N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 32

TRAVAIL ET EMPLOI

Rapporteur spécial et Rapporteure spéciale : M. Emmanuel CAPUS et Mme Ghislaine SENÉE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

I. DES MOYENS RENFORCÉS POUR LA MISSION, DANS UN CONTEXTE D'INCERTITUDES GRANDISSANTES SUR LA SITUATION DE L'EMPLOI

A. UN BUDGET EN HAUSSE DE PLUS DE 2,5 MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2023

Prévus à plus de 22 milliards d'euros pour 2024, les crédits de la mission « Travail et emploi » enregistrent par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 une augmentation de 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 12,7 %) et de 1,7 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 8,1 %).

L'augmentation des crédits est principalement soutenue par le programme 103 « Adaptation aux mutations économiques et développement de l'emploi », qui porte les dépenses liées à l'apprentissage (+ 22,4 % en AE et + 13,3 % en CP). Les crédits du programme 102 « Accès et retour à l'emploi », malgré une légère diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, restent stables au regard de l'exécution attendue.

Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi » 2020-2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UN INVESTISSEMENT PUBLIC TRÈS IMPORTANT, UNE TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE FORTEMENT REVUE À LA HAUSSE

En 2024, la majorité des dispositifs du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » verrait leurs moyens se stabiliser ou augmenter. C'est ainsi le cas du financement des missions locales (- 0,2 %), des dispositifs d'insertion par l'activité économique (IAE, + 14 %), des entreprises adaptées (+ 0,6 %) et de l'expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée » (+ 53,3 %). Les dépenses du programme seraient globalement stables (- 0,1 % en CP).

De même, les transferts reçus par l'opérateur Pôle emploi augmentent, s'établissant à 2,64 milliards d'euros. Le plafond d'emplois de Pôle emploi progresse aussi de 300 ETP dans le cadre de la réforme dite « France Travail ». L'opérateur devra en effet accompagner l'ensemble des bénéficiaires du RSA dès le 1er janvier 2025 - contre 40 % aujourd'hui.

La trajectoire pluriannuelle fixée pour la mission « Travail et emploi » dans le projet de loi de finances pour 2024 est conforme à la trajectoire fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (PLPFP) tel qu'issu du texte adopté en lecture définitive par l'Assemblée nationale. Elle a d'ailleurs été largement revue à la hausse depuis le dépôt du projet de loi de programmation en septembre 2022.

Comparaison des trajectoires des crédits de la mission dans le projet
de LPFP au début et au terme de son examen

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de LPFP et les documents budgétaires

C. PARADOXALEMENT, DES DÉPENSES CROISSANTES SOUS L'EFFET DE LA BAISSE DU CHÔMAGE ET DES INCERTITUDES SUR LA SITUATION DE L'EMPLOI

L'amélioration de la situation de l'emploi a un double effet sur les crédits de la mission : d'une part elle permet la diminution des dépenses liées à l'indemnisation des demandeurs d'emploi prise en charge par l'État ; d'autre part elle est corrélée à une augmentation des dépenses en faveur de l'emploi en raison de la compensation de plusieurs exonérations de cotisations sociales. Le deuxième effet compense toutefois largement le premier, de telle sorte que les crédits de la mission « Travail et emploi » augmentent à mesure que se réduit le chômage.

Toutefois, l'embellie que semble connaître le marché de l'emploi est entourée d'incertitudes fortes : L'OFCE prévoit ainsi un ralentissement de la dynamique de l'emploi, voire un véritable « retournement de la courbe du chômage ».

II. FOCUS : L'EXPÉRIMENTATION « TERRITOIRES ZÉRO CHÔMEUR DE LONGUE DURÉE »

L'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD) a été créée par la loi du 29 février 2016, afin de favoriser le recrutement des « personnes privées durablement d'emploi » (PPDE).

La dotation prévue par le PLF pour 2024 déposé à l'Assemblée nationale, d'un montant de 68,6 millions d'euros, est en progression de 53,3 % par rapport à celle prévue en loi de finances initiale pour 2023. Cette progression a vocation à suivre la montée en charge du dispositif dans les territoires participant à l'expérimentation. Dix territoires avait initialement été retenus, mais l'expérimentation a été étendue : elle pourra jusqu'en 2026 concerner jusqu'à 60 territoires volontaires, y compris les dix territoires initiaux.

Principaux chiffres relatifs à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur »

 
 
 

Crédits alloués à l'expérimentation pour 2024

Nombre de territoires retenus pour participer à l'expérimentation

Nombre d'emplois (ETP) financés
pour 2024

Source : commission des finances du Sénat

Le montant des crédits budgétés dans le projet de loi de finances pour 2024 tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale a été jugé légèrement insuffisant par l'association « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD).

III. LE SOUTIEN À L'APPRENTISSAGE : DES PISTES POUR AMÉLIORER LE CIBLAGE ET L'EFFICIENCE DE LA DÉPENSE POURRAIENT ÊTRE ENVISAGÉES

Le décret du 29 décembre 2022 a procédé à une réforme du régime des aides à l'embauche des alternants, par une « fusion » de l'aide unique avec l'aide exceptionnelle, dont les montants sont désormais identiques, et fixés à 6 000 euros par an par apprenti. Les dépenses de soutien à l'apprentissage et, plus largement, à l'alternance, s'établissent pour 2024 à 8 779 millions d'euros en AE et 8 373 millions d'euros en CP

Les dépenses de soutien à l'alternance représentent désormais 38,4 % des dépenses de la mission « Travail et emploi », soit plus d'un tiers.

Les aides à l'embauche sont usuellement ciblées dans le but d'ajouter une incitation au recrutement d'un profil particulier de salarié. Les jeunes sortant prématurément du système scolaire sont classiquement l'objectif prioritaire de cette politique, car c'est pour insérer ce public dans l'emploi que l'apprentissage est le plus efficace.

Toutefois, l'aide exceptionnelle instaurée dans le cadre de la crise sanitaire et depuis reconduite a cependant été conçue selon une autre logique : elle est accessible à la quasi-totalité des apprentis et à un très grand nombre d'entreprises, alors que certaines d'entre elles n'auraient probablement pas besoin de cette incitation pour recourir à l'alternance. S'il explique une bonne partie du succès de l'apprentissage, un ciblage aussi large présente également des risques d'effets d'aubaine et de substitution.

Les rapporteurs spéciaux considèrent ainsi qu'un meilleur ciblage des aides aux employeurs d'apprentis devrait être défini.

IV. UNE NOUVELLE SUBVENTION À FRANCE COMPÉTENCES, QUI NE PERMETTRA PAS À ELLE SEULE LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE CET OPÉRATEUR

Dès sa création, France compétences s'est immédiatement trouvée dans une situation financière très déséquilibrée, du fait de la crise sanitaire. Toutefois, les facteurs qui expliquent cette situation financière sont également structurels : les charges de cet opérateur excèdent ses ressources chaque année.

Principaux chiffres du budget initial de France Compétences pour 2023

 
 
 

Recettes (hors dotation de l'État)

Charges

Déficit

Source : commission des finances du Sénat

Pour 2024, une subvention de l'État de 2,5 milliards d'euros est allouée à France Compétences. C'est un progrès, tant par rapport à l'an passé, où cette dotation s'établissait à 1,68 milliard d'euros, qu'en réponse à la situation de trésorerie toujours déficitaire de l'opérateur. Cette subvention ne sera toutefois pas suffisante pour équilibrer les comptes de l'opérateur : une action en dépense, et peut-être en recettes, sera nécessaire.

À cette fin, il a été procédé en septembre 2022 à une révision des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage, qui étaient surévalués. Une seconde baisse des NPEC, de 5 % en moyenne, a été opérée entre septembre et octobre 2023, pour un gain budgétaire de l'ordre de 540 millions d'euros. De même, la participation de France Compétences au financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC) a été réduite, passant de 1,6 milliard d'euros à 800 millions d'euros entre 2022 et 2023. Ces moindres dépenses, sans être suffisantes pour rétablir l'équilibre de l'opérateur, y contribuent.

Le principe de régulation du Compte personnel de formation (CPF), adopté fin 2022 reste à définir : si l'instauration d'un reste à charge pour les bénéficiaires a été évoquée, le décret d'application de cette disposition n'a pas encore été pris.

Réunie le mardi 21 novembre 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par deux amendements tendant, pour l'un, à mieux cibler les aides aux employeurs d'apprentis résultant en une minoration des crédits de 600 millions d'euros sur le programme 103 et, pour l'autre, à majorer de 9 millions d'euros les autorisations d'engagement dédiées à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Elle a par ailleurs décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification des articles 68 et 69.

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par ses deux amendements, ainsi que par un amendement du rapporteur général tendant à réduire les crédits alloués au plan d'investissement dans les compétences (PIC) de 300 millions d'euros en AE et de 150 millions d'euros en CP.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 26,9 % des réponses étaient parvenus aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Travail et emploi ».

PREMIÈRE PARTIE 
DES MOYENS RENFORCÉS POUR LA POLITIQUE DE L'EMPLOI ET DES COMPÉTENCES, DANS UN CONTEXTE D'INCERTITUDES GRANDISSANTES SUR LA SITUATION DE L'EMPLOI

I. UN BUDGET EN HAUSSE DE PLUS DE 2,5 MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2023

A. UNE AUGMENTATION CONCENTRÉE SUR LE PROGRAMME 103 OÙ FIGURENT LES CRÉDITS DÉVOLUS À L'APPRENTISSAGE ET À LA FORMATION

Avec plus de 22 milliards d'euros prévus par le projet de loi de finances pour 2024, la mission « Travail et emploi » enregistre une très forte progression par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023. C'est une augmentation de 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 12,7 %) et de 1,7 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 8,1 %).

Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi » 2020-2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour mémoire, la mission se décompose en quatre programmes :

le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » se fixe pour objectif principal de « favoriser l'accès et le retour à l'emploi de tous les publics en s'appuyant sur les structures du service public de l'emploi et en mobilisant au mieux les outils d'insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi ». Les crédits demandés pour ce programme connaîtraient une légère diminution dans le projet de loi de finances pour 2024 : ils s'élèvent à 7,4 milliards d'euros en AE et en CP. En loi de finances initiale pour 2023, ils s'établissaient à 7,6 milliards d'euros en AE, soit une diminution de 2,8 %) et à 7,4 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 0,1 %). Cette diminution, principalement liée à des ajustements techniques, n'en est pas une, puisque les crédits progressent par rapport à l'exécution attendue en 2023 (voir infra) ;

le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » se fixe pour objectifs de « sécuriser l'emploi par l'anticipation des mutations économiques », de « contribuer à la revitalisation des territoires et au reclassement des salariés licenciés pour motif économique », de « faciliter l'insertion dans l'emploi par le développement de l'alternance » et enfin « d'édifier une société de compétences via le Plan d'investissement dans les compétences (PIC) ». Les crédits demandés pour ce programme connaîtraient une forte hausse de 22,4 % en AE, avec 14,6 milliards d'euros (contre 11,9 milliards d'euros ouverts dans la LFI 2023), et de 13,3 % en CP, avec 14,3 milliards d'euros (contre 12,6 milliards d'euros ouverts dans la LFI 2023). Cette hausse résulte principalement de l'augmentation des crédits dédiés au soutien à l'apprentissage et à l'augmentation de la dotation allouée par l'État à France Compétences ;

le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » vise notamment à améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur privé concurrentiel, à contribuer à la prévention et à la réduction des risques professionnels, à la dynamisation de la négociation collective et à l'amélioration du dialogue social et enfin à lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement, en s'appuyant sur les services de l'inspection du travail. Les crédits demandés pour 2024 s'élèvent à 184,6 millions d'euros en AE, soit une augmentation très importante par rapport aux crédits ouverts en LFI 2023 (73,7 millions d'euros) et à 110,0 millions d'euros en CP, soit un montant stable par rapport à la prévision initiale pour 2023 (110,5 millions d'euros). La cause de ces importantes variations correspond pour l'essentiel au cycle des élections professionnelles ;

- enfin, le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » constitue le programme d'appui et de soutien aux politiques du ministère du travail, portant l'ensemble de ses emplois (hors opérateurs). Les crédits demandés connaitraient une légère hausse de 2,0 %, en AE et 2,6 % en CP, autour de 700 millions d'euros.

Le poids budgétaire prépondérant des deux principaux programmes de la mission - « Accès et retour à l'emploi » (programme 102) d'une part, et « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (programme 103) d'autre part - demeure en 2024, puisqu'ils représentent 96,1 % des dotations.

Évolution par programmes des crédits de la mission « Travail et emploi »
entre la LFI pour 2023 et le PLF pour 2024

(en millions d'euros et en pourcentage)

N° et intitulé du programme

LFI 2023

PLF 2024

Évolution
PLF 2024 / LFI 2023
(volume)

Évolution
PLF 2024 / LFI 2023
(%)

102 - Accès et retour à l'emploi

AE

7 640,4

7 425,9

- 214,5

- 2,8 %

CP

7 443,1

7 432,2

- 10,9

- 0,1 %

103 - Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

AE

11 888,2

14 555,9

+ 2 667,7

+ 22,4 %

CP

12 642,4

14 319,7

+ 1 677,4

+ 13,3 %

111 - Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

AE

73,7

184,6

+ 110,9

+ 150,3 %

CP

110,5

110,0

- 0,4

- 0,4 %

155 - Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

AE

686,6

700,3

+ 13,7

+ 2,0 %

CP

681,1

699,0

+ 18,0

+ 2,6 %

TOTAL MISSION

AE

20 289,0

22 866,7

+ 2 577,7

+ 12,7 %

CP

20 877,0

22 561,0

+ 1 684,0

+ 8,1 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2024, les dépenses d'intervention continueront de représenter l'essentiel du budget de la mission (environ 80 %). Elles progresseraient en outre de 36,4 %, notamment du fait du dynamisme des aides à l'apprentissage. Toutefois, la part des dépenses de fonctionnement, dont l'essentiel est traditionnellement constitué de la subvention à Pôle emploi, est également majorée (+ 24,7 %) en raison de la progression de la subvention à France Compétences.

Les dépenses de personnel représentent moins de 3 % du budget de la mission et sont en progression modérée en 2024 (+ 2,5 %). Le plafond d'emploi de la mission passe de 7 767,1 à 7 799,32 ETPT, soit une hausse de 32,22 ETPT.

Évolution par programmes des crédits de la mission « Travail et emploi »
entre la LFI pour 2023 et le PLF pour 2024

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LES OUVERTURES ET ANNULATIONS DEMANDÉES DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES DE FIN DE GESTION POUR 2023 JETTENT UNE LUMIÈRE NOUVELLE SUR L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION

Le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2023, adopté le lundi 20 novembre 2023 par le Sénat, propose de procéder à diverses ouvertures et annulations de crédits concernant la mission « Travail et emploi ». Au total, la mission connaîtrait une ouverture nette de 476,8 millions d'euros en AE et une annulation totale de 897,4 millions d'euros en CP.

