N° 178

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 décembre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi
visant à
lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration
d'une allocation autonomie universelle d'études,

Par Mme Anne SOUYRIS,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Sénat :

15 et 179 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi vise à mettre en place une allocation autonomie universelle d'études au bénéfice de l'ensemble des étudiants du supérieur et des élèves de la formation professionnelle du second degré. Cette aide universelle, qui est versée par la collectivité nationale sous conditions d'autonomie financière et d'assiduité, doit permettre de lutter contre la précarité estudiantine.

La commission ne l'a pas adoptée.

I. LE CONSTAT D'UNE PRÉCARITÉ CROISSANTE DES ÉTUDIANTS ET DES APPRENTIS, SANS QUE LE SYSTÈME DES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX NE PARVIENNE À L'ENRAYER

A. LA SUCCESSION DE CRISES A PERMIS DE RÉVÉLER UNE SITUATION DE PRÉCARITÉ ESTUDIANTINE LATENTE

La crise sanitaire a donné une visibilité médiatique à la précarité des étudiants. Faute de pouvoir exercer un emploi rémunéré en parallèle de leurs études, certains d'entre eux ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins, et ont dû recourir à l'aide alimentaire. Cette précarité spécifique existait déjà, et a été renforcée par l'inflation durable sur les denrées alimentaires, puis plus récemment par la crise du logement, qui s'est désormais étendue aux locations de petites surfaces de villes jusqu'alors épargnées (Angers, Rennes, etc.).

Frappés par cette précarisation, les étudiants concernés souffrent souvent d'isolement et d'exclusion sociale, ce qui se traduit par une augmentation des risques psychosociaux (RPS) que ne parvient pas à absorber le dispositif « Santé psy étudiant » : 31 % des étudiants seraient concernés par les RPS. Le même constat est fait par les services de santé des universités s'agissant de leur état général de santé.

Cette situation augmente mécaniquement les échecs académiques, les refus de continuer des études ainsi que les abandons, ce qui constitue un gâchis humain et financier pour la collectivité.

B. À BOUT DE SOUFFLE, LE SYSTÈME DES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX NE RÉPOND PLUS AUX DIFFICULTÉS FINANCIÈRES DES ÉTUDIANTS, NI NE RÉDUIT LE POIDS DES INÉGALITÉS SOCIALES DANS LE SUPÉRIEUR

Le système de bourses de l'enseignement supérieur permet d'accorder une aide, complémentaire au soutien familial, pour les étudiants confrontés à des difficultés matérielles. Ces bourses, financées par l'État et gérées par le réseau des centres régionaux pour les oeuvres universitaires et sociales (Crous), bénéficient à plus de 780 000 étudiants par an, pour un budget de 2,6 milliards d'euros. Elles ouvrent droit à d'autres services de restauration et d'hébergement à tarif étudiant, comme le repas à 1 € mis en place en 2020.

 

Montant annuel d'une bourse
sur critères sociaux
(échelons 0 
bis et 7)

Pour autant, le système des bourses ne parvient pas à répondre à la précarisation des étudiants. Le montant des bourses est trop faible pour subvenir aux dépenses de logement et d'alimentation, et les effets de seuil du système par échelon pénalise particulièrement les enfants de la classe moyenne : jusqu'à une période récente, une augmentation d'un euro de revenu des parents pouvait conduire à la disparition de la bourse.

La complexité du système de bourses, différent selon les ministères de tutelle des établissements d'enseignement supérieur, conduit également à un fort taux de non-recours pour les étudiants les plus vulnérables.

Le fonctionnement des bourses n'encourage pas non plus l'émancipation des étudiants, puisqu'il conduit à définir leur situation sociale par rapport aux revenus de leurs parents jusqu'à 25 ans, alors qu'ils peuvent être en rupture, ou bien travailler pour subvenir seuls à leurs besoins.

Structure des ressources mensuelles moyennes des étudiants
selon l'Observatoire de la vie étudiante (OVE)

II. LA MISE EN PLACE D'UNE AIDE UNIVERSELLE PERMETTRAIT D'INVESTIR COLLECTIVEMENT DANS LA FORMATION ET LES COMPÉTENCES DES ÉTUDIANTS ET APPRENTIS, TOUT EN LES RESPONSABILISANT

A. LE PRINCIPE D'UNE ALLOCATION AUTONOMIE UNIVERSELLE D'ÉTUDES SE SUBSTITUANT AUX AIDES ACTUELLES

À cette fin, l'article unique de la proposition de loi propose de créer une allocation universelle au bénéfice de l'ensemble des étudiants du supérieur de 18 à 25 ans d'une part, et des élèves de la formation professionnelle dès 16 ans d'autre part. Cette allocation, versée sur 10 mois, serait fixée au niveau du montant net du salaire minimum pour un apprenti de plus de 21 ans en dernière année d'apprentissage, soit 1 078 euros par mois en 2023.

Cette allocation, dont le montant approche les ressources moyennes dont dispose un étudiant en France, pose le principe d'une éligibilité sans conditions de ressources. Pour autant, son octroi ne serait pas inconditionnel, puisqu'il supposerait, en plus d'être inscrit dans un établissement éligible au versement de bourses dans le système actuel, de respecter les conditions suivantes :

faire preuve d'assiduité dans le suivi de ses études ;

être autonome financièrement, c'est-à-dire ne pas être rattaché au foyer fiscal de ses parents ;

ne pas cumuler une situation d'emploi avec ses études, pour permettre aux étudiants concernés de se consacrer pleinement à leur réussite académique.

À défaut du respect de ces conditions, notamment de l'assiduité dans la formation, le versement de l'allocation pourrait être suspendu.

B. CETTE RÉFORME AMBITIEUSE SUPPOSE UN EFFORT DE FINANCEMENT, QUI DOIT S'APPRÉCIER DANS UNE LOGIQUE D'INVESTISSEMENT SUR L'AVENIR

La nouvelle allocation se substituerait intégralement aux aides non servies par les Crous dans le droit existant. Il s'agit notamment des aides personnalisées au logement (APL) et des avantages fiscaux consentis aux foyers de rattachement des étudiants sous forme de crédit d'impôt et de demi-part fiscale.

Les travaux d'économistes permettent de donner un ordre de grandeur de 30 milliards d'euros pour le coût de cette réforme, à comparer aux 5,9 milliards d'euros du système existant. Elle concernerait 3,2 millions de personnes, dont 2,8 millions d'étudiants et apprentis du supérieur et 400 000 élèves de lycée professionnel, contre seulement 700 000 boursiers dans le système actuel.

Ce coût est aussi à appréhender comme un investissement en capital humain, et doit permettre de former les travailleurs nécessaires pour relever les défis rencontrés dans les domaines de l'industrie, de la transition environnementale, de la santé ou du numérique par exemple.

Par ailleurs, une aide universelle ne fait pas nécessairement obstacle à des effets redistributifs, et permet même de réduire les inégalités sociales selon le mode de financement qui est retenu.

Réunie le mercredi 6 décembre 2023 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales n'a pas adopté la proposition de loi, considérant qu'elle représenterait une charge trop importante pour les finances publiques et qu'elle remettait en cause le caractère complémentaire aux solidarités familiales de l'aide publique. La discussion en séance publique portera sur le texte déposé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Création d'une allocation autonomie universelle d'études

Cet article propose de créer une allocation autonomie universelle d'études au bénéfice de l'ensemble des étudiants du supérieur et des élèves de la formation professionnelle du second degré, versée par la collectivité nationale, sous conditions d'autonomie financière et d'assiduité.

La commission n'a pas adopté cet article.

I - L'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études pour les étudiants et les apprentis par la refonte de l'ensemble des dispositifs existants pour faire face à la précarité de la jeunesse

A. Un système de bourses « à bout de souffle »

1. Le système de bourses sur critères sociaux hérité de la IIIe République désormais peu satisfaisant

Créées sous la IIIe République1(*), les bourses d'enseignement supérieur ont fait l'objet de propositions alternatives, notamment sous la forme d'une allocation d'études proposée à l'initiative du chrétien-démocrate Raymond Cayol, qui défendit la mesure au nom « de la valeur personnelle de l'étudiant, de sa qualité présente [et] du travail qu'il poursuit ».

 Les bourses d'enseignement supérieur sont accordées, complémentairement à l'aide des familles, aux étudiants confrontés à des difficultés matérielles ne leur permettant pas d'entreprendre ou de poursuivre des études supérieures. L'article L. 821-1 du code de l'éduction précise ainsi que, « la collectivité nationale accorde aux étudiants, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des oeuvres universitaires (...). Elle privilégie l'aide servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales. »

Les bourses d'enseignement sur critères sociaux sont donc majoritaires et voient leur gestion confiée depuis 1955 au réseau pour les oeuvres sociales universitaire2(*), tandis que leur versement est effectué par les Crous. Elles ne sont cependant pas exclusives d'autres aides, telles que les bourses au mérite ou aux mobilités internationales. Cumulées, ces aides représentent 2,61 milliards d'euros de budget en 2024, au bénéfice de plus de 780 000 étudiants.

