N° 322

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 février 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique
en
France,

Par M. Jérémy BACCHI, Mmes Sonia de LA PROVÔTÉ
et Alexandra BORCHIO FONTIMP,

Sénateur et Sénatrices

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Sénat :

935 (2022-2023) et 323 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Déposée le 27 septembre 2023 par Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et M. Jérémy Bacchi, la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France constitue la traduction législative du rapport d'information1(*) des mêmes auteurs intitulé « Le cinéma contre-attaque : entre résilience et exception culturelle, un art majeur qui a de l'avenir » et adopté à l'unanimité par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 24 mai 2023.

Sur la forme, l'examen de cette proposition de loi appelle deux séries de remarques.

D'une part, il s'inscrit dans la politique plus générale du Sénat qui vise à transcrire dans notre droit, sous forme d'amendements ou de propositions de loi, les recommandations issues des rapports des commissions. Il s'agit ainsi d'établir un lien entre les fonctions de contrôle et de législation du Parlement, afin que les débats en séance publique reposent sur un travail transpartisan d'analyse et de réflexion qui a montré toute sa pertinence.

D'autre part, la présente proposition de loi constitue le premier texte consacré spécifiquement au secteur du cinéma depuis la loi du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques. Si le thème du cinéma fait en effet l'objet de fréquents débats au Parlement, notamment dans le cadre des projets de loi de finances, ou bien de projets de loi aux périmètres plus larges2(*), il n'est que très exceptionnellement traité de manière spécifique3(*). Le Code du cinéma et de l'image animée (CCIA), qui rassemble la réglementation relative au secteur, a lui-même été créé par l'ordonnance n° 2009-901 du 24 juillet 2009. La dernière modification de grande ampleur pour le secteur, qui transpose la directive du 14 novembre 2018 « Service de médias audiovisuels » et établit un nouveau cadre pour le financement des oeuvres, a ainsi été adoptée par le biais de l'ordonnance du 21 décembre 2020.

Pour résumer, la proposition de loi constitue bien une des rares occasions pour le Parlement de débattre spécifiquement du 7ème art.

Sur le fond, le rapport de la mission de la commission avait souligné « l'histoire d'amour au long cours » entre la France et son cinéma. Il avait montré que le système de soutien à la production, à la diffusion et à l'exploitation mis en place dès 1946 avec la création du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et constamment adapté depuis cette date, avait permis à notre cinéma de se développer et de résister face à l'arrivée des nouveaux médias : télévision dans les années 60, internet dans les années 2000 et streaming aujourd'hui.

Si des craintes ont été exprimées partout dans le monde sur la pérennité des salles suite à la crise pandémique, le rapport pour avis4(*) de Jérémy Bacchi, rapporteur de la commission, sur le projet de loi de finances pour 2024, a montré que le cinéma avait bien mieux résisté que certains n'avaient pu le craindre. Avec une fréquentation de 181 millions de spectateurs en 2023, en progression de près de 20 % par rapport à 2022, les Français ont marqué leur attachement au cinéma, et singulièrement à la création française qui représente 40 % des entrées, une part unique en Europe.

La proposition de loi vise donc :

Ø à simplifier la vie des exploitants de salles, en assouplissant l'encadrement des cartes illimitées (articles 1 et 2) et en autorisant les opérations de promotion sur les ventes en ligne (article 3) ;

Ø à mettre en place des engagements de diffusion qui permettront d'assurer une meilleure présentation des oeuvres sur l'ensemble du territoire (articles 4 et 5) ;

Ø à associer le cinéma aux grandes politiques publiques en conditionnant les aides du CNC au respect des accords de rémunération minimale des auteurs et en les modulant pour tenir compte des efforts en matière d'environnement (article 6).

Enfin l'article 7 procède à des coordinations dans le CCIA.

I. LA PROPOSITION DE LOI : ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DU CINÉMA

A. SIMPLIFIER LA VIE DES EXPLOITANTS

La mission d'information a placé au coeur de ses travaux la salle de cinéma, qui demeure le lieu privilégié de rencontre entre l'oeuvre et son public.

Elle a ainsi recommandé deux mesures de nature à simplifier les procédures et à permettre aux exploitants de développer leur activité.

1. Des cartes illimitées plus simples à gérer

Proposées à partir de 2000 en France, les cartes d'accès illimitées permettent, pour une somme forfaitaire convenue et prélevée chaque mois, d'accéder sans restriction à toutes les séances dans les cinémas du réseau. Pathé et UGC sont les deux acteurs dominants de ce marché.

Leur délivrance suppose l'octroi d'un agrément par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Cette procédure, issue de la loi du 15 mai 2001, était destinée à l'origine à prendre en compte les craintes des ayants droit et des cinémas indépendants.

Près de 25 ans après leur création, les articles 1 et 2 de la proposition de loi suppriment le mécanisme de l'agrément, tout en conservant et en renforçant les garanties pour les parties prenantes.

Il devrait en résulter une nouvelle dynamique pour les cartes, dont les détenteurs sont en moyenne plus nombreux à visionner des oeuvres françaises et d'Art et Essai.

2. Les promotions sur les ventes en ligne

L'article 3 de la proposition de loi rend possibles les opérations de promotion sur les billets vendus en ligne. Actuellement, seuls les tickets achetés sur place peuvent bénéficier de ces opérations.

Or les ventes « à l'avance » en ligne se développent très rapidement.

Dès lors, les salles pourront mener une politique digitale plus dynamique et attirer de nouveaux publics.

B. DES ENGAGEMENTS DE DIFFUSION POUR LES TERRITOIRES

Les distributeurs sont un acteur majeur de la filière cinématographique. Ils assurent notamment, en plus d'une partie du financement de la production, la promotion et la distribution sur le territoire des oeuvres cinématographiques.

Cependant, alors que les exploitants de salles sont soumis à des engagements dits de « programmation » pour favoriser la diversité au cinéma, les distributeurs ne sont soumis à aucune obligation. Or tant le rapport de la mission d'information que les travaux de Bruno Lasserre sur la régulation ont mis en lumière des difficultés d'accès, limitées mais réelles, à certaines oeuvres porteuses d'Art et Essai pour des salles et notamment dans les territoires les moins denses.

Prenant acte de l'échec de l'accord du 13 mai 2016, les articles 4 et 5 de la proposition de loi proposent donc de mettre en place des engagements de diffusion, sur un modèle souple, qui agiraient comme un « filet de sécurité » pour les salles.

Ces engagements contraindraient les distributeurs à réserver une fraction du plan de sortie des oeuvres d'Art et Essai « porteuses » aux territoires faiblement peuplés.

Ces engagements sont donc une garantie essentielle pour la diffusion d'oeuvres exigeantes mais populaires sur l'ensemble du territoire.

C. ASSOCIER LE CINÉMA AUX GRANDES POLITIQUES PUBLIQUES

Le rapport de la mission d'information a tenu à mieux associer le cinéma aux grandes politiques publiques. L'article 6 constitue une avancée, avec deux mesures qui vont dans ce sens.

D'une part, le CNC se verrait doté de la faculté de moduler ses aides en fonction du respect de critères environnementaux.

Cela devrait constituer une forte incitation pour le secteur de la production, attendu que les subventions du CNC représentent en moyenne 12 % des budgets des films.

D'autre part, l'attribution des aides du CNC serait subordonnée au respect des accords de rémunération minimale des auteurs. L'aide pourrait devoir être remboursée s'il s'avérait après coup que ces accords n'avaient pas été respectés.

II. LES APPORTS DE LA COMMISSION

En plus d'amendements rédactionnels, la commission a adopté à l'initiative de ses trois rapporteurs deux amendements sur la proposition de loi.

A. AMÉLIORER LA MISE EN oeUVRE DES ENGAGEMENTS DE DIFFUSION

La commission a adopté un amendement à l'article 4 qui conforte l'objectif d'une meilleure accessibilité des oeuvres sur l'ensemble du territoire via des engagements de diffusion, afin d'éviter une scission entre un « cinéma des villes et un cinéma des champs ».

Afin d'en faciliter la mise en oeuvre par les professionnels, l'amendement adopté par la commission substitue à l'existence générale et permanente d'engagements de diffusion un mécanisme temporaire, limité aux situations dans lesquelles il serait objectivement constaté un déséquilibre dans la diffusion de ces films au détriment des territoires peu denses.

Ainsi, lorsqu'une situation de déséquilibre se présentera, le président du CNC aura dorénavant la faculté d'intervenir rapidement pour mettre en place des engagements de diffusion adaptés et uniquement applicables le temps de revenir à un accès équilibré à ces films sur l'ensemble du territoire.

B. RENFORCER LA LUTTE CONTRE LE PIRATAGE DES oeUVRES

Les trois rapporteurs de la proposition de loi ont souhaité par amendement renforcer le dispositif de lutte contre le piratage des oeuvres, notamment cinématographiques.

La commission a ainsi, à leur initiative, adopté un amendement qui renforce la lutte contre les sites dits « miroirs », qui répliquent presque instantanément une adresse internet bloquée sur décision judiciaire.

La procédure gagnerait ainsi en rapidité, à travers trois modifications pour :

ü limiter les délais entre la décision judiciaire et la demande de blocage des sites « miroirs » ;

ü alléger la procédure de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui demeure au coeur du dispositif ;

ü élargir la liste des personnes pouvant demander le blocage des sites.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Assouplissement de la procédure d'agrément des cartes illimitées
d'accès aux cinémas

Cet article propose d'instaurer un nouveau cadre plus souple pour les établissements cinématographiques qui souhaiteraient mettre en place une formule de cartes illimitées.

I. Un système finalement vertueux d'accès aux oeuvres, mais complexe dans sa mise en oeuvre

a) Les cartes illimitées à la conquête des salles

Proposées en mars 2000 par le réseau UGC, rejoint dès le mois d'août de la même année par Pathé et Gaumont, les cartes d'accès illimitées permettent à leurs détenteurs, pour une somme forfaitaire convenue et prélevée chaque mois, d'accéder sans restriction à toutes les séances proposées par les cinémas du réseau. Il en existe actuellement quatre sur le marché :

ü CINÉPASS du groupe Pathé ;

ü UGC illimité ;

ü ILLIMITÉE de Megarama ;

ü CINOC du Cinéma des cinéastes, qui ne permet l'accès qu'à un seul établissement.

Les avantages de ces formules sont nombreux.

Pour le spectateur, il autorise un accès illimité à toutes les séances, ce qui lui permet de contrôler finement son budget « cinéma » ou de se laisser tenter par des projections auxquelles il n'aurait peut-être pas assisté s'il avait dû s'acquitter du prix d'une place. Compte tenu des prix pratiqués dans les cinémas, une carte illimitée « solo » devient ainsi rentable entre deux et trois entrées mensuelles.

Pour l'exploitant, la formule de l'abonnement se traduit par un flux de trésorerie prévisible et permet de remplir les salles, ce qui est intéressant économiquement dans une industrie de coût fixe. En effet, que la salle soit remplie ou non, le coût demeure sensiblement identique.

Selon les éléments transmis aux rapporteurs par le CNC, en 2022, date à laquelle seuls les réseaux Pathé et UGC avaient émis des cartes illimitées, 12,8 % des établissements français acceptent une carte illimitée, ce qui représente 29,8 % des écrans. 11,4 % des spectateurs possèdent une carte. Les entrées réalisées par leur biais représentent 7 % de la fréquentation nationale et 20 % chez les opérateurs émetteurs.