1. Une ouverture de crédits sur le programme 103, en autorisations d'engagement uniquement

Ainsi, les crédits du programme 103 « Adaptation aux mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi » font l'objet, dans le présent projet de loi, d'une importante ouverture de crédits, à hauteur de 1,25 milliard d'euros en AE, pour financer la hausse des dépenses liées à l'apprentissage du fait de la fusion des aides aux employeurs d'apprentis en une aide de 6 000 euros la première année. La création de cette aide unique, décidée à la toute fin de l'année 2022, n'avait pas été prise en compte dans la budgétisation initiale.

Cette ouverture ne concerne que les AE : si les entrées en apprentissage donnent lieu à l'engagement du montant total de l'aide, son versement effectif est plus tardif et n'a lieu que l'année suivante.

2. Diverses annulations sont demandées sur tous les programmes

Sur le programme 102 « Accès et retour à l'emploi », des annulations de crédits, à hauteur de 753,2 millions d'euros en AE et 755,7 millions d'euros en CP sont demandées. Elles correspondent notamment, à la généralisation de la facturation à terme échu à l'Agence de services et de paiements (ASP), qui entrainerait un décalage des paiements initialement prévus en 2023 vers l'exercice 2024. En outre, il est indiqué que 80,7 millions d'euros font l'objet d'une annulation au titre de sous-exécutions diverses, qui concernent notamment le Contrat d'engagement jeune (CEJ).

Les programmes 103 « Adaptation aux mutations économiques et développement de l'emploi », 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations au travail » et 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » connaissent des annulations sur des crédits « mis en réserve et libres d'emploi ».

3. En 2024, l'ensemble des programmes connaîtrait une augmentation par rapport à l'exécution attendue pour 2023

Comme l'illustre le tableau infra, le projet de loi de finances pour 2024 inscrit l'ensemble des crédits des programmes de la mission « Travail et emploi » dans une dynamique haussière par rapport aux crédits demandés dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.

Si la hausse des autorisations d'engagement du programme 103 semble moins importante (+ 10,8 % par rapport au PLFG 2023, contre + 22,4 % par rapport à la LFI 2023), l'inverse est vrai pour tous les autres postes de dépenses.

Même les enveloppes dont les crédits, rapportés aux crédits ouverts en LFI 2023, semblent diminuer - notamment ceux du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » - connaissent une majoration par rapport à l'exécution attendue de ce programme en 2023 (+ 7,8 % en AE et + 11,1 % en CP par rapport au PLFG 2023, contre - 2,8 % et - 0,1 % en CP par rapport à la LFI 2023).

Évolution par programmes des crédits de la mission « Travail et emploi »
entre le PLFG pour 2023 et le PLF pour 2024

(en millions d'euros et en pourcentage)

N° et intitulé du programme

PLFG 2023

PLF 2024

Évolution
PLF 2024 / LFI 2023
(volume)

Évolution
PLF 2024 / PLFG 2023
(%)

102 - Accès et retour à l'emploi

AE

6 887,2

7 425,9

+ 538,7

+ 7,8 %

CP

6 687,4

7 432,2

+ 744,8

+ 11,1 %

103 - Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

AE

13 140,0

14 555,9

+ 1 415,9

+ 10,8 %

CP

12 524,6

14 319,7

+ 1 795,2

+ 14,3 %

111 - Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

AE

60,7

184,6

+ 123,9

+ 203,9 %

CP

96,0

110,0

+ 14,1

+ 14,7 %

155 - Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

AE

677,8

700,3

+ 22,5

+ 3,3 %

CP

671,6

699,0

+ 27,5

+ 4,1 %

TOTAL MISSION

AE

20 765,8

22 866,7

+ 2 100,9

+ 10,1 %

CP

19 979,5

22 561,0

+ 2 581,5

+ 12,9 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. LES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » SE MAINTIENDRAIENT À DES NIVEAUX ÉLEVÉS DANS LES PROCHAINES ANNÉES, SIGNE D'UN INVESTISSEMENT IMPORTANT EN FAVEUR DE CES POLITIQUES PUBLIQUES

A. L'INVESTISSEMENT DES POUVOIRS PUBLICS DANS LES POLITIQUES EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES ET DE L'ACCÈS À L'EMPLOI SE POURSUIT

1. La majorité des dispositifs financés par la mission bénéficie de moyens stables ou en augmentation pour 2024

La majorité des dispositifs du programme 102 « Accès et retour à l'emploi », hors indemnisation des demandeurs d'emploi, verrait ses moyens se stabiliser ou augmenter entre 2023 et 2024. C'est notamment le cas du financement des missions locales (- 0,2 %), des dispositifs d'insertion par l'activité économique (IAE, + 14 %), des entreprises adaptées (+ 0,6 %) et de l'expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée » (+ 53,3 %).

Évolution des crédits des principaux dispositifs en faveur de l'emploi et des compétences portés par la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros)

 

2023

2024

Évolution 2024/2023

Programme 102

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Indemnisation demandeurs d'emploi

1 847

1 847

1 725

1 725

- 6,6 %

- 6,6 %

Financement missions locales

633

633

635

632

+ 0,3 %

- 0,2 %

Contrats aidés

686

447

400

398

- 41,7 %

- 11,0 %

dont PEC (secteur non-marchand)

530

355

331

335

- 37,5 %

- 5,6 %

dont CIE (secteur marchand)

156

92

68

63

- 56,4 %

- 31,7 %

Insertion par l'activité économique (IAE)

1 316

1 316

1 500

1 500

+ 14,0 %

+ 14,0 %

dont ateliers et chantiers d'insertion (ACI)

891

891

1 053

1 053

+ 18,2 %

+ 18,2 %

dont entreprises d'insertion (EI)

222

222

277

277

+ 24,8 %

+ 24,8 %

Dispositifs en faveur des personnes handicapées

517

517

520

520

+ 0,6 %

+ 0,6 %

dont entreprises adaptées (EA)

462

462

465

465

+ 0,6 %

+ 0,6 %

Territoire zéro chômeur de longue durée

45

45

69

69

+ 53,3 %

+ 53,3 %

Dispositifs en faveur de l'emploi des jeunes

1 008

1 008

888

888

- 11,9 %

- 11,9 %

dont allocation "contrat d'engagement jeunes" (CEJ)

888

888

787

787

- 11,4 %

- 11,4 %

dont allocation "parcours contractualisé d'accompagnement dans l'emploi et l'autonomie" (PACEA)

120

120

101

101

- 15,8 %

- 15,8 %

Programme 103

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aides aux employeurs d'apprentis

2 336

3 533

3 906

3 530

+ 67,2 %

- 0,1 %

Exonérations contrats d'apprentissage

1 386

1 386

1 696

1 696

+ 22,4 %

+ 22,4 %

Activité partielle

400

400

225

225

- 43,8 %

- 43,8 %

FNE-Formation

300

305

273

245

- 9,0 %

- 19,7 %

Emplois francs

299

161

273

104

- 8,7 %

- 35,4 %

Exonérations diverses

3 038

3 038

3 293

3 293

+ 8,4 %

+ 8,4 %

dont déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (TEPA)

796

796

970

970

+ 21,9 %

+ 21,9 %

dont aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE)

472

472

453

453

- 4,0 %

- 4,0 %

dont exonération particulier-employeur

407

407

383

383

- 5,9 %

- 5,9 %

dont exonération particulier-employeur fragile (direct ou mandataire)

927

927

967

967

+ 4,3 %

+ 4,3 %

dont exonération particulier-employeur fragile (prestataire)

908

908

973

973

+ 7,2 %

+ 7,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Seuls les contrats aidés (- 11 % en CP) et les dispositifs en faveur des jeunes (- 11,9 %) verraient leurs moyens diminuer.

Concernant le programme 103 « Adaptation aux mutations économiques et développement de l'emploi », la baisse des crédits alloués à certains dispositifs est plus que compensée par la forte hausse des dépenses de l'apprentissage et de la compensation des exonérations ciblées.

2. Une augmentation des subventions et des plafonds d'emploi des opérateurs, concentrée sur Pôle emploi et France Compétences

Le financement des opérateurs rattachés à la mission « Travail et emploi » sera renforcé en 2024. Au total, la somme des subventions pour charges de service public et des transferts inscrits sur la mission passerait de 5 747,5 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2023, à 6 676,4 millions d'euros pour 2024, soit une augmentation de 22 %.

Évolution des subventions pour charges de service public
et des transferts versés aux opérateurs (CP)

(en milliers d'euros)

Opérateur
(Programme de rattachement)

2023

2024

Variation 2023-2024

Pôle emploi (P102)

1 250 447

1 250 447

0,0

Pôle emploi (transferts)

2 223 289

2 640 320

+ 18,8 %

Pôle emploi (total)

3 473 736

3 890 767

+ 12,0 %

EPIDE (P102)

77 841

68 987

- 11,4 %

GIP plateforme inclusion (P102)

8 780

8 780

0,0

Centre INFFO (P103)

3 826

3 826

0,0

AFPA (P103)

110 000

110 000

0,0

AFPA (transferts)

83 300

61 133

- 26,6 %

AFPA (total)

193 300

171 133

- 11,5 %

France compétences (P103)

1 680 000

2 500 000

+ 48,8 %

GIP Les entreprises s'engagent (P103)

2 500

2 500

0,0

ANACT (P111)

18 000

11 290

- 37,3 %

ANACT (transferts)

4 200

7 309

+ 74,0 %

ANACT (total)

22 200

18 599

- 16,2 %

INTEFP (P155)

12 270

11 762

- 4,1 %

TOTAL

5 474 453

6 676 354

+ 22,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'évolution du soutien de l'État aux opérateurs traduit surtout une participation accrue au financement de deux d'entre eux : France Compétences et Pôle emploi.

a) Face à « l'impasse financière » de la situation de France Compétences, une subvention pour charges de service public en forte hausse

Une subvention pour charges de service public renforcée en faveur de l'opérateur France Compétences (2,5 milliards d'euros). L'attribution de financements conséquents et pérennes à France Compétences répond à une recommandation de la Cour des comptes, qui avait qualifié la situation financière de France Compétences « d'impasse financière »1(*), mais aussi des commissions des finances et des affaires sociales du Sénat.2(*)

Cette dotation a vocation à combler un important besoin de financement de France Compétences, dû à un déséquilibre structurel des ressources et des charges de l'opérateur : en 2022, pour couvrir des charges de 16,2 milliards d'euros, les ressources de France Compétences ne représentaient que 10,3 milliards d'euros. Jusqu'ici, l'État a ouvert des dotations « exceptionnelles » en urgence pour combler ce déficit : 2,78 milliards d'euros en 2021, 4 milliards d'euros en 20223(*).

Face à ce déséquilibre structurel, la loi de finances initiale pour 2023 a instauré une dotation de l'État à France Compétence à hauteur de 1,68 milliard d'euros. En 2024, cette dotation augmenterait de 820 millions d'euros, pour atteindre 2,5 milliards d'euros.

b) Un soutien accru à Pôle emploi dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme « France Travail »

De même, le soutien reçu par l'opérateur Pôle emploi via la mission « Travail et emploi » augmente : si la subvention pour charges de service public reste stable (1,25 milliard d'euros), les transferts en provenance des programmes 102 et 103 ont augmenté, s'établissant à 2,64 milliards d'euros. Les crédits alloués par l'État à Pôle emploi connaitraient donc une hausse de 12 % entre la loi de finances initiale pour 2023 et le présent projet de loi. Ces transferts correspondent aux prestations réalisées par Pôle emploi pour l'État au titre du plan d'investissement dans les compétences (PIC).

De même, si les plafonds d'emploi des opérateurs rattachés à la mission « Travail et emploi » sont stabilisés par rapport à 2023, le plafond d'emploi de l'opérateur Pôle emploi se voit augmenté de 300 équivalents temps plein (ETP).

Cette augmentation des moyens humains alloués à Pôle emploi doit être comprise dans le cadre de la réforme dite « France Travail », portée par le projet de loi pour le plein emploi récemment adopté par le Parlement4(*). Le projet fixe notamment pour objectif l'accompagnement par Pôle emploi de tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) au 1er janvier 2025. Aujourd'hui, seuls 40 % d'entre eux sont accompagnés par Pôle emploi. Pour « plus accompagner et mieux accompagner », selon les termes utilisés par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), une augmentation des moyens humains de l'opérateur a été jugée nécessaire, à hauteur de 300 ETP. À terme, cette progression des effectifs doit permettre à chaque conseiller de l'opérateur d'accompagner un maximum de 30 personnes demandeuses d'emploi.

Évolution des plafonds d'emplois des opérateurs

(en ETPT)

Opérateur
(Programme de rattachement)

2023

2024

Variation 2023-2024

Pôle emploi (P102)

48 847

49 147

+ 300

EPIDE (P102)

1 142

1 142

0

GIP plateforme inclusion (P102)

35

35

0

Centre INFFO (P103)

72

72

0

AFPA (P103)

5 487

5 487

0

France compétences (P103)

91

91

0

GIP Les entreprises s'engagent (P103)

11

11

0

ANACT (P111)

265

265

0

INTEFP (P155)

91

91

0

TOTAL

56 041

56 341

+ 300

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UNE TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE DE DÉPENSES REVUE À LA HAUSSE DANS LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

La trajectoire triennale des dépenses de la mission « Travail et emploi » annexée au projet de loi de finances pour 2024 prévoit que les crédits de la mission, qui se sont établis à 20,7 milliards d'euros en 2023, atteignent 22,4 milliards d'euros en 2024 et en 2025, puis diminuent pour s'établir à 21,6 milliards d'euros en 2026.

En euros courants, le taux de croissance annuel moyen des dépenses de la mission serait donc fixé à + 1,3 % par an ; entre 2023 et 2026, les crédits devaient augmenter de 4 %. Toutefois, cette trajectoire ne prend pas en compte les effets de l'inflation : à euros constants, le taux de croissance annuel moyen serait de - 0,7 % par an, et les dépenses diminueraient de 2,2 % entre 2023 et 2026.

Comparaison des trajectoires pluriannuelles des crédits de la mission
« Travail et emploi » dans la LPFP 2023-2027 et le PLF 2024

(en milliards d'euros)

Note : les trajectoires prévisionnelles correspondent aux prévisions triennales inscrites dans le projet annuel de performances de la mission pour le PLF 2024.

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et les documents budgétaires

La trajectoire pluriannuelle fixée pour la mission « Travail et emploi » dans le projet de loi de finances pour 2024 est conforme à celle fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, désormais considérée comme adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Toutefois, cette trajectoire a été largement revue à la hausse depuis le dépôt du projet de loi de programmation à l'Assemblée nationale en septembre 2022. En effet, les moyens alors dévolus à la mission « Travail et emploi » étaient prévus pour être ramenés à 17 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en 2024, puis à 16,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 16,3 milliards d'euros en crédits de paiement en 2025. La mission « Travail et emploi » aurait donc été l'une des principales contributrices au freinage de l'évolution des dépenses de l'État.

Cet effort devait être supporté en particulier par le programme 103, dont les dépenses d'intervention, principalement dédiées au soutien à l'apprentissage, auraient sensiblement diminué. La subvention à France Compétences, en particulier, n'aurait pas pu être reconduite.