Évolution du nombre de bénéficiaires de bourses sur critères sociaux
entre 2016 et 2022

 

2016-2017

2017-2018

2018-2019

2019-2020

2020-2021

2021-2022

Nombre de boursiers sur critères sociaux

691 215

696 983

712 166

717 955

749 562

720 043

Part de boursiers

37,7 %

37,4 %

37,5 %

37,7 %

38,4 %

37,7 %

Source : Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (Sies)

L'éligibilité aux seules bourses sur critères sociaux est conditionnée par différents critères :

la condition d'études : il faut être inscrit en formation initiale en France ou dans un pays de l'Union européenne, dans un établissement d'enseignement public ou privé habilité à recevoir des boursiers ;

la condition d'âge : il faut avoir moins de 28 ans lors de la première demande de bourse ;

la condition de ressources : l'administration considère le revenu brut global de la famille ou du tuteur légal de l'étudiant en année N-2.

Le montant annuel de la bourse, versé en 10 mensualités dans l'année, varie entre 1 454 et 6 335 euros selon l'échelon de l'étudiant. Ces échelons, qui varient entre 0 bis et 7, correspondent à des fourchettes de ressources du foyer de rattachement de l'étudiant. Afin de prendre en compte la situation du foyer, ces paliers sont eux-mêmes modulés par rapport aux « points de charge » définis par l'administration :

selon la composition du foyer : 2 points par enfant autre que le boursier à charge fiscale et 4 points dans le cas où cet enfant étudie dans l'enseignement supérieur ;

selon la distance entre le lieu d'étude et l'habitation : 1 point entre 30 et 249 km et 2 points au-delà ;

selon des conditions particulières : situation de handicap, études en territoire ultra-marin, etc.

Montant 2023-2024 de la bourse sur critères sociaux selon l'échelon

Échelon

Montant annuel

Plafond de ressources correspondant
à 3 points de charge

bis

1 454 €

42 877 €

1

2 163 €

29 150 €

2

3 071 €

23 564 €

3

3 828 €

20 818 €

4

4 587 €

18 126 €

5

5 212 €

15 476 €

6

5 506 €

9 773 €

7

6 335 €

795 €

     

Majoration pour les étudiants outre-mer

+ 300 €

 

Note de lecture : Un étudiant dont le foyer totalise trois points de charge, soit par exemple parce que ce foyer accueille un autre enfant scolarisé dans le secondaire et est situé de 30 à 249 km de l'établissement d'études supérieures, et dont le revenu fiscal de référence des parents est entre 29 150 € et 42 877 €, bénéficie d'une bourse annuelle de 1 454 € s'il étudie en métropole ou de 1 754 € s'il étudie en outre-mer.

Source : Arrêté du 13 avril 2023 fixant les plafonds de ressources relatifs aux bourses d'enseignement supérieur du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'année universitaire 2023-2024.

• Le système des bourses de l'enseignement sur critères sociaux fait l'objet de nombreuses critiques3(*), notamment du fait de sa complexité et de son incapacité à répondre à la précarité étudiante et à réduire les inégalités sociales dans la réussite académique.

La ventilation des montants des bourses par échelon engendre des effets de seuil problématiques. En effet, une variation à l'euro près dans le revenu annuel des parents peut faire descendre d'un échelon et réduire considérablement la bourse versée. Cet effet est d'autant plus fort concernant les échelons les moins précaires, à commencer par le 0 bis. Aussi ces effets de seuil sont-ils particulièrement défavorables aux classes moyennes.

Répartition du nombre de boursiers sur critères sociaux par échelon pour l'année universitaire 2021-2022

Échelon

Nombre de boursiers

Part de cet échelon
parmi les boursiers

bis

229 564

31,9 %

1

100 163

13,9 %

2

51 830

7,2 %

3

52 692

7,3 %

4

51 801

7,2 %

5

93 688

13,0 %

6

82 303

11,4 %

7

58 002

8,1 %

Source : Cnous

Par ailleurs, des différences d'appréciation dans les modalités d'attribution des bourses subsistent entre les études qui relèvent respectivement du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, du ministère de la culture et du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

De plus, le système de bourses sur critères sociaux peine à répondre à la problématique des précarités étudiantes. D'une part du fait du non-recours et des modalités de fixation des bourses, qui aboutissent à ce que des étudiants précaires ne bénéficient pas de ces bourses ; d'autre part du fait du montant des bourses qui semble insuffisant pour couvrir les besoins des étudiants, a fortiori dans un contexte d'inflation durable.

Enfin, les bourses sur critères sociaux font l'objet d'une critique historique de la part des syndicats étudiants depuis la charte de Grenoble, en raison du maintien d'un principe de complémentarité à l'aide familiale et de l'absence de statut étudiant. La prise en compte des revenus du foyer des parents pour déterminer la situation sociale de l'étudiant est en effet vue comme méconnaissant le principe d'autonomie des personnes, et comme pouvant conduire à des formes de violences financières au sein de la famille.

La charte de Grenoble du 24 avril 1946 : acte fondateur du syndicalisme étudiant et premier appel à la mise en place d'un « salaire étudiant »

Article 1er

L'étudiant est un jeune travailleur intellectuel.

Article 2

En tant que jeune, l'étudiant a droit à une prévoyance sociale particulière dans les domaines physique, intellectuel et moral.

(...)

Article 4

En tant que travailleur, l'étudiant a droit au travail et au repos dans les meilleures conditions et dans l'indépendance matérielle, tant personnelle que sociale, garanties par le libre exercice des droits syndicaux.

 Afin de répondre, en partie, à ces critiques, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a mis en place une concertation avec les organisations représentatives étudiantes visant à réformer le système de bourses sur critères sociaux en deux temps.

Ainsi, à la rentrée 2023, les moyens consacrés à ces dispositifs ont augmenté de 500 millions d'euros, notamment afin :

d'augmenter le nombre de boursiers issus des classes moyennes via une hausse de 6 % des plafonds de ressources de l'ensemble des échelons ;

de revaloriser l'ensemble des bourses de 370 euros par an afin de répondre à l'inflation ;

de neutraliser les effets de seuil pour la rentrée 2023 en plafonnant la diminution du montant de la bourse d'un étudiant à l'augmentation de revenus de ses parents. Cette neutralisation exceptionnelle devrait être pérennisée lors de la deuxième phase de la réforme attendue pour 2025.

2. Des moyens insuffisants pour permettre au réseau du centre national des oeuvres universitaires sociales (Cnous) de faire face à la précarité étudiante grandissant

Créé en 19554(*), le réseau constitué par le Cnous et les Crous se voit confier la mission de « contribue[r] à assurer aux étudiants une qualité d'accueil et de vie propice à la réussite de leur parcours de formation », d' « assure[r] une mission d'aide sociale et de lutte contre le harcèlement dans le cadre universitaire » et de concourir à « l'information et à l'éducation des étudiants en matière de santé. »5(*).

Les Crous sont des opérateurs de l'État en matière de vie étudiante. Aussi font-ils participer les représentants des étudiants6(*) à leur gouvernance. Afin d'assurer ses missions, le réseau Cnous/Crous dispose d'un financement de 673,9 millions d'euros pour 2024.

Outre l'instruction et la gestion des demandes de bourses sur critères sociaux de l'enseignement supérieur, de la culture et de l'agriculture, les Crous assurent également :

- la gestion d'aides directes spécifiques pour les étudiants rencontrant des difficultés financières : après entretien avec un travailleur social et examen par une commission du Crous, une aide spécifique ponctuelle peut être attribuée deux fois par an, d'un montant de 3 071 euros en 2023-2024, ainsi qu'une aide spécifique annuelle correspondant à un échelon compris entre le 0 bis et le 7è ;

- la gestion d'aides indirectes relatives au logement et à la restauration : le réseau des Crous dispose ainsi d'un parc de plus de 175 000 logements étudiants à moindre coût. Il est également chargé d'organiser un service public de restauration universitaire à tarif modéré à proximité des lieux d'études7(*), qui permet de proposer 35 millions de repas complets par an aux étudiants.

L'accès des étudiants à une offre alimentaire à tarif modéré :
le repas à 1 € et la loi Lévy

Face à l'inflation soutenue et durable qui touche particulièrement les denrées alimentaires - elle devrait être de 13 % sur l'année en 2023 -, différentes mesures ont été prises afin de permettre d'assurer l'accès des étudiants à l'alimentation :

la mise en place du repas à 1 € dans les restaurants universitaires gérés par les Crous : ce tarif social au bénéfice de l'ensemble des étudiants boursiers sur critères sociaux, et pour certains étudiants non boursiers en situation de précarité, a été mis en place en 2020 et prolongé depuis. Les autres étudiants bénéficient d'un tarif social dont le montant est gelé à 3,30 € ;

la loi dite Lévy, du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré : afin de remédier aux inégalités d'accès au service public de la restauration universitaire, cette initiative sénatoriale a permis de créer, sur le modèle du titre-restaurant proposé aux salariés par les entreprises, un titre-restaurant au bénéfice de tous les étudiants qui n'ont pas accès à une structure de restauration universitaire, notamment dans la ruralité.

Enfin l'offre de logement et de restauration du réseau des oeuvres sociales n'est pas exclusive d'actions plus ponctuelles ou spécifiques, concernant la santé notamment (sensibilisation à l'accès au droit à la C2S), ou au contraire transversales, avec par exemple, les référents à la rupture de l'isolement en cité-universitaire.

