un report accru de charges à payer sur la gestion 2024.

Par ailleurs, en vertu notamment des prescriptions du règlement européen du 6 octobre 202254(*), le Gouvernement avait annoncé que les recettes tirées de la contribution sur la rente inframarginale de production d'électricité (la CRI) adoptée dans le cadre de la LFI pour 202355(*), bien que non affectées, avaient vocation à contribuer au financement des dispositifs de soutien aux consommateurs finals d'énergie et donc à en réduire le coût net pour les finances publiques.

Cependant, là aussi en raison de la baisse des prix de gros de l'électricité plus rapide qu'anticipée en fin d'année 2022, son rendement prévisionnel a été plus que divisé par deux, passant de 12,3 milliards d'euros (1,3 milliard d'euros au titre de son application au deuxième semestre de l'année 2022 et 11 milliards d'euros au titre de 2023) annoncés à la fin de la période d'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 au Parlement à 5,5 milliards d'euros (1,2 milliard d'euros au titre de 2022 et 4,3 milliards d'euros au titre de 2023) d'après les dernières estimations.

Ce rendement prévisionnel ne permettrait plus, comme il était prévu à l'origine, de couvrir les dépenses publiques relatives à l'amortisseur sur les prix de l'électricité et aux aides de guichet suivies sur la mission « Économie », dont le total pourrait s'élever, si les crédits ouverts pour les aides de guichet sont bien consommés, à 10,6 milliards d'euros.

Comparaison des coûts prévisionnels des dispositifs d'amortisseur
et « d'aides de guichet » avec le rendement prévisionnel de la contribution
sur la rente inframarginale de production d'électricité

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

B. DES COÛTS « CACHÉS » DE PLUSIEURS MILLIONS D'EUROS

1. Les frais de gestion occasionnés par les dispositifs ne sont pas intégralement compensés aux fournisseurs
a) Des coûts cachés à la charge des fournisseurs qui sont difficiles à estimer

Les dispositions législatives ont prévu d'intégrer dans les compensations dues par l'État aux fournisseurs une part liée aux frais de gestion que ces mesures ont entraîné pour eux. La compensation de ces frais de gestion a été fixée à 1 % des pertes de recettes constatées par les fournisseurs dans une limite de 0,2 euros/MWh livré56(*). D'après les analyses réalisées par les fournisseurs, il semble que cette compensation ne soit pas à la hauteur de leurs frais de gestion réels et que, par conséquent, la mise en oeuvre des dispositifs occasionne également des « coûts cachés » au-delà des compensations financières versées par la puissance publique. Ces coûts (quelques millions d'euros tout au plus), qui peuvent être lourds pour certains fournisseurs, ne représenteraient cependant que des montants mineurs au regard des dépenses totales consacrées par l'État à ces mesures.

Les frais de gestion des fournisseurs ont été d'autant plus importants que le périmètre des aides s'adressait à des agrégats et des périmètres de clients qui souvent n'étaient pas nativement connus dans leurs systèmes d'information (SI). Cette situation explique notamment le besoin de recourir à des attestations. Au-delà des paramètres de ciblage des aides, les frais des fournisseurs ont également été majorés par le manque d'anticipation des pouvoirs publics dans la conception des dispositifs qui les a obligés à déployer dans un contexte défavorable et dans des délais très contraints des mesures extrêmement complexes dont les critères ont été définis tardivement (voir supra).

La conception très tardive des dispositifs d'amortisseur et de sur-amortisseur a notamment conduit les principaux fournisseurs à bloquer leur processus de facturation au cours des deux à trois premiers mois de l'année 2023 pour ne pas envoyer à leurs clients des factures qui ne prendraient pas en compte ces aides. Cette décision leur a occasionné d'importants coûts de trésorerie.

Alors même que le Gouvernement a explicitement demandé aux fournisseurs de ne pas facturer les clients tant que les dispositifs d'aide n'étaient pas mis en oeuvre, de façon étonnante, certains d'entre eux ont signalé au rapporteur spécial que des groupements d'achats publics incitent leurs bénéficiaires à leur appliquer des pénalités pour retard de facturation.

Les frais de gestion que les dispositifs ont engendré pour les fournisseurs sont protéiformes. Ils se sont traduits par des actions de communication et d'information renforcées auprès des clients, par une activité de conseil téléphonique qui a souvent été multipliée par deux ou encore par des développements SI, notamment pour intégrer les dispositifs dans les factures. Les modalités de recueil des attestations pour les dispositifs d'amortisseurs ont également été opérationnellement complexes et financièrement onéreuses pour les fournisseurs. La complexité extrême des dispositifs dédiés à l'habitat collectif a généré des frais supplémentaires.

S'agissant spécifiquement du processus des compensations pour CSPE, les consolidations et retours à effectuer dans des délais contraints à la CRE, pour chacun des « guichets » organisés ont également mobilisé des ressources importantes. La CRE a d'ailleurs reconnu que l'on aurait pu se passer du second guichet du mois de mars dont l'intérêt s'est révélé très limité57(*).

Par ailleurs, en plus des dispositifs de droit commun, certains fournisseurs ont mis en oeuvre des gestes commerciaux tels qu'une plus grande souplesse pour accorder des échéanciers de paiement, un report d'une part des factures d'hiver sur les factures d'été ou encore une extension de la « garantie 280 euros » à certaines PME.

À plus long terme les fournisseurs sont plus exposés aux risques de défaillance de clients dans la mesure où les pouvoirs publics leur ont demandé de proposer des contrats de fourniture même au plus fort de la crise des prix de l'électricité et donc à des tarifs élevés.

Si l'administration reconnaît que les charges induites pour les fournisseurs n'ont pas toutes été compensées, elle n'est pas en mesure d'évaluer ces « coûts cachés » des dispositifs.

b) Des contrôles poussés de la CRE qui s'apparentent quasiment à une forme de régulation temporaire de l'activité de fourniture d'énergie

Du fait de la complexité des dispositifs de soutien et de leurs enjeux pour les comptes publics, la CRE est amenée à pratiquer des contrôles très poussés de l'activité des fournisseurs d'énergie. Pour certains acteurs du secteur, ces modalités de contrôle s'apparentent même à une forme de régulation publique temporaire de la fourniture d'énergie.

Dans le cadre des missions nouvelles qui lui ont notamment été confiées par l'article 181 de la LFI pour 2023, la CRE est conduite à analyser très finement l'activité de l'ensemble des fournisseurs bénéficiaires de compensations pour CSPE liées aux mesures d'aides aux consommateurs. Elle est ainsi amenée à analyser leur politique commerciale pour vérifier la bonne répercussion des aides perçues sur les factures de leurs clients. Elle est aussi tenue d'expertiser la stratégie d'approvisionnement des fournisseurs pour chacun de leurs segments de clientèle, et ce afin d'ajuster le niveau de compensations publiques au niveau strictement nécessaire.

L'article 181 de la LFI prévoit notamment que trois contraintes (présentées dans l'encadré ci-après), qui doivent être contrôlées par la CRE, peuvent venir limiter le niveau des compensations de CSPE dues à chaque fournisseur. Le régulateur en a précisé les principes dans une délibération du 23 mars 202358(*).

Les trois « contraintes » qui limitent les compensations de CSPE
prévues par l'article 181 de la LFI pour 2023
et précisées par la délibération n° 2023-78 du 23 mars 2023 de la CRE

Une première contrainte s'applique aux seuls boucliers tarifaires et prévoit que les compensations ne peuvent pas aller au-delà de ce qui serait nécessaire pour réduire le tarif des factures au niveau gelé des tarifs réglementés59(*). Il s'agit de veiller à ce que offre par offre, le fournisseur ne demande pas de compensations supérieures au montant nécessaire à ramener son offre au coût du tarif réglementé gelé, sauf s'il démontre qu'il le fait en s'appuyant sur des facteurs de compétitivité qui ne concernent pas son approvisionnement.

Une deuxième contrainte qui ne s'applique également qu'aux seuls boucliers tarifaires, limite le montant de compensation auquel un fournisseur peut prétendre pour le foisonnement des différentes offres de son portefeuille. La capacité de foisonnement autorisée par les dispositions de l'article 181 de la LFI pour 2023 permet, en fonction des portefeuilles de chaque fournisseur, de ramener un plus grand nombre de consommateurs au niveau du tarif règlementé gelé. Cela consiste pour un fournisseur à faire bénéficier, au sein de son portefeuille de clients, les consommateurs les plus défavorisés par leur contrat de fourniture, d'un surplus de compensation apporté par les consommateurs n'ayant pas eu besoin de l'intégralité du montant de compensation pour voir leur prix ramené au niveau du tarif réglementé gelé. La contrainte imposée par les dispositions de la LFI pour 2023 conduit à limiter la compensation totale du fournisseur au montant strictement nécessaire pour ramener l'ensemble des consommateurs de son portefeuille au niveau des tarifs réglementés gelés.

Une troisième contrainte, la plus complexe à appliquer, concerne les boucliers tarifaires ainsi que les amortisseurs et vise à limiter le montant des compensations auquel un fournisseur peut prétendre en fonction de ses coûts d'approvisionnement. Il s'agit pour la CRE de s'assurer que des coûts d'approvisionnement performants du fournisseur ne lui permettent pas, sans compensation ou avec une compensation réduite, d'assurer par lui-même une part de la réduction de tarifs à ses clients.

Source : commission des finances du Sénat

Si les deux premières contraintes60(*) ne posent pas de difficultés et sont appliquées dès à présent puisqu'elles ont une incidence directe sur les offres proposées par les fournisseurs, la troisième contrainte, relative aux coûts d'approvisionnement des fournisseurs, beaucoup plus complexe et sensible, n'interviendra qu'ex-post. Cette dernière contrainte consistera, le cas échéant, en une diminution de la compensation due au fournisseur si la CRE estime que les coûts réels auxquels il a pu s'approvisionner pour livrer l'énergie nécessaire à ses consommateurs concernés par les dispositifs, parce qu'ils étaient suffisamment performants, peuvent lui permettre d'assurer une partie de la réduction des factures de ses clients en ne recourant qu'à une compensation de l'État minorée. L'évaluation définitive de la CRE relative à cette contrainte n'interviendra qu'en juillet 2024 faisant peser jusqu'à cette date une incertitude pour les fournisseurs quant au montant de compensation réel auquel ils pourront prétendre.

Si cette contrainte est cohérente dans une logique de bon usage des deniers publics et pour limiter le montant des compensations versées par l'État au strict nécessaire, en contrepartie, elle désincite les fournisseurs à conduire des stratégies d'approvisionnement performantes à des coûts réduits puisque ces gains seront en toute hypothèse déduits de leurs compensations.