Comparaison des trajectoires des crédits de la mission « Travail et emploi »
dans le projet de LPFP 2023-2027 entre le début et le terme de son examen

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2023 à 2027

III. LES DÉPENSES DE LA MISSION, QUI CROÎSSENT AVEC LA RÉSORPTION DU CHÔMAGE À LAQUELLE ELLES CONTRIBUENT, SONT INDIRECTEMENT SOUTENUES PAR LES EXCÉDENTS DE L'UNÉDIC

A. UNE DIMINUTION DES INDEMNITÉS DE CHÔMAGE PRISES EN CHARGE PAR L'ÉTAT, PLUS QUE COMPENSÉE PAR UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE SOUTIEN À L'EMPLOI

Les crédits de la mission sont largement conditionnés par la situation de l'emploi et progresseront vraisemblablement en 2024 en raison de mouvements en sens contraire.

Les dépenses d'indemnisation du chômage dans le cadre du régime de solidarité diminuent d'environ 120 millions d'euros par rapport à la prévision initiale pour 2023, mais le coût des exonérations de cotisations sociales compensées par la mission aux organismes sociaux s'alourdit de 546 millions d'euros.

1. Les dépenses d'indemnisation de la perte d'activité reculent avec la résorption du chômage
a) Une diminution d'environ 120 millions d'euros des indemnités en faveur des demandeurs d'emploi prises en charge par l'État

L'amélioration de la situation de l'emploi a un effet direct sur les dépenses d'allocations chômage prises en charge par l'État. En effet, les crédits destinés à la prise en charge par l'État des dépenses du régime de solidarité s'élèvent pour 2024 à 1,725 milliard d'euros, en diminution de près de 120 millions d'euros (- 6,6 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

En LFI 2023, les crédits s'étaient établis à 1,846 milliard d'euros. Toutefois, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 propose d'annuler 753,2 millions d'euros en AE et 755,7 millions d'euros en CP sur l'ensemble du programme 102, au titre de « sous exécutions diverses », dont il est probable qu'une partie concerne les dépenses du régime de solidarité.

S'agissant de l'allocation de solidarité spécifique destinée aux chômeurs arrivés en fin de droits dans le régime d'assurance chômage, qui représente 1 652 millions d'euros, soit 95,7 % de la dépense, la dotation proposée anticipe pour 2024 une diminution de 12 % du nombre de bénéficiaires par rapport à l'estimation d'il y a un an, en raison de l'amélioration de la situation de l'emploi. Ce nombre passerait de 280 510 bénéficiaires envisagés lors de la construction de la loi de finances initiale pour 2023 à 245 985 en 2023.

La dotation demandée pour 2024 serait donc proche du niveau de consommation attendu en 2023.

b) Les dépenses liées à l'activité partielle poursuivraient leur diminution

Destinée à éviter le licenciement économique, l'activité partielle permet à l'entreprise rencontrant des difficultés ponctuelles de réduire l'horaire de travail ou de fermer temporairement l'établissement. L'employeur verse alors aux salariés une allocation pour les heures non travaillées et reçoit en contrepartie une aide financée par l'État et l'Unédic.

Ce dispositif a été fortement remanié en mars 2020, à l'occasion de la crise sanitaire, avec une prise en charge exceptionnelle supprimant le reste à charge des entreprises et un élargissement des catégories d'entreprises et de salariés concernés. Il a été resserré à partir du printemps 2021, en fonction de l'allègement des mesures de restriction d'activités. Ces mesures ont progressivement pris fin entre novembre 2021 et fin mars 2022.

En parallèle, a été mis en place un nouveau dispositif d'activité partielle de longue durée (APLD) pour les entreprises confrontées à une réduction d'activité durable5(*). Reposant sur la négociation collective, il leur permet de diminuer l'horaire de travail, dans la limite d'une réduction de 40 % de la durée du travail par salarié, en contrepartie d'engagements portant notamment sur le maintien de l'emploi et la formation. Dans ce dispositif, l'employeur bénéficie d'un reste à charge de 15 %.

Le recours à l'activité partielle de longue durée, dont la durée maximale a été fixée à 12 mois6(*), est lui aussi appelé à se réduire. En effet, il n'est plus possible pour une entreprise de mettre en place un dispositif d'APLD depuis le 1er janvier 2023, et les dispositifs mis en place avant cette date ne pourront continuer à s'appliquer que jusqu'au 31 décembre 2026.

Ainsi, en 2024, le montant prévu par le projet de loi de finances s'élève à 225,9 millions d'euros, en diminution de 43,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

2. Le coût des exonérations de cotisations sociales en faveur de l'emploi, directement conditionné par le nombre de salariés concernés, s'alourdirait encore en 2024

La mission « Travail et emploi » finance, sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », l'essentiel de la compensation aux administrations sociales des exonérations « ciblées » de cotisations sociales, les missions « Outre-mer » et « Agriculture » assurant celles concernant certains dispositifs spécifiques.

Inversement, la compensation aux organismes sociaux des exonérations de cotisations sociales, directement conditionnée par le nombre de salariés concernés, s'alourdit considérablement. Ainsi, le poids financier des exonérations de cotisations sur les contrats d'apprentissage serait majoré de 310 millions d'euros, soit une augmentation de 22,4 %.

S'agissant des exonérations « ciblées », les principaux dispositifs compensés par la mission concernent :

- la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (970 millions d'euros) ;

- l'aide aux créateurs ou repreneurs d'entreprise - ACRE (453 millions d'euros) ;

- la déduction forfaitaire pour les particuliers employeurs (383 millions d'euros en 2024) ;

- l'aide à domicile employée par un particulier fragile ou une association ou une entreprise, auprès d'une personne fragile (1 940 millions d'euros en 2024) ;

Le coût des diverses exonérations mentionnées supra augmenterait de 236 millions d'euros en 2024, soit une hausse de 6,7 %. Elles représentent, avec les exonérations en faveur de l'apprentissage, 4 989 millions d'euros.

L'amélioration de la situation de l'emploi a donc un double effet sur les crédits de la mission : d'une part elle permet la diminution des dépenses liées à l'indemnisation des demandeurs d'emploi ; d'autre part elle est corrélée à une augmentation des dépenses en faveur de l'emploi. Le deuxième effet compense toutefois largement le premier, de telle sorte que les crédits de la mission « Travail et emploi » augmentent à mesure que se réduit le chômage.

B. UNE SITUATION DE L'EMPLOI QUI S'EST REDRESSÉE, MAIS DONT L'ÉVOLUTION À VENIR RESTE INCERTAINE

1. Le chômage a atteint en 2023 son niveau le plus bas depuis 2008

Selon l'Office français des conjonctures économiques (OFCE), « en 2022, la dynamique de rebond de l'emploi entamée en 2021 s'est poursuivie, avec 509 000 créations nettes en glissement annuel. Au cours du premier semestre de l'année 2023, les créations d'emplois sont restées dynamiques (+ 172 000 emplois créés). »7(*) La politique de l'État en faveur de l'emploi et des compétences n'est pas étrangère à cette embellie, et l'amélioration de la situation de l'emploi tient pour partie à l'effort budgétaire supporté par la mission.

L'OFCE considère ainsi que la création d'environ 250 000 emplois depuis fin 2019 résulte de la dynamique des contrats en alternance, notamment en apprentissage8(*). Il est également probable que d'autres types d'action financées par la mission, qu'il s'agisse de l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi ou du soutien à la formation, influent également sur l'emploi et le chômage, même si leur effet n'est pas aussi précisément quantifié.

Ainsi, le taux de chômage, qui avait atteint 7,4 % à la fin du 2e trimestre 2022 (contre environ 9 % en 2019), s'établirait à 7,1 % à la mi-2023, son niveau le plus bas depuis 2008, plus bas encore qu'au début des années 1990.

Taux de chômage et part des emplois aidés dans le total
(1990-2022)

Source : Insee (enquête emploi) - calculs OFCE

2. Une conjoncture économique incertaine : la France « sous la menace du chômage » ?

Toutefois, il semble que l'embellie constatée depuis 2019 ne soit en voie d'être troublée. L'Insee prévoit en effet, depuis le début du second semestre 2023, que la fin de l'année connaîtrait un tassement de la dynamique de l'emploi : l'institut relevait ainsi : « après avoir ralenti au deuxième trimestre, l'emploi serait globalement stable entre fin juin et fin décembre [2023] »9(*). Depuis, les conjoncturistes de l'OFCE prévoient également un ralentissement de la dynamique de l'emploi, voire un véritable « retournement de la courbe du chômage ». Un Policy Brief de l'Office, en date du 17 octobre, a ainsi été intitulé « Sous la menace du chômage »10(*).

Le Gouvernement a quant à lui présenté des prévisions plus optimistes dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques, avec une stabilisation du chômage en 2023 et une décrue jusqu'au taux de 5 % jusqu'en 2027. Elles s'appuient sur l'effet attendu sur l'emploi de réformes structurelles à venir, notamment en matière « d'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi » ou encore concernant « l'élargissement au lycée professionnel des succès de l'apprentissage »11(*).

L'OFCE considère que, dans un « scénario favorable (stabilité de la durée du travail et des faillites), le taux de chômage s'établirait à 7,2 % fin 2024 ». En revanche, l'Office envisage également un « scénario plus sombre (hausse importante des faillites et effet plus négatif de la réforme des retraites sur l'emploi) », dans lequel le chômage « pourrait atteindre 8,5 % » fin 2024.

C. L'AUGMENTATION DES MOYENS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » EST PERMISE PAR LA PARTICIPATION CROISSANTE DE L'ASSURANCE CHÔMAGE

1. De 2023 à 2026, une contribution accrue de l'assurance chômage aux dépenses de la mission « Travail et emploi »

Les réformes de l'assurance chômage entre 2019 et 2021, combinées à une orientation très favorable du marché de l'emploi en 2022, ont permis à l'Unédic de renouer avec les excédents. Son solde de 2022 s'est établi à + 4,3 milliards d'euros, sa dette diminuant légèrement jusqu'à 60,7 milliards d'euros. Après un déficit cumulé de 58,8 milliards d'euros sur les treize années 2009-2021, l'Unédic, revenue à une situation excédentaire en 2022, prévoit une consolidation de ses excédents : toutes choses égales par ailleurs, ils s'établiraient à 5,4 milliards d'euros en 2024 et 8,7 milliards d'euros en 202512(*).

Du fait de cette amélioration de la situation financière du régime d'assurance chômage, le Gouvernement a décidé de procéder, chaque année entre 2023 et 2026, à une reprise d'excédents de l'Unédic sur la fraction de TVA qui lui est affectée. En 2024, le montant de cette reprise serait de 2,5 milliards d'euros, après 2 milliards d'euros en 202313(*). Ces reprises ont vocation à faire contribuer le régime d'assurance chômage « au financement des politiques de l'emploi tout en poursuivant son désendettement14(*) ».

Reprise d'excédents de l'Unédic prévue entre 2023 et 2026

(en millions d'euros)

2023

2024

2025

2026

2 000

2 500

3 000 < x < 3 200

3 500 < x < 4 000

Source : document de cadrage relatif à la négociation de la convention de l'assurance chômage

2. Une logique pro-cyclique de transfert entre les budgets de l'Unédic et de l'État

La logique du transfert entre le budget de l'Unédic et celui de l'État repose sur le constat que l'assurance chômage enregistre à la fois l'effet sur ses recettes de la progression de l'emploi salarié et celui sur ses dépenses du recul du chômage.

Contributions d'assurance chômage (gauche)
Dépenses d'allocation chômage (droite)

(en milliards d'euros)

Source : Unédic (trajectoire financière de l'Unédic - septembre 2023)

Avec le reflux du chômage, les ressources de l'assurance chômage, principalement constituées de contributions assises sur la masse salariale du secteur privé, augmenteraient. Selon les prévisions de l'Unédic, elles représenteraient 50,3 milliards d'euros en 2026, contre 45,9 milliards d'euros en 2023, soit une augmentation de près de 10 % en trois ans.

À l'inverse, les dépenses d'allocation chômages connaitraient une décrue sur la même période : alors qu'elles représentent 34,7 milliards d'euros en 2023, elles s'établiraient à 32,3 milliards d'euros en 2026, soit une diminution de près de 7 % en trois ans.

Ainsi, comme le montre le graphique infra, le solde de l'Unédic resterait positif durant les prochaines années, lui permettant de poursuivre l'apurement de sa dette.

Endettement de l'assurance chômage

(en milliards d'euros)

Source : Unédic (trajectoire financière de l'Unédic - septembre 2023)

La position d'Emmanuel Capus, rapporteur spécial

Le rapporteur spécial constate qu'il n'est pas illogique que l'Unédic contribue au financement de la politique du développement de l'emploi et des compétences. En effet, si l'apprentissage est, comme l'estiment l'Insee et l'OFCE, responsable de la création de 250 000 emplois depuis 2019, alors il est compréhensible que l'assurance chômage participe au financement de politiques dont elle profite. A contrario, si la dynamique des entrées en apprentissage devait être ralentie, et s'il en résulte une recrudescence du chômage, l'Unédic sera la première à en pâtir.

Enfin, l'Unédic apparaît capable de poursuivre sa trajectoire de désendettement malgré la diminution de ces recettes de TVA affectée. Selon ses propres prévisions, son niveau d'endettement, établi à 60,7 milliards d'euros en 2022, atteindrait 32,4 milliards d'euros en 2026.

La position de Ghislaine Senée, rapporteure spéciale

La rapporteure spéciale considère que la reprise des excédents de l'Unédic ne se justifie pas, compte tenu du niveau d'endettement important de l'assurance chômage. Elle relève qu'une partie de cette dette - environ un tiers - résulte des mesures décidées par l'État durant la crise sanitaire, et que si l'État procède à une ponction de recettes lorsque la situation s'améliore, il n'a pas procédé à une reprise de cette dette lorsque la situation était critique.

Enfin, la rapporteure spéciale rappelle que l'Unédic sera appelée à doublement contribuer au financement des politiques de l'État car, outre une reprise de TVA, elle doit également contribuer à hauteur de 11 % de ses recettes au financement de « France Travail ». Enfin, la rapporteure constate que la hausse prévue des ponctions - jusqu'à 4 milliards d'euros en 2026 - fait peser une charge trop importante sur les partenaires sociaux.

DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET LES POINTS
DE VIGILANCE DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. LES « TERRITOIRES ZÉRO CHÔMEUR DE LONGUE DURÉE » : UNE EXPÉRIMENTATION DONT L'EXTENSION DOIT ÊTRE ACCOMPAGNÉE D'UNE MONTÉE EN CHARGE ÉQUIVALENTE DES MOYENS FINANCIERS

A. UNE EXPÉRIMENTATION VISANT À ÉRADIQUER LE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE

L'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD) a été créée par la loi du 29 février 201615(*), avec comme objectif de recruter les « personnes privées durablement d'emploi » (PPDE) qui le souhaitent, pour mobiliser leurs compétences dans le cadre d'activités socialement utiles dans lesquelles ces personnes souhaitent s'engager.

