B. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS SUR LA QUASI-TOTALITÉ DES POSTES DE DÉPENSES

La hausse des crédits de la mission s'explique principalement par le dynamisme des dépenses d'investissement et par l'évolution soutenue des dépenses de personnel. En effet, même si elles augmentent moins rapidement que le total de la mission (+ 2,5 %), elles représentent plus de 80 % des crédits.

Évolution des crédits de la mission « Gestion
des finances publiques » par titre de dépenses

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

1. Les dépenses de personnel, premier prisme pour apprécier la programmation budgétaire de la mission

L'évolution des dépenses de personnel de la mission « Gestion des finances publiques » se caractérise depuis plusieurs années par deux effets contradictoires : une diminution du schéma d'emplois, une singularité de ces administrations à l'échelle du budget général, et une évolution soutenue des mesures catégorielles et générales. Le premier n'étant pas suffisant pour compenser les effets du second depuis 2022, la masse salariale progresse d'une année sur l'autre.

Les mesures catégorielles pour l'année 2024 s'élèveraient à 56,4 millions d'euros. Elles comprennent l'octroi de cinq points d'indice supplémentaires à l'ensemble des agents, en application du rendez-vous salarial (43,2 millions d'euros) ainsi que la revalorisation du régime indemnitaire des cadres supérieurs (2,1 millions d'euros).

Le schéma d'emplois de la mission demeure négatif, même s'il est désormais plus proche d'une stabilisation : il devrait se traduire par la suppression de 44 équivalents temps plein (ETP) en 2024, contre 680 prévus en 2023, 1 549 en 2022 et autour de 2 000 entre 2018 et 2020. La diminution des emplois en 2024 ne représenterait que 0,6 % du total des emplois supprimés sur ces cinq dernières années.

Évolution du schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques «

(en équivalents temps plein)

 

2019

2020

2021

2022

LFI 2023

PLF 2024

Écart 2024/2023

Total 2019-2024

[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local

- 2 203

- 1 860

- 1 778

- 1 515

- 850

- 200

650

8 406

[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

- 99

- 22

- 25

- 53

181

108

- 73

- 90

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

220

- 168

- 178

19

-11

48

59

70

Total

- 2 082

- 2 050

- 1 981

- 1 549

- 680

- 44

636

8 386

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

De nouveau, le principal effort en ETP est porté par la direction générale des finances publiques, avec un volume de suppressions nettes de postes plus de six fois inférieur à la moyenne observée ces cinq dernières années. Il y a vraisemblablement eu un problème de « lissage » au cours du temps : le ralentissement de la diminution des effectifs s'explique par le fait que la DGFiP s'est rendue compte avoir besoin de redéployer certains emplois sur des métiers en déficit de personnel.

Le contrôle fiscal en offre une parfaite illustration : le plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, présenté par le Gouvernement au mois de mai 20234(*) prévoit une augmentation des effectifs du contrôle fiscal de 15 % d'ici 2027, à savoir 1 500 ETP ainsi que le doublement des officiers fiscaux judiciaires d'ici 2025 (+ 40 ETP)5(*). Pour 2024, et par rapport à la trajectoire initialement établie pour la période 2023-2027, deux leviers sont activés : une moindre diminution des emplois à hauteur de 250 ETP ainsi que le redéploiement de 100 emplois sur les missions dédiées à la lutte contre la fraude en directions spécialisées, en administration centrale et dans le réseau territorial. Le rapporteur spécial se félicite à cet égard que 75 d'entre eux seraient plus spécifiquement alloués au recouvrement des amendes : cela fait plusieurs années qu'il alerte sur cet aspect primordial pour apprécier l'efficacité du contrôle fiscal. Sans recouvrement effectif, l'effet dissuasif des contrôles est amoindri et le bénéfice pour l'État faible.

