N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 29b

SÉCURITÉS
(Programme 161 « Sécurité civile »)

Rapporteur spécial : M. Jean Pierre VOGEL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

I. UN BUDGET EN LÉGÈRE HAUSSE, MAIS INCOMPLET À CE STADE

Pour 2024, les crédits demandés sur le programme 161 « Sécurité civile » s'élèvent à près de 686,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), et à 734,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 1,47 milliard et 714,1 millions d'euros en LFI 2023.

Évolution des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2023 (LFI)

CP 2023 (LFI)

AE 2024 (PLF)

CP 2024 (PLF)

Variation AE 2024/2023

Variation CP 2024/2023

11 - Prévention et gestion de crises

76,2

55,3

49,5

75,8

- 35,1

+2,9

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

1 060

442,1

414,1

442,9

- 60,9

+0,2

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

321,4

202,3

190,1

183,9

- 40,8

- 9,1

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

14,4

14,4

32,8

32

+ 127,9

+ 122,2

Total

1 472

714,1

686,5

734,6

- 53,4

+ 2,8

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

A. UNE BAISSE DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT À RELATIVISER, ET UNE HAUSSE DES CRÉDITS DE PAIEMENT PORTÉE NOTAMMENT PAR L'AUGMENTATION DE DÉPENSES LIÉES À LA LUTTE CONTRE LES INCENDIES

La diminution des AE de 53,4 % par rapport à 2024 était prévisible, dans la mesure où la LFI pour 2023 avait engagé un montant exceptionnel de crédits destinés au renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons » (471,6 millions d'euros), ainsi que la concrétisation éventuelle d'une commande de Canadair (240 millions d'euros). La baisse des AE porte donc essentiellement sur les dépenses d'investissement, qui passent de 790,9 millions d'euros en LFI 2023 à 60,1 millions d'euros dans le PLF 2024 - 92,4 %).

La baisse des AE s'explique également dans une moindre mesure par la baisse des dépenses d'intervention (-46,9 %), après une année 2023 inédite en raison du financement des pactes capacitaires pour un montant de 158 millions d'euros en AE (voir infra).

La hausse des CP de 20,5 millions d'euros (+2,8 %) entre la LFI 2023 et le PLF 2024 résulte principalement d'une mesure de transfert de 15,6 millions d'euros du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », vers le programme 161, dans le cadre de la rétrocession de crédits numériques vers les différents programmes du ministère de l'Intérieur.

Cette augmentation s'explique également par le dynamisme des dépenses de fonctionnement (+16,1 %), et plus particulièrement, des dépenses de carburant et de produit retardant utilisés dans les aéronefs (+ 6,4 millions d'euros pour l'ensemble de ces deux postes de dépense).

B. UNE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE INITIALE DU PROGRAMME 161 POUR 2024 INCOMPLÈTE

Lors des auditions du rapporteur spécial, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a indiqué que des crédits supplémentaires seraient inscrits par le Gouvernement sur ce programme en cours de discussion budgétaire. Un amendement du Gouvernement visant à majorer les crédits du programme 161 de 215,2 millions d'euros en AE et de 145,9 millions d'euros en CP a finalement été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, puis repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Ces crédits seront consacrés à la création d'une 4ème unité de formation militaire de la sécurité civile (ForMiSC), au renforcement des pactes capacitaires entre l'État et les services d'incendie et de secours (SIS), à la mobilisation de colonnes de renfort supplémentaires et à l'acquisition d'hélicoptères.

Le rapporteur spécial se félicite du renforcement des crédits consacrés aux forces de sécurité civile. Toutefois le procédé consistant à modifier substantiellement le montant des crédits du programme en cours de discussion par des amendements gouvernementaux n'est pas satisfaisant au regard du principe de sincérité budgétaire, et de clarté des débats au Parlement, a fortiori lorsque les ouvertures de crédits concernent des annonces du président de la République datant d'octobre 2022.

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DU PROGRAMME 161

A. UN RENFORCEMENT DES MOYENS AÉRIENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE À ACCÉLÉRER

1. Une satisfaction : l'année 2024 sera marquée par le début du renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons » de la sécurité civile

Le PLF pour 2024 prévoit 65,3 millions de CP consacrés au renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons » EC-145 vieillissants. Cette commande de 36 hélicoptères de type H145, annoncée dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), et concrétisée en LFI 2023, permettra de porter la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile à un total de 40 appareils.

L'année 2024 devrait ainsi être marquée par la livraison des 3 premiers hélicoptères, avant une montée en puissance du rythme de livraison jusqu'en 2029.

Calendrier prévisionnel de livraison des hélicoptères H145 

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Total

Livraisons

3

8

8

6

8

3

36

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

2. Une inquiétude : le renouvellement et l'extension de la flotte de Canadair, annoncés depuis plusieurs années, ne trouvent aucune traduction dans le PLF pour 2024

Le renouvellement de la flotte vieillissante de Canadair constitue une source de préoccupation maintes fois soulignées par le rapporteur spécial dans ses travaux. À cet égard, une commande mutualisée de 12 avions bombardiers d'eau, dont deux au bénéfice de la France, dans le cadre du dispositif RescEU financé par l'Union européenne, est aujourd'hui actée. La France devrait également commander, sur fonds propres, deux Canadair supplémentaires, dont les conditions d'acquisition font actuellement l'objet d'une négociation avec le constructeur De Havilland.

Toutefois, la livraison des premiers Canadair ne pourra pas intervenir avant 2027 et 2028 d'après les prévisions les plus optimistes de la DGSCGC. Ces estimations confirment l'irréalisme des annonces du président de la République du 28 octobre 2022, qui promettaient un renouvellement complet et une extension complète à l'horizon 2027.

3. Un point de vigilance : La poursuite d'un marché de location d'aéronefs dont l'intérêt opérationnel a fait ses preuves, mais dont la budgétisation n'est pas prise en compte dans le texte initial

L'année 2023 a été marquée par le déploiement d'un dispositif inédit de lutte contre les feux de forêt, qui s'est notamment traduit par la location de 10 hélicoptères bombardiers d'eau (HBE), 4 avions Air Tractor et 1 avion Dash MRBet en renfort de la flotte permanente.

L'efficacité de ce nouveau dispositif, combinée à des conditions météorologiques clémentes, a permis aux forces de sécurité civile de connaître une saison des feux 2023 particulièrement bien maîtrisée. En effet, si les départs de feux constatés en 2023 ont augmenté de près de 50 % par rapport à 2021, la surface brûlée a pourtant diminué d'environ 17 %.

Composition de la flotte consacrée à la lutte contre les feux lors de l'été 2023

(en nombre d'appareils)

 

Type d'appareils

Quantité

Flotte permanente

Avions Canadair C415

12

Avions Dash 8 MRBet

6

Avions Dash 8 MR

3

Avions Beechcraft B 200

3

Appareils faisant l'objet d'un contrat de location

HBE lourds

6*

HBE légers

4*

Avions Air Tractor

4

Avion Dash 8 MRBet

1

 

39

* Dont 2 HBE lourds et 2 HBE légers activables sur demande en cas de forte intensité opérationnelle

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

Le recours à la location d'HBE a vocation à être poursuivi dans le cadre d'un marché bâti sur une période de 4 ans fermes, qui permettra à la DGSCGC de disposer d'un total de 10 HBE au plus fort de la saison, dont 4 activables sur demande.

Le coût annuel de ce marché est estimé à 16,15 millions d'euros pour une saison feux de forêt de basse intensité et 20,6 millions pour saison de haute intensité. Le PLF pour 2024 ne prévoit toutefois que 7 millions d'euros en AE et en CP pour la location d'aéronefs. D'après la DGSCGC, un amendement du Gouvernement viendra abonder cette ligne budgétaire en cours de discussion.

Le rapporteur spécial suit également avec intérêt les perspectives d'acquisition en propre par la DGSCGC d'HBE lourds, dont le coût est estimé actuellement à 46 millions d'euros, mais dont le financement pourrait être assuré par l'Union européenne dans le cadre du programme RescEU. Toutefois, les délais de fabrication de ces appareils rendent difficilement envisageable leur livraison avant 2028 voire 2029.

B. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DES FORCES TERRESTRES DE LA SÉCURITÉ CIVILE, DONT LA TRADUCTION DANS LE PLF EST INCOMPLÈTE

L'année 2024 sera marquée par la création d'une 4ème unité de formation militaire de la sécurité civile (ForMiSC). Cette nouvelle « Unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile n°4 » (UIISC4) devrait être dotée de 565 ETP à l'horizon 2027. Si le rapporteur spécial salue la création de cette nouvelle unité, il relève qu'aucun crédit n'y est consacré dans le PLF 2024. L'amendement du Gouvernement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale devrait permettre de consacrer 180 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP à la création de cette nouvelle unité.

Le PLF pour 2024 consacre également des crédits au forces terrestres de la sécurité civile en vue des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, et notamment, 22 millions d'euros en CP pour l'acquisition de nouveaux matériels de protection et d'intervention contre le risque NRBC-E1(*), et 8,7 millions d'euros en CP destinés au renforcement des moyens des équipes du Groupement d'intervention du déminage (GID).

C. LA POURSUITE DES « PACTES CAPACITAIRES » ENTRE L'ÉTAT, LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LES SIS

Près de 9,7 millions d'euros en AE et 7,4 millions d'euros en CP sont inscrits dans le PLF pour 2024 pour la poursuite des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des service d'incendie et de secours (SIS) par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État. L'amendement du Gouvernement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale est en outre venu abonder de 39 millions d'euros en CP les crédits consacrés aux pactes capacitaires en 2024.

La LFI 2023 prévoyait 158 millions d'euros en AE et 38,5 millions en CP. La quasi-totalité des crédits être engagés dès cette année pour financer l'achat de 1079 véhicules de lutte contre les incendies.

Si les SIS sont globalement satisfaits de la mise en oeuvre de ces pactes capacitaires, certains doutes subsistent quant aux délais de livraison de ces véhicules. Par ailleurs, il ressort des auditions du rapporteur spécial que certains SIS auraient renoncé à bénéficier du pacte capacitaire, estimant que les véhicules proposés dans le catalogue élaboré par la DGSCGC, excédaient leurs besoins, et revenaient in fine plus chers que ceux qu'ils souhaitaient acquérir, y compris en bénéficiant de la subvention.

D. UNE AUGMENTATION DES MOYENS ACCORDÉS À L'AGENCE DU NUMÉRIQUE DE LA SÉCURITÉ CIVILE POUR GARANTIR LA MONTÉE EN PUISSANCE DU PROJET NEXSIS 18-112

Le programme NexSIS 18-112, projet de mutualisation de systèmes d'information des services d'incendie et de secours (SIS), est cette année doté d'une enveloppe de 16,6 millions d'euros, soit 6,5 millions de plus que l'année dernière. Le plafond d'emplois de l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) sera en outre porté à 22 EPTP contre 14 en 2023, afin de garantir la montée en puissance du projet.

