N° 322

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 février 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique
en
France,

Par M. Jérémy BACCHI, Mmes Sonia de LA PROVÔTÉ
et Alexandra BORCHIO FONTIMP,

Sénateur et Sénatrices

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Sénat :

935 (2022-2023) et 323 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Déposée le 27 septembre 2023 par Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et M. Jérémy Bacchi, la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France constitue la traduction législative du rapport d'information1(*) des mêmes auteurs intitulé « Le cinéma contre-attaque : entre résilience et exception culturelle, un art majeur qui a de l'avenir » et adopté à l'unanimité par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 24 mai 2023.

Sur la forme, l'examen de cette proposition de loi appelle deux séries de remarques.

D'une part, il s'inscrit dans la politique plus générale du Sénat qui vise à transcrire dans notre droit, sous forme d'amendements ou de propositions de loi, les recommandations issues des rapports des commissions. Il s'agit ainsi d'établir un lien entre les fonctions de contrôle et de législation du Parlement, afin que les débats en séance publique reposent sur un travail transpartisan d'analyse et de réflexion qui a montré toute sa pertinence.

D'autre part, la présente proposition de loi constitue le premier texte consacré spécifiquement au secteur du cinéma depuis la loi du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques. Si le thème du cinéma fait en effet l'objet de fréquents débats au Parlement, notamment dans le cadre des projets de loi de finances, ou bien de projets de loi aux périmètres plus larges2(*), il n'est que très exceptionnellement traité de manière spécifique3(*). Le Code du cinéma et de l'image animée (CCIA), qui rassemble la réglementation relative au secteur, a lui-même été créé par l'ordonnance n° 2009-901 du 24 juillet 2009. La dernière modification de grande ampleur pour le secteur, qui transpose la directive du 14 novembre 2018 « Service de médias audiovisuels » et établit un nouveau cadre pour le financement des oeuvres, a ainsi été adoptée par le biais de l'ordonnance du 21 décembre 2020.

Pour résumer, la proposition de loi constitue bien une des rares occasions pour le Parlement de débattre spécifiquement du 7ème art.

Sur le fond, le rapport de la mission de la commission avait souligné « l'histoire d'amour au long cours » entre la France et son cinéma. Il avait montré que le système de soutien à la production, à la diffusion et à l'exploitation mis en place dès 1946 avec la création du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et constamment adapté depuis cette date, avait permis à notre cinéma de se développer et de résister face à l'arrivée des nouveaux médias : télévision dans les années 60, internet dans les années 2000 et streaming aujourd'hui.

Si des craintes ont été exprimées partout dans le monde sur la pérennité des salles suite à la crise pandémique, le rapport pour avis4(*) de Jérémy Bacchi, rapporteur de la commission, sur le projet de loi de finances pour 2024, a montré que le cinéma avait bien mieux résisté que certains n'avaient pu le craindre. Avec une fréquentation de 181 millions de spectateurs en 2023, en progression de près de 20 % par rapport à 2022, les Français ont marqué leur attachement au cinéma, et singulièrement à la création française qui représente 40 % des entrées, une part unique en Europe.

La proposition de loi vise donc :

Ø à simplifier la vie des exploitants de salles, en assouplissant l'encadrement des cartes illimitées (articles 1 et 2) et en autorisant les opérations de promotion sur les ventes en ligne (article 3) ;

Ø à mettre en place des engagements de diffusion qui permettront d'assurer une meilleure présentation des oeuvres sur l'ensemble du territoire (articles 4 et 5) ;

Ø à associer le cinéma aux grandes politiques publiques en conditionnant les aides du CNC au respect des accords de rémunération minimale des auteurs et en les modulant pour tenir compte des efforts en matière d'environnement (article 6).

Enfin l'article 7 procède à des coordinations dans le CCIA.

I. LA PROPOSITION DE LOI : ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DU CINÉMA

A. SIMPLIFIER LA VIE DES EXPLOITANTS

La mission d'information a placé au coeur de ses travaux la salle de cinéma, qui demeure le lieu privilégié de rencontre entre l'oeuvre et son public.

Elle a ainsi recommandé deux mesures de nature à simplifier les procédures et à permettre aux exploitants de développer leur activité.

1. Des cartes illimitées plus simples à gérer

Proposées à partir de 2000 en France, les cartes d'accès illimitées permettent, pour une somme forfaitaire convenue et prélevée chaque mois, d'accéder sans restriction à toutes les séances dans les cinémas du réseau. Pathé et UGC sont les deux acteurs dominants de ce marché.

Leur délivrance suppose l'octroi d'un agrément par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Cette procédure, issue de la loi du 15 mai 2001, était destinée à l'origine à prendre en compte les craintes des ayants droit et des cinémas indépendants.

Près de 25 ans après leur création, les articles 1 et 2 de la proposition de loi suppriment le mécanisme de l'agrément, tout en conservant et en renforçant les garanties pour les parties prenantes.

Il devrait en résulter une nouvelle dynamique pour les cartes, dont les détenteurs sont en moyenne plus nombreux à visionner des oeuvres françaises et d'Art et Essai.

2. Les promotions sur les ventes en ligne

L'article 3 de la proposition de loi rend possibles les opérations de promotion sur les billets vendus en ligne. Actuellement, seuls les tickets achetés sur place peuvent bénéficier de ces opérations.

Or les ventes « à l'avance » en ligne se développent très rapidement.

Dès lors, les salles pourront mener une politique digitale plus dynamique et attirer de nouveaux publics.


* 1 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/commissions/commission-de-la-culture-de-leducation-et-de-la-communication/situation-de-la-filiere-cinematographique-en-france.html

* 2 Par exemple, la loi relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique du 25 octobre 2021.

* 3 Une exception récente cependant, sur un enjeu très particulier, avec la proposition de loi de la Sénatrice Catherine Conconne sur les établissements de spectacles cinématographiques dans les outre-mer, devenue loi du 14 décembre 2023 suite à son adoption à l'unanimité par les deux chambres.

* 4 https://www.senat.fr/rap/a23-133-43/a23-133-43.html

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