EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 13 DÉCEMBRE 2023

M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - La proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants revient en discussion devant notre commission après l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) qui s'est réunie le 1er juin dernier, et son adoption en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 10 octobre dernier. Elle vise à modifier les règles du code civil relatives à l'autorité parentale, pour y intégrer les problématiques de respect de la vie privée et du droit à l'image de l'enfant.

Le député Bruno Studer, qui en a eu l'initiative et en est également le rapporteur à l'Assemblée nationale, souhaite mieux sensibiliser les parents sur les conséquences de la diffusion de photos de leurs enfants sur internet, en raison des utilisations préjudiciables qui peuvent en être faites, notamment sur des réseaux pédophiles ou à des fins de harcèlement scolaire.

Comme l'avait relevé notre collègue Valérie Boyer, rapporteure en première lecture, l'ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur, à la fois pour les familles, mais également pour les institutions, en particulier en matière d'éducation et de santé publique. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a récemment évoqué une « catastrophe sanitaire et éducative » à ce sujet.

Dans ces conditions, il est regrettable de n'avoir aucune initiative gouvernementale d'envergure, mais une succession de propositions de loi cantonnées à telle ou telle thématique. Le droit à l'image n'en est qu'une parmi d'autres ; je citerai la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, la majorité numérique ou encore les enfants influenceurs.

La commission puis le Sénat dans son ensemble ont choisi d'adopter une approche constructive sur cette proposition de loi, que je vous invite à conserver aujourd'hui.

Lors de la CMP, les divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat se sont cristallisées sur deux points principaux. Le premier concernait l'exigence d'un accord des deux parents pour toute diffusion de contenu relatif à la vie privée de leur enfant sur internet. Par cette initiative à l'article 3, Valérie Boyer avait souhaité inciter les parents à réfléchir ensemble avant de poster la photo de leur enfant sur un réseau social, compte tenu des risques de réutilisation ultérieure.

Le second point de divergence concernait l'article 4 - intégré au texte dès son origine -, qui crée une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant à un tiers, en cas d'atteinte grave à sa dignité ou à son intégrité morale ; le Sénat l'avait supprimé et les députés souhaitaient le maintenir.

Si l'Assemblée nationale a fait légèrement évoluer son texte en nouvelle lecture pour tenir compte, à la marge, de certaines remarques exprimées par le Sénat, elle a toutefois maintenu sa position sur des dispositions problématiques. Je vous propose de prendre acte de ces désaccords de fond et de recentrer le texte sur la protection du droit à l'image de l'enfant par ses parents.

Venons-en maintenant à l'examen des articles.

L'article 1er introduit le respect de la vie privée de l'enfant parmi les obligations des parents dans le cadre de l'autorité parentale, au même titre que la protection de la sécurité, de la santé et de la moralité.

Nous avions refusé cette disposition en première lecture, car la protection de la sécurité, la santé et la moralité justifient, dans certains cas, une atteinte à la vie privée de l'enfant. Nous avions en revanche accepté de mentionner la vie privée pour expliciter le « respect dû à la personne de l'enfant », déjà présent dans l'article 371-1 du code civil.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a maintenu la version initialement adoptée. Je vous propose d'acter clairement notre désaccord en supprimant l'article 1er ; cette suppression me paraît d'autant plus justifiée que la mention de la vie privée de l'enfant à l'article 371-1 du code civil me semble inutile, voire inopportune. Je vous rappelle que l'article 9 du code civil dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée » ; ce « chacun » inclut évidemment les enfants.

L'article 2, qui ne faisait que décliner le principe d'un exercice commun de l'autorité parentale pour le droit à l'image, a légèrement évolué en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Il pose désormais le principe que les parents protègent en commun le droit à l'image de leur enfant, et qu'ils doivent l'associer à l'exercice de ce droit selon son âge et son degré de maturité.

Dans un état d'esprit constructif, je vous propose d'être favorable au maintien de cette nouvelle rédaction consacrant l'obligation de protection du droit à l'image de l'enfant par les parents. Cette formulation simple et pédagogique présente l'intérêt de sensibiliser ces derniers sur les dangers d'exposer leurs enfants sur les réseaux sociaux. En revanche, je vous suggère de supprimer le reste de l'article 2, simple répétition, spécifiquement consacrée au droit à l'image, des dispositions de l'article 371-1 du code civil.