Ce renforcement des moyens accordés à l'ANSC, qui devrait s'intensifier dans les prochaines années, est justifié par la montée en puissance du projet, après une année 2023 marquée par le déploiement progressif du programme au sein des premiers SIS.

Schéma d'emplois de l'ANSC pour les années 2023 à 2027

 

PLF 2023

PLF 2024

PLF 2025

PLF 2026

PLF 2027

Total

Schéma d'emploi

2

8

6

7

5

28

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Réunie le mardi 31 octobre 2023, sous la présidence de M. Emmanuel Capus, vice-président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Au 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, le rapporteur spécial avait reçu 97,5 % des réponses.

PREMIÈRE PARTIE :
ANALYSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 161 « SÉCURITÉ CIVILE »

La dotation inscrite en PLF pour 2024 sur le programme « Sécurité civile » s'élève à près de 686,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 734,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 1,47 milliard d'euros et 714,1 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

Les crédits alloués au programme 161 font donc l'objet d'une baisse de 53,4 % en AE, mais d'une hausse de 2,8 % en CP par rapport à la LFI pour 2023.

Évolution des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2023 (LFI)

CP 2023 (LFI)

AE 2024 (PLF)

CP 2024 (PLF)

Variation AE 2024/2023

Variation CP 2024/2023

11 - Prévention et gestion de crises

76,2

55,3

49,5

75,8

- 35,1

+ 2,9

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

1 060

442,1

414,1

442,9

- 60,9

+ 0,2

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

321,4

202,3

190,1

183,9

- 40,8

- 9,1

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

14,4

14,4

32,8

32

+ 127,9

+ 122,2

Total

1 472

714,1

686,5

734,6

- 53,4

+ 2,8

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Évolution des autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme 161 entre 2019 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, les crédits présentés dans le PLF pour 2024 sont plus élevés de 33,6 % en AE et 11,6 % en CP que les montants estimés par la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI)2(*). Celle-ci prévoyait en effet 514 millions d'euros en AE et 658 millions d'euros en CP pour cette même année.

I. UNE BAISSE DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT PRÉVISIBLE APRÈS UNE ANNÉE 2023 MARQUÉE PAR LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE D'HÉLICOPTÈRES ET LE FINANCEMENT DES PACTES CAPACITAIRES

Les AE demandées pour 2024 font l'objet d'une baisse substantielle de 785,5 millions d'euros, soit une diminution de 53,4 % par rapport aux montants inscrits en LFI pour 2023. La diminution des AE du programme 161 doit néanmoins être relativisée par le fait que les variations des montants d'AE entre les exercices sont en grande partie rythmées par les cycles de commandes d'aéronefs et de renouvellement des marchés de maintenance des aéronefs de la sécurité civile.

Cette baisse était en effet prévisible, dans la mesure où la LFI pour 2023 avait engagé un montant exceptionnel de crédits destinés en grande partie au renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons », pour un montant de 471,6 millions d'euros en AE. La LFI pour 2023 avait par ailleurs prévu 240 millions d'euros en AE pour le financement d'une nouvelle commande de Canadair, dont la concrétisation est pourtant loin d'être garantie (voir infra).

Ainsi, la baisse des AE porte logiquement sur les dépenses d'investissement, qui passent de 790,9 millions d'euros en LFI pour 2023 à 60,1 millions d'euros dans le PLF pour 2024 (- 92,4 %).

L'année 2023 a également été marquée par la concrétisation des pactes capacitaires entre l'État, les collectivités territoriales et les services d'incendie et de secours (SIS), ce qui a justifié un abondement de la dotation de soutien à l'investissement structurant des SIS (DSIS²) à hauteur de 158 millions d'euros en AE. Ainsi, après une année 2023 inédite, ces dépenses d'intervention diminuent sensiblement, puisqu'elles s'élèvent à 162,9 millions d'euros contre 307 millions d'euros en LFI pour 2023 (- 46,9 %).

Cette baisse des AE en investissement et en intervention est en partie contrebalancée par la hausse des AE en fonctionnement, qui s'élèvent à 245,4 millions d'euros dans le PLF pour 2024 contre 169,9 millions d'euros en LFI pour 2023 (+ 44 %).

Cette augmentation résulte principalement de la hausse des dépenses consacrées au maintien en condition opérationnelle (MCO) des avions et hélicoptères de la sécurité civile. Le PLF pour 2024 prévoit en effet 130,9 millions d'euros en AE pour ces dépenses de MCO, contre 72,3 millions d'euros en LFI pour 2023. Ces AE serviront à financer, pour un total de 109 millions d'euros en AE, le renouvellement du marché « cellules » de maintenance de la flotte d'hélicoptères « Dragon », ainsi que les opérations de maintenance des trois hélicoptères H145 qui renforceront la flotte dès cette année (voir infra). Par ailleurs, 20,3 millions d'euros d'AE ont vocation à compenser le dépassement des heures minimales contractuelles du marché de maintenance de la flotte d'avions.

Évolution des autorisations d'engagement du programme 161 entre 2019 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DE PAIEMENT PORTÉE ESSENTIELLEMENT PAR UNE MESURE DE PÉRIMÈTRE ET L'AUGMENTATION DE PLUSIEURS DÉPENSES DESTINÉES À LA LUTTE CONTRE LES INCENDIES DE FORÊT

Les CP du programme « Sécurité civile » s'élèvent à 734,6 millions d'euros dans la programmation initiale pour 2024, contre 714,1 millions d'euros en LFI pour 2023.

La hausse des CP de 20,5 millions d'euros (+ 2,8 %) entre la LFI 2023 et le PLF pour 2024 résulte principalement d'une mesure de périmètre, qui consiste en un transfert de 15,6 millions d'euros du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » vers le programme 161, dans le cadre de la rétrocession de crédits numériques vers les différents programmes du ministère de l'intérieur.

L'augmentation des CP du programme est portée par la hausse des dépenses de fonctionnement (+ 29,1 millions d'euros, soit une hausse de 16,9 % par rapport à la LFI pour 2023), qui s'explique notamment par la hausse des dépenses de maintenance des aéronefs (+ 14,3 millions d'euros, soit + 16,1 %).

Par ailleurs, les dépenses de carburant des aéronefs (+ 3,2 millions d'euros, soit une hausse de 25,2 %) et les dépenses de produit retardant utilisé par les bombardiers d'eau pour limiter la propagation des feux (+ 3,2 millions d'euros, soit une hausse de 68,1 %) voient leur montant augmenter pour tenir compte de l'inflation, de la hausse de l'activité opérationnelle et de l'intégration de nouveaux aéronefs dans le dispositif aérien.

En revanche, les dépenses d'intervention du programme, dont le dynamisme a été souligné par le rapporteur spécial ces dernières années3(*), sont marquées par une baisse substantielle de 31,2 millions d'euros (- 16,6 %). Elle s'explique par la diminution des crédits consacrés à la DSIS² (- 31,1 millions d'euros), qui avait été exceptionnellement abondée à hauteur de 38,5 millions d'euros en LFI pour 2023, pour le financement des pactes capacitaires.

Évolution des crédits de paiement du programme 161 entre 2019 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

III. DES DÉPENSES DE PERSONNEL PORTÉES PAR UN SCHÉMA D'EMPLOIS POSITIF ET DIVERSES MESURES DE REVALORISATION SALARIALE

Le dynamisme des crédits de paiement est également porté par les dépenses de personnel, qui s'élèvent à 215,8 millions d'euros dans le PLF pour 2024, contre 201,8 millions d'euros ouverts en LFI pour 2023 (+ 6,9 %).

Évolution des dépenses de personnel entre 2023 et 2024

(en millions d'euros)

Crédits de titre 2

LFI 2023

PLF 2024

Variation 2024/2023

Total titre 2

201,8

215,7

+ 6,9 %

dont CAS Pensions

56

61

+ 9 %

Total hors CAS pensions

145,8

154,7

+ 6,1 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

Elles contribuent à financer le schéma d'emplois positif (+ 83 ETP) du programme. Ces créations d'emploi seront dédiées :

- au renforcement des capacités du ministère de l'intérieur en matière de gestion des crises ;

- au recrutement de personnels pour les ForMiSC4(*) afin de disposer d'une capacité de projection plus importante dans les territoires Outre-mer ;

- au renforcement du contrôle de sécurité dans les centres de déminage, ainsi que des capacités de maintenance internalisée de la flotte d'hélicoptères à Nîmes.

Le rapporteur spécial relève toutefois que ce schéma d'emplois ne prend pas en compte la création de la 4ème unité ForMiSC annoncée par le président de la République dans son discours du 28 octobre 2022. D'après la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), cette nouvelle unité impliquera le recrutement de 565 ETP à l'horizon 2027.

La hausse des dépenses de personnel a également vocation à financer plusieurs mesures salariales (+ 3,2 millions d'euros), et notamment :

- la hausse du point d'indice de la fonction publique (+ 1,5 %) intervenue le 1er juillet 2023 (+ 1,4 million d'euros) ;

la nouvelle politique de rémunération des personnels militaires de la sécurité civile (+ 0,56 million d'euros) ;

des mesures liées au protocole de revalorisation des pilotes de la sécurité civile, signé en 2022 entre la DGSCGC et les organisations syndicales des personnels navigants (+ 0,53 million d'euros).

Par ailleurs, une hausse de 1,9 million d'euros est imputable au glissement vieillesse-technicité (GVT).

IV. LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE DU PROGRAMME 161 POUR 2024 EST NÉANMOINS INCOMPLÈTE : UN AMENDEMENT ADOPTÉ EN COURS DE NAVETTE

Les montants présentés dans le projet de loi de finances pour 2024 doivent cependant être relativisés, puisqu'un amendement du Gouvernement visant à majorer les crédits du programme « Sécurité civile » de 215,2 millions d'euros en AE et de 145,9 millions d'euros en CP a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, puis repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Lors des auditions du rapporteur spécial, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) avait en effet indiqué que les crédits du programme 161 seraient substantiellement augmentés en cours de discussion.

Les crédits demandés pour l'année 2024 sont ainsi portés à 901,7 millions d'euros en AE et 880,5 millions d'euros en CP, ce qui représente une baisse de 38,7 % en AE et une hausse de 23,3 % en CP par rapport aux montants inscrits en LFI pour 2023.