La mise en oeuvre de cette troisième contrainte va par ailleurs s'avérer extrêmement complexe pour la CRE et les fournisseurs. Pour évaluer les coûts d'approvisionnement des fournisseurs, la CRE va leur demander des informations très détaillées qui aujourd'hui ne sont pas connues des fournisseurs eux-mêmes. D'après le contenu de sa délibération n° 2023-78 du 23 mars 2023, pour mener à bien sa mission d'analyse, la CRE entend demander aux fournisseurs le détail de leurs coûts d'approvisionnement pour chacun des quatre segments de clientèle suivants : les bénéficiaires du bouclier gaz, du bouclier électricité résidentiel, du bouclier électricité non résidentiel et des amortisseurs. Les fournisseurs devront donc élaborer une méthode d'affectation de leurs coûts d'approvisionnement comptables totaux à chacun de ces segments. Cette méthode, attestée par un commissaire aux comptes, sera ensuite analysée par la CRE dans le cadre de son travail d'évaluation du montant définitif de compensations dû à chaque fournisseur.

2. Une nouvelle méthode de calcul des TRVe pour tenir compte des nouvelles conditions de marché

En 2022, les fournisseurs estimaient que le niveau auquel avaient été fixés les TRVe non gelés ne reflétait pas la réalité de leurs coûts d'approvisionnement. Puisque le montant de compensation pour les dispositifs d'aide correspond au différentiel de prix entre le niveau des TRVe gelés et celui des TRVe non gelés, les fournisseurs considèrent qu'il sera insuffisant pour couvrir leurs coûts d'approvisionnement et qu'ils auront donc à assumer une part du coût réel du bouclier sur les prix de l'électricité en 2022.

Admettant cette réalité, la CRE a décidé de lancer une consultation publique61(*) dans le but de faire évoluer sa méthode de calcul des TRVe à compter de 2023. Cette consultation a abouti à la publication de la délibération n° 2023-03 du 12 janvier 202362(*) par laquelle la CRE présente, pour tenir compte du nouveau contexte d'extrême volatilité du marché de l'électricité, la nouvelle méthode de calcul des TRVe qu'elle a appliquée dès l'année 2023 à l'occasion de sa délibération n° 2023-17 du 19 janvier 2023 portant proposition des TRVe.

TROISIÈME PARTIE

PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS

I. L'ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

A. IL EST PRÉVU QUE LES PRIX DU GAZ RESTENT RELATIVEMENT BAS EN 2024, MAIS DES INCERTITUDES DEMEURENT

Après les augmentations extrêmement importantes constatées en 2021 et 2022, allant jusqu'à 310 euros par MWh, les prix du gaz ont fortement diminué, jusqu'à se situer aux alentours de 40 MWh en avril 2023.

Les hypothèses retenues par la DGCE prévoient une diminution lente et continue du prix du gaz en 2023 et 2024, et même jusqu'en 2028, où il devrait se situer aux alentours de 30 euros par MWh, avant de remonter les années suivantes. Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, Engie a indiqué de même que « les fondamentaux sur les marchés européens du gaz restent baissiers ». En audition, Engie a précisé que les stockages européens étaient remplis à 56 % au moins, ce qui est très au-dessus des moyennes.

Toutefois, l'ensemble des personnes entendues ont également souligné que les prévisions de l'évolution du prix du gaz souffraient de nombreuses incertitudes. La DGEC a ainsi énoncé qu' « il est difficile d'établir des scénarios prospectifs dans la mesure où le prix du gaz est très dépendant de la situation géopolitique, de la demande, notamment en Asie, et des conditions climatiques. »63(*)

Selon Engie, les principaux risques sont les suivants :

- un éventuel rebond des prix du charbon, qui augmenterait la demande en gaz pour la production d'électricité en Europe ;

- une reprise de la demande en Chine, qui là aussi créerait des tensions sur le marché du gaz ;

- une diminution des approvisionnements en gaz naturel liquide, et du gaz norvégien par rapport aux niveaux actuels.

Il faut souligner que même si l'un de ces risques se concrétisait, il n'est pas certain qu'il aboutirait à une augmentation des prix du gaz. Par exemple, une augmentation de la demande en Chine qui conduirait à une augmentation des prix du gaz pourrait inciter les industriels européens à se tourner vers le charbon, ce qui équilibrerait le prix du gaz. L'évolution du prix du gaz est ainsi dépendante de très nombreux facteurs, qui rendent délicate une prospective à moyen et long termes.

B. COMPTE-TENU NOTAMMENT DES INCERTITUDES RÉCURRENTES CONCERNANT LA DISPONIBILITÉ DU PARC NUCLÉAIRE D'EDF, LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ EN FRANCE SE MAINTIENDRONT À UN NIVEAU ÉLEVÉ EN 2024

Après les augmentations inédites constatées au cours des années 2021 puis 2022 (voir supra), les prix de l'électricité se maintiennent à des niveaux sensiblement élevés en 2023 (193 euros/MWh en moyenne annuelle). Cette situation est même plus accentuée en France que chez ses voisins. Ainsi, au printemps 2023, l'écart constaté entre la France et l'Allemagne sur les prix à terme pour une livraison en 2024 avait augmenté à environ 50 euros/MWh au détriment de la France.

Cet écart traduit notamment la persistance de fortes incertitudes sur le niveau de la production du parc nucléaire français au cours de l'hiver 2023-2024, notamment depuis la découverte de nouvelles difficultés relatives au phénomène de corrosion sous contrainte qui affecte ce parc.

Compte-tenu également des incertitudes qui demeurent quant à l'évolution des prix de gaz ou à la disponibilité du parc de production hydraulique, les marchés anticipent des prix de l'ordre de 250 euros/MWh pour les livraisons du 4ème trimestre 2023.

Les projections actuelles indiquent clairement que les prix de l'électricité sur les marchés de gros resteront à des niveaux élevés en 2024. Les dernières hypothèses pluriannuelles retenues par la DGEC et présentées dans le rapport annuel de performance (RAP) du programme 345 « Service public de l'énergie » font état d'une possible diminution progressive des prix d'ici 2029 avant une stabilisation à un niveau proche de celui d'avant crise. Cependant, compte-tenu des nombreuses incertitudes et de la volatilité des marchés, ces hypothèses doivent être considérées avec la plus grande prudence.

Source : rapport annuel de performance (RAP) du programme 345 « Service public de l'énergie » annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022.

II. DANS LE CONTEXTE DE LA FIN DU BOUCLIER TARIFAIRE GAZ, IL EST INDISPENSABLE DE PRÉVOIR DES RÉPONSES EN CAS DE NOUVELLE HAUSSE DES PRIX DU GAZ

A. LA FIN DES TRVG N'AURA PAS D'IMPACT SIGNIFICATIF SUR LES MESURES DE LUTTE CONTRE LA HAUSSE DES PRIX DU GAZ

La fin des tarifs règlementés de vente de gaz (TRVg) interviendra au 1er juillet 2023. Cette mesure découle, à l'origine, d'une décision juridictionnelle.

En effet, dans une décision du 19 juillet 2017, le Conseil d'État a jugé le maintien des TRVg contraire au droit de l'Union européenne. Le juge administratif a considéré que les TRVg ne « peuvent pas être regardés comme visant à garantir un prix raisonnable de la fourniture du gaz puisqu'ils prévoient la couverture de l'ensemble des coûts supportés par les fournisseurs historiques, quel que soit leur niveau, et qu'ils s'appliquent de manière permanente, et non pendant les seules périodes durant lesquelles ce prix serait excessif » et que « à la différence de l'électricité qui, en application de l'article L. 121-1 du code de l'énergie, est un "produit de première nécessité" faisant l'objet d'un approvisionnement "sur l'ensemble du territoire national", le gaz, auquel d'autres sources d'énergie sont substituables, ne constitue pas un bien de première nécessité. » L'article 63 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (loi « énergie-climat ») a ensuite tiré les conséquences de cette décision en organisant la fin des TRVg.

Les TRV de gaz naturel ne sont plus commercialisés depuis la fin de l'année 2019, mais leurs modalités de détermination restent applicables jusqu'au 1er juillet 2023 pour les ménages

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (LEC) met fin aux tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz naturel, pour toutes les catégories de consommateurs, en plusieurs étapes :

- les consommateurs professionnels ne peuvent plus bénéficier des TRV de gaz depuis le 1er décembre 2020 ;

- les consommateurs résidentiels ainsi que les syndicats de copropriétés et les propriétaires uniques d'immeuble à usage unique d'habitation dont la consommation annuelle est inférieure à 150 MWh devront, eux, opter pour une offre de marché d'ici le 1er juillet 2023.

Les TRV de gaz ne sont plus commercialisés depuis le 8 décembre 2019. Néanmoins, pour les contrats en cours d'exécution à la date de publication de la LEC et jusqu'aux échéances mentionnées ci-dessus, les dispositions du code de l'énergie relatives au mode de construction et aux missions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) abrogées par la LEC restent applicables dans leur rédaction antérieure à cette loi.

Source : commission des finances

La fin des TRVg a fait l'objet d'inquiétudes de la part d'associations. L'association Consommation Logement Cadre de vie (CLCV), qui a été entendue par le rapporteur spécial, a formulé dans un courrier daté du 7 décembre 2022 à destination du président de la République la demande suivante : « Ne supprimez pas le tarif réglementé du gaz en pleine crise énergétique ».

Il faut souligner que les TRVg ne sont pas protecteurs en eux-mêmes : en réalité c'est le bouclier tarifaire qui permet de limiter la hausse des prix de l'énergie. En effet, la crise énergétique avait conduit à une forte augmentation des TRVg, qui dépendent des coûts d'approvisionnement en gaz, et la première mesure décidée à l'automne 2021 avait été précisément un gel des TRVg, suivi de la mise en place du bouclier tarifaire « gaz ».

Les TRVg ne sont pas non plus nécessaires à l'application du bouclier tarifaire gaz ou de la mesure d'aide au chauffage collectif. En effet, l'article 181 de la loi de finances initiale pour 2023 prévoit la possibilité de prolonger le bouclier tarifaire « gaz » durant le second semestre 2023, en prenant comme référence, non plus les TRVg, mais une « référence de prix du gaz sur les marchés représentative des coûts d'approvisionnement des fournisseurs pour leurs offres de marché ».

L'article 181 prévoit que le mode de calcul de la « référence de prix du gaz sur les marchés » est défini par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie. La CRE était tenue de remettre sa proposition avant le 31 janvier 2023. La méthode de calcul a bien été définie par un arrêté du 18 avril 2023.

Article 1 de l'arrêté relatif à la référence de prix du gaz
sur les marchés représentative des coûts d'approvisionnement
des fournisseurs prévue à l'article 181 de la loi n° 2022-1726
du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

La référence de prix du gaz sur les marchés représentative des coûts d'approvisionnement des fournisseurs pour leurs offres de marché à destination des consommateurs finals domestiques, des propriétaires uniques d'un immeuble à usage principal d'habitation et des syndicats des copropriétaires d'un tel immeuble prévue par l'article 181 de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 susvisée est définie pour chaque mois comme suit :

80 % × MA2PEG + 20 % × QAPEG

où :

- MA2PEG est le prix coté sur le PEG du contrat futur mensuel de gaz naturel, correspondant à la moyenne des cotations constatées, pour le mois de consommation considéré, sur la période d'un mois se terminant un mois avant le mois de livraison visé ;

- QAPEG est le prix coté sur le PEG du contrat futur trimestriel de gaz naturel, correspondant à la moyenne des cotations constatées, pour le trimestre de consommation considéré, sur la période d'un mois se terminant un mois avant le trimestre de livraison visé.