L'expérimentation ETCLD repose sur trois hypothèses complémentaires :

1. « Personne n'est inemployable » : les personnes durablement privées d'emploi ont des savoir-faire et des compétences potentiellement mobilisables dans tout un ensemble d'activités ;

2. « Ce n'est pas le travail qui manque » : si un pays comme la France se caractérise par un niveau important de chômage, y compris de longue durée, il s'avère dans le même temps que de nombreux besoins de la société ne sont pas couverts ;

3. « Ce n'est pas l'argent qui manque » : la collectivité consacre de nombreuses dépenses au traitement du chômage de longue durée, elle pâtit également d'un manque à gagner (impôts et cotisations sociales) et doit supporter des coûts induits (en lien avec les conséquences sociales du chômage).

Source : Associations « Expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée » (ETCLD) et « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD)

L'expérimentation repose donc sur deux hypothèses fortes :

D'une part, la sélection d'activités non-concurrentes avec le tissu économique local des territoires d'expérimentation est censée « garantir le fait que les emplois ainsi créés n'auraient pu l'être sur le marché du travail classique. »

D'autre part, l'activation des dépenses passives - i.e. la conversion des différentes prestations sociales soutenant les personnes en situation de chômage, de pauvreté ou d'exclusion sociale - en un revenu d'activité, et la génération d'un chiffre d'affaires suffisant par les entreprises à but d'emploi (EBE) doivent, selon les promoteurs de l'expérimentation, permettre de financer ces emplois sans coût supplémentaire pour la collectivité.

L'expérimentation s'appuie sur des entreprises à but d'emploi (EBE) qui reçoivent des financements des collectivités territoriales concernées et du mécénat, ainsi que de leurs clients via leur chiffre d'affaires. Des financements proviennent également de l'Association ETCLD, présidée par M. Louis Gallois, qui elle-même est financée par les départements concernés et l'État, via la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

Principales instances de gouvernance et de financement de l'expérimentation

Source : IGF et Igas, « L'évaluation économique de l'expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD) » - octobre 2019

B. UNE MONTÉE EN CHARGE DES MOYENS FINANCIERS POUR ACCOMPAGNER L'EXTENSION À DE NOUVEAUX TERRITOIRES

1. Avec l'extension du dispositif, l'ouverture de crédits supplémentaires sur la mission « Travail et emploi »

La dotation prévue par le PLF pour 2024 déposé à l'Assemblée nationale, d'un montant de 68,6 millions d'euros, est en progression de 53,3 % par rapport à celle prévue en loi de finances initiale pour 2023 (44,9 millions d'euros), voire en loi de finances initiale pour 2022 (32,8 millions d'euros).

Cette progression a vocation à suivre la montée en charge dans les territoires participant à l'expérimentation. En effet, avec la loi de 2016, dix territoires avaient été sélectionnés pour participer à l'expérimentation.

Territoires sélectionnés pour participer à l'ETCLD
entre 2016 et 2021

Source : ETCLD

Toutefois, avec la loi du 14 décembre 202016(*), l'expérimentation a été étendue : elle peut concerner jusqu'à 60 territoires volontaires, y compris les dix territoires initiaux. Des territoires supplémentaires peuvent également être admis à participer à l'expérimentation, à titre dérogatoire, par décret pris après avis du Conseil d'État.

Cette extension a pour but de permettre, à la fin de l'expérimentation en 2026, d'atteindre « l'exhaustivité », selon l'expression des représentants de l'association promouvant l'expérimentation, c'est-à-dire l'atteinte de l'ensemble du public visé et la généralisation de la démarche sur l'ensemble du territoire.

Aujourd'hui, selon les données fournies par l'association « TZCLD », qui promeut l'extension de l'expérimentation, 58 territoires ont été habilités à participer à l'expérimentation - dont 2 ultra-marins - dans 38 départements et 14 régions, soit un nombre très proche de la limite de 60 territoires au-delà desquels un décret en Conseil d'État pourra seul retenir de nouvelles candidatures.

L'expérimentation compte 67 entreprises à but d'emploi (EBE), qui emploient de 2 053 salariés, principalement dans les domaines de la transition écologique (37,4 % des ETP financés) et la cohésion sociale (25,5 % des ETP financés).

L'extension du dispositif explique la montée en charge des crédits alloués à l'expérimentation dans le cadre du PLF pour 2024.

Évolution des crédits destinés au financement de l'ETCLD

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

2023

2024

Évolution 2024/2023
(volume)

Évolution 2024/2023
(%)

Contribution au développement de l'emploi (CDE)

39,8

58,8

+ 19,0

+ 47,8 %

Dotation d'amorçage

3,0

7,0

+ 4,1

+ 137,7 %

Complément temporaire d'équilibre (CTE)

0,0

0,6

+ 0,6

-

Subvention de fonctionnement

2,2

2,2

0,0

0,0

TOTAL

44,94

68,63

+ 23,7

+ 52,7 %

Note : montants en AE et CP dans le projet de loi de finances pour 2024 tel que déposé à l'Assemblée nationale.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En effet, exception faite de la dotation de fonctionnement à l'association ETCLD, qui gère le fonds national d'expérimentation territoriale récipiendaire des financements de l'État, l'ensemble des postes de dépenses de l'expérimentation augmenteraient en 2024 :

la contribution au développement de l'emploi (CDE) est la contribution financière de l'État à la production supplémentaire d'emplois par les EBE. Elle connaitrait en 2024 une hausse de 19 millions d'euros, soit + 47,8 % par rapport à 2023, du fait de la montée en charge de l'expérimentation ;

la dotation d'amorçage, qui représente un financement supplémentaire pour chaque nouvel ETP l'année de sa création, serait également en hausse de 4,1 millions d'euros, soit une augmentation de 137,7 %. Étant fixée à 30 % du Smic, elle permettrait la création de 1 091 nouveaux ETP en 2024, pour un total de 2 889 ETP ;

le complément temporaire d'équilibre (CTE), destiné à compenser en tout ou partie le déficit d'exploitation courant de l'EBE au cours d'une année déterminée, augmenterait légèrement, de 600 000 euros.

2. Les seuls crédits budgétés dans le PLF initial pourraient s'avérer insuffisants

Le montant des crédits budgétés dans le projet de loi de finances pour 2024 tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale a été jugé légèrement insuffisant par l'association TZCLD.

Selon ses représentants, le besoin pour assurer une montée en charge optimale de l'expérimentation serait de 89 millions d'euros ; or le projet de loi initiale ne prévoyait que 69 millions d'euros initialement. Plusieurs amendements portés par de nombreux députés de bords politiques divergents ont été déposés à l'Assemblée nationale pour compléter l'enveloppe proposée. Quatre d'entre eux ont été retenus par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, portant ainsi les crédits proposés en faveur de l'expérimentation à 80 millions d'euros.

Entendus par les rapporteurs spéciaux, les représentants de l'association TZCLD ont mis en avant une proposition de compromis, consistant à ne majorer l'enveloppe issue de l'Assemblée nationale que de 9 millions d'euros en autorisations d'engagement, afin d'éviter tout phénomène d'autocensure de la part des territoires qui souhaiteraient se porter candidat d'ici la mi-2024 et d'assurer ainsi un budget suffisant.

3. Des perspectives de généralisation qui dépendront de l'évaluation devant être réalisée à l'issue de la période d'expérimentation

Une éventuelle généralisation du dispositif dépendra en pratique de l'évaluation qui en sera réalisée à l'issue de la période l'expérimentation17(*). En tout état de cause, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il convient de laisser à la démarche toutes les chances de prouver, le cas échéant, sa pertinence.

II. LE SOUTIEN À L'ALTERNANCE : DES PISTES POUR AMÉLIORER LE CIBLAGE ET L'EFFICIENCE DE LA DÉPENSE POURRAIENT ÊTRE ENVISAGÉES

Depuis 2019, mû par une dynamique exceptionnelle, les entrées en apprentissage n'ont cessé d'augmenter, passant de 360 000 entrées en 2019 à 830 000 entrées en 2022, dont 810 000 dans le secteur privé, soit + 130 % tous secteurs confondus. Plus d'un tiers des emplois salariés créés sur cette période sont des contrats d'apprentissage.

Ce succès s'appuie sur deux principaux dispositifs : d'une part, la réforme structurelle portée dans la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a notamment créé « l'aide unique » aux employeurs d'apprentis ; d'autre part, l'aide exceptionnelle très généreuse et non-ciblée créée mi-2020 dans le cadre du Plan de relance, reconduite à plusieurs reprises depuis. La politique en faveur de l'apprentissage fait donc l'objet d'un soutien important de l'État, pour un coût en 2024 évalué entre 8 et 9 milliards d'euros.

A. UNE « FUSION » ENTRE L'AIDE UNIQUE ET L'AIDE EXCEPTIONNELLE POUR LES EMPLOYEURS D'APPRENTIS DEPUIS LE 1ER JANVIER 2023

Jusqu'en 2019, les aides aux employeurs d'apprentis prenaient des formes diverses : prime à l'apprentissage, aide spécifique aux très petites entreprises, crédit d'impôt, exonération de cotisations sociales. En 2019, ce régime d'aide a été simplifié et la plupart d'entre elles ont été remplacées par une aide unique ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et les diplômes de niveau inférieur ou égal au baccalauréat.

Dans le contexte de la crise sanitaire, en juillet 2020, une aide exceptionnelle beaucoup plus large et plus avantageuse que l'aide unique a été mise en place. Elle concerne toutes les entreprises, y compris, sous certaines conditions, celles de plus de 250 salariés, et les formations allant jusqu'au niveau bac + 5.

Le décret du 29 décembre 202218(*) a procédé à une réforme du régime des aides à l'embauche des alternants, par une « fusion » de l'aide unique avec l'aide exceptionnelle, dont les montants sont désormais identiques.

Régime des aides à l'embauche des alternants

Avant 2023 - Juxtaposition de l'aide unique et de l'aide exceptionnelle

Aide unique

Aide exceptionnelle

Contrats conclus à compter du 1er janvier 2019

Contrats conclus entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2022

Entreprises du secteur privé de moins de 250 salariés

Entreprises du secteur privé :

- de moins de 250 salariés ;

- de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle* ou de 3 % d'alternants** avec une progression de 10 % sur un an

Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au bac

Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle jusqu'au niveau bac + 5

4 125 euros la 1ère année

2 000 euros la 2ème année

1 200 euros la 3ème année

Uniquement la 1ère année du contrat

5 000 euros pour un mineur

8 000 euros pour un majeur

À compter de la 2e année, seules perçoivent une aide les entreprises éligibles à l'aide unique

À compter de 2023 - « Fusion » de l'aide unique et de l'aide universelle

Contrats conclus après le 1er janvier 2023

Entreprises du secteur privé de moins de 250 salariés

Entreprises du secteur privé :

- de moins de 250 salariés : entre le niveau bac + 2 et le niveau bac + 5 ;

- de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle* ou de 3 % d'alternants** avec une progression de 10 % sur un an :

jusqu'au niveau bac + 5

Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au bac

Uniquement la 1ère année du contrat

6 000 euros

* Salariés en contrats d'apprentissage et de professionnalisation, volontariat international en entreprise (VIE), convention industrielle de formation par la recherche (Cifre).

** Salariés en contrats d'apprentissage et de professionnalisation.

Concrètement, la « fusion » de l'aide unique et de l'aide exceptionnelle consiste en la fixation d'un montant identique pour les deux dispositifs. En effet, le montant de l'aide unique était jusqu'alors inférieur au montant de l'aide exceptionnelle :

- le montant de la première, dégressif avec la durée du contrat, avait jusqu'en 2023 été fixé à 4 125 euros la première année du contrat, 2 000 euros la deuxième année et 1 200 euros pour la troisième ;

- le montant de la seconde, versée uniquement la première année du contrat, s'élevait à 5 000 euros pour un mineur et 8 000 euros pour un majeur.

Dans le nouveau régime, les deux dispositifs restent formellement distincts, d'autant plus qu'ils ne s'adressent pas tout à fait aux mêmes bénéficiaires :

- comme depuis 2019, l'aide unique est réservée aux entreprises de moins de 250 salariés, uniquement pour l'embauche en contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au baccalauréat ;

- l'aide exceptionnelle, qui concerne uniquement les employeurs de moins de 250 salariés et les employeurs de plus de 250 salariés employant un certain nombre d'alternants, était auparavant versée pour la signature d'un contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle jusqu'au niveau bac + 5 ; elle est désormais versée aux entreprises de moins de 250 salariés pour la signature d'un contrat d'apprentissage entre les niveaux bac + 2 et bac + 5, et aux entreprises de plus de 250 salariés19(*) jusqu'au niveau bac + 5.

B. LE SOUTIEN À L'ALTERNANCE REPRÉSENTE DES MONTANTS CROISSANTS POUR LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI »

Les dépenses de soutien à l'apprentissage et, plus largement, à l'alternance, qui s'établissent pour 2024 à 8 779 millions d'euros en AE et 8 373 millions d'euros en CP, représentent 38,4 % des dépenses de la mission « Travail et emploi », soit plus d'un tiers.

Coût de l'alternance pour la mission « Travail et emploi » en 2024

(en millions d'euros)

 

AE

CP

Aide exceptionnelle aux contrats d'apprentissage

3 906

3 394

Aide unique apprentis

0

136

Aide aux contrats de professionnalisation

303

273

France compétences

2 500

2 500

Exonération de cotisations sociales des contrats d'apprentissage

1 697

1 697

Exonération IR du salaire des apprentis
(perte de recette estimée)

373

TOTAL

8 779

8 373

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses d'aide financière aux employeurs d'apprentis sont particulièrement élevées et dynamiques : elles représentent 3 906 millions d'euros en AE et 3 394 millions d'euros en CP pour 2024, soit une augmentation de plus de 67 % par rapport à la LFI pour 2023. Cette augmentation est exclusivement due à l'aide exceptionnelle - du fait de la « fusion », l'aide unique ne se voyant allouer que 136 millions d'euros en CP au titre des contrats signés lors des exercices précédents.

De même, les exonérations de cotisations sociales, qui ont été maintenues pour les cotisations salariales des apprentis et pour les cotisations patronales des employeurs publics20(*) font l'objet d'une compensation aux organismes sociaux à la charge de la mission « Travail et emploi ». Cette compensation, qui évolue avec les effectifs des bénéficiaires, progresseraient également : elle s'établirait à 1 696 millions d'euros en AE et en CP en 2024, contre 1 386 millions d'euros en 2023, soit une augmentation de 22,4 %.

C. UN MEILLEUR CIBLAGE DES AIDES À L'APPRENTISSAGE, SOURCE D'EFFICIENCE ET D'ÉCONOMIES, POURRAIT ÊTRE ENVISAGÉ

1. Une politique dont le succès depuis 2020 résulte d'un ciblage volontairement large

Les aides à l'embauche sont usuellement ciblées dans le but d'ajouter une incitation au recrutement d'un profil particulier de salarié. Les jeunes sortant prématurément du système scolaire sont classiquement l'objectif prioritaire de cette politique, car c'est pour insérer ce public dans l'emploi que l'apprentissage est le plus efficace.

L'aide exceptionnelle instaurée dans le cadre de la crise sanitaire et depuis reconduite a cependant été conçue selon une autre logique : elle est accessible à la quasi-totalité des apprentis, et seuls les étudiants préparant un diplôme d'un niveau supérieur à bac + 5 (Master) et les entreprises de plus de 250 salariés dont les effectifs n'incluent pas assez d'alternants sont exclus. Un tel niveau de subvention est inédit. C'est d'ailleurs l'une des raisons du succès du dispositif.