Le rapporteur spécial note que l'amendement du Gouvernement est particulièrement imprécis tant sur le contenu des mesures financées, que sur la ventilation des crédits entre celles-ci. Le ministre de l'intérieur a toutefois indiqué, lors des débats en séance publique à l'Assemblée nationale, que ces crédits devraient notamment financer :

- les pactes capacitaires entre l'État et les SIS (+ 39 millions d'euros) ;

- la mobilisation de colonnes de renfort supplémentaires (+ 7 millions d'euros) ;

- l'achat d'hélicoptères (+ 23 millions d'euros), sans toutefois préciser s'il s'agit des hélicoptères financés dans le cadre du renouvellement de la flotte de « Dragons », ou d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau.

Enfin, d'après l'objet de l'amendement, les crédits votés auront également vocation à financer la création de la nouvelle unité ForMiSC.

Dans le cadre du PLF pour 2023, les crédits du programme 161 avaient également été abondés en cours de discussion par le Gouvernement, afin d'y traduire plusieurs annonces formulées par le président de la République le 28 octobre 2022. Le Gouvernement avait tout d'abord proposé, dans le texte transmis au Sénat après l'engagement de sa responsabilité à l'Assemblée nationale, en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, d'abonder le programme 161 de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP, afin de renforcer l'enveloppe consacrées aux pactes capacitaires (voir infra). Le Gouvernement avait ensuite déposé un amendement au stade de la discussion en séance publique au Sénat, qui proposait d'augmenter les crédits du programme de 252 millions d'euros en AE et 36 millions d'euros en CP pour financer notamment l'acquisition de nouveaux avions Canadair et le renforcement des moyens de lutte contre les feux de forêts pour l'été.

Si le rapporteur spécial se félicite du renforcement à venir des crédits du programme, il serait néanmoins souhaitable, dans un souci de clarté des débats au Parlement et de respect du principe de sincérité budgétaire, que la pratique consistant à modifier substantiellement le montant des crédits du programme « Sécurité civile » en cours de discussion par des amendements gouvernementaux ne devienne pas systématique.

Ce procédé est cette année d'autant plus contestable que les mesures que ces amendements financeront sont, pour la plupart, décidées depuis plusieurs mois, contrairement à celles du PLF pour 2023, qui traduisaient des annonces tardives du président de la République.

V. UNE PROGRAMMATION TRIENNALE QUI TRADUIT LES EFFORTS DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE LA SÉCURITÉ CIVILE CES DERNIÈRES ANNÉES, MAIS QUI NE PRÉSENTE AUCUNE PERSPECTIVE D'ACQUISITION D'AÉRONEFS BOMBARDIER D'EAU À COURT-TERME

A. LA BAISSE DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT PROGRAMMÉE DANS LES TROIS PROCHAINES ANNÉES CONFIRME L'ABSENCE DE PERSPECTIVES DE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE BOMBARDIERS D'EAU

La baisse des AE du programme 161 devrait se poursuivre entre 2024 et 2026, et passer de près de 686,5 millions d'euros à 631,3 millions d'euros, soit une baisse de près de 7,9 %. Comme évoqué précédemment, cette baisse s'explique principalement par le cycle de renouvellement des marchés de maintenance des aéronefs, qui conduit à des montants d'AE en fonctionnement moins élevé en 2024.

Par ailleurs, les prévisions triennales relatives aux dépenses d'investissement semblent confirmer qu'aucun crédit destiné à l'acquisition d'aéronefs de lutte contre les feux de forêt ne devrait être engagé d'ici 2027, ce qui rejoint l'analyse formulée par le rapporteur spécial dans son rapport du 5 juillet 2023 sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile5(*).

Seules les dépenses de personnel devraient être amenées à augmenter sur cette période. Elle serait ainsi portées à 234,4 millions d'euros en 2026 contre 215,8 millions d'euros en 2024 (soit une augmentation de + 8,6 %), en raison notamment de la création d'une nouvelle unité ForMiSC, annoncée par le président de la République dans son discours du 28 octobre 2022 (voir infra).

Prévision des autorisations d'engagement du programme 161 entre 2024 et 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

B. LA HAUSSE ANNONCÉE DES CRÉDITS DE PAIEMENT QUI REFLÈTE À LA FOIS L'EFFORT CONSENTI PAR L'ÉTAT DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES ET LE DYNAMISME DE CERTAINES DÉPENSES OBLIGATOIRES

La hausse annoncée des crédits de paiement devrait se poursuivre entre 2024 et 2026, et passer de 734,6 à 853,3 millions d'euros (+ 16,2 %).

Elle résulte principalement de l'augmentation des dépenses d'investissement sur la période (+ 40 % entre 2024 et 2026), ce qui constitue la traduction logique des efforts de modernisation et de renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile consentis par l'État dans le cadre de la LOPMI.

Le dynamisme des dépenses d'intervention est également à souligner, puisqu'elles devraient augmenter de 6 % entre 2024 et 2026. Cette hausse peut notamment s'expliquer par l'augmentation continue de certaines dépenses obligatoires de l'État concentrées sur l'action 13 « Soutien aux acteurs de la sécurité civile », telles que la contribution obligatoire de l'État au budget de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP, voir infra) ou sa participation au financement du régime d'indemnisation spécifique des sapeurs-pompiers volontaires6(*) (RISP).

Prévision des crédits de paiement du programme 161 entre 2024 et 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

SECONDE PARTIE :
LES PRINCIPAUX ENJEUX DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE »

I. UN RENFORCEMENT DES MOYENS AÉRIENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE À ACCÉLÉRER 

A. L'ANNÉE 2024 SERA MARQUÉE PAR LE DÉBUT DU RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE D'HÉLICOPTÈRES « DRAGONS » DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Le PLF pour 2024 prévoit 65,3 millions de CP consacrés au renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons » EC-145. Le remplacement de la flotte vieillissante a en effet été acté dans le cadre de la LOPMI, et avait donné lieu à l'inscription en LFI pour 2023 de 471,6 millions d'euros en AE, destiné à financer la commande de 36 nouveaux appareils de type H145.

Ces nouveaux hélicoptères remplaceront les 33 « Dragons » composant la flotte actuelle, et s'ajouteront aux quatre H145 déjà acquis entre 2021 et 2022. Ainsi, la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile sera portée à 40 appareils d'ici 2029, ce qui devrait permettre, d'après la DGSCGC, d'armer toutes les bases et détachements de la sécurité civile et de disposer de suffisamment d'hélicoptères dédiés à la formation et au maintien en compétence des équipages.

Comme cela avait été développé par le rapporteur spécial dans son rapport du 5 juillet 2023 sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile7(*), les H145 sont équipés d'une capacité d'emport d'eau, et pourront dès lors être mobilisés pour la lutte contre les feux de forêt, contrairement aux « Dragons » actuels, quasi-exclusivement utilisés pour la réalisation d'opérations de secours. Toutefois, ces hélicoptères n'auront pas vocation à être exclusivement dédiés à la lutte contre les feux, et leur action sera limitée à l'attaque des feux de faible et moyenne envergure.

Les livraisons s'étaleront selon un cadencement qui devrait être de trois appareils en fin 2024, puis environ huit par an les années suivantes.

Calendrier prévisionnel de livraison des hélicoptères H145 

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Total

Livraisons

3

8

8

6

8

3

36

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Échéancier prévisionnel des crédits consacrés à la livraison des H145 

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Total

AE

471,6

0

0

0

0

0

0

471,6

CP

19,48*

65,316

86,1

125,63

97,07

68,116

9,885

471,6

* potentiel report de CP sur 2024

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

B. LE RENOUVELLEMENT ET L'EXTENSION DE LA FLOTTE DE CANADAIR, ANNONCÉS DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, NE TROUVENT AUCUNE TRADUCTION DANS LE PLF POUR 2024

Le rapporteur spécial a plusieurs fois fait état dans ses travaux du nécessaire renouvellement de la flotte de 12 avions Canadair8(*) de la sécurité civile. Les difficultés posées par le vieillissement de ces appareils ont justifié l'engagement, d'une commande mutualisée au niveau de l'Union européenne de 12 avions bombardiers d'eau (ainsi que 9 hélicoptères bombardiers d'eau), dont deux au bénéfice de la France. La commande de ces avions, dont le prix unitaire est aujourd'hui estimé à 62,11 millions d'euros, s'inscrira dans le cadre du programme RescEU et devrait donc être intégralement financée par le budget de l'Union européenne9(*).

La DGSCGC devrait en outre acquérir deux autres avions similaires sur fonds propres. La commande de ces appareils fait actuellement l'objet de discussions bilatérales avec le constructeur canadien De Havilland. Le coût unitaire de ces avions serait en revanche plus élevé, à hauteur de 67,2 millions d'euros, en raison de conditions commerciales différentes dans lesquelles s'inscrira cette commande.

Comme l'a rappelé le rapporteur spécial dans son rapport du 5 juillet 2023 précité, la principale source de préoccupation réside dans les délais de livraison incertains de ces Canadair. En effet, ces délais ont été plusieurs fois repoussés depuis l'annonce de cette commande en 2018, en raison notamment de la décision tardive de la société De Havilland de relancer la chaîne de production, faute de commandes suffisantes. Si la production est aujourd'hui en passe d'être relancée, la livraison des deux premiers appareils ne pourra pas intervenir avant 2027 et 2028 d'après les prévisions les plus optimistes de la DGSCGC10(*).

Il convient par ailleurs de noter que, si la France est prioritaire dans le calendrier de livraison des appareils, celui-ci pourrait toutefois tenir compte du niveau d'urgence rencontré par certains pays, dont la Grèce, frappée par des incendies d'une ampleur exceptionnelle lors de l'été 2023. Par ailleurs, au regard des incendies ravageurs qui ont frappé l'Amérique du Nord cet été, certains acteurs de la sécurité civile craignent que ces délais de livraison soient également retardés par la pression des États et des populations en faveur de la livraison prioritaire de ces Canadairs au Canada et aux États-Unis plutôt qu'aux États de l'Union européenne.

Au regard de tous ces éléments, la perspective d'un renouvellement complet de la flotte et de son extension à 16 appareils11(*), telle qu'annoncée par le président de la République l'année dernière, semble en tout état de cause irréaliste.

Le rapporteur relève par ailleurs que, si la LFI pour 2023 a prévu 240 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en CP dans l'hypothèse d'une possible concrétisation de ces commandes, le PLF pour 2024 ne prévoit aucun crédit en AE ou en CP pour le financement de nouveaux Canadair, ce qui semble confirmer les doutes quant aux perspectives de livraison de ces appareils à court-terme.

La DGSCGC étudie actuellement d'autres projets industriels européens d'aéronefs bombardiers d'eau, tels que les projets portés par les start-ups française Hynaero ou belge Roadfour. Toutefois la plupart de ces projets, qui nécessitent des financements préliminaires importants, sont encore embryonnaires, et ne sont pas susceptibles de venir renforcer la flotte avant plusieurs années12(*).