Les 48 ETP alloués à la Douane seraient quant à eux répartis dans deux secteurs prioritaires : le renforcement des contrôles migratoires et la réinternalisation des fonctions numériques au sein de la DGDDI. 52 emplois sont par ailleurs transférés de la Douane à la DGFiP, au titre du transfert des missions fiscales de la Douane.

Le transfert des missions fiscales de la Douane à la DGFiP

Le transfert à la DGFiP de la gestion, du recouvrement et du contrôle de la plupart des taxes et produits relevant aujourd'hui de la DGDDI fait partie des objectifs prioritaires de modernisation du ministère. L'article 184 de la loi de finances pour 20206(*) a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures permettant d'assurer le transfert de diverses taxes sur les véhicules, de diverses taxes sur les produits énergétiques, des droits d'accises et des amendes de nature autre que fiscale. Depuis, le champ du périmètre des taxes et impositions transférées de la DGDDI à la DGFiP a été étendu et les modalités de transfert précisées.

Source : commission des finances

Le programme 218, placé sous la responsabilité du SG MESFIN, connaitrait quant à lui un important renfort de moyens en 2024 (+ 108 ETP). Selon les informations transmises en audition, ces ETP seraient :

- soit affectés directement au secrétariat général, notamment dans le but de réinternaliser les compétences informatiques, de renforcer les moyens de l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE) et de créer des emplois au titre du pilotage de la réforme de la haute fonction publique » ;

- soit affectés aux administrations et directions dont les crédits sont portés par le programme 218, comme Tracfin pour la lutte contre la fraude ou encore la direction juridique pour le traitement des contentieux (+ 15 ETP).

La mission « Gestion des finances publiques » continue toutefois de participer à la rationalisation des emplois publics. Elle présente le taux d'effort - calculé en ramenant le schéma d'emplois au plafond d'emplois - le plus « élevé ». Il est de - 0,05 %, un taux négatif impliquant une réduction des effectifs. A contrario, le taux d'effort de la justice s'établit à 2,1 %, celui des solidarités et de la santé à 1,4 % et celui de l'intérieur et de l'outre-mer à 0,9 %.

2. Des dépenses de fonctionnement et d'investissement toujours dynamiques

Les dépenses de fonctionnement et d'investissement, qui progresseraient respectivement de 4,8 % et 27,7 % en crédits de paiement en 2024, sont tirées à la hausse par trois facteurs :

la prise en compte de l'augmentation des prix, en particulier sur les dépenses énergétiques, de carburant et informatiques. Pour la Douane, s'ajoutent les coûts liés au maintien en conditions opérationnelles des matériels aéromaritimes ainsi que, du côté investissement, l'acquisition de moyens techniques et de surveillance (flotte navale, flotte aérienne, scanners) ;

l'ouverture de crédits de paiement pour couvrir les dépenses liées aux opérations immobilières lancées avant 2024 ;

- les grands projets d'investissement informatique. À titre d'exemple, les moyens alloués à l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), qui sont portés par le programme 218, augmenteraient de près de 23 millions d'euros (CP). L'AIFE est notamment chargée du progiciel de la construction du portail public de facturation électronique ou de la transformation numérique de la commande publique.

Il convient toutefois de noter que, ces dernières années, était chaque année constaté lors de l'examen de la loi de règlement et d'approbation des comptes un écart en exécution entre les dépenses d'investissement et les dépenses de fonctionnement, au profit de ces dernières. Ces différentiels s'expliquent par la difficulté initiale des gestionnaires à pouvoir qualifier leurs dépenses informatiques, ce qui entraine ensuite des mouvements de gestion en cours d'année. Le SG MEFSIN a indiqué au rapporteur spécial que des travaux avaient été menés pour fiabiliser la prévision budgétaire sur les dépenses informatiques, ce que la Douane et la DGFiP ont confirmé en audition. Ces efforts devront être appréciés lors de l'examen de l'exécution des crédits consommés en 2024.