À partir de la fin des TRVg, la CRE devra ainsi publier tous les mois un prix repère de vente de gaz naturel, calculé à partir de la méthode décrite précédemment. Pour le mois de juillet, le prix repère présenté par la CRE est inférieur au TRVg défini pour le mois de juin.

La fin des TRVg ne représentera donc pas un bouleversement dans les mesures d'aide face à la hausse des prix du gaz. À cet égard, le prix de référence a, à plusieurs reprises, été qualifié de « semi tarif règlementé ».

En revanche, la fin des TRVg aura tout de même des conséquences du point de vue du consommateur et des fournisseurs d'énergies. L'ensemble des clients ayant un contrat aux TRVg ont été invités à prendre un nouveau contrat, et ceux qui n'ont pas fait de démarches seront automatiquement basculés sur une « offre passerelle », dont le prix de vente est fixé par rapport aux prix de référence du gaz présenté tous les mois par la CRE.

Ces changements peuvent créer des confusions chez les consommateurs, et ils représentent une charge significative pour les fournisseurs de gaz. Engie a ainsi évoqué le « contexte sensible de fin des Tarifs Réglementés de Vente de Gaz (TRVG) pour les particuliers »64(*), et a mentionné ce basculement comme l'une des raisons de maintenir le bouclier tarifaire « gaz » au second semestre 2023.

B. LA FIN DU BOUCLIER GAZ DOIT ÊTRE L'OCCASION DE DÉFINIR UNE STRATÉGIE EN CAS DE NOUVELLE HAUSSE DU PRIX DU GAZ

1. L'annonce de la fin du bouclier gaz au second semestre 2023 est précipitée

Le 19 juin dernier, lors des assises des finances publiques, le ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, a annoncé la fin du bouclier tarifaire gaz dès juillet 2023. La faculté qui avait été ouverte en loi de finances de prolonger le bouclier tarifaire au second semestre ne sera donc pas utilisée.

Cette annonce tranche avec une déclaration de la Première ministre Élisabeth Borne du 26 avril, selon qui les boucliers tarifaires gaz et électricité seraient maintenus jusqu'à la fin de l'année 2023. Ce retournement soudain interroge, alors que les fondamentaux du marché du gaz n'ont pas évolué de manière significative entre avril et juin 2023. En outre, la date de l'annonce de Bruno Le Maire, quelques jours avant la date de fin du bouclier tarifaire gaz, soulève également des questions.

La justification donnée est que la mesure ne serait plus « nécessaire », étant donné que les prix du gaz ne sont plus assez élevés pour déclencher le bouclier, et qu'il est prévu qu'ils le restent ainsi pour le reste de l'année 2023 et en 2024. Toutefois, il est possible de répondre l'inverse : pourquoi alors s'empresser de supprimer un dispositif qui, dans le meilleur des cas, ne coûte rien, et qui, dans le pire des cas, représente une sécurité face à une nouvelle poussée des prix du gaz ?

En effet, plusieurs personnes entendues par le rapporteur spécial ont indiqué que si, en effet, il est prévu que les prix du gaz restent à un niveau relativement bas, ces prévisions sont dans le même temps entourées de nombreuses incertitudes, notamment d'ordre géopolitique. Il ne peut pas être garanti que les prix du gaz resteront à un niveau « raisonnable » durant le reste de l'année 2023.

Plusieurs personnes auditionnées ont également évoqué leur souhait de voir le bouclier gaz maintenu en 2023, essentiellement pour des questions de visibilité.

En outre, Engie a souligné que la suppression du bouclier gaz pourrait induire une distorsion entre les clients qui relèvent du bouclier tarifaire gaz, et ceux qui relèvent de la mesure d'aide au chauffage collectif : « cela permettra en particulier d'éviter une possible distorsion avec les clients collectifs pour lesquels un Bouclier collectif gaz existe sur l'ensemble de l'année 2023. »65(*). Il faut en effet rappeler que le décret du 30 décembre 2022 a déjà étendu la mesure d'aide au chauffage collectif au gaz pour l'ensemble des consommations de l'année 2023.

En réalité, l'annonce du 19 juin 2023 illustre une nouvelle fois l'impression d'impréparation qui caractérise les dispositifs mis en place pour soutenir les consommateurs : une décision soudaine, sans indications réelles sur les mesures à suivre.

Le rapporteur spécial ne recommande toutefois pas de conserver le bouclier tarifaire gaz. En effet, dès le moment où sa suppression a été annoncée pour juillet 2023, annoncer à présent sa conservation ne ferait qu'ajouter une nouvelle couche de confusion pour les acteurs de l'énergie. Pour autant, il reste très regrettable que cette mesure n'ait pas fait l'objet de concertations.

2. Il est indispensable de prévoir de manière anticipée des réponses en cas de remontée des prix du gaz

Il est donc nécessaire, pour ne pas reproduire les erreurs de la mise en oeuvre du bouclier tarifaire, de définir dès maintenant des réponses face à une éventuelle remontée des prix du gaz.

Il s'agit de sortir de la logique où un dispositif ad hoc serait mis en place en réaction à une forte hausse des prix de l'énergie, dans la précipitation, avant d'être entièrement supprimé lorsque ceux-ci sont redescendus, comme si les prix du gaz n'allaient plus jamais connaître de bouleversements. Il convient en revanche de s'interroger sur plusieurs scénarios de remontée des prix, et pour chacun d'eux de définir en amont la réponse la plus adaptée.

Certes, la mise en place d'un dispositif permanent de protection face à l'augmentation des prix de l'énergie pourrait conduire à des distorsions de marché. Toutefois, il ne fait guère de doutes que si les prix devaient augmenter au même niveau qu'en 2022, un nouveau mécanisme serait immédiatement remis en place.

En réalité, il convient surtout de s'assurer que les réponses apportées puissent maintenir un signal-prix, c'est-à-dire qu'elles ne se contentent pas de donner des prix fixes, mais qu'elles permettent des évolutions reposant sur des fondamentaux de marché. Le signal-prix est important à la fois pour éviter les distorsions de marché, et pour encourager une réduction de la consommation d'énergie. Il est en effet indispensable de maintenir une incitation aux économies d'énergie, dans un objectif de transition énergétique.

Recommandation : définir une stratégie en cas de nouvelle hausse des prix du gaz qui permette de maintenir un signal-prix

3. Une protection doit être maintenue pour les structures qui ont signé des contrats de fourniture de gaz à des montants élevés pour une maturité supérieure à un an

Le cas des structures qui ont signé des contrats à un prix élevé et pour des durées longues doit faire l'objet d'un traitement spécifique. Ce phénomène ne concerne pas tant les ménages individuels, dont les contrats ne durent pas plusieurs années mais davantage les structures collectives.

Pour rappel, les structures qui, au cours du second semestre 2022, ont souscrit à des contrats à prix très hauts bénéficient d'une aide complémentaire, selon laquelle la facture est prise en charge à 75 % par l'État dès lors qu'elle dépasse de 30 % le niveau du TRV tel qu'il aurait évolué sans les mesures de gel. Cette aide a toutefois la même temporalité que le mécanisme d'aide au chauffage collectif au gaz, c'est-à-dire qu'elle est prévue pour durer toute l'année 2023, et qu'il n'y aucune garantie qu'elle soit maintenue.

Or, si la maturité du contrat signée est supérieure à un an, le risque est important que ces structures ne soient plus couvertes par aucune mesure d'aide, ce qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur leur fonctionnement. Il importe donc de prévoir des dispositifs pour les structures qui se retrouveraient dans une telle situation.

Recommandation : dans le cadre de la reconduction des dispositifs dédiés à l'habitat collectif en 2024, en gaz comme en électricité, prévoir un traitement particulier pour les structures qui ont signé en 2022, des contrats de fourniture à des tarifs très élevés pour une maturité supérieure à un an.

III. EN RAISON DE L'ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DES PRIX, DES MESURES DE SOUTIEN AUX CONSOMMATEURS D'ÉLECTRICITÉ SERONT NÉCESSAIRES EN 2024

A. LA PROLONGATION DES MESURES EN FAVEUR DES PARTICULIERS S'IMPOSE AINSI QU'UNE RÉFORME DU DISPOSITIF DU CHÈQUE ÉNERGIE

1. En 2024, le bouclier tarifaire doit être calibré en fonction des anticipations de prix en 2025 et de façon à lisser l'évolution des TRVe pour les petits consommateurs dans une perspective de suppression du bouclier à cet horizon

En 2024, d'après ses dernières projections, la DGEC estime que les TRVe non gelés qui seront calculés par la CRE en janvier prochain, pourraient encore être supérieurs de 50 % au niveau des TRVe dont la hausse avait été plafonnée à 4 % en 202266(*). Au regard de telles prévisions, il ne parait pas raisonnable d'envisager la suppression brutale, dès 2024, du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité. Aussi, le Gouvernement a-t-il annoncé en avril dernier qu'il entendait proposer au Parlement une prolongation de ce dispositif en 2024.

Alors que le besoin de maintenir le dispositif en 2024 ne fait aucun doute en raison de l'évolution prévisionnelle des prix de l'électricité, le rapporteur spécial note que le Gouvernement admet et tient compte de ses erreurs passées en prenant cette décision de façon anticipée. Cependant, le rapporteur spécial regrette que les entreprises et leurs fournisseurs soient encore privés de toute visibilité pour ce qu'il adviendra d'ici six mois des aides aux professionnels non éligibles au bouclier (voir infra).

À horizon 2025, si la baisse des prix de l'électricité actuellement anticipée venait à se confirmer, le retrait du bouclier tarifaire semblerait pouvoir être envisagé (à condition que la minoration de l'accise sur l'électricité soit maintenue). Dans cette perspective, et pour éviter une évolution trop prononcée, dans un sens ou dans un autre, du niveau des TRVe effectifs entre 2024 et 2025, qui pourrait être mal comprise des consommateurs, il conviendrait de calibrer le bouclier 2024 de façon à pouvoir lisser au maximum son évolution sur cette période.

Recommandation : fixer le bouclier électricité 2024 à un niveau permettant de lisser l'évolution des TRVe pour les particuliers dans une perspective d'extinction du dispositif de soutien public en 2025 si les tendances de réduction des prix de l'électricité à cet horizon se confirment.

2. Au moins à court terme, et pour éviter une hausse significative des prix de l'électricité, il semble difficile de ne pas prolonger la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité

En 2022 comme en 2023, la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité (l'ancienne TICFE) à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne a constitué un levier déterminant pour réduire les factures d'électricité des ménages comme des professionnels. Sur la période 2022-2023, le coût pour l'État de cette mesure, en termes de diminution de recettes, aura atteint environ 18 milliards d'euros. En rythme de croisière, cette minoration a un coût de 10 milliards d'euros par an pour le budget de l'État.

À court terme cependant, malgré son coût et sauf à provoquer une hausse immédiate des factures d'électricité pour les ménages et les entreprises, il semble difficile d'envisager de ne pas prolonger ce dispositif.