Les habitudes de consommation des possesseurs de cartes font ressortir deux éléments :

- d'une part, l'Île-de-France, et singulièrement Paris, sont « sur-représentés » parmi les détenteurs. Ainsi, les utilisateurs franciliens représentent 45 % des usagers, contre 25 % de la fréquentation nationale. Les entrées réalisées avec les cartes représentent 20 % de la fréquentation à Paris, contre 5 % en région hors Île-de-France. Cela traduit un plus grand nombre de salles et leur meilleure accessibilité ;

- d'autre part, les détenteurs de carte sont à 60 % assidus en salles (au moins trois films par mois) et favorisent les films français et les films Art et Essai.

Comparaison des habitudes de consommation entre détenteurs de cartes
et entrées totales dans l'un des deux grands réseaux UGC et Pathé

Répartition des entrées
par nationalités des films

Répartition des entrées
pour les films Art et Essai

 
 

Prix mensuel des offres illimitées dans les deux principaux réseaux fin 2023

 

Une personne
de - de 26 ans

Une personne

Deux personnes

« UGC illimité »

17,9 €

21,9 €

36,8 €

« CinéPass Pathé »

16,9 €

19,9 €

33,9 €

b) Un système encadré

Le lancement de ces offres a cependant suscité deux séries de craintes parmi les acteurs du secteur :

Ø d'une part, les distributeurs et les ayants droit, qui sont rémunérés sur la base du prix du ticket vendu, y ont vu un risque de diminution de leurs revenus ;

Ø d'autre part, les cinémas indépendants, ou les réseaux qui ne souhaitaient pas lancer une telle formule, ont pu estimer que leur fréquentation allait chuter, au bénéfice des offres illimitées des réseaux.

Le législateur est donc rapidement intervenu, avec la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), qui a fixé un ensemble de conditions, aujourd'hui codifiées aux articles L. 212-27 à L. 212-31 du code du cinéma et de l'image animée, qui ont permis à ces offres de se populariser en répondant aux principales craintes.

L'encadrement prévu par ce texte passe par la délivrance d'un agrément par le président du CNC (article L. 212-27 du CCIA), qui doit être renouvelé en cas de modification dite « substantielle ». Les conditions de l'instruction par le CNC des demandes d'agrément répondent aux préoccupations exprimées par une partie de la profession en 2000. Les offres doivent donc se conformer à deux grands principes, qui conditionnent l'obtention de l'agrément.

Premier principe, et afin d'offrir des garanties suffisantes aux ayants droit, un prix de référence est déterminé pour chaque offre. Il est utilisé pour calculer l'assiette de leur rémunération. Ainsi, à chaque fois qu'un spectateur assiste à une projection en utilisant sa carte d'accès, la rémunération des ayants droit est déterminée en prenant en compte ce prix « fictif » d'une place. L'article L. 212-28 du CCIA précise que ce prix de référence doit tenir compte de trois éléments, qui doivent reposer sur des « données économiques mesurables » : l'évolution du prix moyen des entrées vendues à l'unité, la situation du marché de l'exploitation et les « effets constatés et attendus de la formule d'accès ».

De manière générale, le mécanisme de détermination de ce prix de référence se caractérise par sa complexité et son opacité5(*). Ce prix s'établit actuellement autour de 5,1 €. Les dispositions tant législatives que réglementaires sont en réalité peu précises. Dans les faits, le prix de référence se rapproche d'un prix reconstitué obtenu en divisant le chiffre d'affaires net des frais de gestion réalisé grâce aux cartes par le nombre d'entrées des détenteurs.

Ce mode de calcul, qui ne ressort pas explicitement des textes, présente plusieurs inconvénients :

· avec la déduction des frais de gestion, il réduit d'autant la base de rémunération des ayants droit ;

· le prix de référence a très peu évolué depuis 2000, avec une hausse de 1,8 %. Dans le même temps, le tarif des formules d'abonnement a augmenté de 33,2 % et le prix moyen des places de 35 %. Cette situation s'avère préoccupante pour les ayants droit, qui ne bénéficient pas de revalorisations sur le prix des entrées.

Second principe, en application de l'article L. 212-30 du CCIA, les réseaux qui mettent en place une formule d'abonnement illimité et dont la part des entrées dans une zone d'attraction donnée dépasse un certain seuil ont l'obligation d'accepter d'associer les autres réseaux ou cinémas qui souhaiteraient participer à travers un contrat d'association, sous réserve du respect par ce dernier de critères de fréquentation6(*).

Les autres salles qui ne pourraient pas bénéficier de cette « garantie » car de trop grandes tailles peuvent demander au réseau d'intégrer le système de cartes, mais ce dernier n'est alors pas tenu d'accepter.

L'association permet d'éviter qu'un réseau qui mettrait en place la carte illimitée ne prive de marché ses concurrents de taille plus réduite. Elle donne lieu à l'établissement d'un contrat entre les parties, qui fixe, pour chaque établissement, un prix de référence distinct de celui décrit précédemment. Il tient compte, sans y être égal, du prix moyen réduit pratiqué par l'exploitant et est en général inférieur au prix de référence des réseaux.

Pour les cinémas associés, les cartes illimitées représentent ainsi environ 20 % de leurs entrées.

Très décriées lors de leur lancement en France en 2000, les offres illimitées, dont il n'existe pas d'équivalent à l'étranger, ont depuis fait la preuve de leur intérêt pour les consommateurs, en encourageant la diversité de programmation et en confortant la rémunération des ayants droit. Les années suivantes, avec le développement des offres de streaming illimitées par abonnement, ont d'ailleurs permis de souligner leur caractère précurseur et en phase avec les attentes des spectateurs.

II. Des simplifications à apporter au mécanisme de l'agrément

Dans ses travaux précités, la mission d'information a souhaité simplifier la gestion des cartes illimitées (recommandation n° 10), en conciliant une plus grande souplesse avec une meilleure prise en compte des ayants droit. Elle s'est inscrite dans la ligne du rapport précité de Bruno Lasserre, qui a consacré une partie de ses analyses à cette question. Le présent article propose donc plusieurs mesures allant dans ce sens.

Avec le temps, le mécanisme de l'agrément est apparu de plus en plus lourd et contraignant en termes administratifs, d'autant plus qu'une nouvelle procédure est nécessaire à chaque modification dite « substantielle », ce qui recouvre un large éventail de situations7(*). Ce traitement administratif chronophage ne s'est de plus pas traduit par une évolution significative des prix de référence des réseaux et des cinémas associés. Dès lors, il est proposé de modifier l'article L. 212-27 du CCIA en supprimant l'agrément.

Cette suppression entraine des modifications de coordination aux articles L. 212-28, L. 212-29 et L. 212-30 en abrogeant les références à l'agrément, mais en entourant le système des cartes illimitées de garanties sur la détermination du prix de référence.

Ainsi, le prix de référence, dont les critères de détermination, peu précis, sont actuellement fixés à l'article L. 212-28 du CCIA (voir supra), ne pourrait pas être inférieur à un montant minimal, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ce principe serait fixé dans l'article L. 212-27 du CCIA.

La détermination de ce prix de référence, qui relève du pouvoir réglementaire, serait encadrée par deux dispositions :

ü d'une part, il doit être déterminé « au regard des prix des entrées vendues sur le marché de l'exploitation sur une période donnée ». La première donnée à prendre en compte sera donc les prix déjà pratiqués par l'exploitant, sur une période donnée, ce qui doit permettre de le faire évoluer plus simplement ;

ü d'autre part, ce prix doit « contribuer à une juste rémunération des distributeurs et des ayants droit ». Cette précision ne figurait pas dans le mécanisme de détermination du prix, et devrait s'avérer plus protectrice de leurs intérêts, en cohérence avec les travaux de la mission d'information.

Comment déterminer le montant minimal ? Les pistes du CNC

Les échanges avec le CNC ont permis de dégager les pistes actuellement explorées pour la fixation du montant minimal qui ne peut être inférieur au prix de référence. Elles reprennent l'une des propositions du rapport de Bruno Lasserre. Schématiquement, le principe serait de classer les entrées en fonction du prix des billets, et de constituer ainsi plusieurs catégories.

Par exemple (fictif), sur le marché de l'exploitation :

- 20 % des entrées correspondent à un prix entre 6 et 8 euros ;

- 40 % entre 8 et 10 euros ;

- 40 % entre 10 et 14 euros.

Le décret devrait préciser le pourcentage correspondant à la catégorie des plus bas tarifs. Dans l'exemple précité, si ce pourcentage s'établit à 20 %, la catégorie concernée sera entre 6 et 8 euros, si le pourcentage est de 60 %, entre 6 et 10 euros, etc.

Une fois la catégorie fixée par le pourcentage, le prix de référence serait la borne supérieure. Dans les deux cas précédents, il serait donc de 8 euros ou de 10 euros.

La seule obligation pour les exploitants, lors de la fixation du prix de référence, est de le positionner à un niveau supérieur au montant minimal.

Une modification de l'article L. 212-28 permet de prévoir que le prix de référence servira d'assiette à la rémunération des distributeurs, et plus uniquement des ayants droit. Dans les faits, cela ne fait qu'entériner un mode de rémunération des distributeurs déjà pratiqué.

L'article L. 212-30, qui précise le détail des conditions d'association d'un établissement, serait complété par deux alinéas.

Le premier (nouveau 3°) apporte deux garanties supplémentaires aux établissements associés, en indiquant que le contrat d'association :

- d'une part, ne peut contenir de clauses relatives à la programmation, afin d'éviter qu'une relation déséquilibrée ne soit instaurée, par exemple, en contraignant un établissement associé à ne pas programmer tel ou tel film, ou au contraire à se concentrer sur tel type de programmation ;

- d'autre part, ne saurait prévoir une clause d'appartenance exclusive. Ainsi, un établissement pourrait parfaitement choisir de contracter avec plusieurs réseaux qui proposent des formules de cartes illimitées.

Le second paragraphe, qui serait inséré à l'article L. 212-30, impose, avant la conclusion d'un accord d'association, l'homologation par le président du CNC d'un contrat-type, qui servira dans tous les cas. Cette homologation est subordonnée au caractère « équitable » et « non discriminatoire » des relations entre les parties.

Enfin, l'article L. 212-31 dans sa nouvelle rédaction prévoit qu'un décret en Conseil d'État doit préciser les conditions d'association à la formule de la carte illimitée.

Conformément au dialogue qui a pu se nouer entre les rapporteurs de la mission d'information et le CNC, ces modifications législatives doivent être complétées par des mesures réglementaires pour en assurer la cohérence et l'effectivité. Devront notamment être modifiés en conséquence les articles relatifs à l'agrément et au calcul du prix de référence, soit les articles R. 212-44 à R. 212-57 du CCIA.

III. La position de la commission

La commission approuve pleinement les dispositions de cet article, qui permet d'alléger et de simplifier la gestion administrative de cartes illimitées qui font maintenant partie intégrante du modèle français du cinéma. Cet accord est d'autant plus large que les principales garanties, notamment pour les établissements associés, sont confortées.

Le nouveau dispositif d'établissement du prix de référence met de plus fin à un système jugé unanimement opaque, et donc souvent décrié par la profession. La fixation d'un tarif minimal, à charge pour les réseaux, dans le cadre de leur politique commerciale propre, de choisir eux-mêmes le tarif qu'ils souhaitent, est ainsi de nature à conforter des cartes illimitées qui ont su faire preuve de leur pertinence, notamment au service de la diversité de programmation.

