LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ont été modifiés par deux amendements retenus dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Un premier amendement de notre collègue députée Blandine Brocard rehausse les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » de 200 000 euros et abaisse ceux du programme 303 « Immigration et asile » à due concurrence. La hausse des crédits du programme 104 vise à étendre le bénéfice des cours de français financés par le programme, aujourd'hui centrés sur les étrangers primo-arrivants, à tous les étrangers en situation régulière qui en font la demande.

Un second amendement de notre collègue députée Stella Dupont rehausse les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme 303 « Immigration et asile » de 300 000 euros et abaisse ceux du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » à due concurrence. La hausse des crédits du programme 303 concerne l'OFPRA et vise à augmenter les moyens de l'établissement pour produire les actes d'état civil des bénéficiaires de la protection internationale, via le recrutement de 8 ETPT dédiés supplémentaires.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 25 octobre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration ». - L'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » s'inscrit cette année, peut-être encore davantage que les années précédentes, dans une actualité particulièrement forte, à plusieurs égards.

Tout d'abord, la mission sera marquée en 2024, comme elle l'est déjà en 2023, par la force de la pression migratoire, en France comme en Europe. Pour ce qui concerne l'asile, qui structure l'essentiel des dépenses de la mission, le Gouvernement s'attend à recevoir 160 000 demandes d'asile en France en 2024, soit environ 20 % de plus qu'en 2019, année qui porte pourtant le record historique de près de 1 330 demandes. Ensuite, la mission est également marquée par la poursuite de l'accueil en France des personnes déplacées d'Ukraine du fait du conflit avec la Russie. Environ 80 000 personnes bénéficient ainsi de la protection temporaire de la France aujourd'hui, qui leur ouvre droit à l'octroi de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) ainsi qu'à un hébergement, en principe.

Enfin, l'étude des crédits de la mission s'effectue peu de temps avant l'examen par le Sénat du projet de loi sur l'immigration. Il n'est pas toujours aisé de faire la part des choses entre ce qui concerne les débats sur ce projet de loi et le présent examen des crédits de la mission. J'ai néanmoins tâché d'examiner ces crédits pour 2024 pour ce qu'ils sont en l'état, sans chercher à jeter un pont entre les deux textes. Le Gouvernement n'a d'ailleurs pas cherché non plus à lier les deux.

Venons-en à l'examen des crédits de la mission pour 2024. D'un point de vue général, les données brutes sont les suivantes : les crédits de paiement sont en hausse d'un peu plus de 7 %, soit près de 150 millions d'euros supplémentaires, et s'établissent à 2,16 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement sont quant à elles en baisse de 34 %, soit d'un peu plus de 900 millions d'euros, pour s'établir à 1,76 milliard d'euros. Cette baisse des autorisations d'engagement doit néanmoins être nuancée d'emblée. En effet, l'année 2023 avait notamment été marquée par un renouvellement des conventions pluriannuelles dans le domaine du logement des demandeurs d'asile, renouvellement qui avait conduit à l'ouverture ponctuelle d'un nombre important d'autorisations d'engagement. Cela explique une partie importante de la baisse apparente des autorisations d'engagement en 2024 sur ces deux postes.

Les crédits prévus pour la mission en 2024 présentent quelques petites améliorations, mais aussi et surtout de sérieux défauts. J'ai identifié trois améliorations.

Tout d'abord, des efforts supplémentaires sont proposés pour les crédits dédiés aux centres et locaux de rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière, et plus particulièrement ceux qui présentent une menace. Les dépenses d'investissement concernées sont ainsi en hausse de 63 millions d'euros en crédits de paiement et de 103 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cette hausse budgétaire vise à étendre le parc des centres de rétention administrative (CRA) d'un peu moins de 1 900 places aujourd'hui à 3 000 places à l'horizon 2027, comme l'a prévu la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Elle tend également à financer les travaux permettant la sécurisation de ces CRA.