3. Sortir de la logique des chèques exceptionnels au profit d'une réforme structurelle du chèque énergie

Contrairement aux boucliers tarifaires, le dispositif du chèque énergie permet d'apporter une aide ciblée en fonction des revenus. Ce levier a été utilisé à plusieurs reprises depuis le début de la crise des prix de l'énergie. Des chèques énergie exceptionnels ont été adoptés en toute fin de gestion en 2021 puis en 2022 dans le cadre de l'examen des PLFR de fin d'année pour un montant cumulé de 2,4 milliards d'euros. En parallèle, les premier et second PLFR de l'année 2022 ont instauré des chèques énergie spécialement destinés aux ménages qui se chauffent au fioul domestique et au bois.

Aussi utiles qu'aient pu être ces initiatives, il n'apparaît pas satisfaisant d'improviser en urgence, en fin d'exercice budgétaire, des dispositifs dont les enjeux financiers et sociaux sont tels. Par ailleurs, on observe que les chèques énergie exceptionnels, justement parce qu'ils ne sont que ponctuels, rencontrent moins leur public que le chèque énergie de droit commun. Leurs taux de non recours sont plus élevés. À ce stade, le taux d'usage du chèque exceptionnel 2021 s'établit à seulement 78,4 % tandis que les taux d'usage du chèque exceptionnel 2022 et des chèques fioul et bois demeurent aujourd'hui très faibles. Fin 2022, la consommation des crédits était de 868 millions d'euros pour le chèque exceptionnel 2022 et respectivement 52 millions d'euros et 50 millions d'euros pour les chèques fioul et bois.

Par ailleurs, il apparaît que le périmètre actuel du chèque énergie, réservé aux deux premiers déciles de revenus, soit 5,8 millions de ménages, exclut des travailleurs modestes et les classes moyennes inférieures. Ces phénomènes d'exclusion ont justifié la création du chèque exceptionnel 2022 étendu jusqu'au quatrième décile et à 12 millions de ménages mais également de boucliers tarifaires très protecteurs. Si l'on avait disposé d'un chèque énergie de droit commun au périmètre plus étendu, les autres mesures exceptionnelles de soutien auraient pu raisonnablement être calibrées à des niveaux inférieurs et le bilan en termes de dépenses publiques aurait peut-être été plus avantageux.

Pour sortir de cette logique de chèques exceptionnels trop peu lisible et pour mieux protéger les travailleurs modestes et les classes moyennes de la volatilité des prix de l'énergie, il apparaît nécessaire de conduire une réforme structurelle du chèque énergie pour en élargir le périmètre aux troisième et quatrième déciles.

Le rapporteur spécial note que la réforme du système d'échange de quotas d'émission européen (ETS2) va conduire à renchérir le prix du gaz, du fioul et du GPL à compter de 2026. Cette réforme permettrait d'anticiper cette échéance qui ne sera pas sans conséquence sur le pouvoir d'achat des ménages concernés.

Recommandation : élargir l'éligibilité du chèque énergie aux troisième et quatrième déciles également pour qu'en cas de nouvelle crise, les dispositifs exceptionnels puissent être calibrés à des niveaux moins coûteux pour les finances publiques.

Au-delà de l'extension de son périmètre, la réforme structurelle du dispositif du chèque énergie doit aussi rendre effective son emploi pour les particuliers qui utilisent un mode de chauffage collectif. Car aujourd'hui, un ménage peut utiliser son chèque énergie pour payer ses factures de gaz, d'électricité ou de chaleur mais à condition qu'il dispose d'un contrat de fourniture à son nom, les seules exceptions étant le paiement de redevances pour l'occupation d'un foyer-logement conventionné au titre de l'allocation personnalisée au logement (APL) et, depuis 2020, le tarif hébergement dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées (EHPA), les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les établissements ou unités de soins de longue durée (ESLD, USLD) et les résidences autonomie.

Au regard notamment des missions d'intérêt général des organismes HLM, l'administration étudie actuellement la possibilité d'utiliser le chèque énergie pour le paiement des charges locatives des logements sociaux incluant des dépenses de chauffage. Cette évolution, qu'il conviendrait d'expérimenter au plus vite, devra nécessairement faire partie intégrante de la réforme structurelle du dispositif.

Toutefois, et même si les possibilités sont plus complexes, notamment en raison de difficultés opérationnelles et des risques de fraudes, ne serait-ce qu'en vertu de l'impératif d'égalité, les bailleurs privés et les copropriétés ne pourront rester durablement à l'écart du bénéfice du chèque énergie et une solution doit être trouvée pour leur permettre d'en bénéficier au même titre que les autres ménages.

Recommandation : expérimenter l'attribution du chèque énergie aux sociétés d'HLM et lancer une réflexion sur l'usage du chèque énergie dans les copropriétés.

B. POUR NE PAS FRAGILISER NOTRE TISSU ÉCONOMIQUE NI REPRODUIRE LES ERREURS DE L'ANNÉE DERNIÈRE, IL EST URGENT DE DONNER DE LA VISIBILITÉ AUX PROFESSIONNELS SUR LES MESURES DONT ILS POURRONT BÉNÉFICIER EN 2024

1. Selon la maturité de leur contrat et le moment où elles l'ont signé, certaines entreprises resteront fortement affectées en 2024 et en 2025

L'acmé de la crise des prix de l'électricité, au sortir de l'été 2022, est très mal tombée puisque cette période correspondait à un moment où les renouvellements de contrats de fournitures des professionnels étaient particulièrement nombreux. Du fait des niveaux de prix incroyablement élevés ainsi que du manque de liquidité du marché (les deux allants de pair), les fournisseurs ont décidé de réduire la maturité de leurs offres qui, habituellement, s'étendent le plus souvent sur des durées de trois ans. Il semble qu'en moyenne, la maturité des contrats renouvelés à cette période a diminué d'une année. Au cours du second semestre 2022, des fournisseurs, au moins pour certains segments de clientèles, ne proposaient que des contrats de 12 mois.

Cependant, durant cette période des contrats pluriannuels de deux voire même trois ans ont également été conclus. Les pratiques sont très différentes d'un fournisseur à l'autre et relèvent du secret des affaires mais sur les portefeuilles professionnels, la part des contrats signés en 2022 exposés en 2024 pourrait semble-t-il atteindre jusqu'à 20 % et celle des contrats exposés en 2025, jusqu'à 10 %. En l'absence de mesures de soutien en 2024 et en 2025, les entités concernées, exposées à des prix de l'électricité extrêmement élevés, verraient leur équilibre financier sérieusement menacé.

En cette période d'intense volatilité des prix, le renouvellement des contrats de fourniture d'électricité a relevé d'un phénomène de « loterie » pour les entreprises. Certaines, qui ont eu la malchance de devoir renouveler leur contrat au pire moment et qui, faute notamment de messages clairs des pouvoirs publics, se sont engagées sur deux ou trois ans, voient leur compétitivité économique fortement affectée et souffrent ainsi de distorsions de concurrence au sein de leur secteur par rapport à d'autres entreprises qui avaient par exemple renouvelé leur contrat juste avant la crise, et jusqu'en 2024, à des prix nettement plus faibles.

La DGEC estime que si la situation est disparate selon les fournisseurs, la proportion de contrats signés au cours du second semestre 2022 encore actifs en 2024 « pourrait ne pas être négligeable ». Toutefois, si elle considère que cet effet est susceptible d'avoir davantage d'ampleur qu'une simple « queue de comète », elle ne dispose pas d'informations précises sur la part, le nombre et les catégories d'entités exposées.

2. Il est urgent de prévoir un prolongement des dispositifs d'amortisseurs en 2024

Compte-tenu de l'évolution prévisionnelle des prix de l'électricité ainsi que des contrats conclus en 2022 pour une période supérieure à un an il apparaît nécessaire de prévoir des mesures pour réduire la facture d'électricité des professionnels en 2024. Il est indispensable que la prolongation des dispositifs actuels soit annoncée au plus vite pour éviter tous les désagréments vécus ces derniers mois à l'occasion du lancement chaotique de mesures complexes élaborées beaucoup trop tardivement.

S'agissant de la prolongation des aides en faveur des PME, le Gouvernement doit rapidement convaincre ses partenaires européens de prévoir une prolongation au-delà du 31 décembre 202367(*), des aides exceptionnelles dont elles peuvent bénéficier en réponse à la crise des prix.

Recommandation : engager rapidement une négociation avec nos partenaires européens afin de prolonger au-delà de 2023 les aides exceptionnelles susceptibles d'être accordées aux PME pour faire face à la hausse des prix de l'énergie.

Tous les acteurs que le rapporteur spécial a pu entendre au cours de ses auditions l'ont alerté sur un besoin impératif de visibilité : les entreprises en premier lieu pour éclairer leurs perspectives économiques mais également les fournisseurs pour que la mise en oeuvre des dispositifs se fasse de façon plus fluide et plus sereine qu'au début de l'année 2023.

Si la prolongation des dispositifs d'amortisseur et de sur-amortisseur n'a pas encore été définitivement arbitrée, la DGEC elle-aussi pousse pour qu'une telle prolongation soit rapidement entérinée afin de ne pas risquer de rejouer les mauvais scénarios de la fin de l'année 2022 et du début de l'année 2023. Faute de décision rapide et si l'exécutif refusait à nouveau de faire preuve d'anticipation, nous avons toutes les chances de revivre les mêmes « psychodrames » de l'hiver 2022-2023 et de devoir une fois encore improviser au dernier moment, « dos au mur », des dispositifs complexes qui entreront en vigueur de manière rétroactive dans de mauvaises conditions.

Malgré la complexité des dispositifs actuels d'amortisseur et de sur-amortisseur, le « coût d'entrée » a été tel (pour les fournisseurs, la CRE, les administrations, les bénéficiaires, etc.) pour les roder et leur permettre d'atteindre leur rythme de croisière qu'il serait dommage de ne pas capitaliser sur les efforts fournis. Aussi, les acteurs sont aujourd'hui unanimes pour recommander la stabilité et la reconduction des dispositifs actuels, le cas échéant en ajustant leurs paramètres et en les assortissant de mesures incitatives visant à encourager plus directement les économies d'énergie.

Recommandation : prolonger les dispositifs d'amortisseur et de sur-amortisseur en 2024 en les assortissant de paramètres incitatifs à la sobriété énergétique.

Sur ce dernier thème la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ainsi que le mouvement des entreprises de France (MEDEF) ont présenté au rapporteur spécial des initiatives en la matière, notamment à travers le développement d'espaces permettant l'échange de bonnes pratiques. Ce mouvement mérite d'être encouragé et doit aller de pair avec les dispositifs de soutien.

Recommandation : encourager le développement d'espace d'échanges de bonnes pratiques, aux niveaux local comme national, visant à réduire la consommation d'énergie des entreprises.

Enfin, il apparaît d'ores et déjà qu'en 2025, à minima pour les entreprises qui ont conclu en 2022 un contrat de fourniture sur une durée de trois ans, l'État ne pourra faire l'économie d'un dispositif d'aide ciblé.

