B. UNE TRAJECTOIRE DE RECETTES DÉCLINANTE

1. Une nouvelle diminution prévue pour 2024

Pour 2024, les recettes du CAS s'élèveraient à 340 millions d'euros, en baisse de 30 % par rapport à 2023 (480 millions d'euros), comprenant :

- 210 millions d'euros au titre du produit des cessions de biens immobiliers de l'État ainsi que des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l'État (350 millions d'euros en 2023, soit une baisse de 40 %) ;

110 millions d'euros au titre du produit des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État (même montant qu'en 2023) ;

20 millions d'euros au titre des fonds de concours et versements du budget général (même montant qu'en 2023).

Afin de compenser la diminution structurelle des produits de cession, le CAS bénéficie depuis 2017 d'une partie des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État. Ces redevances proviennent des concessions ou des autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministre chargé du budget dans le département, des concessions de logement dont l'État est propriétaire ou locataire et des locations d'immeubles de son domaine privé, ainsi que des redevances et loyers du domaine public et privé dont le ministre des armées est le gestionnaire.

Les redevances domaniales rapporteraient 110 millions d'euros en 2023, 2024, 2025 et 2026, contre 90 millions d'euros en 2022. Au regard du niveau de redevances enregistré en juillet 2023, de 67,4 millions d'euros, on peut anticiper une exécution correcte de ces recettes. Ces redevances se composent essentiellement des loyers et charges du parc immobilier détenu par l'État, pour 24,2 millions d'euros, et des concessions délivrées sur le domaine public, pour 34,2 millions d'euros4(*).

2. Une répartition encore déséquilibrée entre produits de cessions immobilières et produits de redevances domaniales

Deux tiers des recettes du CAS en 2024 seraient constitués des produits de cessions immobilières, contre plus de trois quarts en 2023.

La part prédominante des produits de cession reste une source de vulnérabilité pour le CAS : en effet, en finançant les dépenses du CAS par ces produits de cession, une érosion excessive du patrimoine immobilier de l'État pourrait survenir, qui nourrirait encore davantage l'attrition des recettes du CAS et les entraînerait dans une spirale baissière.

Au 10 août 2023, 384 biens ont été cédés depuis le 1er janvier 2023. Le montant total des produits de cessions (somme des prix de vente mentionnés dans les actes de vente) s'élève à près de 156 millions d'euros. La cession de 586 biens était encore envisagée avant la fin de l'année, pour une valorisation théorique également de 156 millions d'euros. La réalisation du reste à céder avant la fin de l'année ne permettra pas d'atteindre l'objectif de cessions fixé en LFI, à 350 millions d'euros5(*).

De fait, la sous-exécution observée en 2023 révèle les risques d'une trop grande dépendance des recettes du CAS aux produits de cessions immobilières. En effet, l'écart constaté avec les prévisions de cessions fixées en LFI s'explique en partie par les conséquences conjoncturelles du contexte international sur l'immobilier de l'État.

Ainsi, la hausse tendancielle des coûts et la tension croissante sur le marché du bâtiment et de l'immobilier de bureaux ont un fort impact sur le pilotage des opérations immobilières. La progression constante des taux d'intérêt depuis un an et demi contribue également au ralentissement du marché immobilier.

Répartition des biens cédés par l'État, par ministère occupant,
depuis le 1er janvier 2023

(en unités et en euros)

Ministère

Nombre de biens cédés

Somme des prix de vente

Écologie

182

19 433 632

Économie

7

2 205 102

Biens non affectés

82

12 893 025

Armées

17

5 948 044

Budget

24

12 389 991

Intérieur

10

2 649 735

Affaires étrangères

1

422 200

Agriculture

42

6 248 027

Justice

5

1 173 211

Enseignement supérieur

5

13 022 256

Logement

2

1 316 340

Travail

2

566 309

Culture

4

77 592 022

Santé

1

60 200

Total général

384

155 920 994,00

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Répartition des biens cédés par l'État, par nature de bien,
depuis le 1er janvier 2023