Toutefois, un ciblage aussi large présente également des risques : en effet, une part significative du coût du travail doit en principe rester à la charge de l'employeur, afin d'éviter les effets d'aubaine et de substitution, que l'on peut par exemple observer concernant d'autres dispositifs d'emploi aidés comme les contrats aidés21(*) ou les emplois francs22(*).

Les caractéristiques de l'aide exceptionnelle ont induit une rupture dans la structure des entrées par âge et par niveau de diplôme préparé : des étudiants auparavant inéligibles à l'aide unique ont été embauchés à un rythme bien plus rapide que les élèves du secondaire - traditionnellement ciblés par les dispositifs d'emploi aidé.

Évolution des effectifs d'apprentis selon le niveau de formation
entre 2000 et 2022

Source : DEPP, Note d'Information, n° 23.35, juillet 2023

Ainsi, une note de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Éducation nationale (DEPP)23(*) indique qu'à fin 2022 « la hausse des effectifs d'apprentis est toujours tirée par les effectifs des jeunes préparant un diplôme du supérieur (+ 20,1 % en 2022). Les effectifs de jeunes préparant un diplôme du second degré progressent également mais à un rythme moindre que ceux du supérieur : la hausse se poursuit depuis 2016 (+ 6,5 % en 2022, soit 22 900 jeunes de plus par rapport à 2021). »

2. Les aides à l'embauche des apprentis pourraient judicieusement être mieux ciblées en faveur des petites entreprises et des jeunes dont les qualifications sont moins élevées

Ce large ciblage de l'apprentissage ces dernières années a présenté, selon les rapporteurs spéciaux, d'importants avantages, notamment en termes d'image, l'alternance étant désormais associée avec les études supérieures et généralement mieux perçue par ses potentiels bénéficiaires.

Toutefois, il pourrait être judicieux de revenir à un ciblage plus fin, afin de concentrer les aides vers les apprentis et les entreprises qui en ont le plus besoin - c'est-à-dire les apprentis jeunes, fragiles et peu qualifiés et les plus petites entreprises. La littérature économique et administrative met ainsi bien en évidence la meilleure intégration des apprentis de CAP et de BTS par rapport aux simples bacheliers dans l'emploi salarié24(*).

Cet effet est d'autant plus important que les qualifications concernées sont faibles : le taux de chômage est en effet plus élevé pour les moins diplômés. En 2022 selon l'Insee, il atteint 13,2 % pour les actifs ayant au plus le brevet des collèges, contre 4,7 % pour ceux diplômés du supérieur. Il se situe à un niveau intermédiaire pour les titulaires d'un BEP ou CAP (7,7 %) ou du baccalauréat (8,7 %).

Dans un précédent rapport25(*), les rapporteurs spéciaux d'alors avaient relevé avec satisfaction que les montants de l'aide exceptionnelle à l'apprentissage avait été harmonisés à la fin de l'année 2022 à 6 000 euros quel que soit l'âge de l'alternant. Ils avaient conclu que « les alternants les moins qualifiés étant souvent les plus jeunes, cette harmonisation apparaît de nature à atténuer les potentiels effets d'aubaine liés aux aides à l'embauche des apprentis et à redéployer davantage de moyens vers l'apprentissage des travailleurs peu qualifiés, là où cette aide est la plus déterminante. »

Cet effet vertueux d'harmonisation est toutefois tempéré par le fait que l'aide unique pouvait auparavant être versée pendant trois ans (atteignant ainsi 7 325 euros sur les trois années), ce qui est désormais exclu : l'employeur est désormais dissuadé de réaliser son calcul économique sur plus d'un an26(*).

3. Envisager un dispositif recentré afin de garantir l'efficience de la dépense publique consacrée à l'apprentissage

Les rapporteur spéciaux estiment que, si l'objectif d'atteinte d'un million d'entrées en apprentissage d'ici 2027 est pertinent, il ne doit pas se faire au détriment d'une politique minimale de ciblage des aides aux employeurs d'apprentis.

Ils rejoignent en cela l'analyse de leur collègue député M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi », qui a déposé un amendement27(*) prévoyant un meilleur ciblage des aides à l'embauche d'apprentis.

Cet amendement, adopté par la commission des finances durant l'examen du présent projet de loi de finances, prévoyait que l'aide aux employeurs d'apprentis ne pourrait plus être versée pour les contrats signés entre un jeune préparant un diplôme de niveau supérieur à bac + 2 et une entreprise de plus de 250 salariés. Cet amendement est sans effet sur les entreprises de moins de 250 salariés, et sans effet pour les entreprises de plus de 250 salariés qui signent des contrats avec des jeunes dont le niveau de diplôme est inférieur à bac + 3.

Entendu par les rapporteurs spéciaux, l'opérateur France Compétences a indiqué qu'une telle mesure ne semblait pas déraisonnable, dans la mesure où elle laissait le droit inchangé pour les certifications de niveau 5 (jusqu'au bac + 2), qui sont « généralement reconnues comme prioritaires par les branches professionnelles, en particulier les BTS ». Il est regrettable pour le débat parlementaire que cet amendement, qui n'a pas été retenu lors de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement par la Première ministre, n'ait pas été discuté.

III. UNE SUBVENTION RENFORCÉE POUR FRANCE COMPÉTENCES, QUI NE PEUT, À ELLE SEULE, PERMETTRE LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE L'OPÉRATEUR

A. UN DÉSÉQUILIBRE FINANCIER PERSISTANT

Établissement public à caractère administratif, France compétences a été créé en 2019, en application de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, par fusion de quatre organismes préexistants28(*).

Les missions de France Compétences

France compétences est chargée de répartir le versement des contributions à la formation professionnelle et à l'apprentissage aux différents acteurs concernés, principalement les opérateurs de compétences (Opco), la Caisse des dépôts et consignations, pour le financement du compte personnel de formation (CPF), les régions, pour le financement des centres de formation d'apprentis (CFA), mais aussi l'État, au titre de la formation des demandeurs d'emploi.

France compétences assure également une fonction de régulation et de contrôle. Elle établit notamment le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique, habilite les instances de labellisation pouvant délivrer aux formations la certification Qualiopi et émet des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l'alternance.

Source : commission des finances du Sénat, d'après la Cour des comptes (juin 2023)

France compétences bénéficie de ressources affectées, principalement la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance (Cufpa), ainsi que d'autres contributions ou participations des employeurs (contribution au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d'un contrat à durée déterminée, contribution supplémentaire à l'apprentissage, participation au financement de la formation des professions non salariées...).

Elle redirige ces ressources aux deux tiers vers le financement de l'alternance et pour un tiers à celui de la formation professionnelle. Plus de la moitié des fonds de formation professionnelle alimentent le compte personnel de formation (CPF). Le produit de ces ressources est de l'ordre de 10 milliards d'euros.

France compétences s'est immédiatement trouvée dans une situation financière très déséquilibrée, avec un déficit de 4,6 milliards d'euros en 2020. La baisse d'activité liée à la crise sanitaire a notamment entraîné une baisse des ressources de plus de 800 millions d'euros par rapport aux prévisions budgétaires.

Toutefois, les facteurs structurels du déséquilibre financier de France compétences sont également apparus dès 2020. En effet, comme l'a souligné la Cour des comptes29(*), les implications financières de la réforme de 2018 n'ont fait l'objet que d'évaluations sommaires et insuffisamment étayées.

La divergence entre ressources et dépenses s'est ainsi avérée beaucoup plus importante que dans les prévisions : en 2022, le déficit de France Compétences a été ramené de 7,4 milliards d'euros à 3,4 milliards d'euros grâce à deux « subventions exceptionnelles », pour un montant total de 4 milliards d'euros, versées par l'État en cours d'exercice, malgré l'absence d'une telle subvention dans la programmation initiale pour 2022.

Encore en 2023, et malgré l'importance grandissante du soutien de l'État, l'opérateur connait un déficit important. En outre, France compétences assure ses besoins de trésorerie par recours à des emprunts bancaires sur une durée de douze mois. Le montant des emprunts souscrits auprès des banques a progressivement augmenté, de même que la charge d'intérêt pour l'opérateur, estimée à 56 millions d'euros pour 2023.

Budget initial de France Compétences pour 2023

(en millions d'euros)

RESSOURCES

12 828

Contributions

10 952

dont recouvrées Urssaf, MSA, CPS, SPM

10 487

dont autres contributions

465

Excédent de trésorerie

50

Dotation de l'État

1 596

Report de crédits du PIC

230

EMPLOIS

14 959

Formation des demandeurs d'emploi

800

Transitions Pro

500

Conseil en évolution professionnelle

100

Alternance

10 147

dont péréquation inter-branches

6 174

dont actions de l'alternance

3 600

dont aide au permis de conduire

40

dont autres

333

Compte personnel de formation

2 375

Fonds divers

958

Dépenses de fonctionnement

20

Dépenses d'investissement

3

Intérêt sur concours bancaires

56

SOLDE PRÉVISIONNEL

- 2 131

Source : commission des finances du Sénat, d'après France Compétences

B. UNE SUBVENTION DE L'ÉTAT PORTÉE À 2,5 MILLIARDS D'EUROS POUR 2024

Pour 2024, une subvention de l'État à France compétences de 2,5 milliards d'euros est inscrite dans le projet de loi de finances au programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». C'est un progrès, tant par rapport à l'an passé, où cette dotation s'établissait à 1,68 milliard d'euros, qu'en réponse à la situation de trésorerie toujours déficitaire de l'opérateur.

Cette subvention, qui répond notamment à une recommandation de la Cour des comptes30(*) et de la commission des affaires sociales du Sénat31(*), est favorablement accueillie par les rapporteurs spéciaux.

Toutefois, ils relèvent qu'au vu du budget prévisionnel de France Compétences pour 2023 et de la dynamique poursuivie de l'apprentissage, elle ne sera vraisemblablement pas suffisante pour assurer le retour à l'équilibre de l'opérateur.

C. LE RÉEXAMEN, DÉJÀ ENTAMÉ, DE LA PARTICIPATION DE FRANCE COMPÉTENCES À CERTAINES DÉPENSES DE FORMATION POURRAIT ÊTRE POURSUIVI

1. Les dépenses des centres de formation d'apprentis (CFA) : une révision des niveaux de prise en charge (NPEC) qui devrait porter ses fruits

Depuis la réforme de l'apprentissage, l'offre de places en centres de formation d'apprentis (CFA) n'est plus contingentée. Chaque contrat d'apprentissage donne lieu à une prise en charge financière par l'opérateur de compétences dont relève l'entreprise d'accueil. Celle-ci est financée par France compétences. Le niveau de prise en charge est déterminé à l'échelon national par la branche professionnelle (ou, à défaut, par l'État), dans le cadre de recommandations établies par France compétences.

S'il faut se réjouir du succès de l'apprentissage, et du changement d'image très positif dont il est désormais crédité, un équilibre doit être trouvé entre le nécessaire soutien à cette voie de formation et d'insertion professionnelle et le juste emploi des financements publics dont il bénéficie.

À cette fin, il a été procédé en septembre 2022, sur la base d'une analyse des comptabilités des centres de formation d'apprentis menée par France compétences, à une révision des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage. Ceux qui étaient appliqués dans les branches dépassaient en effet de 20 % en moyenne le coût des formations d'apprentis.

Dans un rapport remis au Gouvernement en juillet 2023 sur les modalités de financement des CFA32(*), les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) avait émis plusieurs recommandations. Certaines ont d'ores et déjà été suivies. Ainsi, une seconde baisse des NPEC a été opérée entre septembre et octobre 2023, en cohérence avec la recommandation n° 3 du rapport. Cette baisse, de 5 % en moyenne33(*), a permis de faire converger les NPEC entre branches en réduisant les sur-financements, pour un gain budgétaire de l'ordre de 540 millions d'euros.

À l'avenir, la méthode de détermination des NPEC pourrait évoluer, conformément à la recommandation n° 4 du rapport IGF-Igas. Deux scénarios étaient proposés à ce titre :

- d'une part, une modulation des NPEC par les branches, dans la limite d'un cadre financier par branche fixé par l'État ;

- d'autres part, la fixation par l'État d'un NPEC « socle », complété par des contributions conventionnelles traduisant les priorités des branches.

France Compétences a indiqué aux rapporteurs spéciaux que ces deux scénarios lui paraissaient complémentaires : en effet, « rien n'empêche de penser une méthode de détermination permettant (de laisser aux branches) de prioriser les formations les plus importantes pour leurs secteurs, dans un cadre budgétaire global maitrisé, tout en ouvrant parallèlement la possibilité aux branches de mettre en place des financements conventionnels pour l'apprentissage, en plus du financement mutualisé qui passe par le NPEC. »

À plus long-terme, d'autres questions pourraient faire l'objet d'une réflexion, comme la question du financement de l'investissement des CFA, ou encore la question des formations en « distanciel » - pour lesquelles le rapporteur spécial de la mission à l'Assemblée nationale a d'ailleurs suggéré de minorer les niveaux de prise en charge34(*).

2. Le compte personnel de formation (CPF) : une régulation des dépenses adoptée dans son principe, mais pas encore dans ses modalités

Les droits à la formation professionnelle sont monétisés depuis la réforme de 2018 et peuvent être directement mobilisés par les titulaires du compte personnel de formation (CPF). Comme l'a souligné la Cour des comptes35(*), ce dispositif, qui constitue l'un des deux principaux postes de dépenses de France compétences, s'inscrit « dans une logique dite « de guichet », contrairement aux autres dispositifs, financés par des enveloppes budgétaires fermées (...). Les dépenses liées au CPF sont, quant à elles, passées de 740 millions d'euros en 2018 à 2,7 milliards d'euros en 2021 ».

S'agissant du CPF, plusieurs mesures ont été prises afin de responsabiliser les ministères et organismes certificateurs et de renforcer les exigences de qualité des certifications éligibles au CPF. Des déréférencements sont intervenus et les taux de refus d'éligibilité des formations au CPF ont fortement augmenté en 2022. L'usage du CPF a également été sécurisé par l'obligation, depuis fin octobre 2022, d'utiliser le dispositif FranceConnect +, répondant à des exigences de sécurité renforcées, pour accéder au service dématérialisé géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Enfin, un principe de régulation du CPF figure à l'article 212 de la loi de finances pour 2023. Un an plus tard, les modalités de cette régulation restent à définir : si l'instauration d'un reste à charge pour les bénéficiaires était évoquée, le décret d'application de cette disposition n'a pas encore été pris, faute de concertation avec les partenaires sociaux. Un début de réponse est pour autant apporté à la progression non maîtrisée des charges de France compétences.

Le soutien à l'apprentissage porté par la mission « Travail et emploi » allège par ailleurs certaines charges sur d'autres missions budgétaires. Dès lors, une réflexion sur des contributions complémentaires à celle de la mission pourrait être engagée. En tout état de cause, il est désormais indispensable que l'État, en lien avec les partenaires sociaux, définisse une trajectoire soutenable pour le financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sans casser la dynamique en cours.