Recommandation : en 2025, mettre en place un dispositif d'aide public ciblé pour accompagner les consommateurs professionnels qui se sont engagés au cours du second semestre 2022 sur des contrats de fourniture d'électricité d'une durée de trois ans.

IV. LES POUVOIRS PUBLICS DOIVENT DISPOSER DES DONNÉES NÉCESSAIRES POUR ÉCLAIRER LEURS DÉCISIONS ET FAIRE PREUVE DE PLUS DE TRANSPARENCE

A. MIEUX CONNAÎTRE LES CONSOMMATEURS FINALS D'ÉNERGIE

L'un des enseignements majeurs de cette crise et une des raisons principales des différents désagréments qui ont émaillé la conception, l'adoption et la mise en oeuvre des différents dispositifs de soutien, tient au manque évident de connaissance par les pouvoirs publics des profils et de l'exposition au risque de volatilité des prix de l'énergie des différents types de consommateurs particuliers mais plus encore professionnels.

Au stade de la conception des dispositifs, cette lacune a rendu très complexe le ciblage ex-ante de leur périmètre, entraînant des phénomènes de lacunes qui ont conduit à devoir réviser à plusieurs reprises les mesures au détriment de la lisibilité d'ensemble de l'architecture de soutien. Elle a également grandement affecté les capacités des pouvoirs publics à calibrer au plus juste les dispositifs et à en évaluer les coûts prévisionnels. Au stade de la mise en oeuvre des mesures, cette méconnaissance des profils de consommation nuit à leur suivi et à leur contrôle.

Pour qu'à l'avenir les pouvoirs publics puissent répondre à ce type de crises autrement que dans l'improvisation et en ayant une idée claire sur les conséquences socio-économiques et budgétaires des mesures susceptibles d'être mise en oeuvre, il est impératif qu'ils puissent disposer d'informations beaucoup plus fines sur les différentes catégories de consommateurs et sur le degré de sensibilité de leur exposition aux fluctuations des prix de l'énergie.

Recommandation : pour pouvoir répondre efficacement à des crises de ce type et ne pas se retrouver démunis, les pouvoirs publics doivent pouvoir disposer de données beaucoup plus fines sur les différentes catégories de consommateurs finals d'énergie et sur le degré de sensibilité de leur exposition aux fluctuations des prix.

B. LA CLARTÉ DE L'INFORMATION AUX CITOYENS ET À LA REPRÉSENTATION NATIONALE DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE

Le rapporteur spécial a rappelé supra les conditions extrêmement insatisfaisantes dans lesquelles les dispositifs budgétaires et fiscaux adoptés en réponse à la crise des prix de l'énergie ont dû être examinés au Parlement. Cette situation a été causée par l'impréparation du Gouvernement qui, pour des mesures dont les coûts se chiffrent en dizaines de milliards d'euros, s'est exonéré de véritables évaluations préalables et a proposé à la représentation nationale, au fil de l'examen des lois de finances, des dispositifs inaboutis qui ressemblaient davantage à des documents de travail provisoires qu'à de véritables dispositions législatives opérationnelles.

Fort du retour d'expérience emmagasiné après deux ans de crise des prix de l'énergie et alors que, les problématiques à venir sur l'année 2024 semblent aujourd'hui bien cernées, le Gouvernement n'aura plus aucune excuse pour ne pas intégrer, dès le dépôt du PLF pour 2024 et accompagnées d'évaluations préalables sérieuses, l'ensemble des mesures de soutien proposées pour l'année à venir. Il est absolument impensable que les conditions d'examen du PLF 2023 se reproduisent à l'automne prochain.

Recommandation : anticiper dès maintenant la prolongation des dispositifs de soutien aux particuliers et aux entreprises pour que des dispositifs complets, appuyés par des évaluations préalables sérieuses, puissent être intégrés au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 dès sa présentation.

Au-delà des conditions d'examen des dispositifs en loi de finances, la transparence de l'exécutif sur ces mesures passe aussi par la clarté de la présentation des documents budgétaires, au premier rang desquels les projets et rapports annuels de performance (PAP et RAP) du programme 345 « Service public de l'énergie » qui porte, au sein de son action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs », les crédits des compensations pour charges de service public de l'énergie (CSPE) liées aux dispositifs de soutien tels que les boucliers et les amortisseurs.

Or, force est de constater que le PAP annexé au PLF pour 2023 manquait singulièrement de lisibilité. Certains fournisseurs, au premier rang desquels EDF mais également TotalEnergies, Engie ou les entreprises locales de distribution (ELD) ont également une activité de production d'électricité et, à ce titre, du fait de la hausse des prix de marché, sont redevables de primes négatives à l'État au titre du mécanisme des compensations de CSPE. Dans la mesure où la majeure partie des compensations versées par l'État aux fournisseurs au titre des dispositifs de soutien aux consommateurs ont été consacrées comme des compensations de CSPE à part entière et incluses à leur mécanisme budgétaire, pour chacune des sociétés concernées, il est déterminé un montant net entre les sommes qu'elle doit à l'État au titre de son activité de fournisseur et les sommes que l'État lui doit au titre des mesures d'aides aux consommateurs.

Budgétairement, l'action 17 du programme 345 reflète cette couverture et, sur le modèle d'une sorte de « compte d'affectation spéciale » conduit en quelque sorte à affecter une recette à une dépense pour ne présenter qu'un montant de crédits budgétaires lié aux compensations versées aux fournisseurs net des primes négatives qu'ils doivent par ailleurs à l'État au titre de leur activité de production d'EnR.

Outre les limites en termes de respect du principe d'universalité budgétaire, le PAP du programme 345 annexé au PLF 2023 ne permettait pas d'établir de façon transparente le rapprochement entre les dépenses brutes et les recettes qui venaient en déduction de ces dépenses pour parvenir aux crédits budgétaires nets réellement alloués au versement des compensations. Ainsi, les informations figurant sur le PAP du programme 345 ne permettaient pas d'éclairer suffisamment le législateur et la portée de l'autorisation parlementaire s'en est trouvée affectée.

Par ailleurs, s'agissant du traitement comptable des dépenses liées aux mesures de soutien, notamment en engagements hors bilan (EHB) pour les dispositifs prévus en 2023, dans son acte de certification des comptes 202268(*) la Cour des comptes a constaté « l'absence d'éléments probants suffisants et appropriés pour fonder son opinion sur le montant des charges relatives aux boucliers tarifaires ». Elle a signalé que les informations communiquées « ne lui ont pas permis de s'assurer de la réalité et de l'exhaustivité » des montants inscrits dans les comptes de l'État.

Dans les réponses qu'elles ont faites au rapporteur spécial, la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) comme la direction du budget se sont engagées à retravailler en profondeur la présentation du PAP du programme 345 qui sera annexé au PLF pour 2024 afin d'en améliorer sensiblement la lisibilité. Le rapporteur spécial se montrera bien sûr très vigilant au respect d'un engagement essentiel pour garantir la bonne information de la représentation nationale et des citoyens sur des dispositifs si sensibles et aux enjeux si importants pour les finances publiques.

Recommandation : compléter les informations figurant sur le projet annuel de performance (PAP) du programme 345 « Service public de l'énergie » et améliorer très sensiblement la lisibilité des crédits de l'action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 27 juin 2023 sous la présidence de M Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur les dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie.

M. Claude Raynal, président. - Nous entendons une communication de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur le suivi des boucliers tarifaires et de l'amortisseur électricité. Je salue M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui est présent parmi nous.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Nous avons choisi de nous pencher sur les dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie, au vu des fortes fluctuations récentes des prix du gaz et de l'électricité.

Le prix du gaz diminue de nouveau, après avoir fortement augmenté, notamment durant l'été 2022. Selon les dernières hypothèses, il devrait revenir à environ 50 euros par mégawattheure, soit un prix plus de deux fois supérieur au prix de base antérieur à la crise, qui avoisinait les 20 euros par mégawattheure. Le prix de gros du gaz représente par ailleurs 41 % du prix de détail payé par les consommateurs.

Le prix de l'électricité a été marqué également par une forte volatilité. Une diminution relative s'observe actuellement, après plusieurs pics enregistrés au cours des derniers mois, dont un pic particulièrement élevé en août 2022, à près de 1 000 euros par mégawattheure. Une différence de 50 euros par mégawattheure sépare toutefois les prix français des prix allemands, à la livraison, pour 2024. Une incertitude demeure en effet sur la capacité de la France à mobiliser sa production nucléaire. Les marchés anticipent en la matière des difficultés analogues à celles qui ont été rencontrées au cours des exercices 2022 et 2023.

Quoi qu'il en soit, on maintient une hypothèse de prix assez élevés pour 2024, le prix de livraison du dernier trimestre 2023 étant situé à environ 250 euros par mégawattheure, contre 50 euros avant la crise. Au total, le prix de l'électricité a donc été multiplié par cinq et celui du gaz par deux.

Le transfert entre le prix de gros et le prix de détail s'effectue différemment pour l'électricité et pour le gaz, en raison notamment du mécanisme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), dont la disparition est programmée pour 2025, sans que l'on sache par quoi ce mécanisme sera remplacé. La part « Arenh » vient interférer dans le prix de détail de référence calculé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Face à cette situation, le Gouvernement a mobilisé plusieurs dispositifs d'aide, au sujet desquels il a peu communiqué. Il existe tout d'abord des boucliers tarifaires, pour l'électricité et pour le gaz, qui s'appliquent automatiquement. Le consommateur n'a rien à faire pour en bénéficier. De plus, ces boucliers étant intégrés directement à sa facture, il n'a pas à effectuer d'avance de trésorerie.

Ces deux dispositifs - électricité et gaz - n'ont pas été mis en oeuvre simultanément. En revanche, dans les deux cas, ils se sont appliqués à la fois aux clients bénéficiant des tarifs réglementés de vente (TRV) et aux clients bénéficiant des offres de marché. La fin des TRV du gaz, qui interviendra le 1er juillet 2023, n'aura donc pas de conséquence sur l'applicabilité du bouclier tarifaire, puisque ce n'était pas le fait d'acheter du gaz au tarif réglementé qui donnait droit au bouclier. La loi de finances pour 2023 prévoyait d'ailleurs le maintien de l'existence des boucliers jusqu'à la fin de l'année, soit après la disparition des TRV.

Le périmètre des bénéficiaires des boucliers tarifaires sur l'électricité et le gaz s'est élargi progressivement. Les derniers à y être entrés sont les syndicats de copropriété, qui ont pu prétendre au bouclier tarifaire sur le gaz le 1er novembre 2022.

La Première ministre a annoncé le 26 mars dernier que le bouclier tarifaire sur le gaz resterait en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023. Or cette annonce a été contredite par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui a déclaré le 19 juin dernier qu'il prendrait fin le 30 juin prochain. Cette annonce, quelques jours avant la fin prévue du bouclier gaz, est représentative des défauts de communication et de l'absence de préparation manifeste du Gouvernement face auxquels nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises au cours de nos travaux. Les messages sont difficilement compréhensibles, tant pour les clients que pour les fournisseurs chargés de mettre en oeuvre ces dispositifs.

