DEUXIÈME PARTIE
ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 131 « CRÉATION » : NORMALISATION OU FRAGILISATION ?

Le programme 131 « Création » se décline en trois actions :

- l'action 01 dédiée au spectacle vivant, financée dans le projet de loi de finances pour 2024 à hauteur de 810,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 814,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP) ;

- l'action 02, appelée à financer les arts visuels, serait dotée en 2024 de 145,4 millions d'euros en AE et 150,9 millions d'euros en CP ;

- l'action 06, « soutien à l'emploi et la structuration des professions », verrait ses crédits atteindre 71,7 millions d'euros (AE = CP) en 2024.

Répartition des crédits de paiement prévus par le projet de loi de finances pour 2024 au sein du programme 131 « Création »

Source : commission des finances du Sénat

A. UNE STABILISATION DES MOYENS EN FAVEUR DE LA CRÉATION ARTISTIQUE

1. Les moyens accordés à la création artistique continuent de dépasser le milliard d'euros

Les crédits prévus en loi de finances initiale pour le programme 131 ont dépassé le milliard d'euros en 2023. Ils continuent leur progression en 2024 pour atteindre 1,051 milliard d'euros en AE et 1,060 milliard d'euros en CP. Cela correspond à une hausse d'1,6 % en AE et 3 % en CP.

Hors mesure de transfert, la progression des crédits de paiement atteint 3,98 % en AE et + 5,45 % en CP par rapport à 2023. Les crédits dédiés aux mesures nouvelles sont notamment répartis entre appui aux labels (18,8 millions d'euros), 9 millions d'euros pour le plan « Mieux produire, mieux diffuser » et 12 millions d'euros versés aux opérateurs du programme. 8 millions d'euros sont prévus pour des travaux dans les hangars de la Manufacture de Sèvres, compensés par l'abandon de la Cité du théâtre et des travaux sur les façades du Conservatoire national de la danse.

Cette progression poursuit donc la dynamique de croissance de la mission, à un rythme inférieur à 2023, année où la dotation du programme 131 a été majorée de 9,7 % en AE (+ 89,2 millions d'euros) et 10 % en CP (+ 90,4 millions d'euros).

Évolution des crédits de paiement du programme 131

(en millions d'euros et en %)

 

LFI 2023

PLF 2024

Variation
en valeur

Variation
en %

Variation corrigée de l'inflation

Action 01 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant »

801,9

814,4

+ 12,5

+ 1,6 %

- 0,9 %

Action 02 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels »

141,4

150,9

+ 9,5

+ 6,7 %

+ 4,1 %

Action 06 « Soutien à l'emploi et structuration des professions »

62,7

71,7

+ 9,0

+ 14,4 %

+ 11,6 %

Total

1006,0

1037,0

+ 31,0

+ 3,1 %

+ 0,6 %

Source : commission des finances

Corrigée de l'hypothèse d'inflation prévue en projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, les crédits sont en légère hausse en CP (0,6 %), mais diminuent en AE (- 0,8 %).

2. La politique de labellisation, instrument du financement de la création artistique

Il est possible de s'interroger, dans le même temps, sur l'absence de prise en compte des observations récentes de la Cour des comptes quant à la répartition des crédits. Dans un rapport publié en mai 2022, la Cour relevait en effet que l'État finançait un secteur qui lui échappait en partie, via une politique trop centrée sur l'offre et dont les résultats en matière de démocratisation et de diffusion se font attendre2(*).

Au total, en 2022, 960,28 millions d'euros de subventions ont été versées à plus de 5 300 structures. La quasi-totalité de ces crédits est administrée par les services déconcentrés.

Nombre de bénéficiaires par tranche de financements versés

Source : commission des finances

Celle-ci semble, par ailleurs, brouillée tant par la multiplication des objectifs assignés (16 sous actions pour les actions 01 et 02) et des labels que, dans certains cas, par le caractère résiduel pour ne pas dire marginal qu'elle peut revêtir dans les territoires, où elle se résume à un financement complémentaire des politiques territoriales.

L'octroi de 18,8 millions d'euros de mesures nouvelles en faveur des structures labellisées prévues en 2024 peut susciter, à cet égard, quelques interrogations, d'autant plus qu'ils s'ajoutent aux 16,5 millions d'euros octroyés l'année précédente. Sur cette somme, 5 millions d'euros de mesures nouvelles seraient dédiées aux investissements en région, notamment pour les projets liés au remplacement des petits équipements énergivores ou à l'amélioration du bâti. Le reste est dédié à l'accompagnement en fonctionnement des labels.

L'objectif affiché consiste à permettre la préservation de marges artistiques, via une consolidation des budgets. L'intention est louable. Elle ne présume pas pour autant d'une réflexion sur la pertinence de l'action de l'État en faveur de la création dans les territoires et pourrait s'apparenter à un renouvellement automatique des aides habituellement versées, à l'image d'une dépense de guichet.

Les rapporteurs spéciaux peinent ainsi à déceler une véritable stratégie, alors que les inégalités entre territoires sont parfois criantes : 36 départements sont ainsi dépourvus d'une scène nationale.

Un changement de paradigme apparaîtrait dans ces conditions opportun, via une rationalisation des objectifs et une réorientation des financements.

Un objectif de rationalisation de la diffusion qui doit être souligné : le plan « mieux produire, mieux diffuser »

Plusieurs constats ont conduit le ministère de la Culture à mettre en place un plan de refondation intitulé « Mieux produire, mieux diffuser », visant à une rationalisation et surtout une diffusion plus importante des productions en augmentant les collaborations et les mutualisations.

Le système pâtit en effet d'un excès de productions, qui sont globalement insuffisamment diffusées. Les collectivités territoriales, de leur côté, ont des difficultés à maintenir leurs financements, voire pour certaines les ont réduits.

9 millions d'euros sont prévus en PLF 2024 pour la diffusion de ce plan, dont l'objectif est qu'ils aient un effet levier sur la contribution des collectivités (espérée par le ministère à 10 millions d'euros) et des établissements eux-mêmes (10 millions d'euros également). Les DRAC ont d'ores et déjà des mandats pour négocier avec les collectivités territoriales sur ce point.

Les rapporteurs spéciaux partagent l'objectif de ne pas inciter à tout prix à la production de nouvelles oeuvres ; sur ce plan, l'idée générale du plan « mieux produire, mieux diffuser » ne peut donc être que soutenue. Néanmoins, il est étonnant qu'il soit nécessaire, pour optimiser la diffusion des créations, d'en passer par l'attribution de moyens supplémentaires.

Source : commission des finances


* 2 Cour des comptes, Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant, Rapport public thématique, mai 2022.

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