3. Les dépenses de France Compétences au titre du financement du Plan d'investissement dans les compétences (PIC) ont diminué

France Compétences participe également, par le biais d'un fonds de concours, à la formation des demandeurs d'emplois au titre du Plan d'investissement dans les compétences (PIC).

Jusqu'en 2022, cette contribution de France Compétence au titre du soutien au volet national du PIC s'élevait à plus de 1,5 milliard d'euros. Ainsi, les comptes de résultat de France Compétences font apparaître une contribution de 1 632 millions d'euros au titre du PIC en 2021, et même un versement de 1 684 millions d'euros à ce titre en 2022.

Depuis, il a été décidé de diminuer cette contribution, qui s'établit à un niveau de 800 millions d'euros en 2023 selon le budget initial transmis aux rapporteurs spéciaux par France Compétence.

La majorité des dépenses liées au PIC sont désormais à nouveau budgétées au sein de la mission « Travail et emploi ». Selon la DGEFP, la participation de l'État au financement des actions de formation des demandeurs d'emploi aux métiers recrutant sur le marché du travail, aux compétences clés et aux compétences numérique est inscrite en diminution en autorisations d'engagement (- 387,4 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2023), mais en augmentation en crédits de paiement (+ 224,4 millions d'euros), du fait des importantes sous-consommations de crédits constatés sur les exercices précédents.

Les dépenses de France Compétences au titre du PIC ont donc bien été réduites depuis 2022, ce qui se traduirait par une moindre dépense d'environ 800 millions d'euros pour l'opérateur. Sans être, là encore, suffisante à elle seule pour assurer son retour à l'équilibre, cette moindre dépense y contribue.

4. Face au sous-financement des dépenses d'apprentissage, des leviers en ressources pourraient être actionnés

La Cour des comptes36(*) les inspections37(*) et la commission des affaires sociales du Sénat dans son rapport sur France Compétences ont également recommandé de mobiliser des leviers en recettes pour financier les dépenses de l'opérateur.

Si une augmentation tous azimuts des prélèvements finançant l'alternance et la formation professionnelle ne serait vraisemblablement pas judicieuse, la Cour et les inspections ont relevé un certain nombre de pistes qui pourraient être explorées, telles que :

- la suppression du taux réduit applicable en Alsace-Moselle, pour un gain pour les finances publiques de 53 millions d'euros ;

- la suppression ou la limitation des exemptions d'assiette dont bénéficient certains employeurs en raison de leur statut juridique, qui pourrait, en cas de suppression, représenter jusqu'à 239 millions d'euros de recettes supplémentaires.

Un recentrage des exemptions existantes sur les seules rémunérations des apprentis, dans une logique d'incitation au recrutement d'apprentis supplémentaires, ainsi que la suppression du taux dérogatoire en Alsace-Moselle, pourrait générer environ 300 millions d'euros de nouvelles recettes selon les inspections.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Dans le texte considéré comme adopté en première lecture par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, les crédits de la mission « Travail et emploi » ont été modifiés par quatre amendements identiques :

- l'amendement n° II-4591 de M. Bertrand Pancher, du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, et plusieurs de ses collègues ;

- l'amendement n° II-4616 de Mme Marie Pochon, du groupe Écologiste - NUPES, et plusieurs de ses collègues ;

- l'amendement n° II-4725 de M. Nicolas Turquois, du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), et plusieurs de ses collègues ;

- l'amendement n° II-4751 de M. Charles Fournier, du groupe Écologiste - NUPES, et plusieurs de ses collègues.

Ces amendements majorent les crédits du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » de 11 millions d'euros en AE et en CP afin d'accompagner la trajectoire d'embauches des territoires habilités au titre de l'expérimentation Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD).

Ces quatre amendements sont gagés à due concurrence sur les crédits de la sous-action n° 01-02 du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et du développement de l'emploi », relative aux aides aux employeurs d'apprentis. Le Gouvernement n'a pas levé le gage dans le texte considéré comme adopté en vertu de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Ainsi, le montant total des crédits de la mission n'évolue pas entre le dépôt à l'Assemblée nationale et la transmission au Sénat du projet de loi de finances pour 2024.

Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi » entre le texte déposé à l'Assemblée nationale et le texte transmis au Sénat

(en millions d'euros et en pourcentages)

N° et intitulé du programme

PLF 2024
déposé

PLF 2024
transmis

Évolution
transmis / déposé
(volume)

Évolution
transmis / déposé
(%)

102 - Accès et retour à l'emploi

AE

7 425,9

7 436,9

+ 11,0

+ 0,1 %

CP

7 432,2

7 443,2

+ 11,0

+ 0,1 %

103 - Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

AE

14 555,9

14 544,9

- 11,0

- 0,1 %

CP

14 319,7

14 308,7

- 11,0

- 0,1 %

111 - Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

AE

184,6

184,6

0,0

0,0

CP

110,0

110,0

0,0

0,0

155 - Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

AE

700,3

700,3

0,0

0,0

CP

699,0

699,0

0,0

0,0

TOTAL MISSION

AE

22 866,7

22 866,7

0,0

0,0

CP

22 561,0

22 561,0

0,0

0,0

Source : commission des finances du Sénat

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 68 (nouveau)

Prolongation de trois ans de l'expérimentation
relative aux entreprises d'insertion par le travail indépendant

Le présent article prolonge de trois années l'expérimentation, prévue par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, de l'extension de l'insertion par l'activité économique (IAE) au travail indépendant via les entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI).

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'EXPÉRIMENTATION DES ENTREPRISES D'INSERTION PAR LE TRAVAIL INDÉPENDANT (EITI) ARRIVE À ÉCHÉANCE LE 23 DÉCEMBRE 2023

A. LES STRUCTURES D'INSERTION PAR L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE RECOUVRENT, DEPUIS 2018, LES ENTREPRISES D'INSERTION PAR LE TRAVAIL INDÉPENDANT (EITI)

L'article 83 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a prévu l'expérimentation d'une nouvelle forme de structure d'insertion par l'activité économique (SIAE) : les entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI).

Aux termes de cette loi, ces EITI réalisent un service de mise en relation avec des clients et d'accompagnement des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, en vue de l'exercice d'une activité professionnelle indépendante. Il est prévu qu'un rapport d'évaluation de l'expérimentation soit remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation.

L'expérimentation était prévue pour une durée de 3 ans à compter de la publication du décret d'application de cet article, soit jusqu'au 23 décembre 202138(*).

B. UNE EXPÉRIMENTATION DÉJÀ PROLONGÉE DANS LA LOI DE FINANCES POUR 2022

Le dispositif d'insertion par l'activité économique par le biais des EITI a déjà fait l'objet d'une prorogation, décidée dans la loi de finances pour 2022. À cette date, il avait été relevé que le rapport d'évaluation qui aurait dû être transmis au Parlement ne l'avait pas été, de sorte qu'il était difficile pour les rapporteurs spéciaux de se prononcer sur le dispositif de façon éclairée.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICABLE DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXPÉRIMENTATION PROLONGUÉE POUR TROIS ANNÉES SUPPLÉMENTAIRES

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de M. Didier Le Gac, du groupe Renaissance, et plusieurs de ses collègues39(*).

Il propose de prolonger de trois ans l'expérimentation, soit jusqu'au 23 décembre 2026.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'APPROBATION DE LA PROLONGATION RECOMMANDÉE

D'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, les secteurs d'activité couverts par les EITI sont variés et peuvent viser, par exemple, du ménage, du bricolage ou encore de l'informatique. Les publics relevant de l'insertion bénéficient d'un accompagnement social et professionnel : accompagnement à la création de leur microentreprise puis à sa gestion ou accompagnement socio-professionnel pour lever les freins sociaux périphériques. Cet accompagnement des travailleurs indépendants, qui peuvent être des créateurs d'entreprise en difficulté (bénéficiaire du revenu de solidarité active, demandeurs d'emploi, personnes isolées, migrants) peut également se traduire par l'octroi de prêts d'honneur et l'offre d'un panel de services de mise en relation avec des clients, pour développer le chiffre d'affaires.

Selon les documents budgétaires, en 2024, les EITI compteraient 1 899 bénéficiaires. Avec un montant forfaitaire de l'aide au poste de 6 517 euros par bénéficiaire et par an, le montant budgété dans le projet de loi de finances pour 2024 serait d'un peu moins de 13 millions d'euros. Ce montant est en augmentation par rapport au montant prévu pour 2023, qui s'établissait à 7,9 millions d'euros. La hausse des crédits budgétés résulte exclusivement d'un effet volume, tiré par l'augmentation du nombre de bénéficiaires (710 bénéficiaires supplémentaires étant attendus en 2024 par rapport à 2023).

Le Gouvernement indique qu'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales qui lui a été remis en 2023 recommande la prolongation de l'expérimentation.

Les rapporteurs spéciaux sont partagés quant à la prolongation proposée. Le rapporteur spécial Emmanuel Capus considère en effet que le statut de travailleur indépendant présente des atouts auprès de publics pour lesquels l'intégration par le travail salariés ne serait pas approprié.

La rapporteure spéciale Ghislaine Senée considère que les EITI sont source d'une précarité accrue pour les personnes concernées. Elle relève que ces EITI présentent un caractère dérogatoire par rapport au secteur de l'insertion par l'activité économique, qui doit en principe permettre de bénéficier d'un contrat de travail salarié. Le salariat est en effet plus protecteur que le travail indépendant : il apporte une garantie de revenus, permet un meilleur accompagnement et protège le salarié au titre du chômage et de la maladie - toutes choses que ne permet pas nécessairement le travail indépendant. Le modèle des EITI contribue donc à fragiliser le salariat et le reste du secteur de l'insertion par l'activité économique.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 69 (nouveau)

Prolongation de deux ans de l'expérimentation
relative aux « contrats passerelles »

Le présent article prolonge de deux années l'expérimentation des contrats dits « passerelles », prévue dans la loi, relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique (IAE).

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'EXPÉRIMENTATION DES « CONTRATS PASSERELLE » ARRIVE À ÉCHÉANCE LE 15 DÉCEMBRE 2023

L'article 5 de la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique a prévu l'expérimentation visant à faciliter le recrutement par les entreprises de droit commun de salariés engagés dans un parcours d'insertion par l'activité économique, dite « contrats passerelles ».

Aux termes de cette loi, un salarié engagé dans un tel parcours dans un atelier et chantier d'insertion (ACI) ou dans une entreprise d'insertion (EI) depuis plus de quatre mois peut être mis à disposition d'une entreprise de droit commun pour une durée de trois mois non-renouvelable.

Si le salarié est embauché dans l'entreprise utilisatrice à l'issue de sa période de mise à disposition, dans un emploi correspondant aux activités qui lui avaient été confiées, il est dispensé de période d'essai.

Il est prévu qu'un rapport d'évaluation de l'expérimentation soit remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation.

L'expérimentation était prévue pour une durée de 3 ans à compter de la publication de cette loi, soit jusqu'au 15 décembre 202340(*).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXPÉRIMENTATION PROLONGÉE POUR DEUX ANNÉES SUPPLÉMENTAIRES

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de M. Stéphane Viry, du groupe Les Républicains41(*).

Il propose de prolonger de deux ans l'expérimentation, soit jusqu'au 15 décembre 2025.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : PROLONGER POUR MIEUX ÉVALUER

Dans l'exposé des motifs de son amendement retenu à l'Assemblée nationale, son auteur fait valoir que « les structures de l'insertion par l'activité économique se sont encore peu saisies » des contrats passerelles. Effectivement, aucun contrat passerelle n'avait été signé en 2021 du fait de la publication tardive des textes d'application. En 2022, selon le Gouvernement, « seulement 35 demandes ont été validées sur 50. En 2023, 23 dossiers ont été déposés à date et 13 acceptés. »

De fait, le projet annuel de performances de la mission « Travail et emploi » pour l'année 2024 fait apparaître des sommes très faibles pour l'année à venir : 18 855 euros pour les contrats passerelles en ACI, et seulement 4 714 euros pour les contrats passerelles en EI. Dans ces conditions, on comprend sans peine que le rapport d'évaluation prévu n'ait pas été remis au Parlement.

Faute de pouvoir tirer des conclusions de cette expérimentation, les rapporteurs spéciaux estiment préférable de la reconduire. Ils soulignent néanmoins qu'elle devra, d'ici deux ans, avoir trouvé son public.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 21 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial, et Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale, sur la mission « Travail et emploi » (et articles 68 et 69.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi ». - Si mon binôme a changé cette année, Ghislaine Senée et moi-même nous rejoignons sur l'essentiel, à deux exceptions près.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » demandés pour 2024 s'élèvent à 22,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 22,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une augmentation de 12,7 % en AE et 8,1 % en CP par rapport à 2023.

L'augmentation des crédits à hauteur de 22,4 % en AE et 13,3 % en CP est principalement soutenue par le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». Elle est due, d'une part, à la hausse de la dotation versée par l'État à France Compétences. Celle-ci, qui passe de 1,7 à 2,5 milliards d'euros, vise à rétablir l'équilibre financier de l'opérateur, dont les dépenses excèdent largement les ressources propres. Toutefois, cette hausse du soutien de l'État ne permettra pas, à elle seule, de rétablir la situation de France Compétences : des actions en dépenses me semblent également nécessaires.

Plusieurs chantiers ont d'ores et déjà été engagés, sans avoir tous abouti : la régulation des dépenses du compte personnel de formation (CPF), décidée dans la loi de finances pour 2023, n'est pas encore appliquée. La révision des niveaux de prise en charge des centres de formation d'apprentis a débuté, et a déjà permis de réaliser 540 millions d'euros d'économies en 2023. Enfin, la participation de France Compétences au financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC) a été divisée par deux dès 2023.

Par ailleurs, l'augmentation des crédits du programme 103 est due au financement de l'apprentissage, qui constitue la politique « phare » portée par la mission « Travail et emploi ». Si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses en faveur de la formation en alternance - c'est-à-dire les aides aux employeurs d'apprentis, les exonérations de cotisations en faveur de l'apprentissage, et la dotation de l'État à France Compétences -, les crédits dédiés à cette politique sur le budget de l'État s'élèvent à 8,8 milliards d'euros en AE et 8,3 milliards d'euros en CP. Ces montants significatifs représentent plus du tiers des crédits de la mission.

La progression des dépenses liées à l'apprentissage est le signe du succès de ce dispositif, qui contribue à la réduction du nombre de personnes sans emploi dans notre pays. Ce succès s'explique, entre autres facteurs, par la vigueur du soutien public, notamment via les aides aux employeurs d'apprentis.

D'une part, il s'agit de l'aide unique aux employeurs d'apprentis, créée dans la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, pour favoriser l'embauche d'apprentis jusqu'au baccalauréat par les petites et moyennes entreprises (PME), c'est-à-dire des entreprises de moins de 250 salariés. Cette aide était donc initialement ciblée sur les petites entreprises et sur les jeunes sortants prématurément du système éducatif.

D'autre part, une aide exceptionnelle beaucoup plus large a été créée à l'occasion de la crise sanitaire : elle peut être versée aux entreprises de plus de 250 salariés et pour l'embauche d'apprentis jusqu'au niveau master. À la fin de l'année 2022, le montant de ces deux aides a été fixé à 6 000 euros, actant une sorte de « fusion » des deux dispositifs.