À l'initiative des rapporteurs, la commission a adopté un amendement COM-1 rédactionnel.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
Dispositions transitoires

Cet article permet de pérenniser jusqu'à leur échéance les formules d'agrément qui auront été accordées avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er de la présente proposition de loi.

L'article 2 prévoit que les agréments qui seront encore en cours au moment de la parution du décret en Conseil d'État prévu à l'article 1er de la présente proposition de loi resteront valables jusqu'à leur date d'échéance.

Selon les informations transmises aux rapporteurs, les prochaines échéances des agréments en cours s'échelonnent entre le 31 décembre 2025 et le 31 décembre 2027. À compter de cette date, le nouveau système entrera en vigueur pour l'ensemble des acteurs. Les actuels détenteurs d'un agrément ont cependant la possibilité d'entrer quand ils le souhaitent dans le nouveau système.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3
Ventes de billets en ligne et opérations promotionnelles

Cet article vise à uniformiser la possibilité de mener des opérations promotionnelles sur le prix des billets entre les ventes sur place et en ligne.

L'article L. 212-34 du CCIA encadre deux dispositifs commerciaux pratiqués par les cinémas.

D'une part, la vente d'un billet associée à la fourniture d'un bien ou d'un service, par exemple, une boisson ou, comme cela se pratique parfois, un repas dans un établissement de restauration rapide voisin. Il est alors précisé que l'offre n'a pas d'influence sur le prix qui sert de base pour la détermination des taxes et sur l'assiette de rémunération des distributeurs et des ayants droit. Le produit ou le service inclus dans l'offre ne peut donc avoir pour effet d'abaisser la « valeur » pour la chaîne de rémunération et de taxation du billet.

Par exemple, si le prix du billet sans l'offre est de 8 € et qu'il est proposé pour 10 euros une place et une boisson, le prix de 8 € servira de base pour la détermination des taxes et des revenus des ayants droit.

D'autre part, lorsque le billet est vendu ou réservé en ligne, le prix qui sert de base à la taxation et à la rémunération ne peut non plus être inférieur au prix « normal ».

En pratique, si la garantie dans le cas des ventes liées à une offre commerciale ne pose pas de difficultés, la seconde interdit les opérations promotionnelles en ligne. Or une telle interdiction n'existe pas sur les ventes « sur place », où les promotions sont possibles.

Cette interdiction est cependant devenue largement obsolète avec le développement des réservations en ligne. Ainsi, en 2023, près du tiers des places ont été achetées en avance et dans plus de 80 % des cas en ligne via un ordinateur ou un téléphone. Dans les grands établissements de centres-villes, la réservation en ligne représenterait déjà 70 % de l'accès aux salles.

Mode de réservation des places de cinéma à l'avance

(en %)

Le présent article vise donc à aligner les conditions de promotion sur les billets en ligne sur le régime en vigueur pour les ventes sur place. Cette évolution est cohérente avec l'essor du commerce en ligne ces dernières années, notamment via des plateformes spécialisées et dans les plus grands réseaux.

À l'initiative des rapporteurs, la commission a adopté un amendement COM-2 rédactionnel.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4
Engagements de diffusion

Cet article vise à créer, parallèlement aux engagements de programmation qui reposent actuellement sur les exploitants, des engagements de diffusion des distributeurs pour certaines oeuvres Art et Essai, afin de permettre un meilleur accès à ces oeuvres sur l'ensemble du territoire.

I. Une première mesure en faveur de la diversité : les engagements de programmation

Parmi les mesures de régulation édictées par le législateur en faveur de l'accès aux oeuvres, figurent, depuis la loi du 29 juillet 1982, des engagements de programmation. Ce dispositif avait pour objectif d'éviter que les groupements et ententes de programmation n'imposent une exclusivité aux distributeurs.

Ils sont progressivement devenus un véritable outil de politique culturelle destiné à favoriser la diversité de l'offre et la diffusion des oeuvres sur l'ensemble du territoire.

Sont tenus de souscrire des engagements de programmation :

Ø les groupements et ententes de programmation, dont l'agrément est conditionné à l'homologation par le président du CNC de tels engagements ;

Ø les exploitants assurant directement et uniquement la programmation de leurs établissements dont l'activité est susceptible de faire obstacle au libre jeu de la concurrence et à la plus large diffusion des oeuvres en raison de leur importance sur le marché national ou du nombre de salles qu'ils exploitent.

L'accord du 13 mai 2016 sur les engagements de programmation et les engagements de diffusion signé par les professionnels du secteur cinématographique est venu préciser la portée de ce dispositif et lui assigner les objectifs suivants, désormais codifiés à l'article R. 212-31 du code du cinéma et de l'image animée :

Ø favoriser l'exposition et la promotion des oeuvres cinématographiques européennes et des cinématographies peu diffusées, notamment en leur réservant un pourcentage de séances et en prévoyant la diffusion, dans chaque établissement, de films sortis sur moins de 80 copies. Les exploitants doivent également maintenir à l'écran des films européens programmés pendant deux semaines et garantir un nombre minimal de séances hebdomadaires ;

Ø garantir le pluralisme dans le secteur de la distribution cinématographique, notamment en favorisant le maintien d'un tissu diversifié d'entreprises de distribution et la diffusion d'oeuvres d'Art et d'Essai ;

Ø garantir la diversité des oeuvres cinématographiques proposées aux spectateurs et le pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique, notamment par la limitation de la diffusion simultanée d'une oeuvre au sein d'un même établissement ;

Ø favoriser, de façon significative, la promotion gratuite de toutes les oeuvres cinématographiques programmées, notamment par la diffusion de leurs bandes-annonces, au sein des espaces promotionnels des établissements de spectacles cinématographiques.

Ces objectifs ont été renforcés par les lignes directrices arrêtées le 11 avril 2022 par le président du CNC, qui prévoient notamment une limitation de la multidiffusion par cinéma, l'interdiction de la multidiffusion et de la déprogrammation d'un film en cours d'exploitation sans l'accord préalable des distributeurs concernés et une part minimale, par établissement, de séances annuelles consacrées aux films européens ou relevant de cinématographies peu diffusées et une exposition minimale de ces films à l'affiche de deux semaines, avec la fixation d'un plancher de séances sur deux à quatre semaines.

La mise en place de ces engagements a donc permis d'éviter la surexposition des oeuvres les plus médiatisées au moment de leur sortie et d'offrir aux autres films des fenêtres d'exploitation dans les réseaux. Ainsi, les spectateurs se voient proposer, sur l'ensemble du territoire, la possibilité de choisir parmi des oeuvres diversifiées.

II. Inclure le secteur de la distribution dans le mécanisme des engagements

Les engagements de programmation sont en général bien acceptés par les exploitants et ne posent en eux-mêmes pas de difficultés majeures.

Les travaux de la mission d'information précitée du Sénat ont fixé comme priorité pour pérenniser « l'histoire d'amour » entre la France et son cinéma une meilleure diffusion des oeuvres pour un public plus large : « Il est aujourd'hui indispensable d'assurer la meilleure accessibilité aux oeuvres de la diversité, françaises comme européennes, pour préserver les spécificités historiques de notre cinéma. »

En effet, si la France dispose d'un parc de salles unique en Europe, la question de l'accès de ces salles à certaines oeuvres se pose. Le sujet ne concerne pas les plus grosses productions, notamment étrangères, qui disposent de budgets de promotion massifs et ont en général pour stratégie une présence simultanée sur l'ensemble du territoire dès leur sortie, mais les oeuvres plus exigeantes et variées, que l'on peut assimiler à la catégorie « Art et Essai ».

Selon le rapport précité de Bruno Lasserre, si des progrès ont été observés dans l'accès des « petites » salles aux oeuvres d'Art et Essai, une inégalité territoriale demeure. Elle s'explique par plusieurs facteurs : volonté des distributeurs « d'étaler » les sorties, petite taille et donc moindre capacité des distributeurs spécialisés dans le cinéma d'auteur à mettre en place un vaste plan de sorties, etc. Le facteur « coût » a cependant perdu en grande partie son importance avec la numérisation du parc des salles. Désormais, il n'est plus nécessaire d'assurer la logistique autour de coûteuses bobines pour les sorties récentes, mais simplement d'envoyer un fichier numérique dans les salles.

Le classement Art et Essai des salles

Le classement Art et Essai des établissements cinématographiques par le CNC distingue les cinémas réalisant la diffusion d'une proportion jugée importante de films recommandés Art et Essai (films d'auteur, films relevant de cinématographies peu diffusées, intérêt artistique, etc.) par un collège de professionnels. Le niveau de diffusion exigé s'accroît avec la densité démographique.

En 2021, 1 282 cinémas sont classés Art et Essai (63,2 % des établissements cinématographiques actifs), soit 2 831 écrans (45,7 % des écrans) et plus de 484 000 fauteuils (42,2 % du nombre total de fauteuils). Ces établissements réalisent 34,9 millions d'entrées, soit 36,6 % de la fréquentation totale (24,9 millions d'entrées et 38,1 % de la fréquentation en 2020).

Pour obtenir son classement, le cinéma doit proposer des oeuvres cinématographiques dites « Art et d'Essai », soit qui répondent à une ou des caractéristiques attestant de leur caractère artistique ou particulièrement représentatif.

La liste des oeuvres recommandées est établie par le CNC qui confie la procédure de recommandation à l'Association française des cinémas d'Art et d'Essai (AFCAE) dans le cadre d'une convention. Elle se fonde sur l'article D. 210-3 du code du cinéma et de l'image animée, qui définit les critères de la manière suivante :

 OEuvre cinématographique ayant un caractère de recherche ou de nouveauté dans le domaine cinématographique ;

2° OEuvre cinématographique présentant d'incontestables qualités, mais n'ayant pas obtenu l'audience qu'elle méritait ;

3° OEuvre cinématographique reflétant la vie de pays dont la production cinématographique est peu diffusée en France ;

4° OEuvre cinématographique de reprise présentant un intérêt artistique ou historique, et notamment oeuvre cinématographique considérée comme « classique de l'écran » ;

5° OEuvre cinématographique de courte durée tendant à renouveler par sa qualité et son choix le spectacle cinématographique.

Trois labels complémentaires peuvent être attribués : « Recherche et découverte », « Jeune public » et « Patrimoine et répertoire ».

Source : rapport précité de la mission d'information du Sénat

La mission d'information et le rapport de Bruno Lasserre ont ainsi proposé la mise en place, en plus des engagements de programmation qui concernent les exploitants, d'engagements de diffusion pris par les distributeurs.

Cette idée n'est en soi pas nouvelle. Lors de l'examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine en 2015, le Gouvernement avait toutefois renoncé à faire adopter une disposition en ce sens, préférant une négociation interprofessionnelle. Celle-ci a finalement abouti avec l'accord précité du 13 mai 2016, qui prévoyait que les distributeurs de films « Art et Essai » réservent une fraction du plan de sortie aux petites villes et aux zones rurales. Il n'a cependant été que partiellement respecté. Sans en contester le principe, les distributeurs les plus importants ont en effet considéré que cet accord était susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle faute de base légale.

La mission d'information a cependant estimé que « L'amélioration des engagements de programmation doit être complétée par celle des engagements de diffusion des distributeurs. [...]. Sans aller jusqu'à un fort degré de contrainte qui donnerait par exemple à l'exploitant une forme de « droit » à diffuser un film - ce qui serait au reste contraire à la liberté commerciale -, il serait pertinent de rendre possible une forme d'encadrement souple, avec pour objectif de favoriser la diffusion des oeuvres d'Art et Essai dans les territoires. »

La recommandation n° 5 de la mission proposait ainsi la création d'engagements de diffusion des oeuvres d'Art et Essai.