3. Conséquences : une grande précarité étudiante et des effets préoccupants concernant la poursuite d'études et la réussite académique

La crise sanitaire a donné une visibilité médiatique à la précarité des étudiants, puisque ne pouvant pas exercer un emploi rémunéré en parallèle de leurs études, certains ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins et ont dû recourir à l'aide alimentaire. Le rapport du Sénat au sujet des conditions de la vie étudiante en France a souligné qu'une précarité spécifique des étudiants existait : en 2020 déjà 24 % des étudiants déclaraient rencontrer des difficultés financières importantes, contre 29 % aujourd'hui8(*). Elle a été renforcée par l'inflation durable sur les denrées alimentaires, et plus récemment par la crise du logement qui s'est désormais étendue aux locations de petites surfaces de villes jusqu'alors épargnées (Angers, Rennes, etc.).

Frappés par cette précarisation, les étudiants concernés souffrent souvent d'isolement et d'exclusion sociale, ce qui se traduit par une augmentation des risques psychosociaux (RPS) que ne parvient pas à absorber le dispositif « Santé psy étudiant » : 31 % des étudiants seraient concernés par les RPS9(*). Le même constat est fait par les services de santé des universités s'agissant de leur état de santé.

Cette situation augmente mécaniquement les échecs académiques, les refus de continuer des études ainsi que les abandons, ce qui constitue un gâchis humain et financier pour la collectivité. En effet, les travaux du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche10(*) établissent que, huit ans après le baccalauréat, les bacheliers précaires, quand ils ont poursuivi des études supérieures, ont obtenu, en moyenne, un niveau de diplôme moins élevé que les autres étudiants.

B. Une politique de soutien à l'apprentissage et aux lycéens professionnels non efficiente, conduisant à une précarisation

 La Loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est venue réformer le système de l'apprentissage, en confirmant son orientation vers une politique de soutien aux entreprises et des centres de formation d'apprentis (CFA), plutôt qu'aux apprentis eux-mêmes.

Le financement de l'apprentissage aux CFA est désormais effectué par les opérateurs de compétences (Opco), en fonction du nombre d'inscrits, selon un niveau de prise en charge déterminé par les branches professionnelles et adapté à la nature du diplôme préparé. L'opérateur France compétences émet par ailleurs des recommandations visant à faire converger ces niveaux de prise en charge.

Par ailleurs, les représentants de l'apprentissage soulignent des pratiques préjudiciables aux apprentis, de nature à renforcer leur précarité.

La grille de rémunération des apprentis est insuffisante pour répondre aux besoins de ces derniers, alors même que le contrat d'apprentissage entraîne la perte du bénéfice de la bourse sur critère sociaux. Pour rappel, un apprenti de 18 ans dans sa première année d'alternance gagne 27 % du salaire minimum de croissance, soit 430 euros par mois en 2023.

Rémunération minimale des apprentis selon l'âge et le niveau d'études en 2023

Situation

1ère année d'études

2ème année d'études

3ème année d'études

16 à 17 ans

27 % du Smic

( 471 €)

39 % du Smic

( 681 €)

55 % du Smic

( 960 €)

18 à 20 ans

43 % du Smic

( 751 €)

51 % du Smic

( 891 €)

67 % du Smic

( 1 170 €)

21 à 25 ans

53 % du Smic

( 926 €)

61 % du Smic

( 1 065 €)

78 % du Smic

( 1 362 €)

Source : Cnous

Aussi, une forte précarité est observée chez les jeunes apprentis, et appelle à un accompagnement social plus grand pour les jeunes, ou a minima, l'extension du bénéfice des allocations disponibles pour les autres étudiants.

 Le même constat peut être fait concernant les lycéens de la voie professionnelle. Ces lycées font l'objet d'une réforme annoncée par le Président de la République en mai 202311(*), qui prévoit la mise en place d'une indemnisation des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP).

Créée par décret, cette allocation de stage est mise en place à partir de la rentrée 2023-2024, et sera versée à partir de janvier 2024 sur condition d'assiduité.

Montant de l'allocation de stage selon le niveau de la formation suivie par l'élève en 202412(*)

Filières

Niveau de formation

Gratification annuelle maximale

CAP

1ère année

300 à 350 €

2ème année

400 à 525 €

Baccalauréat professionnel

Seconde

200 à 300 €

Première

450 à 600 €

Terminale

800 €

Brevet des métiers d'art (BMA)

1ère année

600 €

2ème année

800 €

Formation complémentaire d'initiative locale

Post niveau 3

1 350 €

Post niveau 4

1 800 €

Mention complémentaire

Niveau 3

1 350 €

Niveau 4

1 800 €

C. À défaut de prendre en compte la situation des jeunes actifs, certains pays ont fait le choix d'un modèle universel offrant un capital de droit à chaque étudiant

1. Le Statens Uddannelsesstøtte danois : une aide d'État universelle pour les étudiants

Le Danemark entretient une longue tradition de fonds pour étudiants13(*), mais c'est en 1970 que le Statens Uddannelsesstøtte (aide éducative d'État, ou SU) voit le jour dans sa forme contemporaine : une aide particulière à destination des étudiants nationaux.

 La bourse du SU, ouverte à tout étudiant danois, fonctionne selon un système de tickets qui correspondent chacun à un droit mensuel à percevoir la bourse. Chaque étudiant se voit ainsi accorder une carte de tickets (Klippekort) correspondant à la durée de ses études, à laquelle s'ajoutent 12 mois et qui ne peut en principe dépasser 70 mois.

 Les conditions d'éligibilité liées au SU sont les suivantes :

- posséder la citoyenneté danoise ou être assimilé à un citoyen danois ;

- ne recevoir aucune autre aide publique pour faire face au coût de la vie ;

- ne pas disposer de ressources annuelles au moins égales à la somme des douze montants mensuels du SU.

 Le montant du SU est principalement fonction du lieu de résidence de l'étudiant et du fait qu'il vive chez ses parents ou pas. Ainsi un étudiant vivant de façon autonome touchait un SU de 6 321 DKK (850 euros) par mois avant impôt en 2021, contre 3 143 DKK (422 euros) pour un étudiant vivant chez ses parents. Par ailleurs, une décote existe pour les étudiants vivant chez leurs parents selon les revenus de ces derniers.

 Le SU ne constitue pour autant qu'un élément du système universitaire danois, et trouve sa cohérence par rapport à l'ensemble de ses caractéristiques. En plus de ne compter que 259 456 étudiants en 2020, le Danemark opère une sélection poussée à l'entrée à l'université, et conditionne le SU à la réussite des examens, avec un échec autorisé sur l'ensemble de la scolarité. De plus, aucun service de restauration ou de logement universitaires comparable au Crous n'y existe.

2. Les faiblesses du RSA jeunes actifs

En France, les jeunes de 18-25 ans ont été d'abord exclus du RSA, avant la création du RSA jeunes actifs, par peur d'un risque de « trappe à pauvreté ».

Entré en vigueur le 1er juin 2009 en métropole, le RSA est en effet ouvert à toutes les personnes âgées de plus de 25 ans n'ayant pas atteint l'âge légal de la retraite. Le RSA donne lieu à la signature d'un contrat d'engagement avec le département, qui précise les actions d'insertion sociale et professionnelle auxquelles s'engage le bénéficiaire. Le RSA, anciennement appelé « RSA socle »14(*), est établi à 607,15 euros par mois pour un célibataire sans enfant, et bénéficie à 1,84 million d'allocataires pour un financement de plus de 15 milliards d'euros, à la charge des départements.

Les étudiants sont doublement exclus du bénéfice du RSA, d'abord du fait de la condition d'âge qui touche par construction une grande partie d'entre eux, mais également du fait de l'exclusion des élèves, étudiants et stagiaires au titre de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles.

Il existe cependant des exceptions à cette exclusion :

- pour les étudiants qui seraient en outre parents isolés et peuvent à ce titre bénéficier d'une majoration du montant de l'allocation RSA15(*) ;

- sur dérogation expresse du président du conseil départemental, pour les étudiants de plus de 25 ans qui reprennent des études afin de prétendre à un métier qualifié16(*).

- pour les étudiants de moins de 25 ans qui peuvent bénéficier du RSA jeune actif17(*), c'est-à-dire qui remplissent la condition d'avoir travaillé au moins 2 ans à temps complet18(*) au cours des 3 dernières années avant la demande de RSA.

Ainsi, en 2021, les travaux de la commission des affaires sociales du Sénat19(*) estimaient que 91 000 allocataires du RSA étaient âgés de moins de 25 ans sur un total de 1 903 800 à fin 2018, parmi lesquels il faudrait encore retrancher les allocataires non étudiants pour arriver au nombre d'étudiants de moins de 25 ans bénéficiaires du RSA.

3. La France isolée en Europe : seuls trois États membres de l'UE

En Europe, seuls trois autres États membres ont choisi à l'instar de la France d'exclure les jeunes de l'accès à l'équivalent national du minimum social que constitue le RSA : l'Espagne (à 23 ans), Chypre (à 28 ans) et le Luxembourg (à 25 ans). Parmi les pays qui ne comportent pas de limite d'âge, trois ont en revanche introduit une minoration du revenu minimum à destination des jeunes afin de répondre à la crainte de désincitation au travail ou aux études.

Suivant ces exemples, le rapport de 2016 au Premier ministre de Christophe Sirugue, Repenser les minima sociaux, proposait une refonte systémique des dix minima sociaux20(*) en créant une « couverture socle commune » accessible, sous condition de ressources, à tout individu dès 18 ans sans tenir compte de la composition de son foyer. Le rapport estimait notamment que « les jeunes ne doivent en aucun cas être exclus des dispositifs de droit commun destinés à l'ensemble de la population, l'accès des 18-25 ans aux minima sociaux est incontestablement nécessaire ».

