B. UNE SUBVENTION DE L'ÉTAT PORTÉE À 2,5 MILLIARDS D'EUROS POUR 2024

Pour 2024, une subvention de l'État à France compétences de 2,5 milliards d'euros est inscrite dans le projet de loi de finances au programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». C'est un progrès, tant par rapport à l'an passé, où cette dotation s'établissait à 1,68 milliard d'euros, qu'en réponse à la situation de trésorerie toujours déficitaire de l'opérateur.

Cette subvention, qui répond notamment à une recommandation de la Cour des comptes30(*) et de la commission des affaires sociales du Sénat31(*), est favorablement accueillie par les rapporteurs spéciaux.

Toutefois, ils relèvent qu'au vu du budget prévisionnel de France Compétences pour 2023 et de la dynamique poursuivie de l'apprentissage, elle ne sera vraisemblablement pas suffisante pour assurer le retour à l'équilibre de l'opérateur.

C. LE RÉEXAMEN, DÉJÀ ENTAMÉ, DE LA PARTICIPATION DE FRANCE COMPÉTENCES À CERTAINES DÉPENSES DE FORMATION POURRAIT ÊTRE POURSUIVI

1. Les dépenses des centres de formation d'apprentis (CFA) : une révision des niveaux de prise en charge (NPEC) qui devrait porter ses fruits

Depuis la réforme de l'apprentissage, l'offre de places en centres de formation d'apprentis (CFA) n'est plus contingentée. Chaque contrat d'apprentissage donne lieu à une prise en charge financière par l'opérateur de compétences dont relève l'entreprise d'accueil. Celle-ci est financée par France compétences. Le niveau de prise en charge est déterminé à l'échelon national par la branche professionnelle (ou, à défaut, par l'État), dans le cadre de recommandations établies par France compétences.

S'il faut se réjouir du succès de l'apprentissage, et du changement d'image très positif dont il est désormais crédité, un équilibre doit être trouvé entre le nécessaire soutien à cette voie de formation et d'insertion professionnelle et le juste emploi des financements publics dont il bénéficie.

À cette fin, il a été procédé en septembre 2022, sur la base d'une analyse des comptabilités des centres de formation d'apprentis menée par France compétences, à une révision des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage. Ceux qui étaient appliqués dans les branches dépassaient en effet de 20 % en moyenne le coût des formations d'apprentis.

Dans un rapport remis au Gouvernement en juillet 2023 sur les modalités de financement des CFA32(*), les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) avait émis plusieurs recommandations. Certaines ont d'ores et déjà été suivies. Ainsi, une seconde baisse des NPEC a été opérée entre septembre et octobre 2023, en cohérence avec la recommandation n° 3 du rapport. Cette baisse, de 5 % en moyenne33(*), a permis de faire converger les NPEC entre branches en réduisant les sur-financements, pour un gain budgétaire de l'ordre de 540 millions d'euros.

À l'avenir, la méthode de détermination des NPEC pourrait évoluer, conformément à la recommandation n° 4 du rapport IGF-Igas. Deux scénarios étaient proposés à ce titre :

- d'une part, une modulation des NPEC par les branches, dans la limite d'un cadre financier par branche fixé par l'État ;

- d'autres part, la fixation par l'État d'un NPEC « socle », complété par des contributions conventionnelles traduisant les priorités des branches.

France Compétences a indiqué aux rapporteurs spéciaux que ces deux scénarios lui paraissaient complémentaires : en effet, « rien n'empêche de penser une méthode de détermination permettant (de laisser aux branches) de prioriser les formations les plus importantes pour leurs secteurs, dans un cadre budgétaire global maitrisé, tout en ouvrant parallèlement la possibilité aux branches de mettre en place des financements conventionnels pour l'apprentissage, en plus du financement mutualisé qui passe par le NPEC. »

À plus long-terme, d'autres questions pourraient faire l'objet d'une réflexion, comme la question du financement de l'investissement des CFA, ou encore la question des formations en « distanciel » - pour lesquelles le rapporteur spécial de la mission à l'Assemblée nationale a d'ailleurs suggéré de minorer les niveaux de prise en charge34(*).

2. Le compte personnel de formation (CPF) : une régulation des dépenses adoptée dans son principe, mais pas encore dans ses modalités

Les droits à la formation professionnelle sont monétisés depuis la réforme de 2018 et peuvent être directement mobilisés par les titulaires du compte personnel de formation (CPF). Comme l'a souligné la Cour des comptes35(*), ce dispositif, qui constitue l'un des deux principaux postes de dépenses de France compétences, s'inscrit « dans une logique dite « de guichet », contrairement aux autres dispositifs, financés par des enveloppes budgétaires fermées (...). Les dépenses liées au CPF sont, quant à elles, passées de 740 millions d'euros en 2018 à 2,7 milliards d'euros en 2021 ».

