B. D'IMPORTANTES OPÉRATIONS INTERVENUES EN 2023

1. Des dépenses qui restent dynamiques en 2023

À la fin septembre, le solde du compte s'établit à près de 4,5 milliards d'euros, soit un montant très faible par rapport aux niveaux habituellement constatés.

Ce solde résulte de la conjugaison de trois éléments :

le report du solde arrêté à la fin 2022, à hauteur de 6,74 milliards d'euros ;

les dépenses effectuées depuis le compte, pour un montant de 15,2 milliards d'euros, essentiellement la poursuite de la nationalisation d'EDF, à hauteur de 5,2 milliards d'euros (cf. infra) et de la dotation à la caisse de la dette publique, pour 6,6 milliards d'euros, et les dépenses France 2030, à hauteur de 1,5 milliard d'euros ;

les recettes enregistrées sur le compte, pour un montant de 12,9 milliards d'euros, constituées à près de 65 % de versements depuis le budget général.

Le tableau ci-après détaille l'exécution du compte depuis le 1er janvier 2023.

Exécution du compte d'affectation spéciale
du 1er janvier 2023 au 30 septembre 2023

(en millions d'euros)

Solde au 31 décembre 2022

+ 6 740

Dépenses totales

- 15 156

Détail

Dotation à la caisse de la dette publique

- 6 586

OPAS sur les actions et OCÉANEs d'EDF

- 5 201

France 2030, aides à l'innovation

- 1 500

Souscription de titres super-subordonnés
Air France KLM

- 728

Libération de l'augmentation en capital de LFB

- 270

Dotation en capital de l'Agence française de développement

- 150

Autres dépenses

- 721

Recettes totales

+ 12 900

Détail

Abondement du budget général en provenance du programme 369 pour dotation à la caisse de la dette publique

+ 6 586

Reprise de la dotation en numéraire du fonds pour l'innovation et l'industrie

+ 3 500

Abondement du budget général (PIA 4 et France 2030)

+ 1 690

Cession de titres émis par Air France KLM

+ 728

Abondement du budget général en provenance du programme 365 pour la dotation en capital de l'Agence française de développement

+ 150

Retours PIA

+ 82

Autres recettes

+ 163

Solde prévisionnel au 30 septembre 2023

+ 4 484

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par l'APE

2. Des dividendes d'un niveau supérieur à avant la crise

La situation économique et les engagements pris par les entreprises du portefeuille en 202016(*) se sont traduits par une chute des dividendes perçus par l'État au cours des dernières années au titre de son portefeuille de participations.

Après avoir atteint 331 millions d'euros en 2020, en recul de 80 % par rapport à 2019, les dividendes ont été de 2,09 milliards d'euros en 2021, dont près de la moitié en titres.

En 2023, les dividendes devraient atteindre 2,3 milliards d'euros. Alors que la nationalisation d'EDF conduit à ne plus recevoir aucun dividende en titre de la part de l'entreprise à partir de cette année, le montant des dividendes est en réalité bien supérieur aux précédents exercices une fois prise en compte cette évolution de périmètre. Les dividendes en numéraire sont même les plus élevés perçus par l'État depuis 2015. les principaux contributeurs en numéraire sont Engie (808 millions d'euros), BpiFrance (260 millions d'euros), Orange (249 millions d'euros), Thalès (162 millions d'euros) et Naval Group (105 millions d'euros).

Évolution des dividendes versés depuis 2017

(en milliards d'euros)


NB 
: montant prévisionnel pour 2023.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

3. La nationalisation d'EDF, une étape importante mais qui n'apporte pas de réponse directe aux besoins massifs de financement de l'entreprise
a) L'offre publique d'achat est désormais achevée

Le 6 juillet 2022, lors de la déclaration de politique générale de la Première ministre, celle-ci a annoncé l'intention de l'État de détenir 100 % du capital d'EDF. Le gouvernement a déposé le 4 octobre 2022 une offre publique d'achat visant à acquérir les actions et obligations convertibles en actions nouvelles ou existantes (Oceane) d'EDF.

D'après la note d'information accompagnant l'offre, celle-ci « s'inscrit dans un contexte d'urgence climatique et alors que la situation géopolitique impose des décisions fortes pour assurer l'indépendance et la souveraineté énergétique de la France, dont celle de pouvoir planifier et investir sur le très long terme les moyens de production, de transport et de distribution d'électricité. »17(*)

Le prix a été fixé à 12,00 euros par action18(*) (elle avait été introduite à 32 euros en 2005) et à 15,64 euros pour les OCEANE19(*). Alors que la participation de l'État dans EDF s'élevait à 83,69 %20(*) (pour 89,13 % des droits de vote), les actionnaires institutionnels et individuels représentaient 14,75 % du capital, et l'actionnariat salarié 1,54 %.