D. Le dispositif proposé : une refonte ambitieuse des dispositifs existants, revêtant un cout non négligeable pour la collectivité

1. Le dispositif proposé permet de répondre à la problématique de la précarité des étudiants

Afin de répondre aux limites intrinsèques du système des bourses, incapable de répondre de manière structurelle à la précarité des étudiants, le présent article propose d'instaurer une allocation universelle pour les étudiants du supérieur d'une part et pour les élèves de la formation professionnelle d'autre part.

 Le 1° du I de l'article unique de la proposition de loi crée un nouvel article L. 531-4-1 dans le code de l'éducation, qui inscrit le principe d'une allocation autonomie universelle d'études versée par la collectivité nationale21(*) pour les élèves inscrits dans une formation professionnelle du second degré à partir de 16 ans. Le même article renvoie au décret la fixation des modalités de calcul du solde de l'allocation versée en complément des revenus perçus au titre d'un contrat d'apprentissage.

 Le 2° du même I crée un article L. 821-1 dans le même code, qui inscrit le principe d'une allocation autonomie universelle d'études similaire pour les étudiants d'un établissement de l'enseignement supérieur public âgés de 18 à 25 ans.

Le II de l'article L. 821-1 nouvellement créé renvoie au décret la fixation du montant de cette allocation pour les étudiants du supérieur. Il précise que ce montant ne peut pas être inférieur au montant net du salaire minimum pour un apprenti de plus de 21 ans en dernière année d'apprentissage, ce qui correspond en 2023 à 1 078 euros.

Le III prévoit une condition d'autonomie fiscale et financière de l'étudiant vis-à-vis de ses parents pour bénéficier de l'allocation, ainsi qu'une condition relative à l'absence de contrat de travail, à l'exception des contrats d'apprentissage.

Le IV ajoute également une condition d'assiduité au sens de l'article L. 611-11 du même code, à défaut de laquelle l'allocation peut être suspendue.

Le V du même article nouvellement créé prévoit que l'allocation se substitue au bénéfice des prestations existantes pour les bénéficiaires, ce qui concernerait particulièrement les APL.

En revanche, le VI maintient la possibilité pour les étudiants titulaires de l'allocation nouvellement créée de conserver le bénéfice des prestations du réseau Cnous/Crous : restauration, logement, aides pour les étudiants en difficulté. Il maintient également le bénéfice des aides spécifiques proposées par les collectivités territoriales ou personnes morales.

Le VII étend le bénéfice de l'allocation créée à d'autres établissements que les seuls établissements publics : les établissements d'enseignement supérieur privés créés avant le 1er novembre 1952, les facultés libres, les établissements d'enseignement supérieur privés habilités par la ministre chargée de l'enseignement supérieur, les établissements d'enseignement supérieur technique privés reconnus par l'État et les classes préparatoires aux concours de la fonction publique administrative des instituts d'études politiques.

Le VIII prévoit la possibilité de fixer par décret les conditions dans lesquelles les personnes en situation d'études au-delà de 25 ans peuvent bénéficier de l'allocation.

 Le 3° du II du présent article propose d'abroger les articles L. 821-2 à L. 821-4 du code de l'éducation.

 Le II du présent article gage la charge créée par l'allocation par une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs.

2. Un dispositif ambitieux, donc coûteux

Le dispositif proposé se substitue non seulement aux systèmes des bourses, mais également aux aides financières dont bénéficient les étudiants et leurs familles, sans qu'elles ne leur soient spécifiquement destinées, que ce soit sous forme d'allocation ou de dépense fiscale :

- c'est le cas des aides au logement, principalement l'aide personnalisée au logement (APL) et l'allocation de logement sociale (ALS), qui concerneraient 792 000 allocataires étudiants dont 265 000 seulement seraient boursiers ;

- une aide indirecte importante en faveur des étudiants réside également dans l'avantage fiscal qui est accordé au foyer de leurs parents sous la forme de la demi-part fiscale22(*). Ce rattachement fiscal est permis pour les enfants étudiants de moins de 25 ans, et constitue une dépense fiscale évaluée à 600 millions d'euros.

Or, ces aides sont particulièrement difficiles à quantifier, puisque leurs systèmes d'information n'ont pas été conçus pour rattacher le bénéficiaire à une situation d'études ou non. Aussi, l'évaluation précise du nombre de bénéficiaires potentiels n'a pas été possible de la part des services de l'administration, car l'allocation nécessiterait la création de systèmes d'information spécifiques pour isoler les étudiants indépendamment de leur foyer de rattachement fiscal.

Les données disponibles permettent cependant d'estimer qu'elle pourrait concerner environ 3,2 millions de personnes : 2,8 millions d'étudiants et apprentis du supérieur et 400 000 élèves de lycée professionnel.

Un tel ordre de grandeur aboutirait pour cette réforme, toute chose égale par ailleurs23(*), à un coût annuel d'environ 30 milliards d'euros24(*), à comparer aux 5,9 milliards d'euros du système existant25(*).

II - La position de la commission

La rapporteure partage l'objectif poursuivi par le présent article, qui vise à lutter contre la précarité étudiante en instaurant une allocation autonomie universelle d'études.

Il lui semble notamment que l'universalité de cette aide permettrait de répondre à la fois à la problématique de non-recours aux droits qui touche particulièrement les étudiants, et aux limites rencontrées par le système de bourses sur critères sociaux. Les auditions menées ont confirmé qu'une population substantielle d'étudiants non boursiers connaissait une situation pouvant relever de la précarité, puisque 29 % des étudiants déclarent rencontrer des difficultés financières importantes en 2023, contre seulement 24 % en 202026(*).

Elle rejoint par ailleurs la préoccupation exprimée par les syndicats étudiants d'encourager l'émancipation des étudiants, en définissant leurs besoins indépendamment de la situation matérielle de leurs parents. Elle s'interroge plus largement sur le consensus qui existe au sujet d'autres âges de la vie, dont la prise en charge par la collectivité ne pose plus question, là où la jeunesse - période de vulnérabilité accrue - est renvoyée aux seules solidarités familiales.

Les économistes consultés lors de ses travaux lui ont par ailleurs confirmé que la dépense importante que constituerait une telle aide, de l'ordre de 25 milliards d'euros supplémentaires, n'était pas infondée. D'une part, cette dépense représente également un investissement en capital humain27(*) de la part de la collectivité, dont les retombées économiques à long terme sont non négligeables ; d'autre part, et contrairement aux idées reçues, une aide universelle ne fait pas nécessairement obstacle à des effets redistributifs de nature à réduire les inégalités sociales. Ces effets dépendent essentiellement du mode de financement retenu pour une telle aide.

La rapporteure souligne que le dispositif proposé n'est pas figé, et pourrait même gagner à évoluer lors des débats en séance publique afin de prendre en compte les observations recueillies lors de ses auditions. Ainsi, le fonctionnement de l'allocation proposée pourrait être converti en un « capital » de 60 mensualités, et le montant mensuel être modulé en fonction de critères objectifs (logement familial gratuit, etc.).

Cette solution aurait pour avantage de maintenir une forte autonomisation des jeunes, et de leur permettre d'alterner plus facilement entre phases d'activité et phases d'études, afin notamment de ne pas se maintenir dans un cursus universitaire inadaptée et de faciliter leur réorientation.

La commission a considéré que le dispositif proposé représentait une charge trop importante pour les finances publiques, et qu'il remettait en cause le caractère complémentaire aux solidarités familiales de l'aide publique.

La commission a supprimé cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 6 décembre 2023, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Anne Souyris, rapporteure, sur la proposition de loi (n° 15, 2023-2024) visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons à présent le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi (PPL) visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études. Cette proposition de loi, déposée par notre collègue Monique de Marco, dont je salue la présence à notre réunion, sera examinée en séance publique mercredi 13 décembre 2023, au sein de la niche parlementaire du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST).

Mme Anne Souyris, rapporteure. - La proposition de loi de notre collègue Monique de Marco répond à un constat partagé par l'ensemble des acteurs du monde de l'enseignement supérieur : le système de bourses sur critère social est à bout de souffle. En effet, il ne parvient plus à répondre ni au poids des inégalités sociales dans l'enseignement supérieur, ni à l'accélération de la précarisation des étudiants et des apprentis.

Notre commission a peu eu à se pencher, voire pas du tout, sur la situation des élèves du supérieur et en apprentissage, sur leur précarité spécifique et sur le système de bourses existant pour y répondre.

La question de la précarité étudiante et des apprentis a connu une forte visibilité lors des périodes de confinement. Il est apparu que, privés des possibilités d'exercer un emploi rémunéré en parallèle de leurs études, beaucoup d'étudiants ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins les plus élémentaires.

L'aide alimentaire s'est renouvelée pour répondre à ce nouveau public, en multipliant les épiceries solidaires, moins stigmatisantes, et en se rapprochant des lieux d'études.

Pourtant, les statistiques dont nous disposons semblent indiquer que la crise sanitaire, tout comme l'inflation sur les denrées alimentaires, a révélé une précarité qui existait, plus qu'elle ne l'a provoquée. Ainsi, en 2020, déjà 24 % des étudiants déclaraient rencontrer des difficultés financières importantes, contre 29 % aujourd'hui.

La rentrée 2023 a, de plus, vu la crise du logement frapper les étudiants, en s'étendant aux petites surfaces locatives de villes jusqu'alors épargnées, telles qu'Angers, Rennes ou Niort.