III. Les engagements de diffusion : permettre un accès « équilibré » aux oeuvres

Le présent article propose de créer un nouveau chapitre II bis au livre II du CCIA, consacré au secteur de la distribution cinématographique8(*). Il contiendrait un article L. 212-36 qui définirait les engagements de distribution.

La diffusion cinématographique en France en 2022

L'Observatoire de la diffusion cinématographique a rendu public son rapport le 17 janvier 20239(*). Il couvre les années 2020 et 2021, et partiellement 2022.

Le rapport établit ainsi que la crise a été l'occasion de plans de sorties plus larges, avec 178 établissements qui accueillent des films en première exclusivité la semaine de sortie en 2021 et 163 en 2020, contre 140 en 2019, soit une progression de 28 %. Cela constitue un signal positif pour la diffusion des oeuvres. Il est cependant encore tôt pour en tirer des enseignements définitifs, tant les années 2020 et 2021 ont été marquées par la pandémie et ses conséquences sur les sorties de films. Le rapport fait également le constat, qui rejoint les conclusions de la mission d'information de la commission, d'une concentration accentuée des sorties sur les 10 premiers films, lié au nombre restreint de séances durant la pandémie.

ü Les bénéficiaires de ces engagements seraient « les exploitants des établissements de spectacles cinématographiques et le public ».

ü L'objectif est de « favoriser » leur accès à certaines oeuvres « de manière équilibrée sur le territoire national ». Cela induit une dimension territoriale qui est au coeur des engagements de distribution comme de programmation, à savoir offrir pour l'ensemble des spectateurs, quel que soit leur lieu de visionnage, la possibilité d'accéder à un choix d'oeuvres diversifiées. Le choix du terme « favoriser » éloigne de la perspective d'une obligation de distribution.

ü Les oeuvres concernées sont celles de la catégorie « Art et Essai » (voir supra) « dont la diffusion est prévue dans un nombre important d'établissements ». L'accord du 13 mai 2016 reprenait cette même cible, qualifiée alors de films « porteurs », en les définissant comme les films sortis dans plus de 175 points de diffusion.

ü L'obligation imposée aux distributeurs de ces films serait de consacrer « une part minimale du plan de diffusion [...] à des établissements situés dans des périmètres géographiques identifiés au regard de leur faible nombre d'habitants ». Les accords de 2016 ne ciblaient que les agglomérations de moins de 50 000 habitants et les zones rurales. Le mécanisme prévoyait alors de réserver entre 17 % et 25 % du plan de sortie aux établissements situés dans ces territoires.

La diffusion des films Art et Essai

En 2022, les films Art et Essai sont programmés en moyenne dans 97 points de diffusion (établissements cinématographiques) la semaine de leur sortie nationale. Si l'on prend la totalité des films sortis en 2022, ils sont programmés en moyenne dans 169 points de diffusion la semaine de leur sortie.

Il reviendrait au président du CNC de fixer, après consultation du médiateur du cinéma, les caractéristiques précises des oeuvres concernées ainsi que les périmètres géographiques qui devraient en bénéficier.

IV. La position de la commission

Le rapport de la mission d'information avait placé au centre de sa réflexion la question de l'accès des oeuvres pour l'ensemble des publics, notamment ceux éloignés des grandes aires urbaines qui bénéficient souvent de plusieurs établissements à proximité. Pour reprendre la formule inspirée d'une des personnes entendues par les rapporteurs, il faut éviter « le cinéma des villes et le cinéma des champs », qui se caractériserait par une attente de plusieurs semaines dans les zones les moins denses pour profiter d'une oeuvre convoitée.

La mission avait également souligné le paradoxe d'avoir mis en place des engagements de programmation, sans avoir poussé la logique dans le secteur de la distribution. Le rapport de Bruno Lasserre a montré de manière convaincante l'intérêt d'engagements de distribution qui joueraient le rôle de « filet de sécurité » pour permettre l'accès aux films Art et Essai les plus recherchés dans l'ensemble des territoires. Les auteurs de la proposition de loi ont donc privilégié la reprise des accords de 2016 qui avaient été signés par l'ensemble de la profession mais jamais appliqués faute de base législative.

Les rapporteurs ont cependant été sensibles aux craintes exprimées par certaines parties prenantes de se voir enserrées dans un corpus de règles trop restrictives et complexes à gérer au quotidien. L'objectif premier d'une meilleure diffusion des oeuvres dans les territoires sera d'autant mieux assuré qu'il reposera sur des règles acceptées par les professionnels chargés de le mettre en oeuvre.

Sans revenir sur cette ambition, la commission a donc adopté, à l'initiative des rapporteurs, un amendement COM-3 maintenant le principe des engagements de diffusion, en en modifiant la mise en place.

La nouvelle rédaction vient ainsi préciser les conditions de mise en oeuvre de ces engagements pour mieux cibler le dispositif au regard de son objectif premier, à savoir remédier aux situations de trop forte concentration des sorties dans les zones denses et favoriser un accès simultané du public sur tous les territoires aux films d'auteur attendus.

Le principe ne serait donc plus l'existence générale et permanente d'engagements de diffusion mais un mécanisme temporaire, limité aux situations, définies par décret, dans lesquelles il serait objectivement constaté un déséquilibre dans la diffusion de ces films au détriment des territoires peu denses afin d'y remédier et d'éviter une détérioration. Un décret déterminera les oeuvres d'Art et d'Essai et les zones géographiques concernées.

Ainsi, lorsqu'une situation de déséquilibre se présentera, le président du CNC aura dorénavant la faculté d'intervenir rapidement pour mettre en place des engagements de diffusion adaptés et uniquement applicables le temps de revenir à un accès équilibré à ces films sur l'ensemble du territoire.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 5
Sanctions administratives liées aux engagements de diffusion

Cet article vise à instaurer la faculté pour le CNC de sanctionner les distributeurs qui ne respecteraient pas les engagements de diffusion créés par l'article 4 de la présente proposition de loi.

L'article L. 421-1 du CCIA établit la liste des manquements qui peuvent entrainer, dans les domaines couverts par ce code, des sanctions administratives.

Les sanctions administratives sont prononcées par une commission indépendante du CNC, la Commission du contrôle de la réglementation (CCR), présidée par un membre du Conseil d'État et essentiellement composée de personnalités qualifiées représentant les différentes branches du secteur.

L'instruction préalable au prononcé de sanctions est assurée par un rapporteur nommé parmi les membres en activité des juridictions administratives. Ce rapporteur est saisi par le président du CNC, le plus souvent dans le prolongement d'une procédure de contrôle menée par les agents assermentés du service de l'inspection du CNC ayant conduit à l'établissement d'un procès-verbal constatant des manquements aux obligations du CCIA ou du règlement général des aides.

La nature des sanctions est extrêmement variable, allant du simple avertissement au remboursement des aides ou à l'exclusion du bénéfice et du paiement de toute aide financière pour une durée ne pouvant excéder cinq ans.

En 2022 et 2023, la CCR a rendu 17 décisions (44 depuis son institution en 2018). Elles concernent principalement des manquements dans le cadre de l'attribution des aides mais aussi l'organisation de séances en plein air non autorisées ou des déclarations insincères en matière de contrôle des recettes en salles. Les sanctions prononcées sont donc le plus souvent des remboursements d'aides et des exclusions temporaires du bénéfice des aides, ainsi que des sanctions pécuniaires à l'encontre des dirigeants des sociétés sanctionnées ou directement à l'encontre de la société concernée (entre 1 000 € et 5 000 €).

Le présent article modifie de deux manières le champ d'application de ces sanctions.

D'une part, il supprime la référence figurant au 5° à l'agrément des formules d'accès illimitées, par cohérence avec l'article 1er de la présente proposition de loi qui vise à supprimer cette procédure. Naturellement, des sanctions pourront toujours être prises en cas de non-respect des nouvelles dispositions relatives à ces formules.

D'autre part, il prévoit un nouvel alinéa 6 bis pour inclure dans le champ des obligations susceptibles de donner lieu à des sanctions les engagements de diffusion, tels que définis à l'article 4 de la présente proposition de loi.

La commission soutient cette mise en cohérence qui permet d'asseoir les engagements de diffusion.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 6
Nouveaux critères dans l'attribution des aides du CNC

Cet article vise à introduire deux nouveaux critères dans les règles d'attribution des aides du CNC aux producteurs.

I. Associer le cinéma aux grandes politiques publiques

La mission d'information de la commission a souhaité mieux associer le cinéma aux grandes politiques publiques.

Parmi les fonctions du CNC, la plus connue est certainement l'aide apportée à la production des oeuvres. D'un montant de 130 millions d'euros environ, elle contribue à l'équilibre économique des projets et à la diversité de la création en France.

Considérant qu'il s'agit là d'un levier efficace pour influencer les conditions matérielles des tournages, la mission d'information a souhaité dans ses recommandations n° 11 et 12 apporter deux ajouts aux critères d'attribution des aides, définis en termes généraux au 2° de l'article L. 111-2 du CCIA.

D'une part, la mission (recommandation n° 11) a souhaité que ces aides puissent être modulées en fonction du respect d'exigences environnementales.

Cette disposition permet de donner un ancrage législatif à une pratique développée depuis peu par le CNC. En effet, afin de responsabiliser les producteurs et les inciter à mesurer l'impact écologique de leur activité, une première mesure a été mise en place en 2023 consistant à exiger la remise de bilans carbone - prévisionnel et définitif - des oeuvres pour lesquelles une aide à la production cinématographique ou audiovisuelle est demandée. Il est prévu, à compter du 1er janvier 2024, que la méconnaissance de cette obligation puisse donner lieu au refus ou au retrait de l'aide. Cependant, la modification proposée par le présent article donnera la possibilité, d'une part, de rendre incontestable cette prise en compte de critères environnementaux, d'autre part, de moduler les aides à la hausse ou à la baisse selon l'impact environnemental des productions. Le 1° du présent article précise donc que les aides du Centre contribuent au développement de la production « dans l'intérêt général et en tenant compte, le cas échéant, du respect d'exigences environnementales ». Les modalités pratiques de cette modulation des aides seront définies par le CNC.

D'autre part, la mission souhaite également que les aides soient cette fois-ci non pas modulées, mais subordonnées au respect des accords en matière de rémunération minimale des auteurs.

La transposition de la directive « droit d'auteur » par l'ordonnance du 12 mai 2021 a en effet permis d'impulser une dynamique de négociation professionnelle entre producteurs et auteurs concernant la rémunération de ces derniers. Le nouvel article L. 132-25-2 du code de la propriété intellectuelle (CPI) prévoit ainsi la possibilité de fixer les modalités de détermination et de versement de la rémunération proportionnelle par mode d'exploitation des auteurs par voie d'accord entre leurs représentants et ceux des producteurs. À défaut d'un tel accord, le Gouvernement peut fixer par voie réglementaire les conditions et les modalités de cette rémunération.

Les accords peuvent également porter sur les pratiques contractuelles ou les usages professionnels entre auteurs et producteurs, en application de l'article L. 132-25-1 du code de la propriété intellectuelle, y compris dans le domaine des rémunérations minimales relatives aux différentes étapes de création.

À l'heure actuelle, quatre accords ont ainsi été conclus dans le secteur audiovisuel :

Ø le 23 janvier 2023 pour les auteurs de documentaires, étendu par arrêté du 22 février 2023 ;

Ø le 22 mars 2023 pour les auteurs scénaristes de fictions, étendu par arrêté du 28 avril 2023 ;

Ø le 15 juin 2023 pour les auteurs d'animations, étendu par arrêté le 2 août 2023 ;

Ø le 15 septembre 2023 pour les réalisateurs de fictions, étendu par arrêté du 13 octobre 2023.