C. LA POURSUITE D'UN MARCHÉ DE LOCATION D'AÉRONEFS DONT L'INTÉRÊT OPÉRATIONNEL A FAIT SES PREUVES, MAIS NON BUDGÉTÉ DANS LE TEXTE INITIAL

1. Un dispositif « feux de forêt » renforcé par la location de plusieurs aéronefs en 2023

L'année 2023 a été marquée par le déploiement d'un dispositif inédit de lutte contre les feux de forêt, en réaction notamment aux incendies de l'été 2022. Ce dispositif renforcé s'est notamment traduit par la location d'aéronefs venus compléter la flotte permanente de la DGSCGC, conformément aux annonces du président de la République du 28 octobre 2022.

La flotte permanente a ainsi été renforcée par 6 hélicoptères bombardiers d'eau (HBE), dont 4 appareils lourds et 2 légers. Suivant les niveaux d'alerte et de risque, 4 hélicoptères complémentaires sont venus renforcer le dispositif. En outre, un avion Dash MRBet et 4 avions Air Tractor bombardiers d'eau supplémentaires ont été loués pour la saison 2023, et pré-positionnés dans le Sud-Ouest de la France, pour tirer les conséquences de la saison 2022.

Composition de la flotte consacrée à la lutte contre les feux lors de l'été 2023

(en nombre d'appareils)

 

Type d'appareils

Quantité

Flotte permanente

Avions Canadair C415

12

Avions Dash 8 MRBet

6

Avions Dash 8 MR

3

Avions Beechcraft B 200

3

Appareils faisant l'objet d'un contrat de location

HBE lourds

6*

HBE légers

4*

Avions Air Tractor

4

Avion Dash 8 MRBet

1

 

39

* Dont 2 HBE lourds et 2 HBE légers activables sur demande en cas de forte intensité opérationnelle

Source : commission des finances, d'après la DGSCGC

Du point de vue de l'ensemble des acteurs auditionnés par le rapporteur spécial, ce dispositif a grandement contribué à la maîtrise des feux de forêt au cours de l'été. D'après la DGSCGC, les départs de feux constatés en 2023 ont augmenté de près de 50 % par rapport à 202113(*), mais la surface brûlée a pourtant diminué d'environ 17 %.

Ces résultats témoignent d'une certaine efficacité de ce dispositif renforcé et de la doctrine d'intervention de la flotte aérienne de la DGSCGC fondée sur une attaque massive des feux naissants. Ils doivent toutefois être nuancés par les conditions météorologiques particulièrement favorables qui ont grandement contribué à limiter la propagation des feux de végétation.

Il convient également de souligner que, contrairement à l'année 2022, où les départs de feux se sont étendus à l'ensemble du territoire métropolitain, et notamment, à la zone Sud-Ouest, les incendies se sont concentrées en 2023 sur la zone Sud, ce qui a pu faciliter la coordination des opérations de lutte aérienne contre les feux.

2. La location des HBE lourds fera désormais l'objet d'un contrat de location pluriannuel

Le recours à la location d'HBE a vocation à être poursuivi ces prochaines années. La DGSCGC a en effet contracté un marché bâti sur une période de 4 ans fermes (du 1er juin 2023 au 30 septembre 2026), dans le cadre duquel elle pourra mobiliser un total de 10 HBE au plus fort de la saison, dont 4 activables sur demande, sur une période allant du 1er juin au 15 septembre. Ces hélicoptères seront également amenés à participer à d'autres missions, et notamment, à des opérations de transport et de secours.

Modalités d'engagement des HBE loués par la DGSCGC

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le coût de ce marché est estimé à 60 millions d'euros pour l'ensemble de la période. Il est toutefois susceptible d'évoluer en fonction de l'intensité de la mobilisation des hélicoptères, et pourrait donc être porté jusqu'à 120 millions d'euros.

Le mode de facturation du marché repose sur un coût d'immobilisation de la flotte de base, à hauteur de 14,66 millions d'euros pour chaque saison estivale, auquel s'ajoutent les heures de vol effectuées, et le cas échéant, l'utilisation des HBE de la flotte de renfort.

Le rapporteur spécial relève que le PLF pour 2024 ne prévoit pourtant que 7 millions d'euros pour le financement de ces locations d'aéronefs. D'après la DGSCGC, cette sous-évaluation résulte du fait que cette ligne budgétaire a été estimée sur la base des tarifs avantageux pratiqués par les sociétés de locations d'aéronefs lors de l'été 2022, en raison du caractère exceptionnel des incendies qui ont frappé le pays à cette période.

D'après les auditions du rapporteur spécial, cette ligne budgétaire devrait être abondée en cours de discussion budgétaire par le Gouvernement, pour être portée, d'après les estimations de la DGSCGC, à environ 17 millions d'euros. Le rapporteur spécial relève toutefois que l'objet de l'amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblé nationale en première lecture ne présente aucune précision à cet égard.

3. Le recours à la location d'HBE ne doit pas dispenser la DGSCGC d'envisager l'acquisition en propre de ce type d'appareils

Le rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de souligner les limites du recours à la location d'aéronefs pour renforcer le dispositif, en raison notamment de son coût budgétaire important, et d'éventuelles difficultés d'intégration de ces appareils loués dans le dispositif aérien14(*). Si cette solution peut s'avérer efficace à court terme, elle ne doit pas dispenser la DGSCGC de travailler à la diversification de sa flotte permanente de lutte contre les incendies.

À cet égard, la DGSCGC étudie actuellement la possibilité de l'acquisition en propre d'un appareil de ce type, qui pourrait se concrétiser dans les mois à venir dans le cadre du programme RescEU15(*). Une demande de subvention aurait été déposée par la DGSCGC auprès de la Commission européenne le 15 juin 2023. Toutefois, les délais de fabrication de ces appareils rendent difficilement envisageable leur livraison avant 2028 voire 2029. D'après la DGSCGC, le coût d'un HBE lourd de classe H225 neuf serait aujourd'hui estimé à 46 millions d'euros, sans compter les dépenses annuelles de MCO, la création des infrastructures et le recrutement d'ETP supplémentaires impliqués par l'acquisition de ces appareils.

II. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DES FORCES TERRESTRES DE LA SÉCURITÉ CIVILE DONT LA TRADUCTION DANS LE PLF EST INCOMPLÈTE

A. LA NOUVELLE UNITÉ FORMISC NE TROUVE SA TRADUCTION BUDGÉTAIRE QU'EN COURS DE DISCUSSION BUDGÉTAIRE

Le président de la République a annoncé, le 28 octobre 2022, au lendemain d'une saison feux de forêt particulièrement éprouvante, la création d'une nouvelle unité de formation militaire de la sécurité civile (ForMiSC). Les ForMiSC - ou unités d'instructions et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) - sont des unités de l'Armée de Terre mises à la disposition de la DGSCGC, pour assurer des missions de lutte contre les risques naturels, risques technologiques, et de secours et d'aide à la population.

La DGSCGC peut aujourd'hui s'appuyer sur trois UIISC16(*), qui devraient donc être complétées par une quatrième dès 2024. L'objectif visé est de créer un régiment de valeur égale aux deux unités les plus conséquentes, l'UIISC1 ou l'UIISC7, correspondant à 565 militaires. Ce dimensionnement permettrait, d'après la DGSCGC, de disposer d'une compagnie polyvalente opérationnelle d'astreinte immédiate 365 jours par an.

La trajectoire proposée vise à créer un échelon de préfiguration dès l'année prochaine se composant d'une cellule de commandement, d'une compagnie d'intervention et de son soutien. L'implantation de cette nouvelle UIISC4 serait effective dès la fin 2024.

Si le rapporteur spécial salue la création de cette nouvelle unité ForMiSC, il relève toutefois qu'aucun crédit n'y était initialement consacré dans le PLF pour 2024. L'amendement du Gouvernement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale devrait toutefois permettre de financer cette mesure, qui nécessitera, d'après la DGSCGC, l'engagement de 180 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP en 2024. Plus particulièrement, les AE seront consacrés aux travaux immobiliers impliqués par l'implantation de l'unité à Libourne, et les CP auront vocation à couvrir les rémunérations du premier embryon de l'unité, qui atteindra sa pleine capacité en 2027.

Comme indiqué précédemment, le rapporteur spécial regrette et ne comprend pas qu'un projet d'une telle ampleur ne figure pas dans le texte initial, et ne fasse par conséquent l'objet d'aucun élément d'information dans le projet annuel de performances (PAP) du programme.

B. UN RENFORCEMENT DES MOYENS TERRESTRES DE LA SÉCURITÉ CIVILE EN VUE DES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES DE 2024

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit par ailleurs 22 millions d'euros en CP destinés à armer les forces de sécurité civile contre le risque terroriste en vue des Jeux Olympiques et Paralympiques pour 2024. Cela permet de couvrir l'acquisition de nouveaux matériels de protection et d'intervention contre le risque Nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif (NRBC-E).

Le PLF pour 2024 prévoit également 8,7 millions d'euros en CP destinés au renforcement des moyens des équipes du Groupement d'intervention du déminage (GID), contre 4 millions en LFI pour 2023. Ces crédits seront notamment dédiés à l'acquisition d'équipements tels que des brouilleurs, caméras d'inspection, appareils de radioscopie ou radiographie, détecteurs chimiques et d'identification de substances inconnues, ainsi que la rénovation du parc de robots de déminage.

III. LA CONTRIBUTION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS

Il convient en premier lieu de souligner que le financement de la sécurité civile repose essentiellement sur les dépenses locales. Ainsi, le budget consolidé des services d'incendie et de secours (SIS) s'élève en 2022 à 5,6 milliards d'euros17(*), et il est donc près de 7,5 fois supérieur aux crédits de paiement inscrits sur le programme 161 dans le PLF pour 2024. Les SIS sont en effet financés en très grande partie par les collectivités territoriales, et pour une part prépondérante par les départements (58 %).

La DGSCGC a récemment engagé, en lien avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), un travail de concertation avec Départements de France et l'Association des maires de France (AMF), sur le financement des SIS, et plus particulièrement, sur une éventuelle réforme de la part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) qui leur est affectée en application de l'article 53 de la loi de finances initiale pour 200518(*). Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif aux suites données à ces travaux, dont la traduction législative pourrait avoir un impact significatif sur l'équilibre financier des SIS.

A. LA POURSUITE DES « PACTES CAPACITAIRES » ENTRE L'ÉTAT, LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LES SIS

L'année 2023 a été marquée par la mise en oeuvre de pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des SIS par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État.