La forme du bouclier tarifaire sur l'électricité a évolué légèrement au fil du temps. En effet, la hausse des prix de l'électricité a été plafonnée à 15 % en 2023, contre 4 % en 2022. De plus, le dispositif a été revu en février 2023, car il était pénalisant pour les clients disposant d'un contrat « heures pleines-heures creuses ».

Le bouclier tarifaire sur l'électricité profite à 84 % des très petites entreprises (TPE), selon la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), et à environ 30 000 collectivités locales, selon le Gouvernement.

Ces dispositifs bénéficient à des consommateurs individuels et ne peuvent s'appliquer en cas de chauffage collectif. Afin de remédier à ce problème, le Gouvernement a mis en place un autre type de bouclier. Pour en bénéficier, la copropriété ou le syndicat de copropriétaires doit en faire la demande au fournisseur d'énergie, lequel envoie un document à l'Agence de services et de paiement (ASP) pour obtenir un remboursement, reversé ensuite au syndicat qui diminue l'appel de charges transmis au consommateur final. Ce dernier se trouve donc tenu de faire une avance de trésorerie, et doit attendre longtemps avant d'en percevoir la compensation.

Un bouclier de ce type est intervenu pour le gaz dès le mois d'avril 2022, avec un effet rétroactif au 1er novembre 2021, suivi d'un second bouclier, pour l'électricité, apparu en décembre 2022, avec un effet rétroactif en juillet 2022. On retrouve ici également une différence de calendrier. Néanmoins, les bénéficiaires de ces deux dispositifs sont les mêmes. La liste de ces derniers a toutefois été progressivement dévoilée pour le bouclier sur le gaz, alors qu'elle a été fixée dès le départ pour l'électricité. Il est à noter que les bornes de recharge sont éligibles au dispositif électricité.

Chacun de ces boucliers s'accompagne d'un « surbouclier ». Les consommateurs ayant signé un contrat d'achat dans lequel les tarifs payés excèdent de 30 % les TRV voient leur surfacture prise en charge à 75 % par l'État. Ce dispositif peine cependant à trouver son public pour les factures d'électricité. Ainsi, à la fin du mois de mai 2023, seules 86 demandes avaient été émises au titre du second semestre 2022.

J'en viens à présent aux dispositifs destinés aux petits consommateurs professionnels. Il existe tout d'abord un dispositif de foisonnement, qui donne aux fournisseurs d'électricité la possibilité, s'ils bénéficient de compensations supérieures aux prix auxquels ils auraient acheté l'énergie en l'absence des TRV, de faire bénéficier les consommateurs de ce gain. Ce système a surtout profité aux petits consommateurs professionnels non éligibles aux TRV, soit un nombre de bénéficiaires assez réduit.

Le principal mécanisme destiné aux petits consommateurs professionnels est l'amortisseur électricité. S'adressant aux PME, aux collectivités locales et aux personnes morales du secteur public ou privé bénéficiant de plus de 50 % de subventions, ce dispositif est assez complexe. Pour en bénéficier, il faut remplir une attestation adressée à son fournisseur, lequel applique, une fois l'éligibilité au dispositif confirmée, la réduction correspondante sur la facture. L'État prend en charge 50 % de la différence entre le prix de l'énergie du contrat et le prix de 180 euros par mégawattheure.

La complexité de l'attestation ayant fortement ralenti la mise en oeuvre de ce dispositif, le Gouvernement a décidé de reporter l'échéance fixée pour le retour des attestations, afin que tous les bénéficiaires puissent y prétendre. Les fournisseurs estiment que 85 % des attestations attendues ont été reçues. L'amortisseur électricité bénéficie pour 70 % à des TPE, pour 20 % à des PME, pour 5 % à des collectivités locales et pour 5 % à des personnes morales.

Il existe également un dispositif de « suramortisseur » défini par voie réglementaire, censé garantir aux petits consommateurs professionnels un prix de vente limité à 280 euros par mégawattheure. Ce suramortisseur s'adresse aux TPE-PME ayant souscrit un nouveau contrat d'énergie au plus fort de l'année 2022, soit à des prix très élevés. En effet, à partir du moment où l'on souscrit un contrat, le fournisseur réplique automatiquement cet engagement en achetant un volume équivalent sur le marché. La couverture se fait donc au prix du moment. Il en résulte un décalage entre les prix observés sur le marché et les prix payés par les consommateurs. Un consommateur peut ainsi continuer à payer son mégawattheure 600 euros alors que le prix est redescendu à 200 euros sur les marchés, et ce sur des durées parfois longues, de deux à trois ans.

Lors de nos auditions, il nous a été dit qu'il fallait, pour y remédier, permettre aux clients de renégocier leurs tarifs. Cependant, si cette mesure était prise, il faudrait que la puissance publique indemnise les fournisseurs, qui auront acheté l'énergie au prix du moment. Reste que le Gouvernement a fortement incité les consommateurs à souscrire ces contrats et que l'on ne peut les laisser de côté, sans aucune aide, en 2024 et en 2025. Nous formulons plusieurs propositions à cet égard.

Des dispositifs ont enfin été mis en place pour les consommateurs électro-intensifs. Mobilisés sur demande, ils se présentent sous la forme d'un remboursement. Les crédits correspondants ont été ouverts au fur et à mesure. Sur les 3 milliards d'euros de crédits ouverts en 2022, seuls 80 millions d'euros ont été consommés. Les critères d'accès à ce système ont donc été assouplis à la fin de l'exercice 2022. La loi de finances pour 2023 prévoit en outre 4 milliards d'euros de crédits supplémentaires. À ce jour, il est impossible de savoir si les 7 milliards d'euros de crédits ouverts seront réellement consommés.

J'en viens à la façon dont la France se positionne par rapport à ses voisins européens du point de vue des dispositifs de soutien mis en place pour faire face à la hausse des prix de l'énergie. Si le système français est particulièrement favorable aux consommateurs individuels et aux petits professionnels, le système allemand est plus avantageux pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). En revanche, en France comme en Allemagne, les guichets se sont avérés inefficaces.

D'autres pays ont opté, comme la France, pour une diminution de la fiscalité sur l'énergie. L'Italie s'est distinguée par un recours massif aux crédits d'impôt.

Contrairement à ce qu'il se passe en Allemagne, le système français n'incite pas les consommateurs à faire des économies d'énergie, puisqu'il ne récompense en aucune façon ces économies.

En sus des différents dispositifs que je viens de citer, il existe de nombreux chèques. Si le chèque énergie, qui figure tous les ans dans la loi de finances, est désormais bien connu, d'autres chèques exceptionnels ont été mobilisés par le Gouvernement. À la fin de l'année 2021, un chèque exceptionnel d'un montant moyen de 100 euros a été déployé, qui a engendré 0,6 milliard d'euros d'ouvertures de crédits. Dans le cadre d'une loi de finances rectificative (LFR) pour 2022, 200 euros supplémentaires ont été octroyés aux titulaires du chèque de base, et le périmètre d'éligibilité de ce dispositif a été étendu aux ménages des troisième et quatrième déciles de revenu, pour 100 euros, moyennant un financement de 1,8 milliard d'euros.

Alors que le taux de recours au chèque énergie de base s'élève chaque année à environ 85 %, il reste en revanche à ce jour 930 millions d'euros de crédits, sur les 1,8 milliards d'euros de crédits, à consommer sur les chèques exceptionnels, qui ont donc été très peu sollicités. Cette situation tient notamment à plusieurs problèmes sur lesquels il faudrait faire évoluer la réglementation. Ainsi, en cas de logement collectif, en l'absence de facture d'énergie à son nom, il est impossible d'utiliser ces chèques pour payer ses charges de copropriété. Nous demandons donc au Gouvernement de se saisir de cette question. Une telle extension de la liste des bénéficiaires du chèque énergie semble d'autant plus réalisable que, dans le cadre de la loi de finances pour 2022, les résidences sociales y ont été intégrées.

Des chèques énergie fioul et bois ont également été institués. Leurs montants et les périmètres de leurs bénéficiaires ne sont pas les mêmes que ceux des autres chèques. Toutefois, le même problème se retrouve : seuls 50 millions d'euros de crédits ont été consommés, sur les 230 millions d'euros de crédits ouverts sur les deux chèques, et ce malgré le report par le Gouvernement de la date limite d'utilisation de ces chèques, et les campagnes de communication organisées à leur sujet.

Au total, près de 3 milliards d'euros de chèques énergie exceptionnels ont donc été lancés depuis 2021.

Une indemnité carburant a également été instaurée, portée par deux programmes budgétaires différents. La première remise instaurée entre avril et juillet 2022 était en effet soutenue par le programme 345, pour 3,2 milliards d'euros de crédits, soit un montant supérieur à la ligne budgétaire initialement ouverte, de 3 milliards d'euros. Quant à la seconde remise, valant de septembre à décembre 2022, elle s'est appuyée sur le programme 174.

Ce dispositif a plutôt bien fonctionné : 4,5 milliards d'euros ont en effet été consommés sur les 4,7 milliards d'euros de crédits ouverts. Il est vrai qu'il était particulièrement facile d'accès. Tout automobiliste, même non français, y avait accès à partir du moment où il se fournissait en essence dans une pompe à essence située sur le territoire national. Ce dispositif a ainsi profité à tout le monde, y compris les ménages situés au-dessus du huitième décile. Il a été revu dans le cadre de la loi de finances pour 2023. La remise s'est transformée en un chèque de 100 euros attribué sur demande.

Dans l'ensemble, ces dispositifs se caractérisent par une grande impréparation et une communication très hétérogène, qui ont engendré des décisions parfois ubuesques. Ainsi, pour financer le bouclier tarifaire sur l'électricité, on a augmenté de 20 térawattheures le volume plafond de l'Arenh en janvier 2022, alors que le guichet avait été ouvert en novembre 2021. De plus, pour l'application des boucliers, la CRE doit prendre des décisions ayant un effet rétroactif sur les obligations faites aux fournisseurs, ce qui pourra donner lieu à des contentieux.

Les auditions que nous avons menées ont mis en évidence une méconnaissance des consommateurs. Personne ne connaît son portefeuille client de manière fiable, et l'État avance à l'aveugle. En outre, les dispositifs mis en oeuvre n'ont pas eu pour effet d'inciter les consommateurs à diminuer leur consommation. Certains ont même conduit à neutraliser des incitations existantes. Ainsi, le suramortisseur a « gommé » l'horosaisonnalité dont pouvaient bénéficier certaines PME.

Tout cela représente par ailleurs un coût considérable. Depuis 2021, le coût global de tout ce que je viens de présenter avoisine les 85 milliards d'euros, sachant qu'une diminution de 15 milliards d'euros a eu lieu pour les boucliers tarifaires par rapport à ce que j'avais présenté au moment de l'examen de la loi de finances pour 2023, en raison de la baisse des prix que nous avons observée.

