II. LE PREMIER ACCORD MONDIAL DE « BLOC À BLOC » DANS LE DOMAINE DU TRANSPORT AÉRIEN

Couvrant une population d'1,1 milliard d'habitants, cet accord est le premier accord aérien conclu entre deux blocs d'États, regroupant les 27 États membres de l'Union européenne et les dix États de l'ASEAN.

A. L'ASEAN ET LE PARTENARIAT STRATÉGIQUE UE-ASEAN

L'ASEAN a été fondée en 1967. Basée à Jakarta, elle est la seule organisation asiatique véritablement multilatérale en Asie du Sud-Est.

Elle rassemble dix États de l'Asie du Sud-Est aux niveaux de développement très hétérogènes, comptant des pays à revenus élevés (Brunei et Singapour), à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (Thaïlande, Malaisie) et de la tranche inférieure (Vietnam, Philippines, Indonésie) ainsi que trois PMA (Pays les moins avancés) : (Birmanie, Cambodge, Laos).

Elle est structurée autour de trois « communautés » (politico-sécuritaire, économique et socio-culturelle).

L'ASEAN figure parmi les zones les plus dynamiques au monde sur le plan démographique, comptant 666 millions habitants (l'âge médian est de 29 ans). Sur le plan économique, elle connaît une croissance moyenne de 5% par an sur les 20 dernières années.

Avec un produit intérieur brut (PIB) proche de 3 700 milliards de dollars de 2022, l'ASEAN est aujourd'hui le 5ème ensemble économique au monde, après les États-Unis, l'Union européenne, la Chine et le Japon. Elle devrait être l'un des principaux pôles économiques mondiaux à l'horizon 2050, au même titre que la Chine et l'Inde.

L'Union européenne est le 3ème partenaire commercial de l'ASEAN avec 272 milliards d'euros d'échanges de biens en 2022

Partenaire de dialogue depuis 1977, l'Union européenne s'est fortement investie dans la relation avec l'ASEAN ces dernières années.

En décembre 2020, le partenariat UE-ASEAN a été élevé à un niveau stratégique lors de la 23réunion ministérielle des Affaires étrangères. Il est mis en oeuvre à travers un plan d'action pour la période 2023-2027, articulé autour de trois thématiques : la coopération politique et sécuritaire, la coopération économique et la coopération socio-culturelle.

B. SELON L'ÉTUDE D'IMPACT, UN MARCHÉ AÉRIEN PROMETTEUR

Dès 2015, avec sa communication sur « Une nouvelle stratégie de l'aviation pour l'Europe », la Commission a identifié la négociation d'un accord aérien avec les dix États de l'ASEAN comme prioritaire.

L'objectif était notamment de contrer la concurrence des transporteurs des pays du Golfe et de la Turquie, qui, avec leurs plateformes de correspondance, ont très largement absorbé la croissance du trafic entre de nombreuses villes d'Europe et d'Asie du Sud et du Sud-Est.

S'appuyant sur une étude d'impact de 2015, la Commission prévoyait une hausse de trafic de 10% en six ans. Les bénéfices escomptés étaient estimés entre 250 et 700 millions d'euros pour le fret et entre 1,3 et 2,8 milliards d'euros, uniquement pour les vols de passagers sans escales.

La crise sanitaire de la Covid-19 ayant fortement affecté le trafic aérien, ces prévisions sont aujourd'hui caduques et n'ont pas été réactualisées par une étude d'impact plus récente.

En effet, en 2019, dernière année avant la Covid-19, le trafic entre les 27 États membres de l'Union européenne et les pays de l'ASEAN dépassait les 8 millions de passagers. Sur la même année, le trafic France-pays de l'ASEAN représentait 3,4 millions de passagers, dont 2,2 millions étaient en correspondance.

A ce jour, le trafic d'avant Covid n'a toujours pas été atteint. D'année en année, le trafic progresse, atteignant en 2023 80% du trafic de 2019. Il devrait rattraper son niveau d'avant la crise sanitaire en 2025.

Lors du premier comité mixte en octobre 2023, la Commission européenne a présenté des projections, selon lesquelles le trafic de passagers de l'ASEAN vers l'Union européenne pourrait tripler d'ici 20 ans.

Cette croissance serait portée par la fin des restrictions liées à la Covid-19, tant pour la clientèle professionnelle que touristique, mais aussi par le développement économique à venir de certains États de l'ASEAN.

En effet, seule une faible partie de la population des États de l'ASEAN voyage à l'heure actuelle. Les perspectives de croissance sont grandes, dès lors que les populations de ces pays accèderont à un meilleur niveau de vie.

Des pays de l'ASEAN ont appelé les compagnies européennes à les desservir. En effet, certains, en particulier le Cambodge, ont construit de nouveaux aéroports internationaux. Ne disposant pas de compagnies nationales long courrier, ils souhaitent développer leur connectivité directe.

En effet, des liaisons directes entre l'Europe et l'Asie constituent un avantage comparatif certain par rapport aux compagnies aériennes des pays du Golfe et de la Turquie, qui ne proposent que des vols avec correspondances.

Toutefois, les professionnels français du secteur (Air France-KLM et la Fnam-Fédération nationale de l'aviation marchande) considèrent que ce nouvel accord ne bouleversera pas la concurrence avec les compagnies des pays du Golfe et de la Turquie, qui est déjà bien établie.

En matière de fret, pour le groupe CMA-CGM, déjà bien implanté en Asie du Sud-Est qu'il dessert par voie maritime, l'accord pourrait offrir des opportunités de faire croître ses occasions d'affaires dans la zone, notamment avec sa nouvelle division Air Cargo, créée en 2021. Toutefois, CMA-CGM souligne que les attentes suscitées par les précédents accords de libéralisation (signés avec les Etats-Unis et le Canada) n'avaient, de loin, pas été satisfaites et restent quant aux bénéfices réels à attendre de la convention.

Comme l'indique l'étude d'impact jointe au projet de loi, la France était liée par neufs accords bilatéraux : avec le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, la Birmanie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Le nouvel accord, plus libéral, se substitue à ces accords, sauf en ce qui concerne les territoires français ne relevant pas de l'Union européenne : la Polynésie Française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna.

Au niveau européen, le nouvel accord global se substitue à plus de 140 accords bilatéraux.

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