Annoncés dans le cadre de la LOPMI, les pactes capacitaires devaient initialement être dotés d'une enveloppe totale de 30 millions d'euros sur cinq ans, par l'intermédiaire de la DSIS². La budgétisation initiale du programme 161 pour l'année 2023 prévoyait un montant de 8 millions d'euros en AE et d'1 million d'euros en CP au titre de ces pactes capacitaires. Une enveloppe de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP a ensuite été ajoutée à cette ligne budgétaire en cours de discussion19(*), à l'initiative du Gouvernement, afin de traduire les annonces du président de la République du 28 octobre 2022 d'un renforcement des moyens de lutte contre les feux de forêt, au lendemain des incendies qui ont frappé le pays lors de l'été 2022.

D'après la DGSCGC, l'année 2023 a été marquée par la signature de 100 conventions avec les différents SIS. Cela a permis d'engager dès cette même année les 150 millions d'euros d'AE et de décaisser et verser 37,5 millions d'euros aux SIS au titre des avances, prévues dans le cadre de ce cofinancement.

Ces crédits devraient ainsi permettre de financer 1079 véhicules de lutte contre les incendies, pour porter le total de camions citernes feux de forêt (CCF) à 4 800. Au total, 40 millions d'euros supplémentaires devraient être décaissés dans le cadre de ces pactes capacitaires, dont 9,7 millions d'euros en AE et 7,4 millions d'euros en CP pour l'année 2024. L'amendement du Gouvernement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale est en outre venu abonder ces crédits de 39 millions d'euros en CP, sans préciser le contexte dans lequel s'inscrit cette nouvelle enveloppe.

Ces achats massifs et mutualisés de véhicules, réalisés par l'intermédiaire de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP), doivent notamment permettre aux SIS de bénéficier de prix avantageux. Il ressort toutefois des auditions du rapporteur spécial que la limitation du nombre de modèles de véhicules disponible dans le référentiel élaboré par la DGSCGC dans un but d'uniformisation des commandes, auraient conduit certains SIS à ne pas recourir aux pactes capacitaires. En effet, ces derniers ont estimé que les véhicules présentés dans ce référentiel excédaient leurs besoins, et leur revenaient plus chers que ceux qu'ils souhaitaient acquérir, malgré le bénéfice de la subvention20(*).

Il semble toutefois que cette situation n'ait concerné qu'un nombre très limité de SIS. Pour la plupart des acteurs consultés par les rapporteurs spéciaux, la mise en oeuvre de ces pactes apparait globalement satisfaisante, malgré des doutes sur les délais de livraison des camions citernes feux de forêt. En effet, si les premières livraisons de véhicules pourraient intervenir dans les prochains mois, d'autres livraisons pourraient être retardées en raison de tensions rencontrées par les industriels sur les chaînes internationales d'approvisionnement.

Le rapporteur spécial considère que le principe d'une commande massive d'appareils uniformisés représente en tout état de cause un intérêt opérationnel certain, compte tenu de l'extension géographique du risque incendie, et de la multiplication des besoins de colonnes de renfort qui en résulte. Cette uniformisation permettra en effet une appropriation beaucoup plus rapide des matériels par les sapeurs-pompiers lorsque ces-derniers seront amenés à prêter mains fortes à leurs voisins d'autres départements pour faire face à une crise d'ampleur.

B. UNE PARTICIPATION DYNAMIQUE DE L'ÉTAT AU BUDGET DE FONCTIONNEMENT DE LA BSPP EN RAISON D'UN PLAN DE MODERNISATION IMPLIQUANT DES DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES

La contribution de l'État au budget de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une obligation légale, prévue par l'article L. 2512-18 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

La contribution de l'État au budget de la BSPP

L'article L. 2512-18 code général des collectivités territoriales indique que les recettes et dépenses de la BSPP sont inscrites au budget spécial de la Préfecture de police. L'article L. 2512-19 de ce même code prévoit notamment une contribution de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP, égale à 25 % des dépenses suivantes, inscrites au budget spécial :

- la rémunération des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, y compris l'alimentation des militaires pendant la durée légale du service ;

- les frais d'habillement, de déplacement, de transport et de mission ;

- les dépenses du service d'instruction et de santé ;

- l'entretien, la réparation, l'acquisition et l'installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport et du matériel de transmission.

Source : code général des collectivités territoriales

Le dynamisme de cette dépense s'est accéléré avec la mise en oeuvre du plan de modernisation de la BSPP, présenté en 2019, et qui vise notamment à permettre à la brigade de répondre aux enjeux de sécurité posés par les Jeux olympiques et Paralympiques 2024 organisés à Paris. Ainsi, cette contribution est passée de 87,9 millions d'euros en 2019 à 106,9 millions dans le PLF pour 2024, soit une augmentation de 17,8 % en 5 ans.

Ce plan de modernisation se traduit budgétairement par une enveloppe de 202 millions d'euros répartis sur une période de 10 ans entre 2020 et 2029, et vise plus particulièrement à garantir le renforcement des capacités opérationnelles de la BSPP, l'amélioration des conditions de travail et de vie des pompiers de Paris, et l'acquisition d'équipements technologiques modernes.

Évolution de la contribution de l'État au budget de la BSPP
entre 2019 et 2024

(en millions d'euros et en AE = CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

IV. UNE AUGMENTATION DES MOYENS ACCORDÉS À L'AGENCE DU NUMÉRIQUE DE LA SÉCURITÉ CIVILE POUR GARANTIR LA MONTÉE EN PUISSANCE DU PROJET NEXSIS 18-112

Le programme NexSIS est un projet de mutualisation des systèmes d'information des services d'incendie et de secours (SIS). Sa conception, son déploiement et sa maintenance sont assurés par l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), créée en 2018, et dont la tutelle est assurée conjointement par la direction du numérique (DINUM) et par la DGSCGC du ministère de l'intérieur.

Le coût total du projet est aujourd'hui estimé à 225,5 millions d'euros sur la période 2018 à 2027. Ce coût était initialement estimé à 52 millions d'euros, mais il ne prenait en compte que la phase de développement de la solution informatique, et couvrait donc une période beaucoup plus courte, de 2018 à 2022.

Par ailleurs, ce surcoût s'explique également, d'après la DGSCGC, par une montée en gamme technique et fonctionnelle de la solution informatique. Par exemple, la création, en cours de parcours, du réseau de collecte des appels d'urgence « SECOURIR » (SErvice de COmmunications d'URgence Intelligent et Résilient) a engendré une évolution à la hausse du coût du projet NexSIS de 47 millions d'euros.

La sous-budgétisation du projet résulte également en partie, du propre aveu du ministère de l'intérieur, d'une sous-estimation de la complexité de certains développements. Par ailleurs, le recours important à des prestataires de services afin de compenser le déficit d'effectifs de l'ANSC, déploré par le rapporteur spécial dans ses travaux précédents21(*), a également contribué à renchérir le coût du projet. Il est regrettable que les documents budgétaires annexés au PLF ne permettent pas de retracer les surcoûts imputables à ces difficultés.

Coût détaillé du projet NexSIS 18-112

(en millions d'euros)

 

2021

et années précédentes

2022

Exécution

2023

Prévision

2024

Prévision

2025

et années suivantes

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Hors titre 2

37,36

34,90

16,02

12,49

30,73

28,27

34,61

32,31

91,68

102,44

210,41

210,41

Titre 2

1,58

1,58

0,57

0,57

1,46

1,46

1,75

1,75

9,76

9,76

15,12

15,12

Total

38,94

36,48

16,59

13,06

32,19

29,73

36,37

34,06

101,44

112,20

225,53

225,53

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le déploiement de NexSIS devrait permettre, par la mutualisation des systèmes d'information des SIS, une meilleure coordination de leurs actions, mais aussi, la réalisation d'économies substantielles, estimés dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au PLF à 12,4 millions d'euros par an.

A. UN PROJET RETARDÉ MAIS DONT LE DÉPLOIEMENT SEMBLE ENFIN SE MATÉRIALISER

Dans son rapport sur le programme « Sécurité civile » présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial avait mis en lumière un retard important dans le déploiement du programme NexSIS 18-112 au sein des premiers SIS, initialement programmé pour l'année 2021, mais perturbé par plusieurs facteurs, tels que la complexité de certaines opérations de développement, l'impact de la crise du Covid-19 sur l'organisation des travaux, ou les difficultés d'approvisionnement en composants informatiques liées à la persistance de la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine.

L'ANSC avait indiqué lors de son audition par le rapporteur spécial l'année dernière que cette accumulation de retards avait fragilisé la crédibilité de l'agence vis-à-vis des SIS, et par conséquent, leur adhésion au projet.

Il ressort toutefois des auditions du rapporteur spécial que l'année 2023 semble enfin marquer la concrétisation du projet. Le déploiement de NexSIS est actuellement en cours dans les premiers SIS, dont le SIS préfigurateur, le SDIS 77 de Seine-et-Marne. D'après la DGSCGC, ce déploiement est réalisé de manière progressive, afin de permettre aux SIS de s'approprier l'outil. D'ici la fin de l'année, un ou deux SIS pourraient avoir totalement basculé sur ce programme. L'année 2024 devrait ensuite être marquée par l'accélération du déploiement de NexSIS. La cible retenue dans le PAP d'un déploiement effectif du programme au sein de 21 SIS semble toutefois très ambitieuse, compte tenu du retard pris par le projet.

En tout état de cause, le rapporteur spécial a pu percevoir lors de ses auditions un certain enthousiasme de la part de l'ensemble des acteurs de la sécurité civile pour ce projet, dont l'intérêt opérationnel semble désormais faire l'unanimité.

B. DES MOYENS RENFORCÉS EN 2024 POUR GARANTIR LA MONTÉE EN PUISSANCE DU PROGRAMME NEXSIS

Pour garantir la montée en puissance du projet, près de 16,6 millions d'euros en AE et en CP sont consacrés aux projets dans le PLF pour 2024, par l'intermédiaire de la subvention pour charge de service public NexSIS affectée à l'ANSC, contre 9,9 millions ouverts en LFI pour 2023.

Le PLF pour 2024 prévoit un schéma d'emplois positif (+ 8 ETP), qui devrait se poursuivre dans les prochaines années. Le rapporteur spécial se félicite du renforcement des moyens de l'agence, conformément à la recommandation formulée dans ses travaux précédents sur le sujet22(*).

D'après les informations transmises par la DGSCGC, ce schéma d'emplois était initialement limité à + 2 ETP en 2024 (et + 12 ETP en 2025), mais son augmentation a été accélérée afin de répondre aux besoins de l'agence. Le schéma d'emplois est donc finalement de + 8 ETP en 2024 (et ramené en contrepartie à + 6 ETP en 2025), ce qui porte le plafond d'emplois de l'agence à 22 EPTP.