(en unités et en euros)

Ministère

Nombre de biens cédés

Somme des prix de vente

Terrains

214

11 008 179

Logement

85

23 236 989

Bureau

29

91 297 056

Infrastructures

36

4 790 603

Locaux d'activité

20

25 587 267

Total général

384

155 920 994

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Prévues à l'origine pour compenser l'intégration des dépenses du programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » au sein du compte d'affectation spéciale, les redevances domaniales représentent, par contraste avec les produits de cessions immobilières, une part stabilisante des recettes du CAS sans pour autant être suffisantes pour assurer la pérennité du modèle du compte d'affectation spéciale.

À cet égard, la DIE mène une politique de dynamisation des redevances de manière à valoriser le Domaine de l'État. Cette dynamisation constitue un enjeu majeur pour assurer la préservation des intérêts financiers de l'État et la valorisation de son patrimoine immobilier.

La politique de dynamisation des redevances s'est ainsi traduite par les initiatives suivantes :

- un travail d'accompagnement des gestionnaires du Domaine par la DIE et de mutualisation des bonnes pratiques, qui a nécessité la mobilisation et la collaboration de l'ensemble des acteurs intéressés, avec la DIE et le réseau des services locaux du Domaine ;

- la mise en place, en avril 2018, d'une nomenclature-barème dénommée « AMBRE » (Aide à la modernisation des barèmes portant sur les redevances de l'État), permettant la fixation de montants dynamiques de redevances domaniales qui prennent en compte les avantages de toutes natures que procure le bien ;

l'organisation annuelle d'une réunion à l'échelon régional entre les services locaux du Domaine et les gestionnaires du Domaine, pour renforcer les relations entre les divers acteurs, en particulier dans le cadre de la mise en oeuvre de l'ordonnance du 19 avril 2017 qui a porté notamment sur l'occupation privative du Domaine public ;

- une meilleure valorisation des points hauts, à l'image des antennes de téléphonie mobile, qui s'articule avec les engagements du Gouvernement en faveur d'une meilleure couverture numérique des territoires.

Par ailleurs, la DIE a ouvert au public en juin 2021 un nouveau service, le site des locations immobilières de l'État, afin d'optimiser et de moderniser l'activité de location des biens immobiliers de l'État et de ses établissements publics. En facilitant la consultation des annonces par le public, ce site permet aux services de l'État et aux établissements publics nationaux de mettre en oeuvre les mesures de publicité et de sélection préalables à la délivrance des titres d'occupation du domaine, de manière alternative ou complémentaire aux autres mesures de publicité.

La version 3 du site des locations qui a été déployée en mars 2023 offre désormais la possibilité aux candidats à l'occupation du domaine d'effectuer leur candidature directement en ligne et aux gestionnaires d'effectuer le suivi de celles-ci également en ligne.

Page d'accueil du site des locations immobilières de l'État

Source : site des locations immobilières de l'État

Le développement de l'énergie solaire est un autre axe de valorisation sur des terrains devenus inutiles. À ce titre, le ministère des armées met en oeuvre de nombreux projets sur l'ensemble du territoire national dans le cadre du plan gouvernemental « Place au soleil ». Parallèlement, la mise en place et l'essor d'AGILE6(*) a également pour objectif de développer, pour le compte de l'État, la production d'énergie solaire sur les sites de l'État via l'installation de panneaux photovoltaïques, autant pour valoriser le Domaine que pour contribuer à la transition énergétique.

La DIE a également conçu l'application informatique Figaro, déployée en juin 2022 et raccordée à Chorus, qui sécurise et fiabilise le circuit de recouvrement des redevances grâce à son intégration au système d'information financière de l'État.

Enfin, un processus de revue d'actifs permet de réaliser au minimum deux fois par an une analyse dynamique du patrimoine par les responsables régionaux de la politique immobilière de l'État. Selon la DIE, tous les actifs remis au domaine feraient ainsi l'objet d'une réflexion approfondie sur leur devenir, en envisageant le cas échéant une cession, une mise en location ou un changement de gestionnaire.