Des négociations sont en cours pour la conclusion d'un accord dans le milieu du cinéma. Les discussions sont cependant rendues plus complexes, et donc plus longues, par la diversité des représentants.

Il est donc proposé de contraindre les producteurs du champ cinématographique comme audiovisuel à respecter les minimas de rémunération résultant de ces accords professionnels étendus par arrêté, en les privant du bénéfice des aides en cas de manquement.

Comme pour toutes les autres conditions d'attribution des aides, le contrôle du respect de ces dispositions est tout d'abord effectué dans le cadre de l'instruction des dossiers de demandes d'aides. Concernant le respect des rémunérations minimales, il pourrait ainsi être vérifié au regard des contrats d'auteurs et en exigeant éventuellement la fourniture d'un document ad hoc récapitulant l'ensemble des rémunérations concernées par les accords étendus. Les aides à la production faisant l'objet de deux décisions, une décision en début de production et une autre après achèvement de l'oeuvre sur la base des éléments définitifs de production (comptes définitifs, contrats, notes d'auteurs, bulletins de salaires, etc.), la vérification peut être opérée aux deux stades et donc donner lieu, le cas échéant, au reversement de l'aide déjà obtenue. En outre, des contrôles a posteriori pourront également être diligentés par les agents assermentés du CNC pour vérifier la sincérité des documents fournis par les entreprises dans leurs dossiers de demandes d'aides et la réalité des rémunérations et, en cas de déclarations inexactes ou de non-respect des accords, conduire au retrait des aides et au prononcé de sanctions administratives par la CCR.

Il convient de relever que les auteurs qui estiment que l'accord étendu n'est pas respecté peuvent également s'en prévaloir devant le tribunal judiciaire contre le producteur.

II. La position de la commission

La commission salue la prise en compte de ces nouveaux critères dans les modalités d'attribution des aides à la production.

En ce qui concerne le respect des règles de rémunérations minimales des auteurs, il devrait cependant s'imposer non comme une obligation, mais comme une évidence. L'absence d'aide ou le remboursement au CNC si leur respect n'était pas assuré devrait donc constituer un levier efficace pour en assurer l'effectivité.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7
Coordinations juridiques

Cet article procède à plusieurs coordinations juridiques dans le code du cinéma et de l'image animée.

Le présent article procède à trois coordinations juridiques au sein des articles L. 111-3, L. 115-1 et L. 213-10 du CCIA, pour tenir compte des modifications proposées par la présente proposition de loi.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté un amendement rédactionnel COM-4.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 7
Lutte contre le piratage
des productions cinématographiques et audiovisuelles

Le présent article additionnel, adopté à l'initiative des rapporteurs, vise à renforcer la lutte contre le piratage des productions cinématographiques et audiovisuelles.

I. Le piratage : un fléau pour les industries culturelles

Les conséquences économiques du piratage sont de grande ampleur. Une étude rendue publique le 2 décembre 2020 par la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi, désormais Arcom)10(*), estime le manque à gagner dû à la consommation illicite en ligne de contenus audiovisuels à plus d'un milliard d'euros par an, soit nettement plus que l'ensemble des soutiens du CNC au secteur, qui devraient s'élever à 750 millions d'euros en 2024. À ce manque à gagner s'ajoute une perte potentielle de 332 millions d'euros pour les finances publiques (recettes perdues en TVA, impact sur les emplois et donc sur les prélèvements sociaux).

L'article premier de la loi du 25 octobre 202111(*) a mis en place un mécanisme de lutte contre l'une des manifestations les plus préoccupantes du piratage, les sites dits « miroirs12(*) ». Ce vocable désigne la faculté qu'ont les professionnels du piratage qui mettent à disposition, contre rémunération publicitaire, des catalogues entiers d'oeuvres en ligne, une fois le site fermé sur décision judiciaire, de créer presque immédiatement une nouvelle adresse internet reproduisant les mêmes contenus.

L'article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle avait apporté une réponse, en permettant à l'Arcom, une fois la décision judiciaire définitive sur un site, et sur saisine des ayants droit, de supprimer l'accès à tout service reprenant les contenus.

Une procédure spécifique

Dans son rapport sur le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique13(*), le rapporteur de la commission Jean-Raymond Hugonet décrivait en ces termes la procédure de lutte contre les sites « miroirs » :

« La procédure est donc spécifique ; il ne s'agit :

« - ni d'un blocage judiciaire décidé par le juge dans le cadre du référé « internet » prévu par le 8 du I de l'article 6 de la LCEN ou de l'article L. 336-2 du CPI (voir supra ) ;

« - ni de son exception, qui consiste en un pouvoir propre donné à l'administration, comme dans le cas du blocage administratif prévu à l'article 6-1 de la LCEN pour les contenus d'extrême gravité (terrorisme, pédopornographie), qui fait l'objet d'un strict principe de subsidiarité (d'abord l'hébergeur, puis le fournisseur d'accès) ;

« - mais d'un blocage dit « mixte », sur un modèle proche de celui retenu pour les sites de paris en ligne ou d'investissements illégaux, pour lesquels le Président d'une autorité administrative demande à l'autorité judiciaire d'ordonner le blocage d'un site aux intermédiaires techniques, face au refus des personnes en cause de cesser leur activité délictueuse. »

Ce dispositif mis en oeuvre par l'Arcom depuis octobre 2022 a produit des effets encourageants. L'Autorité a déjà reçu, dans le cadre d'une coopération avec les ayants droit du cinéma et du secteur de l'audiovisuel, plus de 600 demandes d'actualisation, permettant in fine de notifier 540 noms de domaine aux fournisseurs d'accès à internet (FAI) pour en empêcher l'accès.

Une première étude d'évaluation de ce dispositif14(*), portant sur ses six premiers mois d'exercice, a montré des résultats prometteurs : en avril 2023, 38 % des internautes ayant des pratiques illicites reconnaissaient avoir déjà été confrontés à un blocage d'un service illicite proposant des contenus audiovisuels ou cinématographiques. Face à cette situation, 7 % des internautes concernés déclaraient s'être tournés vers l'offre légale et 46 % avoir abandonné leur recherche. Au final, l'audience des « galaxies15(*) » de sites visés par ce dispositif de lutte contre les sites miroirs a diminué de 23 % entre septembre 2022 et mars 2023.

Cependant, 6 % des internautes confrontés à ces mesures de blocage ont cherché à contourner le blocage et 41 % se sont reportés vers d'autres services illicites. Plus largement, d'après la dernière édition du baromètre de la consommation des biens culturels et sportifs réalisé par l'Arcom16(*), 9 % des internautes ont déclaré avoir accédé à des contenus audiovisuels de manière illicite en 2023, et 12 % à des contenus cinématographiques.

Ainsi, certaines galaxies de sites illicites, relevant plus précisément des sites de téléchargement direct, se répliquent très rapidement. Ces services, appuyés sur des marques fortes, depuis plusieurs années, peuvent, quasi instantanément après leur blocage, créer de nouveaux sites miroirs et en diffuser le nom de domaine. Les mesures de blocage restent insuffisantes pour l'instant sur de tels services de téléchargement.

Par ailleurs, on assiste au retour des pratiques de piratage pendant l'exploitation des films en salles (pratique dite de « camcording ») indépendamment des actions mises en place par l'Arcom, ce qui accentue la nécessité d'agir très vite contre la diffusion illicite en ligne des oeuvres protégées : 560 films ont fait l'objet d'un piratage par « camcording » depuis juin 2020 et, pour la seule année 2023, ce sont 191 films qui sont concernés.

Ce préjudice est d'autant plus important que l'exploitation des films en salles représente près des trois quarts du chiffre d'affaires du cinéma. Ainsi, en 2022, pour un chiffre d'affaires global de 1,45 milliard d'euros, les recettes des films en salle ont représenté 1,075 milliard d'euros, soit 74 %, loin devant le chiffre d'affaires généré par la vidéo à la demande à l'acte (207 millions d'euros) et la vidéo en support physique (166 millions d'euros).

II. Conforter la lutte contre le piratage en ligne

Dans ce contexte, il convient de renforcer la rapidité d'action de l'Autorité dans sa lutte contre le piratage de contenus protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin.

Le présent article additionnel (amendement COM-5) vise donc à tirer les enseignements des premiers retours d'expériences sur le dispositif de lutte contre les sites miroirs en introduisant différentes modifications au sein de l'article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle.

ü En premier lieu, cet article additionnel vise à garantir une plus grande efficacité de la procédure.

D'une part, il facilite la saisine de l'Arcom en supprimant la condition du passage en force de la chose jugée de la décision judiciaire17(*) mentionnée à l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle. Cela permet aux titulaires de droits et à leurs représentants de saisir l'Arcom sans attendre l'extinction du délai d'appel et l'obtention d'un certificat de non-appel, ce qui retarde nécessairement la possibilité de demander l'actualisation de la décision judiciaire auprès de l'Autorité d'environ deux mois. Cette évolution permet ainsi de réduire significativement le délai de saisine de l'Arcom pour obtenir le blocage des services reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du site initial.

D'autre part, il prévoit que la demande de blocage ou de déréférencement ne relève plus du collège de l'Arcom mais de son président ou d'un membre du collège désigné par lui.

Les conditions de mise en oeuvre de la procédure pourront être précisées par décret. Une copie de la signification de la décision judiciaire mentionnée à l'article L. 336-2, attestant de sa force exécutoire, pourrait être transmise à l'Autorité lors de la saisine.

ü En second lieu, le présent article additionnel facilite la saisine par les représentants des ayants droit

En l'état actuel du droit, seuls les titulaires de droit parties à la décision initiale sont habilités à saisir l'Autorité afin d'en obtenir l'actualisation. Leurs ayants droit, les organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III du code de la propriété intellectuelle ou les organismes de défense professionnelle visés à l'article L. 331-1 du même code ne sont pas inclus dans le dispositif de lutte contre les sites miroirs, alors qu'ils ont la capacité d'intenter une action en cessation des atteintes à un droit d'auteur ou à un droit voisin, sur le fondement de l'article L. 336-2.

Le présent article additionnel élargit donc la liste des personnes habilitées à saisir l'Arcom en prenant en compte « toute personne qualifiée pour agir », ce qui englobe l'ensemble des parties prenantes mentionnées à l'article L. 336-2 du CPI.

L'extension de la liste des personnes habilitées à saisir l'Arcom pour faire respecter la décision judiciaire devrait donc permettre un suivi plus efficace et structuré de l'activité des sites miroirs.

Afin de faciliter l'exécution des accords prévus au troisième alinéa, il est proposé que l'Arcom tienne à jour une liste des sites miroirs pour lesquels elle a demandé un blocage ou un déréférencement afin de la mettre à disposition de leurs signataires.

III. La position de la commission

La commission a toujours marqué sa vive préoccupation sur la question du piratage des contenus culturels comme sportifs18(*). À ce titre, elle a notamment soutenu le projet de loi précité relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique, qui portait une réforme ambitieuse des outils à disposition du juge et du régulateur.

Si la lutte contre le piratage constitue un objectif unanimement partagé, il n'en demeure pas moins complexe à mettre en oeuvre et ce, pour trois raisons :

Tout d'abord, l'évolution très rapide des technologies, et corrélativement l'adaptation en continu des techniques de piratage, rend rapidement en bonne partie obsolètes les mesures législatives adoptées. En témoigne ainsi la première loi dite « Hadopi » du 12 juin 2009, qui ciblait la technique du « pair-à-pair » guère plus utilisée aujourd'hui avec la montée du streaming.