La somme de 85 milliards d'euros inclut en partie des coûts cachés sur lesquels le Gouvernement communique peu, notamment 18 milliards d'euros de pertes de recettes liées à la diminution des droits d'accises, ainsi que 8 milliards d'euros d'augmentation du plafond de l'Arenh de 2022, supportés par EDF, entreprise, je le rappelle, contrôlée 100 % par l'État depuis le 8 juin dernier. S'ajoutent à cela 1 milliard d'euros de dépenses engagées au titre du plan de résilience économique et sociale pour soutenir les dépenses de carburant des pêcheurs, agriculteurs, et du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).

Cette somme de 85 milliards d'euros ne comprend pas les dépenses susceptibles d'intervenir au titre du filet de sécurité des collectivités. À ce jour, 1,9 milliard d'euros de crédits ont été ouverts dans ce cadre. Le montant qui sera réellement dépensé demeure difficile à estimer, sachant que les 30 000 collectivités éligibles aux boucliers tarifaires n'entreront pas dans ce système. Par ailleurs, une grande partie de l'indemnité inflation, adoptée en juillet 2022 et chiffrée à 3,2 milliards d'euros, a été attribuée aux citoyens pour les aider à faire face à la flambée des coûts de l'énergie.

Certains coûts, difficiles à appréhender, ne figurent pas non plus dans la somme de 85 milliards d'euros susmentionnée, notamment les coûts de gestion des fournisseurs. Cela tient particulièrement au fait qu'il leur a été demandé de ne pas envoyer de facture à tous les potentiels bénéficiaires de l'amortisseur électricité pendant près de trois mois, au début de l'année 2023, pour faciliter la mise en place du dispositif et éviter que les entreprises aient à payer des factures trop élevées. Ces avances effectuées par les fournisseurs se sont traduites par des coûts de trésorerie, voire par des frais liés à des emprunts.

Les frais induits par la mise en oeuvre des dispositifs que je vous ai présentés ont été pris en compte dans les délibérations de la CRE. En janvier 2023, la charge représentée par les avances imposées aux fournisseurs pour leurs clients a ainsi été évaluée. Les fournisseurs peuvent percevoir des compensations via les recettes des fournisseurs d'électricité verte relevant de leurs portefeuilles. Une actualisation de la délibération de la CRE est par ailleurs attendue prochainement pour calculer les charges de service public de 2022, qui aura exceptionnellement un effet immédiat, alors qu'en temps normal l'actualisation survenue en juillet ne prend effet qu'au 1er janvier de l'année suivante. Cela pourrait entraîner un déficit de crédits sur le programme 345, qui seraient reportés sur 2024. Une ultime actualisation interviendra ensuite en juillet 2024, permettant d'intégrer les coûts réels des fournisseurs.

Le Gouvernement a fait une lecture particulière des autorisations budgétaires du programme 345, dans lequel sont apparues notamment pour la première fois des dépenses négatives, par le biais de l'action 17, « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs », nouvellement créée, financée par les sommes perçues au titre des actions précédentes. En effet, la baisse des prix de l'énergie ayant entraîné une diminution du coût des boucliers, les recettes assorties ont également diminué. Ainsi, alors qu'en novembre 2022 on attendait 36 milliards d'euros de recettes au titre des énergies renouvelables, ce montant a été divisé par deux. La contribution sur la rente inframarginale dégagée par l'exploitation d'une installation de production d'électricité, estimée à 12,3 milliards d'euros, devrait représenter seulement 5,5 milliards d'euros de recettes.

Alors que le volume prévisionnel de dépenses nettes demeure inchangé, à 21 milliards d'euros, les montants des dépenses et des recettes ont considérablement évolué.

Les éléments que je viens de vous présenter pourront déjà être réactualisés en septembre prochain... Le contrôle a en effet été l'occasion de constats surprenants. Ainsi, les représentants du Gouvernement se sont contredits à plusieurs reprises devant nous au sujet de la contribution sur la rente inframarginale. Certains services de l'État ne connaissaient pas des dispositifs relevant pourtant de leur périmètre d'action. Il serait bon qu'ils se les approprient, d'autant que plusieurs d'entre eux n'ont pas vocation à s'éteindre immédiatement.

Je plaide pour une extension du chèque énergie pour les particuliers et pour l'arrêt de la multiplication des chèques exceptionnels. À force de créer ainsi de nouveaux dispositifs au coup par coup, les consommateurs, qui ne savent plus s'ils y sont éligibles ou non, n'en font pas la demande. En outre, les coûts de gestion se multiplient. Il en résulte une politique publique inefficace et illisible.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous ne pouvons, à l'heure actuelle, avoir une bonne connaissance des consommations d'énergie, faute de disposer des données des fournisseurs, ce qui pose problème. Il faudrait travailler sur cette question.

Certains professionnels ont été en outre contraints de souscrire des contrats à des tarifs très élevés. Or la crise a été passagère et l'État se retrouve à présent en porte-à-faux face à des entreprises en réelle difficulté. Il y a là aussi un travail à mener, pour corriger le système.

Pour l'avenir, une meilleure connaissance des consommateurs et du fonctionnement des fournisseurs permettrait de calibrer au mieux les mesures prises en cas de crise, pour qu'elles soient les plus efficaces possibles.

M. Claude Raynal, président. - Quelles sont les perspectives pour 2024 ? Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires communique-t-il sur le sujet ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Comment l'Allemagne s'y est-elle prise pour mettre en place des dispositifs qui récompensent efficacement les consommateurs vertueux, sans complexifier trop le système ? Le problème de la généralisation du chèque énergie est qu'elle ne vient pas récompenser ceux qui font des économies d'énergie.

Qu'est-ce qui explique la non-rentabilité de la contribution sur la rente inframarginale ?

M. Christian Bilhac. - Peut-on comparer la part de l'électricité produite à 50 euros en France et la part achetée à 1 000 euros par mégawattheure ?

Est-il possible par ailleurs d'identifier les entreprises qui ont fait des bénéfices, parfois très importants, durant la période écoulée, en achetant de l'électricité à 50 euros pour la revendre plein tarif, et de les faire contribuer aux dépenses d'énergie générales ?

M. Jérôme Bascher. - J'ai l'impression que le Gouvernement a cumulé les rustines, ce qui a peut-être évité aux entreprises et aux particuliers d'être pris à la gorge. Pour autant, cela ne constitue pas une réelle politique.

La simplification du chèque énergie paraît effectivement souhaitable pour les particuliers. Toutefois, il reste un mécanisme à trouver pour les collectivités et les entreprises.

Par ailleurs, n'y a-t-il pas eu, suivant les périodes, des surplus pour les entreprises et les consommateurs, l'État étant le seul perdant du système ?

M. Patrice Joly. - Le manque de lisibilité des différents dispositifs existants a généré une grande insécurité, notamment chez les petits commerçants, particulièrement les boulangers. Cela a aussi engendré des injustices. J'ai été interpellé par le bailleur social de mon département dont les locataires peinaient à faire face à leurs charges. La généralisation de l'indemnité carburant, qui ne tenait pas compte des capacités contributives réelles des consommateurs, a également posé problème. De plus, certains ont profité largement de la hausse des prix de l'énergie, comme cela a été dit. Enfin, j'aimerais avoir l'avis de la rapporteure spéciale sur les dérogations qui ont été accordées à certains pays au regard des règles relatives au marché européen de l'énergie.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Le Gouvernement a annoncé la suppression du bouclier tarifaire sur le gaz, estimant qu'il n'avait plus lieu d'être, car il ne coûtait plus rien, ce qui est une raison un peu étrange. Il en résulte un sentiment généralisé d'incertitude.

Il est difficile, de manière générale, de se projeter en 2024, d'autant que personne n'est capable de dire combien de TPE ou de PME ont souscrit des contrats fondés sur des prix dépassant 300 euros par mégawattheure pour 2024 et 2025.

La disparition des TRV pour le gaz n'implique pas par ailleurs la fin de la régulation, entre guillemets, des prix. Depuis deux mois, la CRE publie mensuellement un prix de référence, comme elle le faisait avant pour le TRV gaz. Tous les clients de l'ancien fournisseur historique qui étaient aux TRV et qui ne feraient aucune démarche d'ici au 1er juillet basculeront sur une offre dite « passerelle » calibrée sur ce prix de référence, qui vient donc remplacer les TRV. Les autres fournisseurs auront intérêt à s'aligner sur ce tarif.

M. Patrice Joly. - Plusieurs collectivités nous ont alertés sur la fin des TRV. Le prix de référence tient-il compte des mêmes méthodologies de calcul que les TRV ?

Mme Christine Lavarde. - La nouvelle formule est déterminée par une délibération de la CRE, qui a exposé sa méthodologie de calcul. Des changements mineurs sont intervenus, qui n'ont pas modifié la philosophie de construction de ce tarif de vente de référence. Il est également construit par l'empilement de plusieurs coûts. Une collectivité qui passerait du TRV à l'offre passerelle ne devrait donc pas voir de changement significatif, en dehors des fluctuations de prix survenues sur le marché de gros.

J'en viens aux entreprises qui ont profité de la crise, notamment TotalEnergies, dont les profits ont considérablement augmenté. Au début de la crise, lorsque l'État a demandé aux opérateurs de stockage du gaz de remplir leurs réservoirs au maximum, ils n'ont pas été indemnisés pour les avances de trésorerie correspondantes. De même, les fournisseurs d'énergie ont perdu de l'argent en faisant des avances pour gérer le lancement des amortisseurs.

Je vais prendre un exemple pour illustrer ce qui se produit sur le marché de l'électricité. Un fournisseur-producteur doit fournir 100 térawattheures pour satisfaire son portefeuille de clients l'année prochaine. Sur ces 100 térawattheures, il peut produire 60 térawattheures, dont 40 térawattheures via le nucléaire, pour un coût de production de 50 euros par mégawattheure, 10 térawattheures avec de l'énergie éolienne - dont le coût de production varie selon qu'il s'agit d'éolien terrestre, en mer, etc. -, le reste étant produit à l'aide d'énergie hydraulique ou solaire. Les 40 térawattheures restants seront achetés sur les marchés, au prix du moment. Le coût de revient de la fourniture sera donc une moyenne entre le prix payé sur les marchés et les 60 térawattheures produits par le fournisseur. Or la partie de cette énergie qui est issue des énergies renouvelables bénéficiant des soutiens fournis par l'État à l'électricité verte, et l'entreprise concernée revendant cette énergie beaucoup plus cher sur les marchés, le bénéfice correspondant doit être restitué par celle-ci à la puissance publique.

Les fournisseurs-producteurs d'électricité ayant de la production tirée des énergies renouvelables dans leurs portefeuilles sont tous tenus de restituer le gain correspondant. Il n'y a donc pas de profit caché. En revanche, il en va autrement pour ceux qui sont uniquement producteurs. La contribution sur la rente inframarginale devait intervenir sur ce point. Sa rentabilité a été diminuée par deux, car les prix de marché étaient plus élevés qu'aujourd'hui lorsqu'elle a été votée à la fin de l'année 2022. Elle permet néanmoins de capter une partie des surprofits des entreprises.

