III. LE CONTENU DE LA CONVENTION

L'article 1er de la Convention énonce l'engagement réciproque, de la part des deux États, à se livrer les personnes qui, se trouvant sur le territoire de l'une des Parties, sont recherchées par les autorités judiciaires de l'autre Partie soit pour une infraction pénale, soit pour l'exécution d'une peine privative de liberté, pour un fait donnant lieu à extradition.

Ces faits sont définis par l'article 2 comme ceux punis, en vertu des lois des deux Parties, d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins deux ans ou d'une peine plus sévère. Si l'extradition est demandée aux fins d'exécution d'une peine, la durée de la peine restant à exécuter doit être d'au minimum six mois. Une extradition peut également être accordée si elle concerne plusieurs faits distincts punis chacun par la législation des deux Parties mais dont certains ne satisfont pas aux seuils précités. Le même article précise enfin que les infractions en matière de taxes, d'impôts, de douane et de change peuvent entrer dans le périmètre de la Convention.

Les motifs obligatoires de refus d'extradition sont détaillés à l'article 3 : le a énonce que l'extradition ne peut être accordée pour des infractions considérées par la Partie requise comme des infractions politiques ou connexes. Des exceptions sont cependant prévues en cas d'attentat ou de tentative d'attentat à la vie d'un chef d'État ou de Gouvernement ou d'un membre de sa famille, ainsi que pour les infractions pour lesquelles les deux Parties ont l'obligation, en vertu d'un accord multilatéral, d'établir leur compétence ou d'accorder l'extradition.

Le b prévoit également un refus d'extradition lorsque la Partie requise a « des raisons sérieuses » de croire que l'extradition a été demandée en raison de considérations relatives à l'origine ethnique, au sexe, à la religion, à la nationalité ou aux opinions politiques du justiciable, ou que sa situation risque d'être aggravée pour l'une de ces raisons.

Les c et f stipulent, en vertu du principe non bis in idem (« pas deux poursuites pour la même infraction »), que l'extradition n'est pas davantage accordée si la personne réclamée a fait l'objet, sur le territoire de la Partie requise, d'un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d'acquittement, ou d'une mesure de grâce ou d'amnistie pour les faits motivant la demande d'extradition ; ou encore si l'action publique ou la peine prononcée sont couvertes par la prescription au regard de la législation de la Partie requise. Les actes interruptifs ou suspensifs de prescription devront en outre être pris en considération par la Partie requise, dans la mesure où sa législation le permet.

Les infractions considérées comme exclusivement militaires ne peuvent, en vertu du d, donner lieu à extradition.

Enfin, l'extradition est également refusée obligatoirement si la personne est réclamée pour être jugée par un tribunal d'exception n'assurant pas le respect des garanties fondamentales de procédure, ou pour exécuter une peine prononcée par un tel tribunal.

Des motifs facultatifs de refus d'extradition sont également prévus, par l'article 4. C'est le cas :

- lorsque les autorités judiciaires de la Partie requise ont compétence pour connaître de l'infraction à l'origine de la demande d'extradition.

- lorsque l'infraction a été commise hors du territoire de la Partie requérante et que la législation de la Partie requise n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire.

- si la personne réclamée a fait l'objet, dans la Partie requise, de poursuites pour les infractions ayant motivé la demande d'extradition, ou si les autorités judiciaires de cette Partie ont décidé de ne pas engager de poursuites, ou d'y mettre un terme.

- si la personne requise a été définitivement condamnée ou a bénéficié d'une décision de relaxe ou d'acquittement dans un État tiers pour les infractions en cause.

- lorsque la remise de la personne réclamée est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences d'une « gravité exceptionnelle », notamment en raison de son état de santé ou de son âge.

L'article 5 constitue une clause de substitution à la peine capitale lorsque celle-ci est encourue dans la législation de la Partie requérante pour les faits à l'origine de la demande d'extradition ; cette peine est alors remplacée de plein droit par la peine la plus lourde figurant dans la législation de la Partie requise.

Les ressortissants nationaux sont exclus du champ de la Convention par son article 6. La nationalité est appréciée à la date de la réception de la demande d'extradition (conformément à l'article 6 de la Convention européenne d'extradition de 1957). En cas de refus d'extrader sur ce fondement, la Partie requise doit cependant, sur dénonciation officielle de la Partie requérante, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour que des poursuites soient éventuellement exercées, en application du principe aut dedere, aut judicare (« extrader ou poursuivre »).

Les articles 7 à 10 traitent de questions de procédure et de contenu des demandes. Sauf stipulation contraire de la Convention, la législation de la Partie requise est seule applicable aux procédures d'arrestation provisoire, d'extradition et de transit.

