N° 271

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 janvier 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au régime juridique des actions de groupe,

Par M. Christophe-André FRASSA,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

639, 862 et T.A. 87

Sénat :

420 (2022-2023) et 272 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Introduite en droit français il y a une décennie, la procédure d'action de groupe n'a pas rencontré le succès escompté. Face au constat de cet échec relatif, étayé par un rapport d'information à laquelle elle fait suite, la proposition de loi présentée par les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin vise ainsi à encourager le recours à cette procédure.

Elle procède pour ce faire à une unification du cadre procédural et, à cette occasion, à un « triple élargissement » de l'action de groupe, du champ des droits subjectifs qu'elle vise à protéger, des préjudices indemnisables et de la qualité pour agir. Visant à instaurer un mécanisme « dissuasif » de de tout manquement intentionnel ayant causé des dommages sériels - notamment commis par des opérateurs économiques -, la proposition de loi instaure également une amende civile, dont le montant pourrait être porté à 3 % du chiffre d'affaires moyen annuel.

Sur la proposition du rapporteur, la commission a accueilli favorablement la création d'un régime unifié, qui présente le mérite de la lisibilité et de l'accessibilité du droit, mais a jugé déséquilibrée la rédaction du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Favorable à l'élargissement du champ d'application et des préjudices indemnisables de l'action de groupe, la commission a en conséquence nettement resserré les conditions de la qualité pour agir en raison du risque de déstabilisation des opérateurs économiques qu'emporterait l'engagement indu d'actions de groupe, dont la publicité démultiplie le coût réputationnel. Elle a également supprimé l'amende civile, dispositif dont l'opportunité comme la constitutionnalité paraissent plus que douteuses et dont la portée dépasse la présente proposition de loi.

La commission a enfin souhaité mieux garantir la sécurité juridique du dispositif, en particulier en garantissant une transposition adaptée des dispositions applicables de droit européen. Elle a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

I. UN ÉCHEC RELATIF DES ACTIONS DE GROUPE EN FRANCE

A. FRUIT DE LA SÉDIMENTATION D'INITIATIVES SUCCESSIVES, LA COEXISTENCE DE RÉGIMES RELATIVEMENT DISPARATES

Envisagée dès le mitan des années 1980 par les commissions sur le droit de la consommation présidées par le professeur Jean Calais-Auloy, l'action de groupe « à la française » n'est introduite en droit national qu'en 2014 par la loi dite « Hamon ». Aboutissement d'un processus trentenaire, marqué par de vifs débats doctrinaux et politiques, l'introduction de l'action de groupe en droit français est prudente : son champ est limité au droit de la consommation et de la concurrence, la qualité pour agir n'est ouverte qu'aux associations agréées de défense des consommateurs représentatives et il privilégie le mécanisme de l'opt-in - au titre duquel les personnes lésées doivent faire la démarche d'adhérer au groupe pour être indemnisées1(*).

Ce premier régime juridique est néanmoins rapidement complété par la création en 2016 de six nouveaux régimes en matière de santé, de lutte contre les discriminations, y compris imputables à un employeur public ou privé, de protection de l'environnement ou de données personnelles, connaissant chacun des particularités procédurales liées aux spécificités de son champ d'application. Le cadre juridique des actions de groupe se caractérise donc par la coexistence formelle de régimes juridiques distincts, relativement disparates.


* 1 Par opposition à celui de l'opt-out, dans lequel les personnes lésées sont considérées par défaut comme faisant partie du groupe des personnes à indemniser, sauf refus de leur part.

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