Les raisons du recours à une offre publique d'achat simplifiée
et la proposition de loi visant à la nationalisation d'EDF

D'après le directeur des participations de l'État, ce choix d'une offre publique d'achat simplifié répond à une préoccupation d'efficacité du Gouvernement, alors qu'une loi de nationalisation aurait pu engendrer des délais d'examen de nature à retarder l'opération. De plus, la procédure a été présentée comme plus simple à mettre en oeuvre, permettant également de limiter les incertitudes juridiques qui auraient pu accompagner une nationalisation.

Depuis lors, une proposition de loi de notre collègue député M. Philippe Brun21(*) visant à la nationalisation de l'entreprise a été examinée par les deux chambres. Néanmoins, elle n'a pas fait l'objet d'une adoption conforme avant que n'aboutisse la procédure d'OPA simplifiée.

La proposition de loi, dans sa version initiale, prévoyait à son article 1 de nationaliser l'entreprise électricité de France et, à son article 2, de transformer l'entreprise en « groupe public unifié », en lisant les activités de l'entreprise, dont les actions devraient devenir incessibles : elles concernent aussi bien « la production, le transport, la distribution, l'importation [...] l'exportation d'électricité, le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique [que] la prestation de services énergétiques ». Son domaine avait été élargi, en commission des finances de l'Assemblée nationale, à l'extension des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe - art. 3 bis).

Lors de sa lecture au Sénat, le texte de la proposition a été modifié pour garantir une détention publique de l'entreprise au niveau législatif, et pour supprimer le plafond de 36 kilovoltampères pour le bénéfice des TRVe pour les très petites entreprises (TPE).

En nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le texte a de nouveau été modifié pour réintégrer la liste des activités devant relever de l'entreprise, pour prévoir de façon obligatoire l'ouverture du capital de l'entreprise aux salariés, et l'extension des TRVE aux entreprises employant moins « de 250 personnes et [qui] ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ainsi qu'aux collectivités et aux établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants » et aux « organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation »

L'OPA simplifiée a pu être mené à son terme et le retrait obligatoire est intervenu cet été, de sorte que l'État est désormais l'unique actionnaire de l'entreprise.

b) La situation financière de l'entreprise EDF reste néanmoins très préoccupante

Cette évolution dans la détention d'EDF laisse entièrement ouverte la question de la situation financière du groupe. En effet, la dette d'EDF pourrait atteindre 65 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année. Cette situation résulte de plusieurs facteurs :

- la baisse de la production imputable à l'arrêt de réacteurs, à hauteur de 29 milliards d'euros en 202222(*) ;

- la hausse du volume d'Arenh23(*) de 20 TWh imposée par le Gouvernement, dont le coût direct a été estimé à 8,34 milliards d'euros par EDF ;

- la sécheresse qui a également induit une baisse de la production hydro-électrique, dont le coût a été estimé à 1,4 milliard d'euros.

L'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh)

Mis en place par la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) et codifié à l'article L336-2 du code de l'énergie, l'Arenh consiste à permettre, « dans la limite d'un plafond global, à tout fournisseur alimentant des consommateurs sur le territoire national d'obtenir une certaine quantité d'électricité de base, à un prix régulé reflétant la réalité des coûts complets du parc de production nucléaire historique. »24(*)

En effet, lors de la libéralisation du marché de l'électricité, dans la mesure où EDF bénéficiait du parc nucléaire historique, il était nécessaire d'organiser et de réguler l'accès à l'électricité de ses nouveaux concurrents.

Ainsi, alors que le prix de l'Arenh était fixé à 42 €/MWh, pour un volume global maximal de 100 TWh/an25(*), le Gouvernement a porté le volume d'Arenh à 120 TWh pour 2022 et le prix à 46,2 euros/MWh. La loi dite « pouvoir d'achat » a abaissé le plafond de l'Arenh défini par la loi de 150 à 120 TWh/ an, et rehaussé le prix minimal à 49,5 euros/MWh.

Source : commission des finances du Sénat

Alors que la dette d'EDF devrait atteindre des niveaux sans précédent, l'entreprise devra faire face à de nombreux défis et fournir des efforts d'investissements de l'ordre de 20 à 25 milliards d'euros par an pour financer :

- le programme de construction de 6 EPR2 annoncé par le Président de la République à Belfort le 10 février 2022, éventuellement complétés par 8 EPR2 supplémentaires. Ce programme pourrait représenter un coût annuel de l'ordre de 4 milliards d'euros ;

- la poursuite du programme de « Grand Carénage », devant permettre « d'assurer une exploitation des centrales performante et rentable au-delà de quarante ans tout en continuant d'améliorer la sûreté »26(*). Le coût de ces opérations peut être évalué de 4 à 7 milliards d'euros par an ;

les investissements dans les énergies renouvelables, afin de répondre aux engagements de neutralité carbone à horizon 2050 de l'entreprise, ainsi que les investissements dans le réseau par Enedis pour assurer le raccordement des nouveaux sites de production d'électricité.