Schéma d'emplois de l'ANSC pour les années 2023 à 2027

 

PLF 2023

PLF 2024

PLF 2025

PLF 2026

PLF 2027

Total

Schéma d'emplois

2

8

6

7

5

28

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Cet effort de l'État en faveur du projet s'accompagne, depuis 2023, de nouvelles modalités de recouvrement des contributions des SIS. Ce nouveau modèle de recettes permet désormais aux SIS de participer au financement du projet, en partie par l'intermédiaire de leur budget d'investissement. Cette évolution a été accueillie favorablement par les SIS et les départements, dans la mesure où elle permet d'engager uniquement des dépenses relevant de leur budget de fonctionnement, qui est par nature plus contraint que le budget d'investissement.

Ainsi, la contribution des SIS au projet NexSIS est désormais scindée en deux parts distinctes :

- une part concernant le financement des éléments majeurs de déploiement, sous la forme d'un forfait applicable à l'ensemble des SIS, évaluée à hauteur de 0,3 million d'euros en 2023, susceptible d'évoluer en fonction de l'inflation. Elle constitue pour le SIS une dépense d'investissement ;

- une seconde part correspondant aux dépenses de réalisation et de fonctionnement de la solution, qui constitue donc une dépense de fonctionnement pour les SIS.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture un amendement du Gouvernement visant à augmenter les crédits du programme 161 de 215,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 145,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Cet amendement a été conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Les crédits du programme « Sécurité civile » sont ainsi portés à 901,7 millions d'euros en AE et 880,5 millions d'euros en CP.

D'après les informations transmises par le ministre de l'intérieur lors des débats en séance publique à l'Assemblée nationale, ces crédits devraient notamment financer :

- les pactes capacitaires entre l'État et les SIS (+ 39 millions d'euros) ;

- la mobilisation de colonnes de renfort supplémentaires (+ 7 millions d'euros) ;

- l'achat d'hélicoptères (+ 23 millions d'euros), sans toutefois préciser s'il s'agit des hélicoptères financés dans le cadre du renouvellement de la flotte de « Dragons », ou d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau.

Enfin, d'après l'objet de l'amendement, les crédits votés auront également vocation à financer la création de la nouvelle unité ForMiSC.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 31 octobre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport spécial de MM. Bruno Belin et Jean Pierre Vogel sur les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » du projet de loi de finances pour 2024.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial sur les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». - L'examen des crédits de la mission « Sécurités » pour 2024, soit au total 24,2 milliards d'euros, intervient quelques mois après que la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) a fixé la trajectoire du budget du ministère de l'intérieur et des outre-mer pour les années 2023 à 2027. J'ai donc analysé les crédits de l'année prochaine notamment à la lumière de ce qui a été prévu par cette loi d'orientation, qui a été adoptée par le Sénat. J'ai notamment entendu les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales, la directrice nationale adjointe de la police aux frontières et la déléguée interministérielle à la sécurité routière.

Le budget pour l'année prochaine est marqué pour la gendarmerie et la police nationales par deux éléments majeurs. D'une part, un élément conjoncturel d'une ampleur exceptionnelle : l'organisation en France des jeux Olympiques et Paralympiques, qui mettra les forces de sécurité intérieure à rude épreuve. D'autre part, un enjeu structurel : celui de la nécessité de mieux sécuriser nos frontières, dans un contexte de hausse de la pression migratoire. J'ai donc également analysé le budget pour 2024 à la lumière de ces deux enjeux.

Venons-en à l'examen des crédits de la police et de la gendarmerie pour 2024.

S'agissant de la police, les crédits sont en hausse de 660 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 560 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation respective d'environ 5,2 % et 4,5 %. Le budget s'établit à près de 13 milliards d'euros en crédits de paiement.

Les crédits de la gendarmerie sont quant à eux en hausse de 500 millions d'euros en AE et de 483 millions d'euros en CP, soit une hausse d'environ 5 %. Le budget s'établit à 10,4 milliards d'euros.

Sur cette base, la trajectoire de la Lopmi est respectée. Le niveau des crédits prévu pour chacune des deux forces est même dépassé, de 140 millions d'euros pour la police et de 50 millions d'euros pour la gendarmerie.

Dans un contexte d'enjeux sécuritaires particulièrement forts, les budgets de la police et de la gendarmerie pourraient donc à première vue mériter un satisfecit. Néanmoins, en réalité, l'analyse plus détaillée de ces budgets fait apparaître un certain déséquilibre.

En effet, la hausse des budgets de la police et de la gendarmerie en 2024 résulte pour l'essentiel de l'augmentation des dépenses de personnel. Celles-ci augmentent d'environ 925 millions d'euros en 2024 pour les deux forces, ce qui représente environ 90 % de la hausse de l'ensemble des crédits pour les deux programmes.

Les crédits de personnel sont en très forte hausse pour deux raisons. D'abord, la poursuite de la hausse des effectifs, avec la création de près de 2 200 postes en 2024, quasiment autant dans la gendarmerie que dans la police. Ensuite, les mesures générales interministérielles concernant les fonctionnaires, d'une part, et les mesures catégorielles spécifiques à la police et la gendarmerie, d'autre part.

Une telle progression des crédits de personnel en 2024 a des conséquences directes sur les autres types de crédits, dits « hors titre 2 ». Ainsi, si les dépenses d'équipement des policiers dans le domaine numérique sont dynamiques, les crédits concernant l'immobilier et les moyens mobiles connaissent des évolutions contrastées, alors qu'une hausse était nécessaire. Le directeur général de la gendarmerie a d'ailleurs insisté auprès de moi sur les enjeux immobiliers, qui constituent pour lui un point noir.

Il ne s'agit pas de dire que le projet de budget n'est pas bon : les moyens sont en nette hausse et la trajectoire de la Lopmi est respectée. Il s'agit plutôt de souligner les limites de la hausse des crédits.

Je poursuis pour évoquer deux thèmes centraux, que je citais en introduction, pour les forces de gendarmerie et de police en 2024, à savoir l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques et la sécurisation des frontières face à la pression migratoire.

S'agissant de l'organisation des jeux Olympiques, le défi est immense pour les forces de sécurité intérieure et il faut avoir conscience qu'il s'étale sur une période plus longue que celle des jeux Olympiques eux-mêmes. Dès début mai, la France accueillera la flamme Olympique, ce qui mobilisera beaucoup de moyens. Il faut donc compter sur environ cinq mois de forte mobilisation des forces de sécurité sur tout le territoire, y compris outre-mer.

J'ajoute qu'il y aura d'autres événements importants sur la même période : le quatre-vingtième anniversaire des débarquements en Provence et en Normandie, celui de la libération de Paris, etc. Le directeur général de la gendarmerie nationale parle d'un impact des jeux estimé provisoirement à hauteur de 61 millions d'euros en 2024, dont la moitié en termes de dépenses de personnel.

Par ailleurs, cela aura un impact important sur les autres activités qui ont lieu en France habituellement au même moment, par exemple dans les stations balnéaires. En effet, les CRS assurant généralement la surveillance des plages seront mobilisés ailleurs.

Je poursuis s'agissant de la sécurisation de nos frontières. Comme l'a clairement souligné Marie-Carole Ciuntu dans son rapport sur la mission « Immigration », la pression migratoire pesant aujourd'hui sur la France est très forte. Le Gouvernement attend ainsi 160 000 demandes d'asile en 2024, soit un niveau environ 20 % plus élevé que le record historique de 2019. Mes auditions m'ont permis à cet égard de faire un point sur la situation particulière de Mayotte, particulièrement tendue.

De manière générale, cette question - j'y ajoute la hausse du trafic aérien, le Brexit ou encore les évolutions géopolitiques - mobilise énormément la police et la gendarmerie aux frontières. L'ensemble des effectifs compétents de la police, au sein des différentes directions et principalement de la direction nationale de la police aux frontières (DNPAF), représentent un effectif total mobilisé estimé à un peu plus de 15 500 agents en équivalent temps plein. Un plan de recrutement de 1 500 agents est par ailleurs en cours au sein de la police aux frontières. Côté gendarmerie nationale, 1 000 personnes sont chargés de la sécurisation des frontières.

Je termine avec quelques éléments sur la sécurité routière, qui mobilise un budget cumulé sur l'ensemble des missions budgétaires d'environ 4 milliards d'euros. Dans le cadre de mes compétences, j'ai examiné le budget du programme 207 « Sécurité et éducation routières » et celui du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « CAS Radars ». Ces budgets sont à la hausse.

S'agissant des résultats, encore 3 550 personnes sont décédées sur la route en 2022, très loin certes des chiffres que nous connaissions dans les années 1970. La déléguée interministérielle à la sécurité routière m'indiquait qu'en schématisant, 30 % des décès sont dus à un excès de vitesse, 30 % à la consommation d'alcool, 20 % à l'usage de produits stupéfiants et 12 % à l'usage du téléphone. Vous le voyez, nous pouvons encore faire mieux !

Enfin, concernant le « CAS Radars », je rappelle qu'environ 40 % du montant cumulé des amendes affecté au compte est reversé aux collectivités.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits des programmes de la mission « Sécurités » que je viens d'évoquer, ainsi que ceux du CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ». - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit une dotation de 686,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 734,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur le programme « Sécurité civile ». Cela correspond ainsi à une baisse substantielle de près de 53,4 % en AE et une augmentation de 2,8 % en CP des crédits du programme par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

Ces chiffres doivent être nuancés, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, la baisse des AE, particulièrement importante cette année, s'explique par les montants exceptionnellement élevés engagés en 2023 pour le renouvellement de la flotte d'hélicoptères et la concrétisation éventuelle d'une commande de Canadair.

Surtout, le budget qui nous a été présenté début octobre est en réalité incomplet ; il devrait être substantiellement modifié en cours de discussion. Le Gouvernement a en effet déposé hier à l'Assemblée nationale un amendement visant à augmenter les crédits du programme de 215,2 millions d'euros en AE et 145,8 millions d'euros en CP, ce qui représente une hausse de plus de 30 % en AE et de près de 20 % en CP par rapport aux montants initialement budgétés.

Cela fait deux années consécutives que le Gouvernement modifie substantiellement le budget de la sécurité civile en cours de discussion du PLF. Ce procédé n'est pas satisfaisant : il nuit à la clarté des débats au Parlement et va à l'encontre du principe de sincérité budgétaire. Cette méthode est d'autant plus contestable cette année que l'amendement du Gouvernement vise notamment à financer des mesures annoncées par le Président de la République il y a un an !