S'agissant du CPF, plusieurs mesures ont été prises afin de responsabiliser les ministères et organismes certificateurs et de renforcer les exigences de qualité des certifications éligibles au CPF. Des déréférencements sont intervenus et les taux de refus d'éligibilité des formations au CPF ont fortement augmenté en 2022. L'usage du CPF a également été sécurisé par l'obligation, depuis fin octobre 2022, d'utiliser le dispositif FranceConnect +, répondant à des exigences de sécurité renforcées, pour accéder au service dématérialisé géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Enfin, un principe de régulation du CPF figure à l'article 212 de la loi de finances pour 2023. Un an plus tard, les modalités de cette régulation restent à définir : si l'instauration d'un reste à charge pour les bénéficiaires était évoquée, le décret d'application de cette disposition n'a pas encore été pris, faute de concertation avec les partenaires sociaux. Un début de réponse est pour autant apporté à la progression non maîtrisée des charges de France compétences.

Le soutien à l'apprentissage porté par la mission « Travail et emploi » allège par ailleurs certaines charges sur d'autres missions budgétaires. Dès lors, une réflexion sur des contributions complémentaires à celle de la mission pourrait être engagée. En tout état de cause, il est désormais indispensable que l'État, en lien avec les partenaires sociaux, définisse une trajectoire soutenable pour le financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sans casser la dynamique en cours.

3. Les dépenses de France Compétences au titre du financement du Plan d'investissement dans les compétences (PIC) ont diminué

France Compétences participe également, par le biais d'un fonds de concours, à la formation des demandeurs d'emplois au titre du Plan d'investissement dans les compétences (PIC).

Jusqu'en 2022, cette contribution de France Compétence au titre du soutien au volet national du PIC s'élevait à plus de 1,5 milliard d'euros. Ainsi, les comptes de résultat de France Compétences font apparaître une contribution de 1 632 millions d'euros au titre du PIC en 2021, et même un versement de 1 684 millions d'euros à ce titre en 2022.

Depuis, il a été décidé de diminuer cette contribution, qui s'établit à un niveau de 800 millions d'euros en 2023 selon le budget initial transmis aux rapporteurs spéciaux par France Compétence.

La majorité des dépenses liées au PIC sont désormais à nouveau budgétées au sein de la mission « Travail et emploi ». Selon la DGEFP, la participation de l'État au financement des actions de formation des demandeurs d'emploi aux métiers recrutant sur le marché du travail, aux compétences clés et aux compétences numérique est inscrite en diminution en autorisations d'engagement (- 387,4 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2023), mais en augmentation en crédits de paiement (+ 224,4 millions d'euros), du fait des importantes sous-consommations de crédits constatés sur les exercices précédents.

Les dépenses de France Compétences au titre du PIC ont donc bien été réduites depuis 2022, ce qui se traduirait par une moindre dépense d'environ 800 millions d'euros pour l'opérateur. Sans être, là encore, suffisante à elle seule pour assurer son retour à l'équilibre, cette moindre dépense y contribue.

4. Face au sous-financement des dépenses d'apprentissage, des leviers en ressources pourraient être actionnés

La Cour des comptes36(*) les inspections37(*) et la commission des affaires sociales du Sénat dans son rapport sur France Compétences ont également recommandé de mobiliser des leviers en recettes pour financier les dépenses de l'opérateur.

Si une augmentation tous azimuts des prélèvements finançant l'alternance et la formation professionnelle ne serait vraisemblablement pas judicieuse, la Cour et les inspections ont relevé un certain nombre de pistes qui pourraient être explorées, telles que :

- la suppression du taux réduit applicable en Alsace-Moselle, pour un gain pour les finances publiques de 53 millions d'euros ;

- la suppression ou la limitation des exemptions d'assiette dont bénéficient certains employeurs en raison de leur statut juridique, qui pourrait, en cas de suppression, représenter jusqu'à 239 millions d'euros de recettes supplémentaires.

Un recentrage des exemptions existantes sur les seules rémunérations des apprentis, dans une logique d'incitation au recrutement d'apprentis supplémentaires, ainsi que la suppression du taux dérogatoire en Alsace-Moselle, pourrait générer environ 300 millions d'euros de nouvelles recettes selon les inspections.


* 30 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023.

* 31 «  France compétences face à une crise de croissance » - Sénat - Rapport d'information n° 741 (2021-2022) de Frédérique Puissat, Corinne Féret et Martin Lévrier - 29 juin 2022.

* 32 IGF-Igas, Les modalités de financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023.

* 33 Afin d'éviter un choc trop brutal pour certains CFA, aucune baisse de NPEC de plus de 10 % n'a été recommandée par France Compétences.

* 34 Amendement n°  II-CF3228, adopté en commission.

* 35 Référé précité du 5 avril 2022.

* 36 Cour des comptes, La formation en alternance. Une voie en plein essor, un financement à définir, juin 2022.

* 37 IGF-Igas, rapport précité, juillet 2023.

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