Enfin, la hausse de ces dépenses recouvre des abondements ponctuels, notamment pour lutter contre la fraude. À cet égard, le rapporteur spécial relève avec satisfaction le choix de la Douane de procéder à l'acquisition de huit scanners mobiles pour l'année 2024, en partie financés par des fonds européens. Le développement des moyens de détection est primordial pour lutter contre les flux illicites tels que le trafic de stupéfiants7(*).

16 millions d'euros supplémentaires sont ainsi alloués à la DGFiP pour renforcer la sécurité des agents en charge de la lutte contre la fraude fiscale (achat de véhicules de service, rénovation de sites d'accueil, achat de téléphones équipés de bouton d'alerte).

3. La baisse des dépenses de guichet, en lien avec le nouveau protocole d'aide aux buralistes

Les dépenses de guichet sont principalement portées par la DGDDI, dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau protocole relatif à l'accompagnement du réseau des buralistes, signé entre l'État et la confédération nationale des buralistes pour la période 2023-2027. Ce protocole, qui conduirait à l'ouverture de 69,1 millions d'euros de crédits en 2024, comprend cinq axes8(*) :

- la mise en oeuvre d'engagements réciproques entre l'État et le réseau des buralistes. L'État s'est engagé à renforcer la lutte contre les trafics de produits du tabac et à ouvrir une réflexion sur la règlementation applicable au monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés, tandis que les buralistes se sont engagés à respecter les interdictions de vente aux mineurs ;

- la poursuite de la transformation du réseau pour transformer les débits de tabac en commerces diversifiés. Une enveloppe annuelle de 20 millions d'euros serait allouée au dispositif, avec un niveau de prise en charge plus élevé pour les débits de tabac dont le chiffre d'affaires précédant la demande est inférieure à 500 000 euros ;

- le soutien aux buralistes les plus fragiles, grâce à des aides davantage ciblées, sous trois formats : la création d'un dispositif de soutien forfaitaire, la création d'un « filet de sécurité » et le maintien des indemnités de fin d'activité ;

- la poursuite de l'aide à la sécurisation des tabacs, versée à tous les débits qui investissent dans la sécurisation de leur débit. Cette aide est plafonnée à 10 000 euros par période de cinq ans ;

l'augmentation du taux de rémunération des buralistes pour la vente de produits du tabac.

Un avenant au protocole a été signé le 4 août 2023 afin d'intégrer une aide à la reprise d'activité des buralistes touchés par les émeutes intervenues entre le 25 juin et le 5 juillet 2023. 318 débitants ont été reconnus éligibles à cette aide d'un montant de 10 000 euros, soit un coût total de 3,18 millions d'euros.

Les aides liées au chiffre d'affaires ayant été recentrées sur les plus petits buralistes9(*), les dépenses liées à la mise en oeuvre de ce protocole seraient en baisse sur la période 2023-2027, par rapport à la période 2018-2022. Les aides seraient toutefois plus élevées que ce qui avait été prévu dans le contrat pluriannuel d'objectifs et moyens de la douane 2022-2025, au regard de la nécessité de pouvoir soutenir au mieux les buralistes.


* 4 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023. 

* 5 Comme l'avait d'ailleurs recommandé la mission d'information de la commission des finances sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

* 6 Article 184 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Pour une description détaillée de ces transferts, se reporter au commentaire de l'article 61 du projet de loi de finances pour 2020, dans le tome III du rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.

* 7 Sur ce sujet, se reporter au rapport n° 45 (2022-2023) de MM. Albéric de Montgolfier et Claude Nougein, « Donner à la Douane les moyens d'accomplir sa mission dans la lutte contre le trafic de stupéfiants », fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2022.

* 8 Selon les réponses de la direction générale des douanes et des droits indirects au questionnaire du rapporteur.

* 9 Buralistes dont le chiffre d'affaires tabac de l'année n-1 est compris entre 50 000 euros et 400 000 euros.

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