Si cette démarche de redynamisation des redevances est louable, sa portée demeure encore limitée au regard du total des crédits du CAS, les redevances représentant seulement un tiers des recettes.

De même, le recours aux baux emphytéotiques pourrait être encore développé. Ces baux, qui constituent des cessions de droits immobiliers pour une durée comprise entre 18 et 99 ans, permettent de préserver le droit de propriété de l'État, sur la parcelle louée comme sur les immeubles éventuellement édifiés par le preneur. À titre d'illustration, en 2022, sur la commune de Langon, un bail emphytéotique a été conclu entre l'État et la société Airbus SAS pour une durée de 18 ans, moyennant une redevance annuelle de 27 000 euros.

Si cette pratique présente l'avantage de concilier l'impératif de dégager des recettes à travers les produits de cession de droits immobiliers et celui de conserver, pour l'État, ses biens emblématiques, la diminution tendancielle du nombre des baux emphytéotiques conclus par l'État, de 761 fin 2020 à 746 fin 2022, devrait appeler une réflexion stratégique sur la durée optimale de ces baux.

3. Un système de décote qui représente un effort financier conséquent pour le CAS

Les recettes des produits de cession peuvent par ailleurs être affectées par le système de décote qui s'applique sur la cession de certains biens du patrimoine immobilier de l'État en vue de favoriser la construction de logements, notamment de logements sociaux. Entre 2009 et 2023, ce système a représenté, pour l'État, un effort financier de 311 millions d'euros7(*).

Le système de la décote sur les cessions des biens de l'État

Ce système comprend en réalité deux mécanismes :

- aux termes de l'article 95 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, l'État peut céder un terrain de son domaine privé, bâti ou non, pour un prix inférieur à sa valeur vénale afin de favoriser la production de logements. La part de la décote, qui peut atteindre l'intégralité de la valeur vénale du bien, est négociée de gré à gré ;

- à ce principe général s'ajoute une décote « de droit ». En effet, conformément au dispositif dit de « décote Duflot », introduit par la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, des personnes morales peuvent bénéficier de la décote sur certains terrains éligibles, à condition qu'y soient réalisés des programmes de construction de logements sociaux. Cette décote est toutefois plafonnée en fonction du coût moyen du logement social lorsque les personnes publiques disposent de réserves foncières ou de biens susceptibles d'accueillir un programme de logements sociaux, en vertu du décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019. Aucune vente jusqu'ici n'étant entrée dans le dispositif de plafonnement de la décote, il n'est pas encore possible d'en dresser le bilan.

Source : Cour des comptes, réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Pour limiter le coût pour l'État et le détournement de cette procédure, le Parlement a voté en 20198(*) un mécanisme de plafonnement, précisé par décret9(*), et soutenu par le rapporteur spécial.

Ainsi, l'article R 3211-32-7 au code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) fixe un plafond du taux de décote en fonction du coût moyen du logement social, lorsqu'une collectivité territoriale, un établissement public ou encore une société dispose de réserves foncières ou de biens susceptibles d'accueillir un programme de logements sociaux, pour une surface de plancher au moins égale à celle du programme prévu par le demandeur.

Cependant, d'après les réponses de la DIE, ce dispositif visant à éviter pour l'État de subventionner de manière disproportionnée la construction de logements sociaux n'aurait pas encore été mis en oeuvre, ce qui interroge quant à son caractère opérationnel.


* 4 Documents budgétaires et réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 5 370 millions d'euros en incluant les fonds de concours et versements du budget général.

* 6 Agence de l'Immobilier de l'État, société anonyme dont le capital est entièrement détenu par l'État.

* 7 Réponses de la DIE au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 8 Article 274 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 9 Décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019 relatif au plafonnement de la décote prévue à l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques.

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