B. PRÉVENIR LES RISQUES JURIDIQUES POSÉS PAR LE RÉGIME PROPOSÉ

1. Supprimer une amende civile inopportune

La commission a décidé de supprimer le mécanisme de la sanction civile prévu par la proposition de loi. En premier lieu, elle relève que dans son avis n° 406517 du 9 février 2023 relatif à la proposition de loi dans sa version initiale déposée à l'Assemblée nationale, le Conseil d'État a exprimé de « fortes réserves sur la création de cette sanction civile » qui restent pertinentes malgré les modifications apportées par les députés. En effet, le Conseil d'État relève avec justesse que la création de la sanction civile « n'a pas été précédée d'une évaluation approfondie de ses effets et de ses conséquences dans chacun des domaines concernés et qu'elle ne prend pas place dans une réforme plus globale de la responsabilité civile ou dans une réflexion sur les modalités de répression des comportements fautifs des acteurs économiques, mais s'insère dans un texte de procédure et de manière incidente »5(*).

En second lieu, la création d'une sanction dans le domaine de la responsabilité civile, sous la forme proposée ou celle, dérivée, de dommages et intérêts punitifs - qui est par ailleurs débattue depuis de nombreuses années - ne fait absolument pas consensus parmi la doctrine, les praticiens du droit et les acteurs économiques entendus par le rapporteur. Au surplus, au cours des dernières années, dans ses travaux sur la responsabilité civile, le Sénat s'est déjà montré particulièrement réservé à la création d'une amende civile généralisée6(*).

Enfin, la mise en conformité du droit national avec la directive « Actions représentatives » précitée n'impose nullement la création d'une sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels.

2. Sécuriser le cadre juridique prévu par la proposition de loi

La commission a décidé de fixer un nombre minimal de deux tribunaux judiciaires spécialisés en matière d'actions de groupe, estimant que la spécialisation de la seule juridiction parisienne pourrait s'avérer contre-productive, tout en laissant la possibilité au Gouvernement de fixer le nombre idoine de tribunaux judiciaires spécialisés qui devra toutefois demeurer restreint afin d'assurer une spécialisation suffisante des juridictions. Elle a également précisé que, sauf dispositions contraires prévues par la proposition de loi, les règles de procédure de droit commun s'appliquent devant les juridictions judiciaires et administratives.

La commission s'est également efforcée de renforcer l'information des justiciables. Dans cette optique, à l'initiative de son rapporteur, elle a étendu le contenu du registre national des actions de groupe institué par l'article 1er sexdecies à l'ensemble des actions de groupe, actions collectives et actions en reconnaissance de droits, qu'elles soient en cours ou clôturées ou qu'elles aient fait l'objet d'un désistement. L'objectif est de permettre aux justiciables de rejoindre plus facilement les actions les concernant ou de savoir si leur initiative serait susceptible de prospérer, dans le cas où une action similaire aurait été intentée antérieurement.

Enfin, la commission s'est attachée à sécuriser le cadre procédural prévu par la proposition de loi, en particulier en l'alignant lorsqu'elle l'a jugé utile sur le droit en vigueur. Elle a en particulier supprimé l'exécution à titre provisoire du jugement sur la responsabilité prévue à l'article 1er septies.


* 5 Conseil d'État, avis n° 406517 du 9 février 2023 relatif une proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe, point 24.

* 6  Rapport d'information n° 558 sur la responsabilité, fait par Alain Anziani et Laurent Béteille, au nom de la commission des lois du Sénat, enregistré le 15 juillet 2009, pp. 79 à 93.

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