S'il explique une bonne partie du succès de l'apprentissage, un ciblage aussi large présente également des risques d'effet d'aubaine. C'est pourquoi Ghislaine Senée et moi-même vous soumettons un amendement procédant à un meilleur ciblage des aides aux employeurs d'apprentis. Nous proposons, à l'avenir, que les contrats signés entre une entreprise de plus de 250 salariés et un jeune préparant un diplôme supérieur à bac + 2 ne donnent plus droit au versement de l'aide exceptionnelle.

Il s'agirait d'un recentrage modéré : cet amendement est sans effet sur les PME, qui, par définition, ont moins de 250 salariés. Il ne change rien non plus à la situation des entreprises de plus de 250 salariés qui emploient des apprentis de niveau inférieur à bac + 3, comme, par exemple, des jeunes en brevet de technicien supérieur (BTS) ou en diplôme universitaire de technologie (DUT). Il vise simplement à orienter prioritairement ces crédits vers les entreprises et les jeunes qui en ont le plus besoin pour assurer une meilleure efficience des dépenses en faveur de l'apprentissage.

D'ailleurs, un amendement similaire du rapporteur spécial à l'Assemblée nationale a été adopté par la commission des finances, même s'il n'a pas été retenu dans le cadre du 49.3. Il me semble que cette question peut faire l'objet d'un débat constructif, d'autant que la situation des finances publiques nous invite à nous interroger sur l'efficience de nos politiques. Selon notre chiffrage, un tel recentrage des aides aux employeurs d'apprentis pourrait permettre une économie de 725 millions d'euros en année pleine, et 600 millions d'euros à compter du 1er mars 2024, comme le propose notre amendement, ce qui n'est pas négligeable et ne devrait pas casser la dynamique de l'apprentissage à laquelle nous sommes tous attachés.

Sous réserve de l'adoption de cet amendement, ainsi que de l'amendement que Ghislaine Senée va vous présenter, je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission ainsi modifiés.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale de la mission « Travail et emploi ». - J'abonde dans le sens des propos de mon collègue Emmanuel Capus. À nos yeux, la politique de soutien à l'apprentissage a effectivement porté ses fruits. Toutefois, au travers de cet amendement et comme le défendait mon prédécesseur, M. Daniel Breuiller, nous souhaitons que les petites entreprises et les jeunes moins qualifiés bénéficient prioritairement de ces dispositifs, plutôt que, par exemple, les étudiants en écoles de commerce qui feraient leur apprentissage dans de grandes entreprises. Dans ces cas, il nous semble que le versement d'une telle aide présente un risque élevé d'effet d'aubaine.

Permettez-moi d'évoquer les crédits du programme 102 « Accès et retour à l'emploi ». Ceux-ci restent globalement stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, avec une baisse de 0,1 % en CP, mais ils connaissent en réalité une augmentation de plus de 11,1 % par rapport à l'exécution attendue cette année. À l'exception des crédits alloués aux contrats aidés et aux emplois francs, la quasi-totalité des dispositifs financés sur ce programme fait l'objet d'un financement stable ou en augmentation. La principale nouveauté concerne l'augmentation des effectifs de Pôle emploi, principal opérateur rattaché à la mission, dont le plafond d'emplois est rehaussé de 300 équivalents temps plein (ETP) pour absorber les responsabilités nouvelles qui lui seront confiées avec la création de France Travail.

Pour conclure, j'aborderai un autre dispositif porté par le programme 102 : l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Comme vous le savez, cette expérimentation vise à favoriser le recrutement de chômeurs de longue durée par des « entreprises à but d'emploi », partiellement financées par l'État et les départements. À l'origine, en 2016, l'expérimentation concernait dix territoires. Depuis sa prolongation jusqu'en 2026, décidée en 2020, elle concerne jusqu'à soixante territoires volontaires, voire davantage si le nombre de candidatures le permet.

En cohérence avec la montée en charge de l'expérimentation validée par l'État, les moyens alloués progressent de 53,3 % entre 2023 et 2024, pour s'établir à 69 millions d'euros. Toutefois, nous avons été alertés sur le fait que cette hausse pourrait ne pas être suffisante : les besoins de la poursuite de l'expérimentation sont estimés à 89 millions d'euros. À l'Assemblée nationale, plusieurs amendements ont été adoptés afin d'augmenter les crédits dédiés de 11 millions d'euros, portant le financement de l'expérimentation à 80 millions d'euros.

Nous vous proposons de prolonger cet effort, en y allouant 9 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement uniquement.

Je vous propose en conséquence d'adopter les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés par ces deux amendements que nous vous soumettons.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - La commission des affaires sociales accuse un léger retard pour l'examen de la mission puisque nous venons seulement, pour notre part, de terminer nos auditions.

En 2023, trois objectifs avaient été fixés par la commission des affaires sociales : maîtriser la dépense publique, assurer le financement lisible et pérenne de l'apprentissage et évaluer la pertinence des moyens alloués aux services publics de l'emploi - des objectifs que nous poursuivrons en 2024.

À ce titre, deux chiffres me paraissent intéressants.

France Compétences affiche depuis sa création 7,7 milliards d'euros de dette en déficits cumulés. Or sa contribution annuelle au PIC à hauteur de 7,3 milliards d'euros explique sans doute ce déficit.

Aussi, je proposerai un amendement en commission des affaires sociales visant à diminuer la contribution de France Compétences au PIC afin de recentrer ses financements en direction de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Je note également que, sur la période 2019 à 2021, le nombre d'ETP attribué à Pôle emploi est en hausse de 9,07%, une hausse colossale comparée à celles de la fonction publique d'État et de la fonction publique territoriale qui s'élèvent respectivement à seulement 0,82 % et 1,71 %. Que justifie une telle disparité entre les services ? Sans compter que Pôle emploi a déjà bénéficié de 700 ETP supplémentaires dans le cadre de la crise sanitaire.

Nous avons donc un double défi concernant le service public de l'emploi : vérifier que tous les ETP soient affectés à la bonne cause, mais aussi trouver le financement de ces 300 ETP supplémentaires dédiés à Pôle emploi, en plus de ceux liés au covid. Ils devaient être financés notamment par la contribution de l'Unédic à Pôle emploi, fixée à 11 % et non à 13 % comme le ministre l'espérait.

Quant à l'amendement visant les aides attribuées aux entreprises concernant l'apprentissage, je comprends la position de la commission - si tant est qu'elle vote cet amendement -, mais je considère qu'il revient aux partenaires sociaux d'en décider. À mon sens, cet amendement est prématuré, même si je reconnais que l'économie de 750 millions d'euros proposée n'est pas négligeable au regard du budget qui nous est soumis.

M. Marc Laménie. - Merci à nos deux rapporteurs spéciaux pour leur présentation particulièrement pédagogique, et à notre collègue Mme Puissat, qui connaît bien ces sujets.

L'augmentation de 8 % des crédits de paiement est significative, avec 22 milliards d'euros atteints pour 2024.

Je rejoins l'interrogation de Mme Frédérique Puissat sur l'augmentation importante de 300 nouveaux ETP dédiés à Pôle emploi. Peut-on avoir des précisions sur leur répartition territoriale ?

À quoi correspondent également les 11,2 milliards de recettes de France Compétences - hors dotation de l'État - évoqués dans votre rapport ? Le déficit avancé est par ailleurs significatif. A-t-on, là encore, une idée de sa répartition sur le territoire ?

Enfin quel est l'enjeu financier s'agissant du soutien aux missions locales sur l'emploi des jeunes, un combat qui concerne nos territoires ?

M. Michel Canévet. - Merci aux rapporteurs spéciaux et en particulier à la rapporteure pour avis d'avoir évoqué les conditions dans lesquelles fonctionne France Compétences. Sa dette de 7,7 milliards d'euros est inquiétante. Alors que son déficit s'élève à 3,7 milliards d'euros, comment cet organisme compte-t-il rééquilibrer ses comptes si l'on veut que cette réforme aboutisse ? À ce propos, l'objectif de 1 million d'alternants d'ici à 2024 est-il atteignable ?

Enfin, ne devrait-on pas essayer de rationaliser les moyens importants alloués à ce nouvel opérateur public de l'emploi, avant de créer 300 emplois supplémentaires destinés à Pôle emploi ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je me joins aux remerciements adressés aux rapporteurs, dont le rapport est très clair. J'ai toutefois un doute sérieux concernant leur amendement. À l'évidence, il faut recalibrer les financements destinés à la formation professionnelle, notamment la contribution au PIC, mais aussi le CPF, qui fonctionne par pure logique de guichet. Ces dispositifs ont été manifestement construits sur un coin de table et relèvent très souvent d'idées préconçues. C'est tout à l'honneur de notre commission de tenter de réduire leurs crédits. Mais je ne suis pas convaincue de l'efficacité d'une toise sur les critères d'attribution. Décréter qu'au-dessus de 250 salariés les entreprises n'auraient pas besoin d'apprentis, ou que l'aide à l'apprentissage n'est pas nécessaire aux écoles de niveau bac+3, comme les écoles de commerce ou d'ingénieur, est certes de nature à apporter un rendement de 700 millions d'euros, mais manque de subtilité.

La séparation des financements de France Compétences, prônée par Frédérique Puissat, me paraît, plus judicieuse - cette structure n'est pas là pour financer le PIC. Je suis également favorable à une concertation préalable avec les partenaires sociaux, mais aussi avec l'État, sur un recalibrage efficace des aides à l'apprentissage.

Au-delà de l'économie qui en résulterait, je ne pense pas que cette mesure fasse progresser le débat. À moins qu'il ne s'agisse ici que d'un amendement d'appel, incitant à tout remettre à plat.

M. Éric Jeansannetas. - Je remercie nos trois rapporteurs pour leurs éclairages précis.

Je suis étonné par l'optimisme du Gouvernement sur un retour au plein emploi. La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) note elle-même une inversion de la courbe, avec une augmentation de 68 000 demandeurs d'emploi de la catégorie A, mais également de la catégorie B et C, ce qui révèle une tendance à la précarisation de l'emploi.

Concernant France Travail, l'ensemble des opérateurs des services publics peinent visiblement à trouver leurs marques. Avez-vous obtenu des précisions lors des auditions sur la mise en place de ce mécanisme dans les territoires ?

Comme mon collègue Marc Laménie, je suis très attentif à la situation des missions locales en direction des jeunes de moins de 25 ans. Leur situation est particulièrement difficile, avec un taux de chômage considérable à hauteur de 17 %. France Travail a-t-elle une trajectoire budgétaire concernant ces missions ? Ce dispositif est très opaque.

M. Jean-Marie Mizzon. - Merci à nos trois rapporteurs. Ma question porte sur l'apprentissage dans le secteur public, plus précisément auprès des collectivités territoriales.

L'État s'est engagé à rompre tout financement dans ce domaine d'ici à 2025, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) se retrouvera donc seul à financer ces formations, alors que ses moyens ne sont pas illimités... Savez-vous si le Gouvernement est prêt à revoir sa position et à accompagner les communes ?

Mme Christine Lavarde. - À l'occasion de la dernière loi de finances rectificative, je m'étais penchée sur les raisons du déficit structurel de France compétences, à hauteur de 2 milliards d'euros chaque année. J'avais notamment découvert des accréditations de formations très disparates en termes de durée, de labélisation et de personnes potentiellement concernées ; avec des formations pour l'apprentissage par le rire à l'hôpital validées pour cinq ans, ou d'autres concernant l'entretien des remontées mécaniques en zone de haute montagne validées pour six ans, quand des formations d'anglais n'étaient validées que pour un an et parfois même non reconnues.

Aussi, afin d'être certaine que la formation choisie réponde à un réel besoin, notamment en cas de changement de carrière, j'avais proposé un amendement visant à responsabiliser le demandeur d'une formation par le paiement d'une sorte de ticket modérateur. Vous vous y étiez opposés à l'époque, mais peut-être avez-vous eu de nouveaux éléments d'information à ce sujet dans le cadre de vos travaux sur la professionnalisation de France Compétences ?

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Quel est le périmètre de France Travail à propos des missions conduites par les chambres de commerce en zones rurales ou dans les plus petites communes ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Merci pour vos éclaircissements sur ce dispositif nouveau, composé du CPF et de France Compétences, mis en place lors du premier quinquennat du Président de la République.

La crise sanitaire, survenue en mars 2020, a conduit à accorder des aides supplémentaires exceptionnelles, en l'occurrence la prime de 6 000 euros pour l'apprentissage, qui était censée s'éteindre une fois la crise terminée. Nous sommes tous attentifs à l'état de nos finances publiques et souhaitons améliorer notre solde budgétaire.

Or, cette prime révèle aujourd'hui un développement dissymétrique des aides à l'apprentissage avec, selon le précédent rapport d'Emmanuel Capus, une augmentation depuis 2020 de l'ordre de 30 % concernant les niveaux brevet, CAP et baccalauréat professionnel, et de plus de 120 % au-dessus du baccalauréat. Ne plus accorder la prime de 6 000 euros à partir de bac+3 pour les plus grandes entreprises ne me paraît pas relever de l'injustice ; il est légitime de tenir compte des niveaux de formation ainsi que de l'employabilité des bénéficiaires du dispositif..

On observe un même dévoiement de l'argent public concernant le PIC. Aussi, réordonner les comptes me paraît salutaire.

Le Parlement décide et donne une feuille de route aux partenaires sociaux ; nous avons toujours procédé ainsi depuis la mise en place de ce nouveau dispositif. Rien ne nous empêche de les écouter et de corriger par la suite ce qui peut l'être.

Je souhaite que le débat ait lieu, qu'il soit éclairé et serein. À ce stade, personne ne peut présager du résultat final. Mais il en va aussi de la responsabilité du Parlement.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Je remercie le rapporteur général de son invitation à une réflexion « salutaire » sur la réduction de nos dépenses. Il aurait certes été plus facile de suivre le Gouvernement et de ne rien proposer, mais il nous semble possible d'avancer, en responsabilité, dans cette réflexion.

Je suis d'accord avec la rapporteure pour avis sur la proposition d'arrêter de financer le PIC s'il peut s'agir d'une source d'économies. En 2023 déjà, nous avons diminué de moitié la contribution de France Compétences au PIC, puisqu'elle est passée à 800 millions d'euros.

De nombreuses interventions ont concerné les ressources humaines de Pôle emploi. Avec les élections sénatoriales, Ghislaine Senée et moi avons bénéficié d'un laps de temps beaucoup plus réduit que les années précédentes pour conduire nos travaux, raison pour laquelle je n'ai pas forcément toutes les réponses à ce stade. Je ne peux pas, par exemple, vous dire quelle utilisation précise a été faite des 700 postes ouverts pour faire face à la crise du covid-19.

La question que nous avons posée tient à la justification de 300 postes supplémentaires. L'instauration de France Travail s'accompagne de l'obligation de l'inscription de l'intégralité des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) à Pôle emploi, alors qu'ils n'y sont actuellement inscrits qu'à proportion de 40 % d'entre eux environ ; la création de 300 ETP répondra à la demande nouvelle de suivi de ces personnes.