Les demandes d'extradition formulées au titre de la Convention devront faire l'objet d'une transmission par la voie diplomatique ; l'article 8 liste les pièces à produire (exposé circonstancié des faits, dispositions légales applicables, renseignements permettant l'identification formelle et la localisation de la personne réclamée, et, selon les cas, copie du mandat d'arrêt ou du jugement de condamnation exécutoire accompagnée d'une déclaration précisant la durée de la peine infligée et du reliquat restant à subir). Ces demandes doivent être rédigées dans la langue officielle de la Partie requérante et accompagnées d'une traduction dans la langue officielle de la Partie requise, et revêtues du sceau et de la signature de l'autorité compétente de la Partie requise ou certifiées par cette même autorité. Si le dossier transmis est insuffisant ou irrégulier, la Partie requise sollicite tout complément ou régularisation nécessaire à l'instruction de la demande en fixant, le cas échéant, un délai pour l'obtention des informations ou la rectification des irrégularités relevées.

L'article 11 fait obligation à la Partie requise d'informer dans les meilleurs délais la Partie requérante des suites qu'elle entend réserver à la demande d'extradition, tout refus, même partiel, devant être motivé. En cas de suite favorable, les Parties fixent, d'un commun accord, la date et le lieu de la remise. Celle-ci devra alors intervenir, sauf cas de force majeure, dans un délai de quarante-cinq jours, à défaut de quoi la personne réclamée est remise en liberté.

L'article 12 prévoit une possibilité d'ajournement, en cas de procédure en cours à l'encontre de la personne réclamée sur le territoire de la Partie requise ou lorsqu'elle y exécute une peine pour une infraction autre, ainsi qu'une possibilité de remise temporaire ou différée (notamment en raison de l'état de santé de la personne requise).

L'article 13 traite de la saisie et de la remise d'objets pouvant servir de pièces à conviction ou qui, provenant de l'infraction, ont été trouvés en la possession de la personne réclamée au moment de son arrestation ou postérieurement, sans préjudice des droits de la Partie requise ou des tiers sur ces objets.

Les articles 14 et 15 énoncent la règle traditionnelle de la spécialité et encadrent la ré-extradition vers un État tiers. La Partie requérante ne peut en effet tirer profit de la présence de la personne extradée sur son territoire pour la poursuivre, la juger, la détenir ou restreindre sa liberté individuelle pour des faits distincts de ceux ayant motivé son extradition et antérieurs à sa remise, ni pour la ré-extrader vers un autre État. Des exceptions sont néanmoins prévues si la Partie requise y consent ou lorsque la personne réclamée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la Partie à laquelle elle a été livrée, ne l'a pas quitté dans un délai de soixante jours suivant sa libération définitive, ou si elle y est retournée après l'avoir quitté.

Une procédure accélérée et prévue par l'article 16 en cas de consentement libre, explicite et volontaire de la personne réclamée à sa propre extradition.

L'article 17 décrit la procédure d'arrestation provisoire, applicable en cas d'urgence. L'arrestation provisoire prend fin et le justiciable est remis en liberté si la demande d'extradition ne parvient pas à la Partie requise dans un délai de soixante jours suivant l'arrestation de la personne requise, sans préjudice de la possibilité d'une nouvelle demande d'arrestation en bonne et due forme.

L'article 18 prévoit, à la demande de la Partie requise, son information par la Partie requérante des résultats des poursuites pénales engagées contre la personne extradée, de l'exécution de sa peine ou de sa ré-extradition vers un État tiers.

L'article 19 fixe les règles applicables au transit du justiciable, avec des modalités spécifiques en cas de transit par la voie aérienne.

L'article 20 traite des concours de demandes, lorsqu'une même extradition est demandée par plusieurs États.

La prise en charge et la répartition des frais occasionnés par les opérations d'extradition ou de transit sont détaillés à l'article 21.

Comme stipulé à l'article 22, la Convention ne porte pas atteinte aux droits et engagements des Parties résultant pour elles de tout autre accord auquel l'une ou l'autre est Partie.

Les articles 23 à 25 énoncent les modalités classiques de règlement des différends, d'application dans le temps, ainsi que d'entrée en vigueur et de dénonciation de la Convention.

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Saisi du projet de loi autorisant l'approbation de la Convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, le Conseil d'État (section des finances) lui a donné un avis favorable au bénéfice des observations suivantes.

« Après la ratification de l'accord, les autorités françaises devront veiller, à l'occasion de chaque demande d'extradition, au plein respect tant des principes généraux du droit de l'extradition dont la jurisprudence des formations contentieuses du Conseil d'État assure l'effectivité que des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la Convention européenne d'extradition et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 auxquels la France est Partie.

Les transmissions de données personnelles impliquées par la Convention devront par ailleurs s'inscrire dans le cadre des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et à la lumière de la note de l'Assemblée générale du Conseil d'État en date du 26 octobre 2006 (n° 372616). »

La Convention faisant l'objet du présent rapport, dont l'enjeu est essentiellement d'approfondir notre partenariat avec le royaume du Cambodge dans le domaine de la lutte contre la criminalité, s'inscrit dans la continuité d'une coopération historique privilégiée et intervient dans une dynamique positive de notre relation bilatérale ; elle pourrait, grâce à un dialogue constructif, favoriser le rayonnement de la France et de la francophonie au Royaume du Cambodge dans différents domaines, dans un contexte où cette influence apparaît remise en question de toutes parts et par tous moyens. Conforme à tous les standards nationaux et internationaux, la Convention comporte toutes les garanties utiles pour prévenir son instrumentalisation à des fins contraires aux droits de l'homme.

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