Mais derrière cette précarité matérielle, les professionnels de la santé que nous avons entendus insistent également sur les risques psychologiques liés à l'exclusion et à l'isolement social, ce dont témoignent la saturation du dispositif de soutien Santé Psy Étudiant dans de nombreuses universités, ainsi que la hausse inquiétante de tentatives de suicide chez les jeunes depuis la fin de la crise sanitaire de la covid-19.

Les inégalités socioéconomiques accentuent ces défis, affectant particulièrement les étudiants issus de milieux défavorisés. C'est pourquoi le système de bourses de l'enseignement supérieur accorde une aide complémentaire aux familles d'étudiants confrontés à des difficultés matérielles qui ne leur permettent pas d'entreprendre ou de poursuivre des études supérieures. Bénéficiant à plus de 780 000 étudiants par an, pour un budget de 2,6 milliards d'euros, ces bourses s'échelonnent de 1 450 à 6 300 euros annuels selon les ressources de la famille de l'étudiant. Leur gestion est confiée aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), qui proposent aussi une offre de restauration à tarif modéré à destination des étudiants - récemment adaptée aux zones rurales par l'initiative sénatoriale de la loi Lévy - et des places d'hébergement universitaire.

Pour autant, le système de bourses fait l'objet de critiques unanimes et croissantes, du fait de sa complexité et de son incapacité à répondre à la précarisation, notamment d'une partie des enfants de la classe moyenne. Le fonctionnement par échelon a longtemps engendré des effets de seuil, aboutissant à ce qu'une variation d'un euro du revenu annuel des parents puisse faire descendre l'étudiant d'un échelon et réduire ou faire disparaître sa bourse. Par ailleurs, les bourses font l'objet d'un fort taux de non-recours, et leur revalorisation annuelle paraît insuffisante pour couvrir les besoins les plus sommaires des étudiants.

Les syndicats étudiants entendus, y compris les plus modérés, insistent également sur la méconnaissance de l'autonomie des étudiants et sur l'absence de reconnaissance qui consiste à définir la situation sociale de l'étudiant par rapport aux revenus de ses parents jusqu'à ses 25 ans. Cela est d'autant plus étonnant que ce dernier peut être en rupture avec ses parents, ou travailler pour subvenir seul à ses besoins.

La proposition de loi que nous examinons a pour objet de répondre à cette impasse du système des bourses, en lui substituant une allocation autonomie universelle d'études.

Certes, cette solution peut sembler radicale de prime abord, mais elle est pourtant soutenue par des économistes, des présidents d'université et des intellectuels peu susceptibles de complaisance pour le grand soir. Une telle allocation fait par ailleurs l'objet, dans des termes comparables, d'un consensus transpartisan depuis des décennies dans des pays tels que le Danemark ou la Suède, qui y voient d'abord une manière de responsabiliser les étudiants et de récompenser leur assiduité.

L'article unique de la proposition de loi crée une allocation universelle au bénéfice de l'ensemble des étudiants du supérieur de 18 à 25 ans d'une part, et des élèves de la formation professionnelle d'autre part. Cette allocation est fixée au niveau du montant net du salaire minimum pour un apprenti de plus de 21 ans en dernière année d'apprentissage, soit 1 078 euros par mois en 2023.

Ce montant, qui peut paraître important, est à mettre en perspective, d'une part avec les ressources moyennes cumulées d'un étudiant en France, qui sont de 1 128 euros net par mois et, d'autre part, avec le fait qu'elle se substitue intégralement aux aides non servies par les Crous dans le droit existant. Il s'agit notamment des aides personnalisées au logement (APL) et des avantages fiscaux consentis aux foyers de rattachement des étudiants sous forme de crédit d'impôt et de demi-part fiscale.

Par ailleurs, cette allocation n'est pas dénuée de conditions. En plus d'être inscrit dans un établissement éligible à la perception d'une bourse, l'étudiant, comme l'apprenti, doit également faire preuve d'assiduité, être autonome financièrement et ne pas cumuler une situation d'emploi. Ces conditions permettent ainsi que les étudiants et les apprentis concernés se consacrent pleinement à leur réussite académique, et qu'à défaut l'allocation leur soit suspendue.

En revanche, les services du réseau des Crous, notamment la restauration universitaire et le logement, seraient maintenus pour les étudiants titulaires de l'allocation, de même que les aides spécifiques proposées par les collectivités territoriales.

Une telle aide universelle semble emporter de nombreux avantages.

D'abord, l'universalité répond à la problématique de non-recours aux droits, qui conduit trop souvent à des abandons d'études faute d'avoir la connaissance du système de bourses. De plus, les statistiques dont dispose l'administration semblent indiquer que de nombreux étudiants et apprentis sont dans une situation précaire sans pour autant être éligibles aux bourses sur critères sociaux, principalement dans la classe moyenne lorsque les études sont faites loin du foyer parental.

Un système universel permettrait également d'encourager l'émancipation des étudiants, en considérant leurs besoins indépendamment de la situation matérielle de leurs parents. Plus largement, un parallèle peut être esquissé avec d'autres âges de la vie pour lesquels la prise en charge par la collectivité ne pose plus question. Pour quelle raison la jeunesse, période de vulnérabilité accrue, est-elle renvoyée aux seules solidarités familiales ?

Reste la question du coût, non négligeable, puisque les auditions ont permis d'estimer qu'un investissement annuel de 25 milliards d'euros serait nécessaire. Cependant, compensé en partie par la demi-part fiscale et par l'arrêt d'autres prestations telles que les APL, ce coût est aussi à appréhender comme un investissement en capital humain, et doit permettre de former les travailleurs nécessaires pour relever les défis auxquels nous sommes collectivement confrontés dans les domaines de l'industrie, de la transition environnementale, de la santé, ou du numérique, par exemple.

Par ailleurs, une aide universelle ne fait pas nécessairement obstacle à des effets redistributifs, et permet même de réduire les inégalités sociales selon le mode de financement qui est retenu.

La proposition de loi est prometteuse, et nécessite certainement un débat nourri pour préciser certains éléments. Les travaux menés durant l'instruction du texte ont notamment permis de souligner l'opportunité qu'il y aurait à remplacer la condition d'âge par un quota de mois d'allocation, permettant ainsi de responsabiliser les étudiants et les apprentis et de leur donner la possibilité de construire des parcours plus proches du monde de l'entreprise, avec de nombreux stages. Le niveau de l'allocation pourrait également être discuté, et donner lieu à une modulation selon la situation de l'étudiant au regard de la cohabitation ou non avec ses parents, tant le loyer est une charge importante dans les dépenses. Par ailleurs, un tempérament pourrait être introduit concernant le non-cumul du travail salarié, afin de permettre des activités de tutorat ou des expériences professionnelles dans une limite raisonnable à définir, autour de 10 heures hebdomadaires. Enfin, une adaptation territoriale pourrait être introduite, afin de répondre à la diversité des conditions de vie suivant les localités, notamment dans les outre-mer. De telles évolutions feraient l'honneur du travail parlementaire, et permettraient d'adapter l'allocation proposée aux réalités que nous rencontrons dans nos territoires.

Pour conclure, face à l'essoufflement du système de bourses et à la précarisation des étudiants et des apprentis, ce texte prévoit de répondre par l'universalité et la confiance de la collectivité nationale en la génération qui vient. Il vise à permettre à chacun et chacune de suivre des études exigeantes, avec assiduité, et de se former pour, à son tour, contribuer à la vie de la Nation.

C'est pourquoi je demande à la commission de bien vouloir l'adopter.

Pour conclure, et bien qu'aucun amendement n'ait été déposé à ce stade, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives, d'une part, aux prestations accordées de manière universelle par la collectivité nationale aux étudiants ainsi qu'aux apprentis et aux lycéens de la voie professionnelle, et, d'autre part, aux bourses sur critères sociaux de l'enseignement supérieur. En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables, des amendements relatifs aux autres prestations et services accordés par le réseau des oeuvres universitaires, ou relatifs aux conditions d'attribution, aux règles de calcul et de versement des autres aides et prestations sociales.

Il en est ainsi décidé.

Mme Monique de Marco. - Convaincues, avec Anne Souyris, de la nécessité de légiférer, nous avons retenu la proposition des syndicats d'étudiants d'une allocation universelle, que soutiennent également un collectif de présidents d'université ainsi que des économistes comme Philippe Aghion.

La présente proposition de loi est directement issue des travaux de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je regrette d'ailleurs que celle-ci n'en examine pas le texte, en dépit de la demande que j'ai formulée en ce sens.

À l'occasion des travaux de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante que nous avons conduits en 2021 à la suite de la crise de la covid-19, nous avions constaté que les étudiants avaient été durement affectés par les conséquences des confinements, la privation d'emplois les ayant contraints financièrement. Notre rapport d'information concluait au besoin d'une refonte structurelle du système des bourses. Deux ans plus tard, cette réforme n'est toujours pas intervenue. Peut-être verra-t-elle le jour en 2025, si nous en croyons les annonces de la ministre chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Comme les précédentes, l'année 2023 est marquée par la précarité. Une étude de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) a relevé qu'un étudiant sur deux avait déjà sauté un repas par jour, faute de moyens. C'est l'un des éléments déclencheurs de la présente proposition, avec la tribune que quatorze présidents d'université ont publiée. Ceux-ci estiment que l'allocation d'études doit s'inscrire dans un véritable projet de société et qu'il faut en débattre.