Ensuite, les dépenses d'éloignement des migrants en situation irrégulière et de lutte contre l'immigration clandestine sont un peu renforcées, à hauteur de 20 millions d'euros. Cette hausse vise en particulier à financer l'achat de matériels de lutte contre l'immigration clandestine : drones, intercepteurs nautiques, moyens de projection et moyens aériens.

Enfin, les crédits en faveur de l'intégration des étrangers primo-arrivants, qu'ils soient réfugiés ou détenteurs d'une carte de séjour de longue durée, sont en hausse. C'est, sur le principe, une bonne nouvelle, car l'intégration doit être une priorité centrale dans notre politique d'immigration. Cette hausse, d'environ 36 millions d'euros, a vocation à financer des dépenses en faveur de l'apprentissage de la langue française, de l'accès aux droits et de l'accompagnement vers l'emploi.

Venons-en maintenant aux écueils du présent budget, qui sont sérieux et nombreux.

Le premier travers des crédits de la mission, c'est qu'ils ne sont tout simplement pas complets. En effet, comme l'année dernière, le budget prévu n'intègre pas les dépenses liées à l'accueil des personnes déplacées d'Ukraine et bénéficiant de la protection temporaire en France. Que les dépenses en question aient été financées en cours d'année en 2022 était inévitable, puisque l'invasion russe a eu lieu en février 2022. Le fait que les crédits nécessaires en 2023 n'aient ensuite pas été intégrés dans le projet de loi de finances pour 2023 était déjà beaucoup plus contestable. Mon prédécesseur, Sébastien Meurant, l'avait souligné et la Cour des comptes a considéré que « le défaut de sincérité budgétaire était établi à cet égard ». Dans ces conditions, il est d'autant plus surprenant que le budget 2024 fasse de même. L'année prochaine, c'est encore par abondement en gestion que le financement nécessaire devra s'opérer. Or la non-budgétisation de ces crédits pose d'autant plus problème que leurs poids par rapport au total des crédits de la mission est significatif. En 2023, ces dépenses sont en effet estimées à environ 350 millions d'euros. Une telle situation est donc de nature à limiter le caractère éclairé du vote du Parlement sur la mission.

Le deuxième écueil de ce budget concerne la dotation au titre de l'ADA. Son montant avait déjà été fortement diminué l'année dernière, de 36 %. Pour 2024, son montant serait en baisse de 21 millions d'euros, pour s'établir à 294 millions d'euros. Sur le principe, cela pourrait être une bonne nouvelle. En effet, la baisse du budget de l'ADA est fondée sur la réduction des délais de traitement des demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). La réduction de ces délais a pour effet l'octroi de l'allocation sur une moins longue période à chaque demandeur, ce qui réduit le coût global de l'ADA.

Concrètement, il est vrai que, hors bénéficiaire de la protection temporaire, le raccourcissement de ces délais a permis de maîtriser le coût de l'ADA, qui a été exécuté à moins de 280 millions d'euros en 2022. Néanmoins, la prévision pour 2024 paraît trop optimiste. En effet, comme je le disais, le nombre de demandes d'asile devrait atteindre 160 000 en 2024, soit un niveau historique, ce qui augmentera le nombre de bénéficiaires de l'ADA, et donc son coût global. En outre, les résultats à atteindre en matière de délais de traitement des demandes pour respecter l'enveloppe budgétaire sont difficilement atteignables. Il est prévu que l'Ofpra divise par deux ses délais entre début 2023 et 2024, passant de 121 jours à 60 jours. Une telle accélération n'a jamais été réalisée. L'Ofpra a même estimé lors de son audition qu'elle paraissait très optimiste. Elle paraît d'autant moins réaliste dans un contexte de niveau record du nombre de demandes d'asile. Enfin, la CNDA ne semble pas pouvoir accélérer significativement ses propres délais. Je considère donc que la dotation prévue pour l'ADA en 2024 est vraisemblablement sous-estimée.

Le troisième écueil du budget concerne les résultats obtenus sur la base des crédits demandés chaque année. Je prendrai trois exemples parmi beaucoup d'autres : la lutte contre l'immigration irrégulière, l'hébergement des demandeurs d'asile et l'apprentissage du français par les signataires du contrat d'intégration républicaine.