Monsieur Laménie, les recettes de France Compétences correspondent principalement, d'une part, aux contributions des employeurs, et d'autre part à la dotation de l'État.

Je suis personnellement très attentif à la protection des ressources des missions locales. Je note ici la stabilité de leurs crédits, mais j'ai une visibilité assez limitée sur leur évolution dans un an.

Comment revenir à l'équilibre budgétaire de France compétences, me demande M.Canévet ? Nous mentionnons différentes pistes dans notre rapport, notamment la stabilisation des dépenses du CPF. Ce que nous avions voté au titre du PLF pour 2023 ne s'applique pas encore, car le décret n'a notamment pas mis en place de ticket modérateur. Nous avions demandé que les dépenses des centres de formation d'apprentis (CFA) soient regardées de plus près. La révision des niveaux de prise en charge des CFA a généré quelque 540 millions d'euros d'économies en 2022 et permettent d'obtenir davantage de recettes. Pour l'Alsace et la Moselle, un taux de taxe d'apprentissage de 0,44 % de la masse salariale brute s'applique, au lieu de 0,68 % dans les autres départements. Certains taux spécifiques et certaines exonérations, s'ils sont certainement justifiés par l'histoire, mériteraient peut-être d'intégrer la réflexion d'ensemble souhaitée par le rapporteur général.

Il reste difficile de se prononcer sur l'objectif de 1 million d'alternants en 2024. L'Insee remarque un ralentissement de l'apprentissage, en même temps que l'emploi. J'espère que la dynamique ne se casse pas, mais l'effectif actuel de 840 000 alternants semble de toute façon proche d'un plafond de verre.

Madame Marie-Claire Carrère-Gée, on ne peut pas dire chaque année qu'il faut réduire les dépenses et, ensuite, balayer d'un revers de la main les propositions d'économies, même si elles ne nous font pas plaisir. Le premier, j'aimerais que tous les employeurs continuent, comme depuis 2020, de bénéficier de l'aide à l'embauche des apprentis, quels que soient le niveau d'études et le type d'entreprise.

Notre proposition vise une économie de 750 millions d'euros, ce qui n'est pas neutre. Pour autant, elle ne nous fait pas même revenir au niveau de 2018 !

Jusqu'en 2018, l'aide unique aux employeurs d'apprentis n'était versée que pour la signature d'un contrat d'apprentissage entre un jeune préparant un diplôme dont le niveau n'excédait pas celui du baccalauréat et une entreprise de moins de 250 salariés. Ce que nous vous proposons aujourd'hui demeure plus favorable, puisque les entreprises de moins de 250 salariés pourront continuer à bénéficier de l'aide à l'embauche jusqu'au master ; quant aux entreprises de plus de 250 salariés, elles ne pourraient plus bénéficier de l'aide pour la signature d'un contrat d'apprentissage avec un jeune au-delà d'un niveau bac + 2, mais elle pourrons toujours obtenir l'aide de l'État si elles embauchent des apprentis en-deçà de ce niveau. Ce n'est donc pas la révolution ! Nous vous proposons une réduction modérée qui s'efforce de ne pas briser la dynamique à l'oeuvre. Nous croyons fermement aux vertus des contrats d'apprentissage et de l'exemplarité. Le mécanisme a véritablement permis de relancer une filière qui n'était pas nécessairement une filière noble jusqu'alors. Mais nous voulons aussi éviter les effets d'aubaine qui existent çà et là.

Madame Lavarde, sur l'accréditation des formations, les deux tiers de celles qui s'avéraient peu utiles à la certification ont déjà été retirés du catalogue. Une nette amélioration de la qualité de l'offre a donc eu lieu.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Les 300 ETP supplémentaires seront indispensables à l'accueil et au bon accompagnement des bénéficiaires du RSA dès lors que France Travail les prendra tous en charge.

Les réponses aux questions que nous avons posées sur l'organisation future de France Travail sont restées très laconiques, au point de se demander si sa mise en place n'interviendrait pas au-delà de 2024... Nous aurions apprécié plus de précisions. Le directeur de Pôle emploi ne nous en a pas moins fait part de son vif optimisme. Il croit beaucoup à la création de la nouvelle entité et évoque une dynamique autour d'elle dans les agences de Pôle emploi et auprès des autres opérateurs des territoires. Nous verrons si les premières phases de la réforme, attendues en 2024, donneront raison à cet optimisme.

La stabilité budgétaire qui concerne les missions locales peut s'apparenter à une légère baisse en raison du niveau plutôt important de l'inflation. Les moyens qui leur sont alloués pour 2024 sont censés tenir compte du travail effectué par l'Union nationale des missions locales (UNML), mais, là encore, il nous a été difficile d'obtenir des réponses précises.

L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) alerte effectivement sur un ralentissement à venir de l'emploi. Au contraire, les cabinets d'études privés font toujours montre de confiance dans leurs prévisions.

Notre amendement commun n'aura pas d'effet sur l'apprentissage dans le secteur public. Il défend la possibilité d'allouer des moyens à l'apprentissage à des niveaux de formation inférieurs à bac + 3, tout en cherchant des sources d'économies et à éviter de financer France compétences via l'Unédic.

M. Claude Raynal, président. - L'amendement n°  II-9 (FINC.1) des rapporteurs spéciaux concerne une réduction d'AE et de CP à hauteur de 600 millions d'euros.

L'amendement n°  II-9 (FINC.1) est adopté.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Nous portons également avec Emmanuel Capus l'amendement n°  II-10 (FINC.2) visant à majorer de 9 millions d'euros les AE allouées à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD), afin de rassurer les acteurs qui, dans les territoires, se tiennent prêts à y prendre part.

M. Claude Raynal, président. - Un amendement n'a-t-il pas été présenté à l'Assemblée nationale sur ce dispositif et retenu lors de la mise en oeuvre de l'article 49.3 de la Constitution ?

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Il prévoit en effet 11 millions d'euros en AE et CP. L'association TZCLD souhaitait initialement un budget total de 89 millions d'euros, contre 80 millions d'euros initialement prévus dans le texte. Nous avons négocié avec ses représentants, qui ont accepté une majoration en AE limitée à 9 millions d'euros.

L'amendement n°  II-10 (FINC.2) est adopté.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 68 (nouveau)

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - L'article 68 vise à prolonger l'expérimentation des entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI).

Créées par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les EITI constituent la plus récente structure d'insertion par l'activité économique. Elles réalisent un service de mise en relation avec des clients et d'accompagnement des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, en vue de l'exercice d'une activité professionnelle, non salariée, mais indépendante.

L'expérimentation était prévue pour une durée de trois ans, jusqu'en 2021. Le contexte l'a rendue difficile à mener, ce qui a justifié une première prolongation jusqu'à fin décembre 2023.

En 2024, les EITI compteraient 1 899 bénéficiaires et représenteraient un coût budgétaire d'un peu moins de 13 millions d'euros, des montants en augmentation par rapport à 2023. Le Gouvernement indique qu'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) lui a été remis en 2023, suggérant la prolongation de l'expérimentation.

Pour ces raisons, je vous propose de recommander l'adoption de cet article sans modification.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Je m'inscris en faux contre cette proposition. La création des EITI n'a pas fait l'objet d'une concertation avec les acteurs de l'insertion. Or ce dispositif est dérogatoire, car l'insertion par l'activité économique doit en principe permettre de bénéficier d'un contrat de travail salarié : le salariat est protecteur, il apporte une garantie de revenus, il protège le salarié au titre du chômage ou de la maladie, toutes choses que ne permet pas nécessairement le travail indépendant.

Parce qu'il est bien souvent source de précarité, le travail indépendant ne paraît pas adapté aux publics visés par les dispositifs d'insertion. Il fragilise en outre le reste du secteur de l'insertion par l'activité économique. Je propose donc le rejet de l'article 68.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je partage l'avis exprimé par le rapporteur spécial Emmanuel Capus.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 68.

Article 69 (nouveau)

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - L'article 69 prévoit de prolonger l'expérimentation, lancée en 2020, des contrats dits « passerelles ».

Un tel contrat permet à un salarié engagé dans un atelier et chantier d'insertion (ACI) ou dans une entreprise d'insertion (EI) depuis plus de quatre mois d'être mis à disposition d'une entreprise de droit commun pour une durée de trois mois non renouvelable. Si le salarié est embauché dans l'entreprise utilisatrice à l'issue de sa période de mise à disposition, dans un emploi correspondant aux activités qui lui avaient été confiées, il est dispensé de période d'essai.

La mesure permet une transition entre le milieu de l'insertion par l'activité économique et les entreprises ordinaires. Or cette expérimentation n'a pas eu le temps de se déployer pleinement - en partie du fait de sa mise en oeuvre tardive par les services de l'État. En 2023, seuls 23 dossiers ont été déposés et seulement 13 ont été acceptés.

C'est pourquoi Emmanuel Capus et moi-même recommandons à la commission de proposer l'adoption de cet article sans modification.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 69.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par ses deux amendements, ainsi que par un amendement du rapporteur général tendant à réduire les crédits alloués au plan d'investissement dans les compétences (PIC) de 300 millions d'euros en AE et de 150 millions d'euros en CP.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

- M. Geoffroy de VITRY, directeur de cabinet du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion ;

- M. Bruno CLEMENT-ZIZA, directeur de cabinet de la ministre de l'enseignement et de la formation professionnels ;

- Mme Alicia SAOUDI, conseillère budgétaire ;

- Mme Louise OLNOIS, conseillère parlementaire.

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

- M. Bruno LUCAS, directeur ;

- Mme Cécile CHARBAUT, sous-directrice en charge des parcours d'accès à l'emploi ;

- M. Théophane BABAUD DE MONVALLIER, adjoint au sous-directeur financement et modernisation ;

- Mme Nora MANSOUR, cheffe de la mission des affaires financières.

Pôle emploi

- M. Jean BASSÈRES, directeur général ;

- M. Eudes de MOREL, chargé des relations institutionnelles.

France compétences

- M. Stéphane LARDY, directeur général.

Association « Territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD)

- M. Laurent Grandguillaume, président bénévole ;

- Mme Jeanne Bot, responsable du plaidoyer et de la vie associative.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023.

* 2 Rapport d'information n° 741, «  France Compétences face à une crise de croissance » (2021-2022) - 29 juin 2022.

* 3 MM. Emmanuel Capus et Daniel Breuiller, Rapport n° 771 (2022-2023), Annexe n° 32, 28 juin 2023.

* 4 Projet de loi pour le plein emploi. Voir la «  petite loi ».

* 5 Instauré par l'article 6 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

* 6 Le décret n° 2022-508 du 8 avril 2022 relatif au dispositif spécifique d'activité partielle en cas de réduction d'activité durable l'a portée à 36 mois consécutifs ou non sur une période de référence de 48 mois, contre 24 mois consécutifs ou non sur une période de référence de 36 mois auparavant.

* 7 Heyer É. et Timbeau, X. (dir.), OFCE Policy Brief, n° 121 - 17 octobre 2023.

* 8 Ibid.

* 9 Insee - « Croissance modeste, sur fond d'incertitudes géopolitiques », Note de conjoncture - 12 octobre 2023.

* 10 Heyer É. et Timbeau, X. (dir.), OFCE Policy Brief, «  Sous la menace du chômage. Perspectives 2023-2024 pour l'économie française » - 17 octobre 2023.

* 11 Rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publique pour les années 2023 à 2027.

* 12 Unedic - Trajectoire financière de l'assurance chômage pour 2023-2026 - 23 septembre 2023.

* 13 Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 - article 2 ; projet de loi de finances pour 2024 - article 32.

* 14 PLFSS 2024, Annexe n° 8, Perspectives financières du régime d'assurance chômage et des régimes de retraite complémentaire.

* 15 Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

* 16 Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

* 17 Les évaluations réalisées en 2019 par l'Igas et l'IGF d'une part («  L'évaluation économique de l'expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée » - octobre 2019) et la DARES et le conseil scientifique de l'expérimentation d'autre part ( Rapport intermédiaire du comité scientifique - novembre 2019) n'étaient pas convergentes sur un certain nombre de points, à commencer par la mesure des « coûts évités ».

* 18 Décret n° 2022-1714 du 29 décembre 2022 relatif à l'aide unique aux employeurs d'apprentis et à l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

* 19 Il s'agit des entreprises de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle ou de 3 % d'alternants avec une progression de 10 % sur un an.

* 20 Les employeurs publics ne peuvent en effet pas bénéficier de l'aide à l'embauche des apprentis.

* 21 «  Quels effet emploi et effets d'aubaine des contrats aidés ? Une évaluation à l'aune de la baisse de leur financement en 2017 », DARES Analyses, n° 45, juillet 2023.

* 22 «  Les emplois francs incitent-ils à embaucher des personnes résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ? », DARES Analyses, n° 52, septembre 2023.

* 23 Demongeot A., Lombard F., DEPP, «  L'apprentissage au 31 décembre 2022 », Note d'Information, n° 23.35, juillet 2023.

* 24 Antoine R., Fauchon A., DEPP et DARES, Note d'Information, n° 23.26, juin 2023 et Antoine R., Fauchon A., DEPP et DARES, Note d'information, n° 23.27, juin 2023 note que les anciens lycéens professionnels de niveau CAP à BTS sont 57 % à être en emploi salarié deux ans après la fin de leurs études, alors que cette proportion est de 73 % pour les anciens apprentis de même niveau.

* 25 MM. Emmanuel Capus et Daniel Breuiller, Rapport n° 771 (2022-2023), Annexe n° 32, 28 juin 2023.

* 26 Coquet B., «  Apprentissage : un bilan des années folles », OFCE Policy Brief n° 117, juin 2023.

* 27 Amendement n°  II-CF2907.

* 28 Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop), deux instances paritaires, le Comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation (Copanef) et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), et la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP).

* 29 Cour des comptes, référé S2022-072, France Compétences, une situation financière préoccupante, 9 juin 2023.

* 30 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023.

* 31 «  France compétences face à une crise de croissance » - Sénat - Rapport d'information n° 741 (2021-2022) de Frédérique Puissat, Corinne Féret et Martin Lévrier - 29 juin 2022.

* 32 IGF-Igas, Les modalités de financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023.

* 33 Afin d'éviter un choc trop brutal pour certains CFA, aucune baisse de NPEC de plus de 10 % n'a été recommandée par France Compétences.

* 34 Amendement n°  II-CF3228, adopté en commission.

* 35 Référé précité du 5 avril 2022.

* 36 Cour des comptes, La formation en alternance. Une voie en plein essor, un financement à définir, juin 2022.

* 37 IGF-Igas, rapport précité, juillet 2023.

* 38 Décret n° 2018-1198 du 20 décembre 2018 relatif à l'expérimentation de l'élargissement des formes d'insertion par l'activité économique au travail indépendant.

* 39 Amendement n°  II-4050, couvert par l'amendement n°  II-1969 du Gouvernement.

* 40 La loi du 14 décembre 2020 a été publiée au Journal officiel le 15 décembre 2020.

* 41 Amendement n°  II-4364, couvert par l'amendement n°  II-1954 du Gouvernement.

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