Au sein de l'Union européenne, notre pays est le seul, avec l'Espagne et Chypre, à ne pas avoir ouvert largement le bénéfice du revenu de solidarité active (RSA) aux moins de 25 ans.

Dans notre proposition de loi, nous retenons une allocation d'un montant d'environ 1 100 euros par mois, équivalent au seuil de pauvreté, soit 67 % du Smic. Ce montant répond à la demande des syndicats d'étudiants. Adossé au Smic, il a la vertu d'être indexé sur l'inflation. Il nous semble cohérent au regard du montant de la seule dépense de logement des jeunes, qui représentait pas moins de 500 euros en moyenne par mois en 2020 selon l'Observatoire de la vie étudiante (OVE).

En 2020 toujours, le montant des ressources mensuelles des étudiants s'élevait à 910 euros.

Le taux de 67 % du Smic correspond également à la rémunération la plus haute prévue dans le droit actuel pour les apprentis âgés de moins de 25 ans, en dehors des dispositions plus favorables des conventions collectives.

Nous souhaitons que la nouvelle allocation complète, pour tous les apprentis âgés de 16 à 25 ans, les revenus versés par l'entreprise, lesquels s'avèrent très insuffisants. La grille indemnitaire des apprentis commence, je le rappelle, à 27 % du Smic, soit 430 euros mensuels environ.

La prise en charge des contrats d'apprentissage représente pour la puissance publique une dépense annuelle de 10,3 milliards d'euros, soit plus de quatre fois le total des différentes bourses. La proposition de loi vise d'ailleurs à interroger la pertinence du financement de cette politique, par rapport à un soutien direct aux jeunes apprentis.

L'allocation n'est pas cumulable avec le rattachement au foyer fiscal des parents ni avec le versement d'aides familiales, sauf dans les cas d'aides d'urgence. Elle remplace toutes les aides existantes, à l'exception des aides d'urgence versées par le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous). Y serait fondue l'APL, dont le Sénat rappelle régulièrement les limites et dont le coût représente approximativement 1,5 milliard d'euros par an.

J'en viens à la question du financement, qui est la plus sensible et que nous ne cherchons pas à minimiser.

Le coût du dispositif apparaît le plus aisé à chiffrer, car, pour l'établir, il suffit de multiplier le nombre de mensualités par celui des étudiants. Il s'élève ainsi à environ 30 milliards d'euros par an.

La disparition de toutes les bourses, de toutes les aides sociales et de tous les dispositifs fiscaux permettrait un financement à hauteur de 5,6 milliards d'euros. Pourrait s'y ajouter la remise à plat de la politique de financement de l'apprentissage, dont j'ai indiqué qu'elle se chiffre à 10,3 milliards d'euros. S'ajoutent encore d'autres sources d'équilibre financier à ne pas négliger : par exemple, l'intégration du dispositif de la prime d'activité, celle des allocations chômage de jeunes qui reprendraient des études, celle aussi de la rémunération des étudiants des cursus médicaux. S'ajoutent enfin des retombées positives pour l'économie, un effet multiplicateur du fait du renforcement du pouvoir d'achat de cette tranche d'âge, peut-être également un effet positif sur le taux de chômage : les entreprises seront en effet contraintes de recruter pour compenser le retrait des jeunes du marché de l'emploi.

Les dépenses allouées à l'éducation comptent parmi celles que les économistes contestent le moins. Certains d'entre eux, tel Philippe Aghion, évoquent un revenu universel de formation. Ils l'associent à un investissement de l'État dans chaque jeune, dans la formation et le capital humain.

À ceux qui considèrent que le système des bourses sur critères sociaux est le plus juste, j'opposerai la progressivité du mécanisme actuel, qui ne bénéficie qu'à 37 % des étudiants. Certaines bourses se limitent à 1 450 euros pour une période de dix mois et les montants les plus élevés n'excèdent pas 6 335 euros. La faiblesse de ces montants oblige souvent les étudiants qui les perçoivent à abandonner leurs études pour travailler.

Un nombre important de jeunes issus des classes moyennes, mais pas assez pauvres pour bénéficier d'une bourse, subissent des effets de seuil.

Comme le montre le rapport d'information sénatorial de 2021, l'aide de la famille constitue en moyenne 42 % des ressources d'un étudiant, ce qui est considérable. En comparaison, l'aide publique ne contribue qu'à hauteur de 23 % au budget d'un étudiant.

Mes chers collègues, le texte que nous présentons est perfectible. Il a été pensé comme le point de départ du travail parlementaire et s'enrichirait d'une double lecture dans chaque chambre. Je suis donc très ouverte à la perspective d'amendements. C'est aussi un texte qui invite à réagir face à l'inaction du Gouvernement.

Je serais fière qu'après les travaux entrepris par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication le Sénat prenne ce sujet de la précarité de la jeunesse à bras-le-corps et adopte un texte, même minimal, en leur direction.

Pour nous, il ne s'agit pas d'un texte de posture. Depuis la période de la covid-19, notre jeunesse subit une dégradation de ses conditions de vie et de ses perspectives. Il s'agit d'insuffler à nouveau de l'espoir et de réaffirmer notre considération et notre souhait de réussite. Tel est le sens de cette proposition de loi.

En parallèle, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a été saisi par le président Larcher afin d'émettre un avis sur cette proposition de loi. Cet avis sera rendu prochainement ; nous espérons d'ici au 13 décembre, ou dans le courant du premier trimestre 2024.

M. Laurent Burgoa. - Cette proposition de loi reflète la réalité que vivent certains de nos étudiants, notamment depuis la crise liée à la covid-19. Mais, dans le contexte de l'examen du projet de finances (PLF) pour 2024, avec les contraintes légitimes imposées par notre commission des finances, le coût estimé à plusieurs dizaines de milliards m'interpelle. Ma question est donc la suivante : avez-vous travaillé en collaboration avec la commission des finances pour étudier l'impact de cette proposition de loi ?

Mme Frédérique Puissat. - Alors que nous bataillons pour quelques millions d'euros dans le PLF en cours de discussion, l'impact financier de ce texte se situerait, en fonction du périmètre et du montant de l'allocation, entre 6,5 et 34 milliards d'euros.

Par ailleurs, notre société est structurée par un code de la famille. Celui-ci précise que chacun des parents contribue à l'entretien et l'éducation des enfants, et y consacre des finances à proportion de ses ressources. Toutefois, certaines situations individuelles doivent être prises en compte, et un travail doit également être mené concernant le non-recours aux droits.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains émet un avis défavorable sur ce texte.

Mme Marion Canalès. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est favorable à ce texte. On connaît le vieil adage : « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » ; dans la situation actuelle, il conviendrait plutôt d'en inverser les termes : si jeunesse pouvait, si vieillesse savait. En effet, dans une société qui bascule massivement dans le grand âge, il s'agit de prendre au sérieux le temps de la jeunesse. Notre approche paternaliste en direction de la jeunesse, qui consiste à proposer des aides indirectes aux familles en passant par l'octroi de demi-parts ou de crédits d'impôt, doit être remise à plat.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait déjà défendu une proposition pour un RSA à destination des jeunes. De la petite enfance à la dépendance en passant par les étudiants, tous les publics fragiles sont aujourd'hui à considérer ; il ne viendrait ainsi à l'idée de personne d'affirmer que les personnes âgées doivent se contenter des solidarités familiales. Nos jeunes ont besoin d'une véritable autonomie, afin de ne pas dépendre d'un rattachement au foyer fiscal de leurs parents.

Le triptyque des ressources, déjà énoncé par mes collègues, est bien connu : famille, emploi, aides publiques. L'emploi, au même titre que le logement, est un fort vecteur de reproduction des inégalités. Au sein des Crous, seulement 7 % des besoins en matière de logement social sont satisfaits. La Première ministre a indiqué qu'elle soutiendrait la construction de 35 000 logements étudiants, sachant que la promesse de 2018
- construction de 60 000 logements - n'a pu être honorée. Quand ces logements n'existent pas, les étudiants se reportent vers le logement privé, et l'objectif des aides ne consiste pas à alimenter des bailleurs privés, qui, par ailleurs, proposent parfois des logements à la salubrité douteuse.

Un autre point concerne la précarité alimentaire. De nombreuses épiceries solidaires étudiantes se sont créées ; nous avons réussi, dans le cadre de nos échanges sur le PLF pour 2024, à abonder le programme permettant d'aider ces épiceries. Toutes ces dépenses s'adressent à des publics qui ne seraient pas contraints de se diriger vers les épiceries solidaires s'ils bénéficiaient d'une allocation leur permettant d'aller chez le commerçant de leur quartier. Aujourd'hui, l'accompagnement de la jeunesse s'éparpille dans diverses mesures.

Le sujet des étudiants ultramarins est également à considérer. Des propositions vont dans le sens d'une augmentation des bourses pour ces étudiants ayant des difficultés particulières.

À cela s'ajoute le sujet de la précarité menstruelle. Le Gouvernement a accepté un remboursement par la sécurité sociale pour les moins de 25 ans. Le montant de cet engagement s'élève entre 30 et 50 millions d'euros ; dans l'hypothèse où une allocation serait versée, ces sommes ne seraient plus consommées. Pour rappel, le coût de la précarité menstruelle s'élève pour ces jeunes femmes à 350 euros par an.