Ensuite, la lutte contre le piratage se heurte au respect d'autres droits fondamentaux. Ainsi, toujours sur la loi précitée du 12 juin 2009, le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision du 10 juin 2009, censuré partiellement plusieurs dispositions de la loi « Hadopi » précitée, soulignant que « La liberté de communication et d'expression, énoncée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, fait l'objet d'une constante jurisprudence protectrice par le Conseil constitutionnel. Cette liberté implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne. » Dès lors, toute mesure de nature coercitive, comme la sanction d'un internaute ou le blocage d'un site, doit être encadrée de garanties procédurales de nature à préserver ces droits.

Enfin, face aux profits générés par la marchandisation, via la publicité, de contenus piratés, le contrôle nécessite des moyens importants, dont une surveillance attentive des sites contrefaisants mais également les frais liés au blocage des sites. La Cour de cassation a cependant rendu une décision essentielle à ce propos le 6 juillet 201719(*) : si la surveillance et le signalement sont du ressort des ayants droit, les frais liés au blocage sont à la charge des intermédiaires techniques, dès lors qu'ils n'entrainent pas de « sacrifices insupportables » pour ces sociétés. Tel ne semble pas être le cas avec les dispositions de cet article additionnel, qui n'ont pour conséquence, pour les intermédiaires, que d'agir un peu plus tôt que précédemment.

La commission estime donc que le présent article additionnel constitue une avancée majeure dans la lutte contre le piratage des contenus cinématographiques et audiovisuels.

La commission a adopté le présent article additionnel.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 7 FÉVRIER 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons cette réunion par l'examen du rapport de nos collègues Jérémy Bacchi, Sonia de La Provôté et Alexandra Borchio Fontimp sur la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - Une nouvelle fois, le cinéma nous montre sa faculté à susciter des aventures collectives au sein de notre commission. Mes collègues Sonia de La Provôté, Alexandra Borchio Fontimp et moi-même avons aujourd'hui la lourde charge de vous présenter la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France.

Cette proposition de loi constitue, puisque nous sommes dans l'univers du cinéma, le « deuxième épisode » de l'aventure dans laquelle notre commission s'est engagée l'année dernière avec le rapport d'information intitulé Le cinéma contre-attaque, que vous avez adopté à l'unanimité le 24 mai dernier.

En guise de préambule, nous pouvons nous féliciter de notre capacité collective à mener des travaux approfondis et transpartisans, puis de les voir déboucher sur des évolutions législatives dans des délais somme toute assez réduits. Nous parvenons ainsi à instaurer une continuité que je crois bienvenue entre la mission de contrôle et la mission de législation du Parlement. Je me félicite de ce qui devient presque une habitude pour nous, avec comme dernier exemple l'examen, la semaine dernière, de la proposition de loi sur l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap, qui fait suite à la mission de notre collègue Cédric Vial sur le sujet.

J'en viens au coeur du sujet qui nous occupe aujourd'hui ; le rapport d'information sur le cinéma que Sonia de La Provôté, Céline Boulay-Espéronnier, à laquelle je veux adresser un salut très amical, et moi avions rédigé avait souligné la forte résilience de notre modèle de soutien et de financement du cinéma.

À ce propos, je vous ai présenté en novembre dernier le rapport pour avis sur le cinéma, dans lequel je faisais état de premiers chiffres encourageants sur la fréquentation des salles en 2023. Depuis lors, les chiffres définitifs du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ont confirmé cet optimisme : 181 millions de billets de cinéma ont été vendus l'année dernière, soit une progression de 20 % par rapport à 2022. Le cinéma n'a pas encore retrouvé le niveau moyen de la décennie 2010, mais la fréquentation est maintenant en ligne avec la décennie 2000 et elle est très supérieure à celle des années 1990. Au petit jeu des comparaisons, constatons que notre fréquentation surpasse très nettement celle de nos voisins européens. Ainsi, l'Allemagne a enregistré en 2023 83 millions d'entrées, l'Espagne 68 millions et l'Italie, autrefois immense terre de cinéma, 63 millions. La France demeure donc de très loin le premier marché européen du septième art.

La fréquentation dans nos cinémas repose sur deux piliers qui se partagent 80 % du marché : les productions françaises d'un côté et les films américains de l'autre. En 2023, les films français ont représenté 40 % des entrées, soit un niveau supérieur à celui qui était observé avant la pandémie et qui correspond au niveau des films américains. Cette reprise accélérée et cette bonne santé de la production française doivent beaucoup, il faut le reconnaître, aux mécanismes de soutien adoptés à l'occasion de la pandémie. Ainsi, le CNC avait mis en place une garantie pour la continuité des tournages. Le Centre s'était engagé à rembourser les frais si les travaux étaient interrompus pour cause d'épidémie. Cela a permis aux tournages de reprendre très rapidement et, comme l'a indiqué le directeur général du CNC, n'a absolument rien coûté, puisque toutes les précautions avaient été prises sur les plateaux et qu'aucune garantie n'a finalement été appelée !

Les perspectives actualisées pour 2024 semblent cependant un peu moins bonnes. Les salles devraient souffrir de la conjonction de deux facteurs négatifs : d'une part, la grève qui a frappé Hollywood et a retardé les tournages, donc les sorties des films américains et, d'autre part, l'impact des évènements sportifs de l'année, notamment la coupe d'Europe de football et les jeux Olympiques et Paralympiques. Un grand réseau de salles très implanté en Île-de-France nous a ainsi confié sa crainte à ce sujet, car il possède de nombreux établissements situés à proximité immédiate des lieux de compétition...

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. - Le rapport d'information soulignait que le succès de notre cinéma - les auditions que nous avons menées avec les deux rapporteurs l'ont rappelé - résulte d'une alchimie complexe et quelque peu « magique ». Les mécanismes de soutien au cinéma sont anciens, avec la création du CNC en 1946, et se sont sans cesse adaptés depuis lors. Ils englobent trois éléments :

- des financements publics, via le CNC, procédant de taxes affectées, mais également de financements privés provenant des diffuseurs ;

- un encadrement réglementaire avec la chronologie des médias ou les engagements de programmation ;

- et un haut niveau de formation.

Ces mécanismes ont permis au septième art en France de résister successivement à l'arrivée de la télévision dans les années 1960, à celle d'internet dans les années 2000 et à celle du streaming à partir de 2010. On peut donc parler d'une « histoire d'amour au long cours » entre la France et son cinéma, ce qui nous singularise de nos voisins européens encore aujourd'hui, comme le montrent d'ailleurs les chiffres de fréquentation pour 2023 que vous a rappelés Jérémy Bacchi.

Ce rapport d'information a été très bien accueilli par la profession et les pouvoirs publics, grâce à son approche équilibrée sans être complaisante du cinéma.

Les auteurs du rapport d'information ne prétendent pas, au travers de cette proposition de loi, révolutionner des mécanismes complexes qui ont fait la preuve de leur efficacité. Toutefois, ce texte sera le premier exclusivement consacré au cinéma depuis la loi du 30 septembre 2010, qui ne concernait que l'équipement cinématographique des salles. C'est dire si nous n'avons que rarement l'occasion de nous pencher sur cette thématique, habituellement traitée via l'examen de projets de loi plus larges, qui renvoient d'ailleurs régulièrement à des ordonnances.

Le rapport de la commission comportait quatorze recommandations. La présente proposition de loi constitue la traduction législative des cinq recommandations qui ne pouvaient pas passer par la voie réglementaire. L'ancienne ministre de la culture avait fait part, lors de son audition devant la commission en octobre dernier, de son soutien à notre initiative. Je ne peux que croire que la nouvelle ministre s'inscrira dans cette perspective...

Le CNC nous a indiqué travailler pour mettre en oeuvre rapidement les recommandations relevant de son action. En un mot, tout cela est de bon augure pour la proposition de loi comme pour la réalisation concrète de nos travaux.

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - Je vais maintenant vous présenter les grands axes de ce texte.

Les sept articles de la proposition de loi ont fait l'objet d'un dialogue nourri avec les parties prenantes et font l'objet, pour la plupart, d'une très large unanimité. Ils sont rassemblés autour des grands objectifs fixés dans le rapport : fluidifier les relations entre les exploitants de salles et les pouvoirs publics et promouvoir partout sur le territoire les films d'art et d'essai, notamment français, afin que chacun puisse bénéficier, quel que soit son lieu de résidence, de la créativité de nos réalisateurs.

Les articles 1er et 2 s'inscrivent dans la lignée des travaux de la mission de Bruno Lasserre, dont les conclusions ont été rendues publiques le 6 avril dernier et qui ont été très utiles pour notre réflexion. Ces articles ont pour objet de faciliter l'émission des cartes illimitées par les réseaux. Je rappelle que ces cartes, essentiellement distribuées par les deux grands réseaux Pathé et UGC, ont été lancées en 2000 et représentent 7 % de la fréquentation nationale et 20 % de la fréquentation chez les émetteurs. Il s'agit d'un système unique au monde et qui semble, par bien des aspects, en avance sur son temps, si l'on considère le développement ultérieur des offres d'abonnement des plateformes de streaming. Ces cartes sont un atout précieux pour la diversité, car elles sont une bonne incitation pour les salles à adopter une programmation variée, afin de justifier leur acquisition. Les possesseurs sont en effet significativement plus nombreux à assister aux projections de films français et d'art et d'essai.

Leur émission est actuellement soumise à une procédure d'agrément du CNC très lourde et contraignante, qui traduit en réalité la méfiance qui les entourait lors de leur création. La présente proposition de loi met donc en place un mécanisme plus souple mais qui - j'insiste sur ce point - ne fait pas l'économie des garanties apportées à la fois aux ayants droit et aux cinémas qui souhaiteraient s'associer à la formule. Le dispositif doit également permettre de rendre moins opaque la détermination du prix de référence, qui sert de base à la rémunération des auteurs et des distributeurs. De nombreux témoignages ont fait état d'une incompréhension sur ce prix, qui a évolué de seulement 1,8 % depuis 2000, quand le prix des cartes et des billets a connu une progression de plus de 30 %. C'est donc l'ensemble du modèle économique des cartes illimitées qui se trouvera modifié, notamment au bénéfice de l'ensemble des maillons de la chaîne du cinéma.

L'article 3 donne la possibilité aux exploitants de proposer en ligne des tarifs promotionnels sur le prix des billets. Il s'agit là encore de remédier à une incohérence un peu ancienne, afin de tenir compte de ce mode de commercialisation, qui tend à se développer de manière exponentielle, notamment avec les réservations par le biais des applications.

L'article 4 vise, sur le modèle des engagements de programmation des salles, à définir des engagements de diffusion des distributeurs. La mission a en effet constaté que les oeuvres classées en cinéma d'art et d'essai étaient moins souvent proposées dans certaines zones du territoire, que nous pouvons qualifier de « sous-denses ». Il est ainsi proposé que les distributeurs soient tenus de consacrer une part minimale du plan de diffusion à des établissements situés dans des périmètres géographiques identifiés au regard de leur faible nombre d'habitants.

L'article 5 donne en conséquence au CNC un pouvoir de sanction administrative en cas de méconnaissance par les distributeurs de leurs obligations. La Médiatrice du cinéma émettrait un avis sur cette sanction. Nous vous proposerons dans la suite de notre discussion un amendement COM-4 visant à affiner le mécanisme et à le rendre plus opératoire pour les professionnels, sans rien céder sur son ambition.