Ainsi, si la nationalisation constitue une étape indispensable, en particulier pour améliorer la notation de l'entreprise sur les marchés, elle ne permet que très partiellement de répondre à l'ensemble des défis qui attendent EDF dans les mois à venir.

Alors que des négociations sont encore en cours au niveau européen sur le marché d'électricité et que le financement du Grand Carénage constitue un enjeu stratégique pour l'entreprise, il conviendra d'être particulièrement attentif à ce que les règles européennes garantissent le financement de la rénovation du parc nucléaire français.

4. La mise en service de la centrale nucléaire d'Olkiluoto met un terme aux rachats de titres, prévus lors de la restructuration d'Areva

L'exercice 2023 est le premier exercice ne donnant pas lieu au rachat de titres Orano à la fiducie Natixis par l'APE, dans le sillage de la réorganisation de la filière nucléaire française initiée en 2015 et conduite entre 2016 et 2017. Dans ce cadre, une séparation des activités amont et aval avait été décidée, conduisant à distinguer trois entités :

- Framatome, cédé par Areva à EDF ;

- Orano, la nouvelle entité créée et recentrée sur le cycle du combustible nucléaire ;

- Areva SA, structure de défaisance chargée de gérer la mise en service de la centrale nucléaire d'Olkiluoto 3 en Finlande.

Areva SA avait été dotée de 40 % du capital d'Orano, permettant de garantir le financement de la centrale finlandaise. Les cessions à l'État actionnaire sont intervenues par tranche, répondant à l'avancement des travaux de construction de la centrale. Cette dernière ayant désormais été livrée avec 13 ans de retard, ces opérations sont terminées sur le CAS.

5. Alors qu'il connait des finances très dégradées par la crise, le groupe Air-France KLM a bénéficié d'un rebond de ses activités

Du fait de la crise sanitaire, le groupe Air-France KLM a affiché une perte nette de 7 milliards d'euros en 2020, puis de 3,9 milliards d'euros en 2021. L'État est intervenu à trois titres :

- en tant qu'actionnaire en octroyant une avance en compte courant d'actionnaire à hauteur de trois milliards d'euros. Cette avance a été convertie, en avril 2021, en obligations perpétuelles convertibles ;

- via les PGE en octroyant une garantie de prêts bancaires à hauteur de 90 % pour un montant de quatre milliards d'euros ;

- en permettant des reports de cotisations sociales sur les salaires des employés de l'entreprise (de l'ordre d'un milliard d'euros).

Une première intervention en capital de l'État est intervenue le 12 avril 2021, à hauteur de 593 millions d'euros, participant à une augmentation de 1,04 milliard d'euros.

Une deuxième augmentation de capital est intervenue en juin 2022, permettant l'entrée à son capital de l'armateur CMA-CGM, l'État a souscrit à cette augmentation en procédant à la conversion de 645 millions d'euros d'obligations perpétuelles convertibles complétées par un apport de 68 141 euros.

Au cours de l'exercice 2023, une opération est intervenue en plusieurs temps entre le 17 mars et le 19 avril, consistant dans le remboursement des titres super-subordonnés souscrits et la souscription de nouveaux titres équivalents, pour 730 millions d'euros. Cette opération a permis de lever l'intégralité des contraintes opérationnelles du groupe, notamment en matière de versement de dividendes et a été autorisée par une décision de la Commission européenne du 16 février 2023.


* 16 À l'exception de trois entreprises - la Française des jeux, Orange et Thalès - les entreprises du portefeuille coté de l'État actionnaire ont renoncé au versement de dividendes en 2020.

* 17 Projet de note d'information établi par l'État français, soumis à l'Autorité des marchés financiers dans le cadre de l'OPA sur EDF.

* 18 Ce qui, pour un total de 633 120 350 actions représenterait un total de 7,59 milliards d'euros.

* 19 Ce qui, pour 131 747 484 Oceane représenterait 2,04 milliards d'euros.

* 20 Répartis entre l'Agence des participations de l'État (74,92 % du capital) et l'EPIC Bpifrance (8,77 % du capital).

* 21 Proposition de loi visant à la nationalisation du groupe Électricité de France, n° 671, déposée le mardi 27 décembre 2022, M. Philippe Brun.

* 22 Soit un montant très supérieur à ce qui avait été estimé en mai dernier, à 18,5 milliards d'euros. Cependant, cette évaluation demeure fragile du fait de la forte volatilité des prix de l'énergie.

* 23 Accès régulé à l'énergie nucléaire historique.

* 24 Rapport Rapport n° 643 (2009-2010) de M. Ladislas PONIATOWSKI, fait au nom de la commission de l'économie, déposé le 7 juillet 2010, sur le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité.

* 25 Le plafond défini par la loi de l'Arenh étant alors de 150 TWh/an.

* 26 Interview de Christophe Varé, Responsable du Programme Durée de fonctionnement.

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