On peut néanmoins se féliciter de l'augmentation du budget de la sécurité civile grâce à cet amendement, qui devrait servir à financer, d'après son exposé des motifs, plusieurs mesures telles que la création d'une nouvelle unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), le renforcement des colonnes de renfort ou le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile.

Concernant cette dernière mesure, nous aurons l'occasion de demander des précisions au Gouvernement lors de nos débats au Sénat, plus particulièrement sur les commandes de nouveaux Canadair, dont la concrétisation suscite de très nombreux doutes. Une commande financée par l'Union européenne a certes été actée et la France devrait bénéficier dans ce cadre de la livraison de deux Canadair, auxquels s'ajouteront peut-être deux autres appareils financés sur fonds propres.

Toutefois, comme je l'avais déjà indiqué devant notre commission en juillet dernier lors de la présentation de mon rapport de contrôle sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile, nous ne pouvons espérer acquérir le premier avion avant 2027 compte tenu des délais de production et de certification des appareils. Le Président de la République avait pourtant promis dans son discours du 28 octobre 2022 que la flotte de douze Canadair existants serait totalement renouvelée et portée à seize appareils d'ici la fin de son quinquennat : cette annonce était pour le moins imprudente, voire totalement irréaliste !

En revanche, je me félicite de la concrétisation en 2024 du renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile, actée en LFI pour 2023 par l'inscription de 471,6 millions d'euros en AE. Près de 65,3 millions d'euros en CP sont prévus pour l'année 2024, qui sera marquée par la livraison des trois premiers hélicoptères. Au total, 36 hélicoptères de type H145 seront livrés d'ici à 2029, ce qui portera la flotte à 40 appareils.

Par ailleurs, je ne peux mentionner la flotte aérienne de la sécurité civile sans évoquer la campagne de lutte contre les feux de forêt de l'été 2023, qui constitue un vrai motif de satisfaction. Un dispositif inédit a été mis en oeuvre par le ministère de l'intérieur en réaction aux incendies de l'été 2022, dont l'ampleur quasi inédite avait provoqué la destruction de près de 72 000 hectares de végétation. Pour tirer les conséquences des incendies de 2022, la flotte permanente de lutte contre les feux de forêt a été renforcée par la location de cinq avions bombardiers d'eau supplémentaires prépositionnés dans le sud-ouest de la France.

Le ministère de l'intérieur a également eu recours en 2023 à la location de dix hélicoptères bombardiers d'eau dans le cadre d'un marché de quatre ans ferme, dont le coût annuel est estimé à 16,2 millions d'euros en période de faible intensité opérationnelle et à 20,6 millions d'euros en période de haute intensité.

Le PLF ne prévoit pourtant qu'une enveloppe de 7 millions d'euros consacrés à ces locations d'aéronefs. Le Gouvernement nous a toutefois indiqué que cette ligne budgétaire serait, elle aussi, abondée en cours de discussion...

L'année 2023 a également été marquée par la mise en oeuvre des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État.

La première année de mise en oeuvre de ces pactes capacitaires apparaît globalement satisfaisante. En effet, près de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP devraient être engagées dès 2023 pour l'acquisition de plus de mille camions-citernes feux de forêt (CCF).

Toutefois, certains doutes subsistent quant aux délais de livraison des véhicules, compte tenu des difficultés rencontrées par les industriels sur les chaînes internationales d'approvisionnement.

Par ailleurs, certains Sdis auraient renoncé à bénéficier des pactes capacitaires, estimant que les véhicules présentés dans le référentiel élaboré par le ministère de l'intérieur afin d'uniformiser les commandes excédaient leurs besoins et leur revenaient plus chers que ceux qu'ils souhaitaient acquérir, y compris avec le bénéfice de la subvention de l'État. Mais cette analyse n'est pas partagée par l'ensemble des acteurs auditionnés dans le cadre de ce PLF et il semble, en tout état de cause, que ces difficultés n'auraient concerné qu'un nombre très limité de Sdis.

Le PLF pour 2024 prévoit un total de 9,7 millions d'euros en AE et 7,4 millions d'euros en CP pour la poursuite de ces pactes capacitaires, mais il semble, à la lecture de l'exposé des motifs de l'amendement déposé par le Gouvernement hier à l'Assemblée nationale, que cette ligne budgétaire sera également renforcée.

J'en viens maintenant au projet de mutualisation des systèmes d'information des SDIS, le NexSIS 18-112. La fin de l'année 2023 devrait être marquée par le déploiement effectif de NexSIS au sein de deux premiers Sdis et une deuxième vague de déploiement devrait intervenir en 2024.

Pour permettre la montée en puissance du projet, la subvention de l'État accordée à l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) est portée cette année à 16,6 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 67,5 % par rapport au montant inscrit en LFI pour 2023. Par ailleurs, le plafond d'emplois de l'ANSC sera porté à 22 ETP contre 14 ETP en 2023. On ne peut que se féliciter de cette augmentation des moyens accordés à l'agence, conformément aux recommandations formulées chaque année par notre commission lors des débats sur le projet de loi de finances.

Je conclurai mon propos en évoquant les crédits consacrés au renforcement des moyens des forces terrestres de la sécurité civile, en vue notamment des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Près de 22 millions d'euros sont prévus pour l'acquisition de nouveaux équipements contre le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) ; 8,7 millions d'euros sont prévus pour les équipes du Groupe d'intervention du déminage (GID), soit une hausse de 4,7 millions d'euros par rapport à 2023. Je me félicite de l'augmentation de ces moyens qui, je l'espère, permettra aux forces de la sécurité civile d'aborder sereinement cet événement particulièrement important pour la France.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

- Présidence de M. Emmanuel Capus, vice-président -

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je voudrais tout d'abord remercier nos rapporteurs spéciaux pour la qualité de leurs rapports. Nous savons que la police et la gendarmerie connaissent des difficultés de recrutement. De plus, il semble que les personnes que nous recrutons aujourd'hui veulent servir moins longtemps, ce qui crée des difficultés supplémentaires dans certains territoires. Vos auditions vous ont-elles permis d'aborder cette question ? Quelles solutions sont envisagées pour résoudre ce problème ?

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - J'ai interrogé le directeur général de la gendarmerie nationale sur la question des vocations : il m'a indiqué qu'il avait encore quatre candidats pour un poste ; il n'était donc pas particulièrement inquiet à ce stade.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mais il y a de fortes différences entre les territoires !

M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ». - Je souhaite d'abord excuser mon co-rapporteur pour avis, Philippe Paul, qui participe à la Conférence des présidents au nom de notre commission.

Ce budget de la gendarmerie nationale pour 2024 est certes en augmentation de 500 millions d'euros, en AE comme en CP, mais cette évolution masque des dépenses d'investissement en recul. Celles-ci semblent avoir été notamment victimes des mesures salariales et indiciaires interministérielles.

C'est d'autant plus dommageable que la gendarmerie avait elle-même notamment estimé le besoin d'investissement immobilier annuel à 300 millions d'euros. Avec 108,8 millions en crédits de paiement cette année contre 126 millions en 2023, nous en sommes très loin.

Le ralentissement du rythme de renouvellement des véhicules légers est lui aussi un sujet de préoccupation : après un effort notable entre 2020 et 2022, nous sommes descendus à 2 000 véhicules acquis en 2023 et seulement 500 annoncés pour 2024.

Il existe également des incertitudes sur le rythme de livraison d'équipements très attendus, comme les dix hélicoptères H160 construits par Airbus et financés par le plan de relance, dont la livraison est attendue pour 2024. Seront-ils opérationnels pour les jeux Olympiques ? Il semble que non.

Quant aux nouvelles brigades, aucun crédit n'est prévu en termes immobiliers - c'est ce qu'a déclaré le directeur général de la gendarmerie nationale à l'Assemblée nationale. Il semble que tout cela sera négocié au cas par cas avec les collectivités locales...

Il subsiste aussi une interrogation majeure sur la perspective pluriannuelle d'investissement : alors que l'an dernier, un effort de plus de 900 millions d'euros était annoncé pour 2025, cette ligne est désormais ramenée à 230 millions d'euros, sans rattrapage prévu l'année suivante. Nous comptons sur nos auditions à venir pour obtenir des éclaircissements sur ce point.

Enfin, nous constatons une baisse des dépenses de fonctionnement relatives à l'activité des forces et à la gestion du parc immobilier : - 91 millions d'euros.

M. Marc Laménie. - Je veux revenir sur le projet de création de 200 brigades de gendarmerie pour rappeler que certains territoires sont plus attractifs que d'autres. Dans les Ardennes, plusieurs brigades n'ont que quelques gendarmes affectés et beaucoup de postes sont non pourvus. Il faut aussi penser à ce type de problème quand on envisage de créer des brigades.

Par ailleurs, les forces de sécurité intérieure ont été beaucoup sollicitées ces dernières années avec les événements successifs que chacun connaît. Est-ce que les surcoûts pour l'État et les collectivités locales de cette hyperactivité ont été mesurés ? Quelle part la réserve opérationnelle a-t-elle prise dans cette activité ?

Pouvez-vous nous donner des informations en ce qui concerne les projets d'investissements en véhicules pour la police et la gendarmerie ?

S'agissant de la sécurité civile, comment susciter les vocations dans nos territoires, en particulier pour les sapeurs-pompiers volontaires ?

M. Thierry Cozic. - Concernant les programmes évoqués par Bruno Belin, on constate que les crédits progressent, avec une volonté politique de renforcer les effectifs. Je rappelle d'ailleurs que le Gouvernement a annoncé qu'il voulait doubler la présence des policiers sur la voie publique d'ici deux ans.

Or, dans le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution budgétaire pour 2022, on peut lire que « les responsables de programme sont contraints de dégrader la qualité des recrutements et des formations, d'autant que les viviers de recrutement s'assèchent peu à peu ». En outre, une note de la Cour de novembre 2021 relevait que le taux d'admission au concours de gardien de la paix était passé de 2 % en 2014 à 18 % en 2020, tandis que les formations de gardien de la paix et d'officier avaient été raccourcies.

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur les moyens dégagés par le PLF pour 2024. Alors que la Lopmi prévoit d'augmenter de 50 % le temps de formation continue des policiers, les crédits correspondants sont en très forte baisse - plus de 30 %. Qu'en pensez-vous ?

Le Gouvernement a déclaré que le cyberespace était un enjeu prioritaire de sécurité, mais le projet de budget ne dit rien de précis à ce sujet sur les moyens financiers et humains qui lui sont alloués. Avez-vous des informations à ce sujet ? Combien de cyberpatrouilleurs ont déjà été formés et sont opérationnels ?

Enfin, les crédits de la sécurité routière sont certes en forte hausse et le Gouvernement prévoit de recruter 100 inspecteurs du permis de conduire sur la période 2023-2026, mais cela est-il compatible avec l'annonce d'un permis à 17 ans, alors qu'il est déjà difficile aujourd'hui de trouver des rendez-vous pour passer le permis ?