Concernant la lutte contre l'immigration irrégulière, certes, les crédits augmentent un peu. Il n'en demeure pas moins qu'ils ne représentent qu'un dixième des crédits de la mission en 2024. Surtout, les résultats obtenus sont très insatisfaisants. Pour donner un seul chiffre, le nombre de retours forcés exécutés de personnes en situation irrégulière n'a été que de 11 410 en 2022, soit un niveau inférieur au nombre constaté en 2019, ce alors même que la pression migratoire est plus forte. Ce nombre de retours forcés exécutés a même été plus faible en 2022 que sur chacune des années de la décennie 2010.

Concernant l'hébergement des demandeurs d'asile, des efforts significatifs ont été fournis au cours des dernières années pour étendre le nombre de places disponibles, pour un coût budgétaire d'ailleurs élevé. Le parc atteindrait ainsi 122 582 places, dont 1 500 places créées en 2024. Pourtant, cette extension continue du parc ne permet pas une prise en charge efficiente des demandeurs d'asile. En effet, la part de ces derniers qui sont hébergés à titre gratuit, ce qui constitue le principe, demeure faible aujourd'hui. Elle serait de moins de 60 % en 2023, contre un objectif fixé dans le projet de loi de finances pour 2023 à 70 %. En outre, la part des places occupées par des personnes qui ne devraient pas - ou plus - y séjourner, qui était de 16 % en 2021, a atteint 22 % en 2022.

Enfin, concernant l'apprentissage du français dans le cadre de l'intégration, seules 67 % des personnes atteignent le niveau A1 visé, qui correspond pourtant seulement au niveau d'utilisateur élémentaire, le plus faible du cadre européen de référence des niveaux de langue. Concernant les cours de formation civique, les auditions ont été l'occasion de constater qu'il n'était pas rare qu'ils soient délivrés à des étrangers qui ne maîtrisent pas encore le français.

Enfin, le quatrième et dernier écueil du budget pour 2024, et sans doute le plus grave, est structurel. Comme les années précédentes, les équilibres entre les différents types de dépenses ne sont pas bons. Alors que les dépenses liées à l'asile représentent deux tiers des crédits, les dépenses d'intégration n'en représentent qu'environ un cinquième et la lutte contre l'immigration irrégulière un dixième. Or, si la mise en oeuvre du droit d'asile est une obligation, une politique d'immigration réussie doit garantir à la fois le renvoi des étrangers en situation irrégulière et l'intégration effective des personnes autorisées à rester en France. C'est une question de bon sens, qui joue également sur l'acceptabilité sociale de l'immigration. En ne garantissant pas cet équilibre, le budget de la mission rate finalement sa cible, et ce d'année en année.

En conclusion, si les crédits de la mission présentent quelques améliorations par rapport à l'année dernière, leurs défauts sont trop nombreux et trop sérieux. En n'intégrant pas les dépenses liées à la protection temporaire des personnes déplacées d'Ukraine, le budget proposé manque de sincérité et ne permet pas un vote éclairé du Parlement. En prévoyant une baisse trop optimiste de la dotation au titre de l'ADA dans un contexte de forte hausse des demandes d'asile, le budget proposé souffre d'un manque de réalisme. Au vu des mauvais résultats obtenus depuis plusieurs années dans différents domaines, le budget proposé peine à convaincre. Enfin, en échouant à garantir un équilibre entre les dépenses d'asile, d'intégration et de lutte contre l'immigration irrégulière, le budget proposé paraît déséquilibré.

En toute logique, je suis donc défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pour cette mission, comme pour la précédente, on constate des défauts dans la gestion budgétaire par l'État. Au cours de vos auditions, avez-vous pu obtenir des éléments tangibles concernant l'objectif de réduction des délais d'instruction des demandes d'asile affiché par le Gouvernement, ou s'agit-il d'une simple déclaration d'intention, vouée à ne pas se concrétiser ?