La contribution de vie étudiante et de campus (CEVC) de 100 euros, due chaque année aux étudiants, pourrait servir à abonder cette allocation. À cela s'ajoutent tous les coûts indirects pour la collectivité. Ainsi, entre 32 et 60 % des étudiants, selon les études et les syndicats auditionnés, renonceraient aujourd'hui à des soins, faute de pouvoir cotiser à des mutuelles ; un tel renoncement a un coût pour notre système de santé. Cette allocation, en favorisant l'autonomie des jeunes, occasionnerait de moindres dépenses, à terme, pour le budget de l'État.

Mme Florence Lassarade. - Cette proposition de loi met en lumière la détresse des étudiants, dont on sait que certains dorment dans des voitures. Je ne voterai pas ce texte, mais nous devons nous préoccuper, en premier lieu, du logement étudiant ; c'est sur cette question qu'il convient d'agir en priorité.

Mme Brigitte Devésa. - Personne ne peut douter de la précarité étudiante. Mais le coût estimé à 35 milliards d'euros, dans le contexte actuel, me paraît tout à fait excessif. Il aurait fallu réfléchir à d'autres solutions, comme, par exemple, la question des revenus. Beaucoup de choses sont à revoir, nous avons notamment évoqué le code de la famille et la question du logement. En l'état, le groupe Union Centriste n'est pas favorable à cette proposition de loi.

Mme Céline Brulin. - De notre côté, nous sommes favorables à cette proposition de loi pour toutes les raisons de précarité évoquées, et parce que les étudiants doivent gagner en autonomie. Une Nation doit investir dans sa jeunesse. Les remarques du groupe parlementaire majoritaire se concentrent sur la question du coût ; personne ne néglige ce point, l'auteure de la proposition de loi et la rapporteure ont précisé que le travail devait se poursuivre et qu'elles étaient ouvertes à des aménagements.

Je ne souhaite pas comparer cette dépense avec d'autres qui, à mes yeux, me semblent moins prioritaires. Nous connaissons tous les éléments budgétaires, mais cette proposition de loi mérite réflexion.

Les familles doivent soutenir leurs enfants dans la mesure de leurs ressources ou de leurs moyens, et elles le font du mieux possible. Sachant que moins de 10 % d'enfants d'ouvriers prolongent leurs études à l'université, on voit bien que de nombres familles, même le voulant, ne peuvent pas. Il ne s'agit donc pas d'un problème individuel, mais social, sur lequel nous devons nous pencher.

Ce qui est valable aujourd'hui pour les enfants d'ouvriers risque de l'être bientôt pour les enfants des classes moyennes. Ainsi, pour un couple de professeurs, il est aujourd'hui compliqué d'envoyer ses enfants à l'université, pour peu que celle-ci se trouve dans une autre région.

La question du logement est également primordiale, avec une inflation des loyers, qui pénalise en particulier les étudiants.

Mme Corinne Bourcier. - Nous pouvons comprendre les difficultés de certains étudiants, notamment sur la question du logement. Pour autant, le groupe Les Indépendants - République et Territoires sera défavorable à cette proposition de loi. Il est du devoir des parents de prendre en charge l'éducation de leurs enfants ; il s'agit d'une responsabilité familiale. Par ailleurs, le coût d'une telle mesure est trop élevé. D'autres solutions sont envisageables, avec des aides disponibles par le biais des Crous, des départements ou des centres communaux d'action sociale (CCAS).

Mme Monique Lubin. - Au-delà des étudiants, nous devons nous interroger sur la situation des jeunes dans leur ensemble. Ainsi avions-nous proposé la création d'un revenu minimum pour les jeunes. Cette responsabilité des parents avait déjà été votre leitmotiv à l'occasion des débats sur le revenu minimum. J'en déduis que, si vous êtes bien né, tout va bien, et si vous n'avez pas la chance de grandir dans un foyer avec des moyens, tant pis pour vous (Exclamations)... Inutile de vous exclamer, j'aurais pu en faire autant lorsque vous parliez de responsabilité familiale...

Mme Frédérique Puissat. - C'est le code de la famille !

Mme Monique Lubin. - Les codes sont faits pour évoluer. Il est trop facile de s'en remettre à la responsabilité des familles et de déplorer un coût trop élevé. La question des étudiants, mais aussi de la jeunesse et du grand âge, nécessite des investissements ; et l'on doit, en parallèle, s'interroger sur la manière de disposer de plus de recettes.

Mme Marie-Do Aeschlimann. - Sur un tel sujet, il convient de se garder des caricatures et des positions de principe. Nous sommes tous sensibles à l'idée que la précarité des étudiants s'aggrave. Il s'agit de trouver des solutions afin d'éviter le renoncement aux soins, les difficultés d'accès au logement et l'abandon des études.

Je m'interroge sur cette proposition de loi à trois titres. Se posent la question de la soutenabilité financière ; puis celle de la responsabilité parentale, essentielle pour l'éducation des enfants et remise en cause dans cette proposition de loi ; et enfin, au-delà du symbole, de manière presque ontologique, celle du message que nous adresserions à nos jeunes en leur disant que nous sommes prêts à les payer pour étudier. Une forme de responsabilité consiste à rappeler que l'on n'a pas à être payé pour étudier, se former et apprendre un métier.

Enfin, cette idée d'une allocation universelle forfaitaire, identique pour tout le monde, me semble peu pertinente. Sans doute faudrait-il que cette allocation, annoncée à 1 078 euros par étudiant, puisse varier en fonction de la spécificité des études et de la zone géographique.

Mme Laurence Rossignol. - Cette proposition de loi ouvre le débat sur l'allocation d'études. Le sujet n'est pas nouveau ; porté depuis quarante ans par les organisations étudiantes, il a rarement été débattu au Parlement.

Je m'étonne des réactions hostiles de nos collègues. Rappelons d'abord que le code de la famille n'existe pas ; seuls existent le code civil et le code de l'action sociale et des familles. Vous évoquez le code civil, qui précise notamment l'obligation alimentaire des parents à l'égard de leurs enfants ; cette obligation est due au-delà de la majorité de l'enfant, tant que celui-ci ne peut subvenir à ses propres besoins. Mais cette obligation dépend du niveau de ressources des parents.

Aujourd'hui, quels parents ont la capacité d'assumer le coût des études universitaires de leurs enfants ? Les universités se trouvent, le plus souvent, dans des villes et des métropoles, où la tension du logement est plus importante. À la lecture de récents rapports d'ONG travaillant sur la pauvreté, on constate que les étudiants, y compris ceux appartenant aux classes moyennes, sont de plus en plus nombreux à ne pas pouvoir se loger, et constituent également une part importante des bénéficiaires des Restos du coeur. Arrêtons de penser que tous les parents peuvent subvenir aux besoins de leurs enfants pendant leurs études.

Par ailleurs, j'entends régulièrement dans cette assemblée des injonctions appelant les gens, notamment ceux qui bénéficient du RSA, à travailler. Or, une telle logique limite les petits boulots étudiants, qui sont de moins en moins nombreux.

Par ailleurs, les bourses sont accessibles à des niveaux de revenus familiaux très faibles, et le niveau lui-même des bourses est très faible. Cette proposition de loi concerne principalement les classes moyennes. Or, qui s'oppose à cette proposition de loi aujourd'hui ? Ceux qui prétendent en permanence les défendre.

Je n'ai pas compris si votre hostilité concerne la remise en cause de la responsabilité parentale ou le coût de la mesure. Si les deux sujets vous hérissent, nous rappellerons le nombre de fois où nous avons proposé d'abonder le budget de l'État, en réduisant les exonérations dont bénéficient les entreprises, en suggérant de créer de nouveaux impôts, notamment sur la fortune, que vous avez refusés. Votre approche des questions d'équilibre budgétaire est non seulement à géométrie variable, mais résolument morale ; le fait que vous invoquiez un code de la famille qui n'existe pas en est la preuve.

M. Philippe Mouiller, président. - Quelle est votre question, madame Rossignol ?

Mme Laurence Rossignol. - Nous ne sommes pas là uniquement pour poser des questions, mais aussi pour donner les avis de nos groupes, Monsieur le président...

M. Philippe Mouiller, président. - Dans cette optique, je souhaitais simplement connaître votre sentiment.

Mme Laurence Rossignol. - Je soutiens l'adoption de la proposition de loi par la commission.

Mme Anne-Sophie Romagny. - La précarité étudiante ne peut pas être négligée, de même que la soutenabilité financière d'une telle proposition. Je pose une question simple : où trouve-t-on ces 30 milliards d'euros ?

Par ailleurs, on évoque souvent les difficultés des étudiants dans leur recherche d'emploi, mais les employeurs se plaignent également de ne pas trouver d'étudiants.

Plutôt que de réaliser un chèque en blanc, je serais davantage favorable à des aides ciblées, concernant le logement, l'alimentation, l'accès aux soins. J'attire également votre attention sur la capacité des étudiants à savoir gérer un budget ; en mission locale, on rencontre beaucoup de jeunes qui n'en sont pas capables.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je prolonge la question de ma collègue : comment va-t-on faire pour trouver les 100 milliards d'euros de baisse d'impôts de production, soit trois fois plus que le coût estimé de cette proposition de loi ?

Les familles participent à hauteur de 42 % aux dépenses des étudiants. Par ailleurs, le quotient familial bénéficie aux familles plus aisées, via des baisses d'impôts ; je m'étonne que l'on accepte ce mécanisme anti-redistributif - peut-être est-ce votre attachement au quotient familial qui conditionne votre opposition à cette proposition de loi.