L'article 6 prévoit de conditionner le bénéfice des aides du CNC au respect par les producteurs des rémunérations minimales des auteurs prévues dans les accords étendus. Il prévoit également de moduler les aides en fonction du respect de critères environnementaux. Là encore, nous retrouvons la volonté exprimée dans le rapport d'information de mieux associer le cinéma aux grandes politiques publiques.

L'article 7 procède à des coordinations de nature juridique dans le code du cinéma et de l'image animée.

Enfin, nous vous proposerons un amendement important, qui a lui aussi fait l'objet d'une large concertation, sur le sujet épineux du piratage des oeuvres cinématographiques. Il s'agit notamment de lutter contre la pratique dite du « cam cording », qui consiste à filmer une oeuvre dans la salle et à la rendre immédiatement disponible sur un site en ligne.

Je vous indique en conclusion que le travail sur cette proposition de loi, mené en équipe avec les deux autres auteurs du rapport d'information et maintenant avec Alexandra Borchio Fontimp, représente dans notre esprit une étape nécessaire dans l'adaptation de notre cinéma au XXIe siècle. Rendre le cinéma plus dynamique, plus accessible, sur l'ensemble des territoires, mieux associer le cinéma aux grandes politiques publiques que sont l'attractivité des territoires, le respect des droits d'auteur et l'environnement, tels étaient les grands axes de notre action. Le travail ne fait cependant que commencer et nous aurons à coeur dans les mois qui viennent de veiller à la bonne mise en oeuvre par le CNC des recommandations qui dépendent de sa compétence.

M. Laurent Lafon, président. - Avant d'ouvrir la discussion générale, j'invite nos rapporteurs à nous présenter le périmètre de cette proposition de loi.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - Je vous propose de définir le périmètre de la proposition de loi en réservant notre examen aux conditions permettant de conforter et d'améliorer l'attractivité des établissements de spectacles cinématographiques, aux engagements de diffusion des distributeurs et aux principes guidant l'attribution des soutiens financiers du CNC.

Il en est ainsi décidé.

Mme Monique de Marco. - Je remercie les rapporteurs de ce travail transpartisan consacré à la filière cinématographique. Les textes consacrés au septième art étant rares, c'est une prouesse en soi.

Je souhaite en profiter pour élargir notre réflexion à ce sujet. En effet, est-il possible de conforter cette filière sans traiter pleinement les difficultés qu'elle traverse et qui détériorent l'image du cinéma français dans l'opinion ? La filière et le public attendent des réponses claires. Je pense ici à la question de la violence et du harcèlement sur les tournages et, plus largement, aux rapports entre les hommes et les femmes qui concourent à la réalisation d'oeuvres cinématographiques. Depuis des années, des voix s'élèvent pour dénoncer les violences physiques ou psychiques. Le manque de parité inquiète également, la filière étant encore dominée par les hommes. ; or cela a un impact sur le public et cela structure les représentations de nos concitoyens. La critique de cinéma Iris Brey a montré comment le regard féminin avait représenté une révolution à l'écran.

En réalité, ces attentes existent depuis le mouvement #MeToo. On avait assisté en 2018 à une montée des marches exclusivement féminine au 71e festival de Cannes et, en 2019, il avait été institué, sous l'impulsion de deux femmes - Françoise Nyssen et Frédérique Bredin, présidente du CNC - un bonus de 15 % pour le fonds de soutien pour les productions ayant recruté à parité. Depuis, plus rien. La charte pour la parité dans les festivals a donné peu de résultats et la formation de trois heures de rappel à la loi sur les violences sexuelles ou sexistes n'est dispensée qu'aux gérants des entreprises de production et non aux professionnels réellement chargés des ressources humaines sur les plateaux.

Ces attentes n'ont pourtant pas disparu et rejoignent l'accusation d'entre-soi qui touche le cinéma français, lequel protège ses monstres sacrés.

De façon générale, je m'interroge sur notre politique de soutien au cinéma. Cette proposition de loi comporte un certain nombre des mesures recommandées par Bruno Lasserre et, au fil des années, on s'est éloigné de l'idée d'une politique destinée à promouvoir l'exception culturelle française pour s'orienter vers une logique de rentabilité, qui profite à un faible nombre d'acteurs. Est-ce la vocation d'une politique culturelle que de financer des films facilement commercialisables ? Cela ne relève-t-il pas plutôt du ministère de l'économie ? Une telle logique est court-termiste, la vie d'un film dépasse la durée d'un quinquennat. Le CNC devrait concentrer son action sur les projets économiquement fragiles, portés par des réalisateurs débutants et sur l'accès à ce milieu. Il faut reprendre les travaux sur les quotas, à la suite de ce que Jacques Chirac avait imposé aux chaînes audiovisuelles en 2005.

Je proposerai des amendements allant en ce sens.

Sur la proposition de loi, je partage les inquiétudes émises à propos de l'article 4, dont la rédaction est datée et correspond à un contexte prénumérique, d'avant 2016.

Sur le prix des places, l'effort de simplification de la tarification doit se poursuivre. Les prix des abonnements doivent être réalistes au regard des prix proposés par les plateformes de vidéo en ligne. Le cinéma doit rester une expérience de salle.

Je salue la préoccupation des auteurs pour ce qui concerne la prise en compte des enjeux environnementaux lors de la production du film et la rémunération des auteurs. Je ferai néanmoins des propositions à ce sujet.

M. David Ros. - Nous tenons à saluer le processus qui a conduit de l'excellent rapport d'information à la rédaction de cette proposition de loi.

Au regard de la reprise des fréquentations, le cinéma semble bien enraciné. L'objectif de cette proposition de loi est de conforter la filière, de réduire les disparités territoriales et d'assouplir certaines procédures administratives.

Nous saluons les dispositions sur les cartes d'accès illimité, dont le déploiement sera simplifié. Nous saluons la conditionnalité des aides, notamment en fonction de la protection de l'environnement et de la juste rémunération des auteurs.

Enfin, nous nous réjouissons du traitement de la question des disparités territoriales et de l'obligation pour les distributeurs de diffuser plus équitablement les films d'art et d'essai, en particulier en milieu rural. Nous voterons pour cette proposition de loi.

Mme Laure Darcos. - Je remercie les trois rapporteurs d'avoir trouvé un point d'équilibre permettant d'obtenir un consensus sur la diffusion des films d'art et d'essai.

Un point de vigilance, toutefois : si l'amendement que vous allez nous proposer sur l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et le piratage va dans le bon sens, car cette autorité tâche de réduire ses temps de traitement, prenons garde de susciter des réactions de gros opérateurs, qui demanderaient que le monde du cinéma paie, comme dans le sport. Le cinéma n'est pas le sport !

M. Stéphane Piednoir. - Je m'exprime au nom d'Agnès Evren, qui n'a pu participer à cette réunion.

La crise sanitaire a révélé les fragilités du modèle, mais la fréquentation est repartie à la hausse. Je salue la qualité du rapport d'information, dont les recommandations ont conduit à cette proposition de loi.

Je me réjouis de la suppression de l'agrément des cartes d'accès illimité, qui permettra de dynamiser cette belle formule. Je me réjouis également des nouvelles règles de diffusion des films d'art et d'essai dans les territoires ruraux et je me félicite des nouvelles obligations de production pour assurer la rémunération minimale des auteurs.

Le groupe Les Républicains votera pour cette proposition de loi.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Le groupe Union Centriste soutient cette proposition de loi qui fait suite à l'excellent rapport d'information précité. Le cinéma français est un secteur exceptionnel et sophistiqué.

Néanmoins, le rôle des régions n'a peut-être pas été assez souligné. Celles-ci investissent largement dans le secteur, via leurs fonds d'aides, notamment pour la rénovation des salles, qui constituent un maillage crucial. Il faudra rappeler que le CNC doit continuer d'être le bénéficiaire des taxes affectées. Ces taxes conditionnent la structuration de la filière avec les régions.

J'ai en outre une question sur la chronologie des médias. Il y a une négociation tous les trois ans et nous arrivons prochainement à l'échéance de la période triennale actuelle. Est-ce une occasion pour le législateur d'intervenir si ces négociations n'aboutissent pas ? Les usages évoluent très vite, donc la durée qui sépare la sortie d'un film de son exploitation sur d'autres canaux peut aujourd'hui paraître trop longue.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - Les discussions entre opérateurs concernant la chronologie des médias reprennent. Il leur reste un peu moins d'un an pour se mettre d'accord. Nous considérons que nous avons intérêt à ce qu'ils s'entendent entre eux ; le législateur intervient seulement en ultime recours. La chronologie des médias est une exception française, mais elle dynamise la production des films. Certains souhaiteraient en effet la faire évoluer, mais nous laissons pour l'instant les opérateurs discuter.

Examen des articles

Article 1er

L'amendement rédactionnel COM-1 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - Au travers de l'amendement COM-3, nous vous proposons de modifier le mécanisme des engagements de diffusion afin de le rendre plus applicable et acceptable par l'ensemble des professionnels que nous avons pu entendre lors de nos auditions.

Notre objectif est d'éviter une séparation entre ce que l'on pourrait appeler un « cinéma des villes » et un « cinéma des champs » ou, à tout le moins, des villes moyennes ou petites. Pour ce faire, il est essentiel de prévoir un mécanisme qui donne au CNC la capacité d'intervenir si des films d'art et d'essai porteurs ne sont pas distribués rapidement dans les zones les moins denses.

Cependant, ce principe d'équité territoriale sera d'autant mieux assuré qu'il reposera sur des règles acceptées par les professionnels chargés de le mettre en oeuvre. La rédaction que nous vous proposons précise ainsi les conditions de mise en oeuvre de ces engagements. Le principe serait non plus l'existence générale et permanente d'engagements de diffusion mais un mécanisme temporaire, limité aux situations dans lesquelles il serait objectivement constaté un déséquilibre dans la diffusion de ces films au détriment des territoires peu denses. Le président du CNC aura ainsi la capacité d'agir rapidement.

De cette manière, sans rien céder sur notre ambition initiale, je crois pouvoir dire que ce dispositif sera plus facilement accepté et intégré et que nous aurons enfin introduit dans notre droit des engagements de diffusion. Le système en manque singulièrement.

Mme Annick Girardin. - Je tiens à souligner à cet égard la spécificité des territoires ultramarins, où la situation est encore plus complexe.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

M. Laurent Lafon, président. - Les amendements COM-6 rectifié et COM-8 rectifié sont irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - L'amendement COM-7 rectifié bis est irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution, au regard du périmètre que nous avons défini.

Mme Monique de Marco. - Je le conteste.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - L'objectif de diversification et d'une meilleure prise en compte de la parité est présent dans le milieu du cinéma depuis plusieurs années, ce qui est très positif. Or cet amendement veut aller plus loin, en donnant au CNC une compétence pour établir des règles pour l'accès à différents postes. Cependant, il est sans lien avec l'objet du texte, puisqu'il ne concerne ni les conditions permettant de conforter d'améliorer l'attractivité des établissements de spectacle cinématographique, ni les engagements de diffusion, ni les soutiens financiers du CNC, c'est-à-dire les trois axes que notre commission a admis comme relevant du périmètre de cette proposition de loi.

Mme Monique de Marco. - J'en modifierai la rédaction afin de le redéposer en séance publique.

