III. UN ACCORD AÉRIEN QUI SE VEUT AMBITIEUX, MAIS DONT LA MISE EN oeUVRE DOIT ÊTRE STRICTEMENT CONTRÔLÉE

Il s'agit du plus grand accord aérien conclu à ce jour par l'UE.

Huit rencontres ont été nécessaires pour aboutir au paraphe de l'accord en juin 2021, puis à sa signature, le 17 octobre 2022. L'essentiel des négociations a porté sur les droits de trafic, et sur le cas de la Malaisie, qui tout en signant l'accord, a obtenu la possibilité de reporter sa ratification.

Il est à noter que l'accord ne prévoit pas d'application provisoire, contrairement à d'autres accords du même type, comme celui avec le Qatar. En revanche, lors de la signature de l'accord en octobre 2022, une déclaration de tous les pays de l'Union européenne et de l'ASEAN à l'exception de la Malaisie a été adoptée, pour « considérer favorablement les demandes de services aériens et d'autorisation des opérations aériennes par les compagnies aériennes de l'autre partie dans des termes équivalents à ceux de cet accord, sur la base de la réciprocité, depuis la date de signature de l'accord et jusqu'à son entrée en vigueur ». Cette déclaration n'est pas une application provisoire au sens juridique du terme. Elle indique en revanche l'intention des parties d'utiliser les pouvoirs administratifs qui sont les leurs - indépendamment de tout accord - pour permettre l'approbation des vols, sur une base volontaire et non obligatoire. Cet accord est ainsi appliqué transitoirement sauf pour la Malaisie.

L'accord répond aux standards modernes des accords aériens récemment conclus par l'Union européenne, en intégrant notamment des dispositions relatives à la concurrence, à la protection de l'environnement et aux droits sociaux. On peut l'examiner sous trois angles : ses dispositions économiques, celles relatives aux coopérations règlementaires et enfin, celles qui traitent des dispositions institutionnelles et qui mettent en place le comité mixte.

A. LES DISPOSITIONS ÉCONOMIQUES : LES DROITS DE TRAFIC ET LA CONCURRENCE ÉQUITABLE

Il s'agit en premier lieu des droits commerciaux des transporteurs aériens.

L'accord prévoit la libéralisation totale des vols directs de passagers. Il s'agit de l'octroi des 3e et 4libertés aériennes (voir annexe 2), c'est-à-dire le droit des transporteurs aériens des Parties à l'accord de desservir de tout aéroport de l'Union européenne, tout aéroport de l'ASEAN et réciproquement.

Pour le fret, l'accord libéralise tous les vols, y compris avec escales (5liberté). Concrètement, les transporteurs des pays de l'Union européenne pourront effectuer des vols vers un pays tiers, en continuation d'un vol bilatéral initial, en embarquant des marchandises sur un second segment, au-delà des États de l'ASEAN.

Les vols avec escales de passagers sont progressivement et partiellement libéralisés (5liberté). Dans un premier temps, ces vols sont limités à 7 par semaine et par États membres. Ils pourront être doublés au bout de deux ans, sous la condition que le segment en question ne soit pas déjà desservi par un transporteur aérien d'un État du même « bloc ».

L'accord étant conclu entre deux blocs d'États, ces droits de 5liberté sont utilisables non seulement avec un pays tiers, mais aussi entre deux pays de chacun des blocs. Il s'agit d'une nouveauté dans un accord aérien.

L'article 8 traite de la concurrence équitable. Il s'agit pour l'Union européenne d'une contrepartie indispensable à la libéralisation des droits commerciaux des transporteurs.

Le principe est l'interdiction des subventions, qui ne peuvent être accordées que sous des conditions bien définies.

L'article prévoit également la transmission annuelle par les transporteurs aériens d'un rapport financier ayant fait l'objet d'un audit externe et respectant les normes financières internationales. Des rapports financiers peuvent également être demandés et communiqués par l'autre Partie sous un délai de 30 jours.

Un dispositif est mis en place, permettant de prendre assez rapidement (de l'ordre de 3 mois) des mesures à l'encontre des transporteurs aériens responsables des actions prohibées par l'accord, ou ayant bénéficié de pratiques discriminatoires ou déloyales ou de subventions interdites par l'accord. Ce mécanisme innovant permet à une Partie d'agir unilatéralement dans le but de faire cesser rapidement le dommage, avant que les conséquences ne deviennent irréversibles. Il est indépendant de la procédure classique de règlement des différends.

Enfin, d'autres dispositions d'ordre économique sont relatives aux conditions dans lesquelles les autorisations d'exploiter sont accordées ou refusées, celles relatives à l'exercice des activités commerciales de chaque Partie sur le territoire de l'autre Partie, ainsi que celles traitant des droits de douane, des redevances et du principe de la liberté de fixation des tarifs des services aériens proposés par les transporteurs.

La libéralisation de la propriété et du contrôle des transporteurs est exclue à ce stade, puisqu'en application de la règlementation européenne, les transporteurs aériens doivent être détenus et effectivement contrôlés par les États membres et/ou des ressortissants des États membres La question est donc renvoyée à un examen du comité mixte « à un moment opportun ».

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