Mme Christine Lavarde. - J'ai lu que l'Agence régionale de santé d'Île-de-France envisageait de verser une prime aux personnels de santé qui accepteraient de ne pas prendre leurs congés durant la période des jeux Olympiques. La même question va nécessairement se poser pour les fonctionnaires de police et les agents des collectivités locales. Comment la police va-t-elle gérer ce problème de congés ? Dans quelles conditions ces congés seront-ils reportés et pris ensuite par les agents ?

M. Michel Canévet. - La mission « Sécurités » connaît une augmentation significative de crédits, ce qui est à souligner, car cela n'a pas toujours été le cas... Jérôme Darras évoquait le très faible niveau des crédits d'investissement. Quelle est la réalité de la situation en la matière ? Est-ce que la police et la gendarmerie sont toutes les deux également concernées ? Des recrutements sont prévus : est-ce que les écoles sont en mesure d'assurer la formation des nouveaux agents ?

Les collectivités locales sont autorisées à installer des radars. Où vont les recettes de ces radars ?

En ce qui concerne la sécurité civile, il est clair qu'il faut optimiser les moyens. Comment pouvons-nous aller encore plus loin en la matière, en particulier au niveau européen ?

Enfin, le rapporteur spécial évoquait les interrogations de certains Sdis sur le pacte capacitaire. Comment expliquer ces réticences ? Le catalogue des matériels est-il inadapté ou cela provient-il d'autres considérations ?

M. Stéphane Sautarel. - La mission « Plan de relance » a porté un certain nombre d'investissements destinés à la sécurité, notamment en matière immobilière et en termes de véhicules. Avons-nous une vision globale des dépenses d'investissements pour ce secteur ?

La Lopmi prévoit le déploiement de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Est-ce que des crédits spécifiques sont prévus en 2024 ?

Enfin, est-ce que les Sdis sont sollicités pour cofinancer le nouveau système NexSIS aux côtés de l'État ?

M. Laurent Somon. - Attirer des gendarmes en milieu rural passe notamment par les conditions de logement. Comment se répartit aujourd'hui l'immobilier entre l'État et les collectivités locales ? En zone rurale, ce sont souvent les intercommunalités qui construisent les gendarmeries. Comment évoluent les ratios d'entretien de ces biens ? Il semble que l'État y mette peu de moyens.

Est-ce que les chiffres annoncés pour le programme « Sécurité civile » prennent en compte la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui peut, le cas échéant, soutenir des projets de réhabilitation de centres d'incendie et de secours ?

M. Emmanuel Capus, président. - Avez-vous des précisions sur l'amendement du Gouvernement qui viendrait augmenter les crédits consacrés aux moyens aériens de la sécurité civile, et plus particulièrement, les crédits destinés à la location d'aéronefs ?

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - En ce qui concerne les radars, il y a en principe un pot commun et 40 % des recettes des amendes reviennent aux collectivités territoriales ; 20 % financent la politique d'installation des radars eux-mêmes et 40 % le désendettement de l'État. Pour les zones à faible émission (ZFE-m), le Gouvernement propose toutefois dans le projet de loi de finances pour 2024 de rétrocéder le produit des amendes directement aux collectivités.

Je n'ai pas à ce stade de réponse précise à apporter à Thierry Cozic concernant les effets de l'abaissement à venir de l'âge du passage de l'examen du permis de conduire à 17 ans ; en revanche, je peux indiquer que le recrutement pluriannuel de 100 examinateurs supplémentaires est bien en cours. Par ailleurs, le Gouvernement prévoit de recruter 1 500 cyber-inspecteurs dans la gendarmerie.

Au fond, mes chers collègues, vos questions ont montré qu'il existait deux grands sujets : les moyens humains et les moyens immobiliers.

Aujourd'hui, la propriété de l'immobilier se répartit en deux parts entre l'État et les collectivités. La question de l'immobilier est encore plus prégnante pour la gendarmerie que pour la police. Pour les nouvelles brigades, l'État va se tourner notamment vers les collectivités locales. Il est vrai que l'entretien des bâtiments de la gendarmerie est une réelle difficulté.

Les moyens humains, on le sait bien, sont un enjeu très important : 2 200 recrutements sont prévus en 2024, mais cela peut se faire au détriment des dépenses hors titre 2 - certains parlent même d'un déséquilibre. Il y a une volonté de rendre visibles les forces de l'ordre sur le terrain : le directeur général de la gendarmerie nationale me disait que son objectif n'était finalement pas d'arrêter les voleurs, mais plutôt qu'il n'y ait pas de vol !

En ce qui concerne les jeux Olympiques et les autres événements qui mobiliseront beaucoup de moyens humains en 2024, le directeur général de la gendarmerie nationale m'a indiqué que les gendarmes étaient des militaires et qu'ils obéiraient donc aux ordres qui leur seraient données, et qu'il ferait également appel à la réserve, qui compte environ 35 000 personnes - avec la volonté de la porter à 50 000 à terme, et à 40 000 d'ici les jeux. Pour la police nationale, il y aura un enjeu s'agissant des heures supplémentaires.

Je rappelle aussi que les forces devront être mobiles, car Paris ne sera pas le seul lieu concerné. Il faudra par exemple tenir compte des lieux d'entraînement des délégations - certaines présentant davantage de risques que d'autres - et du parcours de la flamme.

En tout cas, il est clair que des priorités devront être affichées entre les différentes missions pour déployer au mieux les moyens : la sécurisation des transfèrements de prisonniers devra par exemple être confiée au ministère de la Justice autant que possible.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Concernant le coût de la location des hélicoptères bombardiers d'eau, la budgétisation qui a initialement été retenue par le Gouvernement pour le PLF 2024 s'appuie sur les prix pratiqués par les entreprises de location lors de l'été 2022, qui était à l'époque plus avantageux. Le Gouvernement a annoncé un amendement qui pourrait porter ce montant à environ 17 millions d'euros - j'attends encore des informations précises à ce sujet -, soit un peu plus que ce qui est nécessaire en cas de basse intensité opérationnelle - plus de 20 millions sont nécessaires en cas de haute intensité.

Plusieurs mesures ont été prises pour favoriser l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires, par exemple la réduction des cotisations patronales, en contrepartie de la mise à disposition d'employés sapeurs-pompiers volontaires au bénéfice des Sdis. Nous avons toujours autant de candidats sur les concours de sapeurs-pompiers professionnels ; la question se pose donc d'abord pour les volontaires. Je crois que nous devons travailler à recentrer les missions des sapeurs-pompiers sur le coeur de métier ; par exemple, ils ont trop tendance à être utilisés pour pallier la carence en ambulanciers privés. En outre, certaines missions sont rallongées par des circonstances extérieures, par exemple la fermeture de certains services d'urgence dans les hôpitaux. La réduction de la durée d'engagement de certains sapeurs-pompiers s'explique aussi par le fait qu'ils assurent de plus en plus des missions qui ne sont théoriquement pas les leurs. En tout cas, tous les Sdis et toutes les collectivités concernées se mobilisent pour éveiller les vocations.

En ce qui concerne l'optimisation des moyens, des progrès ont déjà été réalisés. Une commande mutualisée de 12 Canadair, dont deux pour la France, a été actée au niveau européen dans le cadre du programme RescEU, et j'espère que cela ne restera pas une promesse inaboutie. Le mécanisme de protection civile de l'Union européenne permet également de mutualiser des moyens de sécurité civile entre les États membres en cas de crise. En 2023, la France a par exemple prêté deux Canadair et un avion de commandement Beechcraft à la Grèce qui était frappée par de graves incendies. Des moyens terrestres peuvent également être mobilisés dans un tel cadre.

S'agissant de la réticence de certains Sdis sur le pacte capacitaire, le cas que j'évoquais me semble isolé et très particulier. La grande majorité des Sdis a plutôt un ressenti positif. L'harmonisation des équipements est également intéressante, quand les forces interviennent en renfort dans d'autres départements : avoir des équipements comparables, voire identiques, présente un réel intérêt opérationnel.

Enfin, NexSIS est cofinancé par les Sdis, à hauteur d'environ 200 millions d'euros, et par l'État pour 100 millions d'euros. La maintenance du système sera portée par les Sdis, mais ils devraient y trouver des économies par rapport à l'existant.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

- M. Julien Marion, directeur général ;

- M. Stéphane Thebault, sous-directeur des affaires internationales, des ressources et de la stratégie ;

- Mme Adeline Savy, cheffe du bureau du Groupement des moyens aériens (GMA).

Départements de France (DF)

- M. André Accary, président du conseil départemental de la Saône-et-Loire et président de la commission « SDIS » de Départements de France ;

- M. Jean-Baptiste Estachy, conseiller sécurité de DF.

Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS)

- M. Olivier Richefou, président de la CNSIS, président du conseil départemental de la Mayenne.

Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF)

- M. Éric Florès, contrôleur général, vice-président.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Risque nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif.

* 2 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 3 Sur point, voir les développements du rapport général n° 115 (2022-2023), tome III, annexe 29, volume 2, déposé le 17 novembre 2022.

* 4 Formation militaire de la sécurité civile.

* 5 Rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 6 Sur point, voir les développements du rapport général n° 115 (2022-2023), tome III, annexe 29, volume 2, déposé le 17 novembre 2022.

* 7 Rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 8 Sur ce point, voir le rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 9 À l'exception de la TVA, à la charge des États bénéficiaires.

* 10 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 11 Contre 12 actuellement.

* 12 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 13 La saison « feux de forêt » pour 2022, de par son caractère exceptionnel, ne pouvant être considéré comme une année de référence.

* 14 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 15 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023.

* 16 L'UIISC1, l'UIISC5 et l'UIISC7.

* 17 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 18 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

* 19Ce qui a in fine porté les crédits consacrés aux pactes capacitaires en 2023 à un montant total de 158 millions d'euros en AE et 38,5 millions d'euros en CP.

* 20 Les Départements de France, ont présenté au rapporteur spécial l'exemple du Dacia Duster à 35 000 euros, absent du pacte capacitaire au profit du Ford Ranger à 95 000 euros, qui, même financé à 50 % par l'État, impliquait un coût de 42 000 euros à la charge du SIS.

* 21 Voir notamment le rapport général n° 163 (2021-2022) de Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances 2022, Annexe n° 29b sur le programme 161 « Sécurité civile », déposé le 18 novembre 2021.

* 22 Rapport d'information n° 658 (2020-2021), NexSIS 18-112 : un projet de mutualisation des systèmes d'information des SDIS, dont l'intérêt sur le plan économique et opérationnel doit être garanti - 2 juin 2021.

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