L'amendement COM-7 rectifié bis est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - L'amendement COM-9 rectifié de Mme de Marco tend à réserver les aides financières du CNC aux oeuvres « dont la commercialisation anticipée n'est pas suffisante pour en permettre le financement » et au cinéma indépendant.

La logique de cet amendement semble être de réserver les aides à des films qui n'ont pas trouvé de financements suffisants, notamment les premiers films. Cela est contraire à la logique historique de financement du CNC et ne respecte pas le rôle de filtre que constitue pour un film la recherche de financements.

En outre, la catégorie des « salles indépendantes » n'a pas d'existence juridique.

Avis défavorable.

L'amendement COM-9 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - L'amendement COM-10 rectifié a un objet quelque peu ambigu.

S'il concerne le patrimoine cinématographique en lui-même, il ne semble pas pertinent de limiter le patrimoine à une classe spécifique d'oeuvre, dont la définition est, au reste, assez floue. On peut le déplorer, mais une grande partie des grandes oeuvres cinématographiques patrimoniales du passé ont été le fait d'hommes. Les temps changent cependant, heureusement, comme en témoigne le succès de cinéastes françaises et européennes, c'est donc le patrimoine qui se construit actuellement qui s'inscrit dans la logique souhaitée par l'auteure de l'amendement.

S'il concerne, comme sa rédaction semble l'indiquer, les conditions de collecte et de conservation qui doivent être réalisées « dans des conditions représentatives de la parité », son objectif est moins compréhensible et probablement peu opérant.

Avis défavorable.

L'amendement COM-10 rectifié n'est pas adopté.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - L'amendement COM-11 rectifié relatif à l'intelligence artificielle intervient dans un cadre dans lequel le droit européen s'impose, notamment pour ce qui concerne le droit d'auteur. Cette question ne relève donc pas de la compétence du CNC et une régulation des liens existant entre les droits d'auteur et l'intelligence artificielle serait contraire au droit européen en gestation.

Cela ne signifie nullement que notre commission ne se penchera pas sur ce sujet épineux au cours des années à venir.

L'amendement COM-11 rectifié n'est pas adopté.

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. - L'amendement COM-12 rectifié a pour objet de rendre inéligibles aux aides du CNC les entreprises de production d'oeuvres cinématographiques qui auraient financé des tournages pendant lesquels des faits de violences sexuelles ou sexistes auraient été constatés et qui n'auraient pas pris de mesures au moment des faits.

Cette proposition s'appuie sur le constat que de nombreuses productions seraient le lieu de violences sexuelles ou sexistes et sur l'idée selon laquelle la suppression des aides du CNC serait un moyen efficace d'inviter les producteurs à prendre les mesures adéquates.

Cet amendement est en pratique largement satisfait, car le code du cinéma et de l'image animée prévoit que « Le Centre national du cinéma et de l'image animée s'assure [...] du respect par les bénéficiaires des aides financières de leurs obligations sociales ». En écho à cette disposition, le règlement général des aides financières du CNC prévoit que, « En cas de non-respect de ces obligations, le Centre national du cinéma et de l'image animée peut refuser d'attribuer les aides demandées ou retirer les aides indûment attribuées ».

Pour toutes ces raisons, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement COM-12 rectifié n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

L'amendement rédactionnel COM-4 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 7

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. - Au travers de l'amendement COM-5, nous proposons d'apporter une amélioration au mécanisme de lutte contre les « sites miroirs ». Les conséquences du piratage pour l'ensemble des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles sont énormes ; elles sont estimées à plus de 1 milliard d'euros par an, soit plus que le fonds de soutien au CNC.

Parmi les pratiques les plus courantes figure celle dite des « sites miroirs ». La loi du 25 octobre 2021 a donc prévu une procédure spécifique, qui permet de demander le blocage de ces sites. Toutefois, à l'usage, on a constaté trois limites majeures à ce dispositif : tout d'abord, les délais de mise en oeuvre, qui sont majorées par la nécessité d'attendre deux mois l'expiration des délais de recours avant que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) puisse demander aux intermédiaires techniques d'appliquer sur le site miroir la décision de justice initiale ; ensuite, la nécessité de réunir pour chaque décision le collège de l'Arcom, qui ne se réunit que deux fois par mois ; enfin, le fait que seules les personnes directement concernées par la décision, soit les ayants droit directs, peuvent saisir l'Arcom, ce qui est en pratique complexe et qui interdit aux organisations représentatives comme aux organismes de gestion collective (OGC), qui disposent de plus de moyens, d'exercer une action efficace.

Le dispositif proposé permettrait de lever ces obstacles. Ainsi, l'Arcom pourrait procéder au blocage sans attendre l'expiration des délais légaux, ce qui va accélérer la procédure ; la décision relèvera de son président ou d'un seul membre du collège désigné par lui ; et la liste des personnes habilitées à demander le blocage sera élargie aux organismes de gestion collective et aux organismes de gestion collective, qui peuvent d'ailleurs déjà agir dans le cadre du code de la propriété intellectuelle.

L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. BACCHI, rapporteur

1

Rédactionnel

Adopté

Article 3

M. BACCHI, rapporteur

2

Rédactionnel

Adopté

Article 4

M. BACCHI, rapporteur

3

Engagements de diffusion

Adopté

Article 6

Mme de MARCO

6 rect.

Remplacer la modulation des aides du CNC en fonction du respect de critères environnementaux par des exigences de formations des différents secteurs.

Irrecevable art. 40 C

Mme de MARCO

7 rect. bis

Compléter les missions du CNC par l'établissement de règles destinées à renforcer la parité et la diversité au sein de différentes instances, comme les postes d'encadrement, les comités de sélection des aides automatiques ou encore les conseils d'administration des festivals et des écoles spécialisées.

Irrecevable art. 45,

al. 1 C (cavalier)

Mme de MARCO

8 rect.

Étendre les aides financières du CNC à des formations de l'ensemble des professions à la prévention et au signalement des violences sexuelles et sexistes et au harcèlement. 

Irrecevable art. 40 C

Mme de MARCO

9 rect.

Réserver les aides financières du CNC aux oeuvres "dont la commercialisation anticipée n'est pas suffisante pour en permettre le financement" et au cinéma indépendant. 

Rejeté

Mme de MARCO

10 rect.

Limiter les aides du CNC à la collecte et à la transmission du patrimoine cinématographique "dans des conditions représentatives de la parité et de la diversité". 

Rejeté

Mme de MARCO

11 rect.

Compléter les missions du CNC par une prévention de la "fragilisation du droit d'auteur par le recours à l'intelligence artificielle". 

Rejeté

Mme de MARCO

12 rect.

Rendre inéligibles aux aides du CNC les entreprises de production d'oeuvres cinématographiques qui auraient financé des tournages pendant lesquels des faits de violences sexuelles ou sexistes auraient été constatés et qui n'aurait pas pris de mesures au moment de la survenue des faits. 

Rejeté

Article 7

M. BACCHI, rapporteur

4

Rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 7

M. BACCHI, rapporteur

5

Lutte contre le piratage

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 23 janvier 2024

- Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) : M. Olivier HENRARD, directeur général, M. Vincent VILLETTE, directeur financier et juridique, Mme Catherine VERLIAC, directrice adjointe du cinéma.

- UGC : Mme Brigitte MACCIONI, présidente, M. Mathieu DEBUSSCHÈRE, directeur des affaires publiques.

Table ronde des distributeurs :

- Fédération nationale des éditeurs de films (FNEF) : M. Victor HADIDA, président, M. Olivier SNANOUDJ, vice-président, Mme Hélène HERSCHEL, déléguée générale,

- Syndicat des distributeurs indépendants (SDI) : M. Étienne OLLAGNIER, co-président, Mme Lucie COMMOT, co-présidente,

- Syndicat des distributeurs indépendants (SDI) : M. Hugues QUATTRONE, délégué général, Mme Carole SCOTTA, co-présidente.

Vendredi 26 janvier 2024

Fédération nationale des cinémas français (FNCF) : MM. Richard PATRY, président, Marc-Olivier SEBBAG, délégué général, et Erwan ESCOUBET, directeur des affaires réglementaires et institutionnelles.

Lundi 29 janvier 2024

Table ronde des syndicats de producteur :

- Association des producteurs indépendants (API) : Mme Hortense de LABRIFFE, déléguée générale,

- Syndicat des producteurs indépendants (SPI) : M. Édouard MAURIAT, vice-président du bureau long métrage, Mme Marion GOLLÉTY, déléguée cinéma,

- Union des producteurs de cinéma (UPC) : Mme Valérie LÉPINE-KARNIK, déléguée générale.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »20(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie21(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte22(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial23(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 7 février 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

- aux conditions permettant de conforter et d'améliorer l'attractivité des établissements de spectacles cinématographiques ;

- aux engagements de diffusion des distributeurs ;

- aux principes guidant l'attribution des soutiens financiers du CNC.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-935.html


* 1 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/commissions/commission-de-la-culture-de-leducation-et-de-la-communication/situation-de-la-filiere-cinematographique-en-france.html

* 2 Par exemple, la loi relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique du 25 octobre 2021.

* 3 Une exception récente cependant, sur un enjeu très particulier, avec la proposition de loi de la Sénatrice Catherine Conconne sur les établissements de spectacles cinématographiques dans les outre-mer, devenue loi du 14 décembre 2023 suite à son adoption à l'unanimité par les deux chambres.

* 4 https://www.senat.fr/rap/a23-133-43/a23-133-43.html

* 5 Le rapport précité de Bruno Lasserre expose dans le détail ses modalités de fixation.

* 6 Il s'agit de critères de seuils d'entrées sur un territoire donné, l'idée étant que plus l'exploitant est « petit », plus il est légitime à demander son rattachement au réseau.

* 7 Ces modifications étaient définies à l'article R. 212-46 du CCIA, qui a été abrogé par décret du 27 octobre 2023 dans la lignée des préconisations du rapport Lasserre.

* 8 Il ferait donc suite à un chapitre II consacré à l'exploitation cinématographique.

* 9 https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/etudes-prospectives/observatoire-de-la-diffusion-et-de-la-frequentation-cinematographiques-janvier-2023_1872981

* 10 https://www.hadopi.fr/actualites/piratage-audiovisuel-et-sportif-un-manque-gagner-dun-milliard-deuros-en-2019

* 11 Voir le dossier législatif : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl20-523.html

* 12 Il convient de relever que le piratage des contenus sportifs diffusés en direct relève d'une autre législation, précisé au chapitre III du titre III du livre III du code du sport, également introduit par la loi du 25 octobre 2021.

* 13 https://www.senat.fr/rap/l20-557/l20-557.html

* 14 https://www.arcom.fr/nos-ressources/etudes-et-donnees/mediatheque/premiers-bilans-2022-de-larcom-sur-la-lutte-contre-le-piratage

* 15 Une « galaxie » se définit par le site initial et ses sites miroirs, soit l'ensemble des sites d'une même marque ou d'un même nom.

* 16 https://www.arcom.fr/nos-ressources/etudes-et-donnees/mediatheque/barometre-de-la-consommation-des-contenus-culturels-et-sportifs-dematerialises-edition-2023

* 17 Ce qui signifie que la décision n'est plus susceptible de recours, que ce soit suite à l'épuisement des recours ou à l'expiration des délais.

* 18 À titre d'exemple, elle a ainsi organisé une table ronde consacrée au piratage des événements sportifs le 26 octobre 2022 - https://videos.senat.fr/video.3057180_6358cdbccfaca.table-ronde-consacree-au-piratage-des-evenements-sportifs

* 19 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035152528

* 20 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 21 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 22 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 23 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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