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. - Les auditions des représentants de l'Ofpra et de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) ont montré que l'objectif de 60 jours fixé pour les délais d'instruction des demandes d'asile n'était pas réaliste. La réduction des délais observée dernièrement a d'ailleurs largement tenu aux effets de la crise sanitaire et à la mobilisation d'importants renforts en ressources humaines au sein de l'Ofpra en 2020 pour réduire le stock de demandes en attente de traitement. Mais l'équilibre actuel est fragile : compte tenu du nombre de demandes d'asile annoncé, l'Ofpra craint même de ne pas pouvoir maintenir les délais actuels, qui sont déjà deux fois supérieurs à l'objectif qui lui est assigné. Du côté de la CNDA, aucune amélioration des délais de traitement des dossiers n'a été annoncée.

Il paraît donc très improbable que la réduction des délais d'examen des demandes d'asile se concrétise.

Mme Nathalie Goulet. - Est-il possible de mieux contrôler les budgets des plus de 1 000 associations mobilisées sur l'aide aux migrants et pourrions-nous avoir des précisions à ce sujet ? Au total, l'enveloppe qui leur est allouée s'élève à environ 1 milliard d'euros, ce qui est considérable. Certaines d'entre elles reçoivent 100 millions d'euros de subventions. Il faudrait à mon sens accueillir moins, et mieux. L'absence d'intégration au budget de l'accueil des Ukrainiens en France pose par ailleurs problème.

Mme Christine Lavarde. - Nous suivrons la position du rapporteur spécial concernant le rejet des crédits de la mission. Le ministère de l'intérieur assure-t-il un suivi régulier des conventions pluriannuelles d'objectifs passées avec ces associations, ou celles-ci sont-elles simplement revues tous les trois ans ?

M. Rémi Féraud. - Nous voterons probablement contre les crédits de cette mission. Il faut faire le lien entre ces derniers et le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, au moins sur certains points. Si le budget alloué à l'ADA diminuait parce que le Gouvernement entendait leur donner l'autorisation de travailler, cela pourrait nous convenir, mais je ne crois pas que ce soit ce qui est prévu.

Le défaut de sincérité budgétaire que vous soulignez est-il une véritable insincérité budgétaire, au sens juridique du terme ? Comment peut-on le qualifier, sachant que le nombre de demandeurs d'asile venus d'Ukraine ne risque pas de diminuer ?

Ne faudrait-il pas prévoir un budget plus important pour l'apprentissage de la langue française, au-delà des seuls primo-arrivants ? Cibler cette action et concentrer les crédits d'intégration sur ces derniers représente en effet un risque.

M. Thomas Dossus. - L'augmentation du nombre de places en rétention administrative est liée aux lois précédentes qui ont allongé les durées potentielles de rétention, sans améliorer pour autant l'exécution des mesures d'éloignement. Moins d'une mesure d'éloignement sur deux est en effet exécutée pour les personnes en rétention. Si cette tendance se poursuit, alors que de nouvelles places sont ouvertes, nous risquons la fuite en avant budgétaire.

Plusieurs alertes sur les conditions de rétention du nouveau modèle de CRA expérimenté à Lyon ont été émises par ailleurs par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), par plusieurs avocats ainsi que par la bâtonnière du barreau de Lyon.

M. Pascal Savoldelli. - Cette mission ne traite qu'une partie des crédits dévolus à la politique d'intégration et à l'immigration. Il faut en respecter le périmètre. Je ne suis pas convaincu par ailleurs que l'absence d'intégration dans le budget de l'accueil temporaire en France des réfugiés en provenance d'Ukraine suffise à caractériser son insincérité.

En outre, il faut savoir distinguer le débat budgétaire du débat politique, le fléchage des crédits et la politique d'immigration et d'intégration, qu'il n'est pas prévu de modifier.

Nous avons toujours eu un esprit de responsabilité. Nous voterons contre les crédits de la mission, mais tout le monde comprendra que ces comptes sont pluriels, et non homogènes, et que notre vote ne devra pas être confondu avec celui de nos collègues.