L'article 3 prévoit que, en cas de désaccord entre les parents sur l'exercice du droit à l'image de leur enfant, le juge aux affaires familiales (JAF) peut interdire à l'un d'eux de publier ou de diffuser tout contenu sans l'autorisation de l'autre. Sur ce point, le Sénat était allé plus loin en introduisant l'exigence d'un accord des deux parents pour diffuser au public un contenu relatif à la vie privée de leur enfant.

Je vous propose de faire évoluer notre position sur cet article par souci de cohérence avec celle qui a été exprimée par le Sénat lors du vote de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Ce texte, sur l'initiative de la commission de la culture du Sénat, ne requiert l'accord que d'un seul titulaire de l'autorité parentale pour permettre à un enfant de s'inscrire à un réseau social avant ses quinze ans. Il ne me semble pas logique de créer une différence de traitement entre ces deux situations, sachant que l'inscription à un réseau social n'est souvent que le préalable à la diffusion de photos.

Je vous propose donc d'accepter la disposition votée par les députés, tout en précisant que le but poursuivi par la mesure prononcée par le JAF consisterait à assurer la protection du droit à l'image de l'enfant, et non pas à exercer le droit à l'image de leur enfant qui peut sous-entendre un but mercantile.

L'article 4 ouvre la voie à une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant lorsque la diffusion de l'image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou son intégrité morale. En première lecture, notre commission avait choisi de supprimer cette disposition, considérant qu'elle n'apportait pas de solution plus efficiente que les mesures d'assistance éducative prises par le juge des enfants dans le cadre de l'article 375 du code civil. Je suis d'avis de maintenir cette position en nouvelle lecture, dans la mesure où cette disposition, d'une part, ne paraît pas opérante et, d'autre part, soulève des difficultés juridiques.

Enfin, l'article 5 a été introduit en première lecture au Sénat afin de permettre à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) de saisir le tribunal judiciaire en référé dès lors que des données à caractère personnel d'un mineur sont concernées. En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale en a précisé la portée, afin de circonscrire l'intervention de la Cnil aux cas de non-exécution ou d'absence de réponse à une demande d'effacement des données. Dans la mesure où cette nouvelle rédaction précise ce qui avait été souhaité par le Sénat, je suis favorable à la conserver. Je vous présenterai un amendement prévoyant son application en outre-mer.

Pour conclure, comme vous l'aurez compris, je ne suis guère enthousiaste sur ce texte, mais il me semble préférable d'adopter des dispositions qui marquent la préoccupation du Sénat à assurer la protection du droit à l'image des enfants sur internet.

M. Philippe Bonnecarrère, président. - Au titre de l'article 45 de la Constitution, le périmètre me semble devoir être identique à celui qui a été retenu en première lecture, car tous les articles de la proposition de loi initiale restent en discussion. Je vous propose d'indiquer qu'il porte sur l'intégration de la vie privée de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale, sur les conditions de l'exercice par les parents du droit à l'image de leur enfant mineur, sur les pouvoirs du JAF en cas de désaccord des parents dans le cadre de l'exercice du droit à l'image de leur enfant mineur, ainsi que sur la délégation forcée de l'autorité parentale en cas de diffusion de l'image de l'enfant par ses parents portant gravement atteinte à sa dignité ou son intégrité morale.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'amendement COM-1 propose de supprimer l'article 1er.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1er est supprimé.

Article 2

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Dans un esprit de compromis, l'amendement COM-2 reprend la version de l'Assemblée nationale en la recentrant sur l'essentiel.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Dans un souci de pédagogie, l'amendement COM-3 précise la rédaction de l'Assemblée nationale.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'amendement COM-4 supprime l'article 4, qui n'ajoute rien au code civil et à la protection du droit à l'image des enfants.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 4 est supprimé.

Article 5

Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'amendement COM-5 permet l'application outre-mer de l'article 5.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme FLORENNES, rapporteure

1

Amendement de suppression

Adopté

Article 2

Mme FLORENNES, rapporteure

2

Recentrage de l'article sur l'obligation des parents de protéger en commun le droit à l'image de leur enfant

Adopté

Article 3

Mme FLORENNES, rapporteure

3

Recentrage de l'article sur la protection du droit à l'image de l'enfant

Adopté

Article 4

Mme FLORENNES, rapporteure

4

Amendement de suppression

Adopté

Article 5

Mme FLORENNES, rapporteure

5

Application outremer

Adopté

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