II. LA PROPOSITION DE LOI : ENCOURAGER LE RECOURS AUX ACTIONS DE GROUPE EN SE CONFORMANT AU DROIT EUROPÉEN

A. UN TRIPLE ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DE L'ACTION DE GROUPE

Conçue comme une « loi-cadre », la présente proposition de loi ne procède pas à l'unification du régime procédural à domaine d'application constant. Les articles 1er et 1er bis de la proposition de loi procèdent ainsi à un triple élargissement.

D'une part, l'article 1er prévoit l'universalisation du champ d'application de l'action de groupe, qui pourrait désormais viser, en toute matière, la cessation d'un manquement ou la réparation d'un préjudice subi à raison de ce dernier. Il prévoit d'autre part l'universalisation des préjudices indemnisables : alors que les régimes sectoriels préexistant prévoyaient pour certains la possibilité d'indemniser un type spécifique de préjudice - patrimonial en matière de droit de la consommation, corporel en matière de droit de la santé -, le régime ainsi prévu permettrait l'indemnisation de tous préjudices.

Enfin, l'article 1er bis ouvre très largement la qualité pour agir, généralement limitée dans les régimes sectoriels aux associations agréées, en octroyant celle-ci aux associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins ou représentant 50 personnes physiques, 5 personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés ou 5 collectivités territoriales ou leurs groupements.

B. LA CRÉATION D'UN CADRE JURIDIQUE UNIFIÉ

1. Un cadre procédural proche du droit en vigueur

Le titre Ier de la proposition de loi prévoit l'unification du cadre procédural de l'action de groupe. Ce faisant, il reprend pour l'essentiel des dispositions du droit en vigueur et conserve l'architecture actuellement prévue par le socle procédural commun dont dispose la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Il prévoit ainsi l'applicabilité d'actions de groupe en cessation de manquement comme en réparation des préjudices. Dans ce second cas, la procédure est la suivante :

- une fois admise la recevabilité de l'action introduite par le demandeur, le juge statue sur la responsabilité du défendeur ;

- lorsque celle-ci est établie, le juge fixe le cadre de l'indemnisation des membres du groupe qu'il définit, qui se déroule dans une seconde phase ;

- la liquidation des préjudices peut ensuite être individuelle, ou collective. Dans ce second cas, le demandeur négocie directement avec le défendeur les modalités d'indemnisation des membres du groupe.

2. L'instauration d'une mesure jugée dissuasive : l'amende civile

L'article 2 undecies crée par ailleurs une sanction civile en cas de faute intentionnelle, en vue d'obtenir un gain ou une économie indus, ayant causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire. Cette amende doit être requise soit par le ministère public, devant le tribunal judiciaire, soit par le Gouvernement, devant le tribunal administratif. Le produit de l'amende est affecté au Trésor public.

Le montant de la sanction doit être proportionné à la gravité de la faute commise et au profit retiré par l'auteur. Si l'auteur est une personne physique, le montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé et s'il s'agit d'une personne morale, le montant est fixé à 3 % du chiffre d'affaires moyen annuel. En cas de cumul avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l'auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne peut dépasser le maximum légal le plus élevé. Enfin, le risque d'une condamnation à la sanction civile n'est pas assurable.

Le mécanisme de sanction civile décrit ci-dessus entend répondre, selon les rapporteurs de l'Assemblée nationale, aux inquiétudes du Conseil d'État formulées dans son avis du 9 février 2023 sur la proposition de loi.

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