M. Christian Bilhac. - L'intégration est un ensemble de droits et de devoirs. Ces derniers ne doivent pas être oubliés. Par ailleurs, la question du retour des étrangers en situation irrégulière dans leurs pays d'origine est une question politique et non budgétaire. Avez-vous pu chiffrer les moyens d'une politique efficace à cet égard ? Quels seraient les besoins de la mission sur ce plan ?

M. Jean-François Rapin. - Le périmètre de la mission « Immigration, asile et intégration » ne comprend pas la mobilisation des forces de police, des forces militaires du réseau Sentinelle, ou encore des forces de l'air et des frontières. Pour m'être retrouvé hier soir à la frontière entre Vintimille et Menton, j'ai pu constater un déploiement de forces considérable du côté italien comme du côté français, pour sécuriser le passage contre les entrées frauduleuses, mais également pour protéger les migrants. Or cet élément n'est pas compris dans la mission, alors qu'il représente une somme considérable.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. - Le budget de la mission s'élève à environ 2 milliards d'euros, quand le Gouvernement chiffre le coût de l'immigration à 8 milliards d'euros. Les crédits alloués aux associations relèvent bien de la mission. En revanche, celle-ci ne comprend pas les aspects liés à la scolarisation ou encore aux forces de police par exemple. Les ressources humaines sont en outre traitées à part, à l'exception de celles qui relèvent de l'Ofii et de l'Ofpra.

Les associations jouent un rôle majeur, et certaines d'entre elles disposent de subventions considérables, notamment pour l'hébergement. J'ai interrogé la direction générale des étrangers en France sur plusieurs points. L'actualité nous invite en effet à étudier le rôle de ces associations, particulièrement celui de la Cimade. Cette dernière a reçu seulement un peu plus de 2 millions d'euros par an en 2021 et 2022 via la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » pour l'exercice de ses missions. Toutefois, les auditions que j'ai menées ont montré que le nombre des expulsions et des contestations d'expulsions, pouvait servir ses intérêts, ce qui n'est pas sans poser de problème et nous ne pouvons cautionner cela.

Le terme d'insincérité a été employé par la Cour des comptes concernant l'absence d'intégration dans le budget de la mission de l'accueil en France des réfugiés ukrainiens. Nous pouvons l'employer sans que ce soit abusif. C'est un élément d'insincérité, ce qui ne signifie pas que tout le budget de la mission le soit. On relève dans tous les cas des écueils graves dans le budget, et notamment celui-là.

La partie du budget consacrée à l'intégration est en augmentation cette année. Nos auditions ont néanmoins montré que nous avions du mal à progresser dans ce domaine, en particulier s'agissant de l'apprentissage de la langue française. Certaines formations, notamment celles qui ont trait à l'enseignement civique, sont parfois dispensées en langue française alors même que les personnes à qui elles s'adressent ne la maîtrisent pas. Il serait intéressant d'exiger, pour certains titres de séjour, que l'apprentissage de la langue commence d'ailleurs dans les pays d'origine des demandeurs, avant même leur arrivée sur le sol français.

Le besoin de places supplémentaires dans les centres de rétention administrative est réel et ne s'explique pas uniquement par le faible taux d'exécution des mesures d'éloignement. Le Gouvernement annonce une augmentation du nombre de places d'ici à 2027, pour atteindre 3 000 à cet horizon. Or, en réponse à mes demandes de précision, il a été souligné que les moyens financiers auront été engagés à cet horizon pour financer ces places ; il n'est en revanche pas certain que les places soient réellement créées et disponibles à cette échéance. La nuance est de taille.

La question relative aux moyens nécessaires pour augmenter le nombre de retours dans les pays d'origine sera largement traitée au cours de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Un départ effectif des étrangers en situation irrégulière est effectivement difficile à réaliser. Ainsi, si 40 % des demandes d'asile obtiennent une réponse favorable, la prudence est de mise concernant le retour effectif dans leur pays des 60 % restants. C'est la raison pour laquelle il est envisagé d'étendre les cas d'instruction des dossiers de demande d'asile avant l'entrée des personnes concernées sur le territoire national, à la frontière.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

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