Des dérogations ont par ailleurs été accordées à l'Espagne et au Portugal, car le fait de déconnecter ces deux pays du marché européen de l'énergie n'avait pas d'incidence sur le fonctionnement du reste du marché. En revanche, si la France avait été déconnectée de ce marché, elle aurait subi plusieurs coupures d'énergie durant l'hiver, car elle a été à plusieurs reprises importatrice nette d'électricité - elle était exportatrice nette par le passé. L'Espagne et le Portugal ont par ailleurs mis en place d'autres dispositifs, de subventions notamment.

Une généralisation du chèque énergie paraît plus efficace que le système actuel, composé de chèques exceptionnels non ciblés et peu lisibles. Il vaut mieux un seul dispositif clair, connu de tous et dont on améliore l'usage en étendant le paiement au secteur du logement social.

Le mauvais fonctionnement des dispositifs existants pour les collectivités s'explique notamment par la raison suivante : si les petites collectivités sont aux TRV, les plus grandes ont souvent des délégations de service public dont les coûts d'énergie sous-jacents ne sont pas pris en compte dans les dispositifs du Gouvernement.

Enfin, en Allemagne, la consommation de gaz est entièrement subventionnée pour les particuliers uniquement si elle ne dépasse pas 80 % du niveau consommé l'année précédente. Dans une économie fortement dépendante du gaz, il s'agit d'un vrai signal envoyé aux consommateurs.

Nous demandons au Gouvernement de clarifier le système. Il est à noter qu'il vient de renoncer à poursuivre la révision des contrats photovoltaïques concernés par les arrêtés tarifaires de 2006 et de 2010, sujet sur lequel le Sénat l'avait alerté à plusieurs reprises et qui s'est avéré coûteux pour l'État.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction du budget - 4e Sous-direction Budgets des transports, de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, de la transition énergétique, de l'égalité des territoires, et du logement et de la ville

- M. Laurent PICHARD, sous-directeur ;

- M. Léonard CROS-LE LAGADEC, adjoint au chef de bureau ;

- M. Guillaume VIDON, adjoint au chef de bureau.

Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

- M. Laurent MICHEL, directeur général de l'énergie et du climat.

Commission de Régulation de l'Énergie

- Mme Emmanuelle WARGON, présidente ;

- M. Aodren MUNOZ, chargé de mission à la Direction de la communication et des relations institutionnelles ;

- M. Théo CLADIERE, chef de projet direction du développement des marchés et de la transition énergétique.

EDF

- Mme Nelly RECROSIO, directrice marché d'affaires - Pôle Clients Services Territoires ;

- M. Erwan TANGUY directeur économie des offres et régulation - Pôle Clients Services Territoires ;

- M. Bertrand LE THIEC, directeur des affaires publiques ;

- Mme Nathalie PIVET, directrice pilotage de la performance et synthèse ;

- M. Pierre HANUS, directeur performance France.

ENGIE

- M. Sébastien LACOMBE, délégué Régulation France ;

- M. Etienne GIRON, Délégué Relations Institutionnelles

- M. Frédéric LEFORT, directeur Général ENGIE Entreprises et Collectivités ;

- M. Sébastien PIALLOUX, Professional Market Director (DCP) and Transformation Director France B2C.

TotalEnergies électricité et gaz France

- M. Romain VERDIER, Directeur Energy Management ;

- M. Théo SOULET, Chargé des Affaires publiques.

Union sociale pour l'habitat (USH)

- M. Alban CHARRIER, adjoint au Directeur - en charge de l'activité réglementaire, responsable du département politiques techniques, direction de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales ;

- M. Antoine GALEWSKI, directeur des relations institutionnelles et parlementaires ;

- Mme Francine ALBERT, conseillère pour les relations avec le Parlement.

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

- M. Jean-Baptiste LÉGER, responsable du pôle transition écologique

- Mme Madeleine LAFON, directrice de mission politique énergétique ;

- Mme Fadoua QACHRI, chargée de mission sénior en affaires publiques.

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

- Mme Bénédicte Caron, vice-présidente en charge des affaires économiques.

Association nationale de consommateurs et d'usagers CLCV

- M. François CARLIER, délégué général.

Association des responsables de copropriété (ARC-UNARC)

- M. Émile HAGÈGE, directeur général.


* 1 Selon la CRE, le mois d'avril 2021 a été le plus froid depuis 20 ans en France et cette vague de froid européenne a maintenu une consommation élevée en Europe, réduisant le rythme de remplissage des stockages.

* 2 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 3 Qui doit permettre de prolonger la vie des centrales nucléaires construites dans les années 1970 au-delà de 40 ans d'exploitation.

* 4 Rapport sur les prix à terme de l'électricité pour l'hiver 2022-2023 et l'année 2023, CRE, décembre 2022.

* 5 Pour des livraisons en 2024.

* 6 Ou « consommateurs finals domestiques ».

* 7 Les coûts de commercialisation retenus par la CRE sont ceux d'EDF.

* 8 Délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 9 C'est-à-dire avant application du bouclier tarifaire.

* 10 Pour calculer cette part, la CRE prend en compte une moyenne des prix à terme des deux derniers mois de l'année qui précède l'année de livraison.

* 11 Délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 12 Délibération n° 2022-08 de la CRE du 18 janvier 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 13 Y compris la minoration d'accise sur l'électricité.

* 14 Comme le rapporteur l'a souligné dans son analyse des crédits du PLF 2023, la moyenne de 4% cache de fortes disparités. Les consommateurs ayant un contrat heures pleines / heures creuses ont connu une hausse supérieure pouvant atteindre 11%. Le design des tarifs a été revu en 2023 pour corriger cette absurdité.

* 15 Une série de cinq arrêtés du 30 janvier 2023 pour le bouclier tarifaire 2023 qui sont venus s'opposer aux TRVe calculés par la CRE dans sa délibération n° 2023-17 du 19 janvier 2023.

* 16 Avec comme limite que le niveau de tarif effectivement du par ces clients ne pouvant pas être ramené à un niveau inférieur aux TRVe gelés.

* 17 2°, 6°, 7° et 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles dans la mesure où ces établissements constituent la résidence habituelle de ces personnes.

* 18 Article L. 261-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 19 Article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 20 Décret n° 2022-1764 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix de l'électricité au second semestre 2022.

* 21 Décret n° 2022-1763 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix de l'électricité pour 2023.

* 22 Communautés Emmaüs.

* 23 Mais seulement à compter du 1er janvier 2023.

* 24 Décret n° 2022-423 du 25 mars 2022 relatif à l'aide exceptionnelle à l'acquisition de carburants.

* 25 Le décret n° 2023-2 du 2 janvier 2023 relatif à la création, aux conditions et aux modalités de versement d'une indemnité carburant.

* 26 Décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022 pris en application des VIII et IX de l'article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 27 Puisqu'elle ne porte que sur 50% de la consommation du client.

* 28 « Les personnes morales de droit privé qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros. Ces critères sont appréciés au sens de l'annexe I du règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014 susvisé ».

* 29 Notamment les associations.

* 30 Décret n° 2023-62 du 3 février 2023 relatif à l'aide en faveur des TPE éligibles au bouclier et à l'amortisseur ayant signé un contrat en 2022 et modifiant les décrets n° 2022-1764 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix de l'électricité au second semestre 2022, n° 2022-1763 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix de l'électricité pour 2023 et n° 2022-1762 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix du gaz naturel en 2023.

* 31 Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 32 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 33 Décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix du gaz naturel.

* 34 L'essentiel du chauffage collectif est réalisé à partir de gaz naturel.

* 35 Décret n° 2022-1764 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix de l'électricité au second semestre 2022.

* 36 Décret n° 2022-1763 du 30 décembre 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix de l'électricité pour 2023.

* 37 Disposant d'un compteur électrique d'une puissance supérieure à 36 kVA.

* 38 Qui doit être inférieure à 36 kVA.

* 39 Pour alléger la trésorerie des fournisseurs, l'article 181 de la LFI pour 2023, en dérogation aux dispositions de droit commun du code de l'énergie, a ainsi prévu que la CRE organise deux guichets exceptionnels en début d'année 2023. Le premier s'est tenu jusqu'au 20 janvier et le second jusqu'au 15 mars.

* 40 Délibération n° 2023-03 de la Commission de régulation de l'énergie du 12 janvier 2023 portant communication sur la méthode de fixation des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 41 Retraitée des effets météorologique.

* 42 Pour les boucliers et les amortisseurs.

* 43 Pour les mesures destinées à l'habitat collectif.

* 44 En vertu du X de l'article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 45 De moins de 500 000 clients.

* 46 Cette évaluation a été publiée dans le cadre de la délibération n° 2023-61 de la CRE du 16 février 2023 relative à l'évaluation des acomptes versés aux fournisseurs d'électricité pour la compensation des pertes de recettes définies à l'article 181 de la loi de finances pour 2023.

* 47 Cette réévaluation a été publiée dans le cadre de la délibération n° 2023-106 de la CRE du 13 avril 2023 relative à l'évaluation des acomptes versés aux fournisseurs d'électricité dans le cadre du second guichet simplifié pour la compensation des pertes de recettes définies à l'article 181 de la loi de finances pour 2023.

* 48 Délibération n° 2023-32 de la CRE du 25 janvier 2023 portant évaluation des pertes des fournisseurs dans le cadre de la définition des acomptes à verser aux fournisseurs en compensation du gel des tarifs réglementés de vente de gaz naturel prise en application de l'article 181 de la loi de finances pour 2023.

* 49 Ce montant intègre les 8 milliards d'euros de coût estimé pour EDF du relèvement du plafond du volume d'ARENH en 2022.

* 50 En tenant compte du guichet ASP complémentaire destiné à financer une partie du dispositif.

* 51 La loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 52 C'est-à-dire les décaissements effectifs ou les consommations de crédits de paiements.

* 53 Bouclier, habitat collectif et amortisseurs.

* 54 Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie.

* 55 Article 54 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 56 H du IX de l'article 181 de la LFI pour 2023.

* 57 Dans une délibération n° 2023-69 du 23 février 2023, la CRE a d'ailleurs décidé de simplifier le dispositif pour les fournisseurs.

* 58 Délibération n° 2023-78 de la CRE du 23 mars 2023 portant décision sur les modalités de déclaration des pertes de recettes, des coûts d'approvisionnement de l'activité de fourniture d'électricité et de gaz et de leur affectation pour les boucliers tarifaires et des amortisseurs électricité.

* 59 F du II et F du VIII de l'article 181 de la LFI pour 2023.

* 60 Qui limitent les réductions susceptibles d'être appliquées à chaque consommateur ainsi que les capacités de « foisonnement » utilisées par les fournisseurs.

* 61 Du 22 septembre au 17 octobre 2022.

* 62 Délibération n° 2023-03 de la CRE du 12 janvier 2023 portant communication sur la méthode de fixation des TRVe.

* 63 Réponses de la DGEC au questionnaire du rapporteur spécial

* 64 Réponses d'ENGIE au questionnaire du rapporteur spécial.

* 65 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 66 Par l'application du dispositif de bouclier tarifaire.

* 67 Échéance prévue dans le règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie.

* 68 Certification des comptes 2022 de l'État, Cour des comptes, avril 2023.

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