Mme Anne Souyris, rapporteure. - J'ai entendu beaucoup de critiques, mais peu de pistes de réflexion ou de propositions d'amendements.

Concernant la question du coût, nous n'avons pas travaillé en concertation avec la commission des finances. Quand des jeunes ne peuvent pas faire d'études ou ne peuvent pas les choisir, cela représente un coût social et économique pour la Nation. Ce type d'allocation, en permettant aux étudiants en échec de bifurquer et de se réorienter, offre des opportunités de croissance à notre pays.

La solidarité familiale est naturellement essentielle, mais elle ne suffit pas ; si c'était le cas, nous n'aurions d'ailleurs pas besoin de bourses ni de logements étudiants. Je rappelle qu'il n'existe que 75 000 logements sociaux pour 3 millions d'étudiants.

Concernant le coût sanitaire, de plus en plus d'étudiants connaissent des difficultés psychologiques, voire psychiatriques. À Paris, le nombre de tentatives de suicide a augmenté de 40 %. La précarité étudiante n'explique pas tout, mais constitue un élément déterminant. Une allocation universelle permettrait de rompre l'isolement des étudiants, et les aiderait à se loger et à manger à leur faim. Elle aurait également le mérite de leur offrir une autonomie et leur apprendrait à gérer un budget et faire des choix ; d'où l'évolution suggérée de prévoir un nombre de mensualités plutôt que d'années, qui pousserait les étudiants à s'interroger sur leur manière de dépenser ce capital.

En outre, je rappelle que certains étudiants, en France, sont payés pour faire leurs études : les polytechniciens, les normaliens, autrefois les instituteurs. Cela existe déjà, et je ne crois pas que ces étudiants travaillent moins ou moins bien.

Nous avons évoqué le sujet des variations de l'allocation en fonction de certaines spécificités, notamment géographiques, avec des villes où la situation du logement est beaucoup plus tendue. Il doit être possible, en recourant à des décrets, d'adapter cette allocation en fonction des tarifs locaux. De même, au Danemark, quand un étudiant vit chez ses parents, son allocation est moindre de 400 euros ; et quand il quitte la cohabitation, il bénéficie de ces 400 euros supplémentaires.

Le coût global de cette proposition de loi semble important, mais cela répond à une situation d'urgence qui, à ce jour, n'est pas prise en compte. Pour rappel, 3 millions d'étudiants sont concernés. Les auditions ont mis en lumière un état de précarité inédit, avec un nombre croissant d'étudiants qui ne mangent pas à leur faim et se nourrissent au Secours populaire. Cette situation est scandaleuse pour un pays comme le nôtre, qui se veut une grande Nation et une démocratie attachée à l'éducation.

Des changements sont nécessaires. Au-delà de cette proposition de loi, nous devons prendre en considération d'autres coûts qui, à terme, vont grever notre budget. Je vous invite donc à réfléchir au dépôt d'amendements en vue de la séance publique.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3, DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 28(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie29(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte30(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial31(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 6 décembre 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 15 (2023-2024) visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- aux prestations accordées de manière universelle par la collectivité nationale aux étudiants, aux apprentis et aux lycéens de la voie professionnelle ;

- aux bourses sur critères sociaux de l'enseignement supérieur.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :

- aux autres prestations et services accordés par le réseau des oeuvres universitaires ;

- aux conditions d'attribution, aux règles de calcul et de versement des autres aides et prestations sociales.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES

___________

Auditions

· Monique de Marco, auteure de la proposition de loi

· Fédération des associations générales étudiantes (Fage)

Maëlle Nizan, présidente

Sarah Biche, vice-présidente chargée des affaires sociales

· Union nationale des étudiants de France (Unef)

Salomé Hocquard, déléguée générale

· Union étudiante

Karel Talali, secrétaire général

Éléonore Schmitt, porte-parole

· Solidaires étudiant-e-s - Syndicat de lutte

Jordan Nicolas, secrétaire fédéral

· Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP)

Laure Vagner-Shaw, adjointe à la directrice générale, cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante

Laurence Lefèvre, sous-directrice à la réussite et à la vie étudiante

Anne Grangé, adjointe à la sous-directrice à la réussite et à la vie étudiante

· France Universités

Guillaume Gellé, président

Timothé Gagnard, chargé des relations institutionnelles et parlementaires

Thomas Ducados, chargé de mission vie étudiante et vie de campus

· Philippe Aghion, professeur d'économie au Collège de France

· Camille Peugny, professeur de sociologie - UVSQ - laboratoire Printemps

· Léonard Moulin, chargé de recherche à l'Institut national d'études démographiques (Ined)

· Observatoire de la vie étudiante (OVE)

Feres Belghith, directeur

· Association des directeurs des services de santé universitaire (ADSSU)

Pr Laurent Gerbaud, président

· Association Linkee

Julien Meimon, président

· Université de Nantes

Enora Lejeune, vice-présidente solidarité et santé

Nefis Djelassi, vice-président étudiant

· Métropole de Lyon

Antoine Dulin, conseiller technique pôle solidarités et éducation

· UNSA Éducation

Frédéric Marchand, secrétaire général

Jérome Giordano, conseiller national, chargé de mission enseignement supérieur et recherche

· Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous)

Dominique Marchand, présidente

Clément Cadoret, directeur général délégué

· Association nationale des apprentis de France (Anaf)

Aurélien Cadiou, président

Contributions écrites

· École normale supérieure (ENS-PSL)

· École polytechnique

· Conseiller social de l'ambassade de France en Suède

LA LOI EN CONSTRUCTION

___________

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-015.html


* 1 Si des bourses sont déjà attestées dans les universités médiévales, la bursa, et que les lycées fondés par Napoléon Ier à partir de 1802 permettent d'augmenter le nombre d' « élèves de gouvernement », c'est bien l'arrêté du 5 novembre 1877 concernant les bourses de facultés pour les licences qui les font entrer dans le droit commun.

* 2 Créé par la loi n° 55-425 du 16 avril 1955, le réseau des oeuvres universitaires est composé du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et des Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous).

* 3 C'est notamment le cas du rapport remis par Jean-Michel Jolion à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en juillet 2023, qui souligne notamment le peu de redistribution du système de bourses, la mauvaise prise en compte des frais liés à la rentrée et l'existence de précarité pour certains étudiants décohabitants dont les ressources excèdent pourtant le plafond de l'échelon 0 bis.

* 4 Loi n° 55-425 du 16 avril 1955 portant réorganisation des services des oeuvres sociales en faveur des étudiants.

* 5 Article L. 822-1 du code de l'éducation.

* 6 Article L. 822-4 du code de l'éducation.

* 7 Article L. 822-1-1 du code de l'éducation.

* 8 Observatoire de la vie étudiante.

* 9 Observatoire de la vie étudiante.

* 10 Note d'information du Sies, Poursuite d'études et parcours des bacheliers précaires dans l'enseignement supérieur, juillet 2023.

* 11 Discours présidentiel lors du déplacement du 4 mai 2023 à Saintes en Charente-Maritime.

* 12 Décret n° 2023-765 du 11 août 2023 relatif au versement d'une allocation en faveur des lycéens de la voie professionnelle dans le cadre de la valorisation des périodes de formation en milieu professionnel.

* 13 Le premier fonds pour les étudiants y a été créé en 1913.

* 14 Jusqu'au 31 décembre 2015, le RSA était composé de deux dispositifs différents : le RSA « socle », actuel RSA, et le RSA « activité ». La mise en place de la prime d'activité a conduit à la disparition du second.

* 15 Art. L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles.

* 16 Art. L. 262-8 du code de l'action sociale et des familles.

* 17 Art. L. 262-7-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 18 Soit 3 214 heures sur deux années.

* 19 Sénat, commission des affaires sociales, rapport n° 267 : proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans, présentée par Monique Lubin, 13 janvier 2021, p. 6.

* 20 Outre le RSA, l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (Aspa), l'allocation aux adultes handicapés (AAH), l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), l'allocation de solidarité spécifique (ASS), l'allocation veuvage (AV), le revenu de solidarité outre-mer (RSO), la prime transitoire de solidarité (PTS), l'allocation temporaire d'attente (ATA) et l'allocation pour demandeur d'asile (ADA).

* 21 L'article L. 531-4-1 nouvellement créé renvoie à l'article L. 821-2 lorsqu'il désigne l'allocation autonomie universelle d'études mais, celui-ci étant abrogé par le 3° de l'article unique de la proposition de loi, il entend en réalité désigner l'article L. 821-1 créé par le 2°.

* 22 Article 196 B du code général des impôts.

* 23 C'est-à-dire en ne prenant pas en compte le report d'une population de jeunes travailleurs vers les études, ni l'effet d'appel que l'absence de condition de nationalité constituerait pour les étudiants internationaux.

* 24 À titre de comparaison, le PLF pour 2024 inscrit 26,6 milliards d'euros de crédits de paiement pour la mission enseignement supérieur et recherche.

* 25 Cette comparaison prend notamment en compte l'estimation de l'effet de la suppression du système de bourses sur critères sociaux, de l'accès aux aides pour le logement des étudiants (APL et ALS) et des avantages fiscaux consentis aux foyers de rattachement des étudiants.

* 26 Observatoire de la vie étudiante.

* 27 G. S. Becker, Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis, Columbia University Press for the National Bureau of Economic Research, New York, 1964.

* 28 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 29 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 30 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 31 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Partager cette page