N° 414

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mars 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires,

Par M. François BONHOMME,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

154 et 415 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La médecine scolaire, qui a pour d'ambition d'assurer la promotion de la santé des élèves, est confrontée depuis de nombreuses années à des difficultés persistantes de mise en oeuvre.

Celles-ci sont essentiellement liées à la pénurie de médecins scolaires : 45 % des postes étaient ainsi vacants à la fin de l'année 2022. Cette pénurie peut avoir des conséquences graves pour les élèves, qui sont très peu à bénéficier des visites médicales, pourtant obligatoires, prévues par la loi.

Face à ces difficultés, le Sénat défend depuis de nombreuses années le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements, déjà compétents en matière de protection maternelle et infantile (PMI). Ce transfert permettrait aux départements d'assurer intégralement le suivi sanitaire des enfants, dès leur naissance et jusqu'à la fin du lycée. La mutualisation des moyens des PMI et de la médecine scolaire permettrait en outre de remédier, partiellement, à la pénurie de médecins scolaires et renforcerait l'efficience de cette politique.

La proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires, déposée par Françoise Gatel, s'inscrit dans cette position et prévoit de transférer, à titre expérimental, la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires.

La commission des lois a adopté sans modification cette proposition de loi, qui reprend une mesure défendue de longue date par le Sénat.

I. PILOTÉE PAR LE MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, LA MÉDECINE SCOLAIRE FAIT FACE À DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES

A. LA MÉDECINE SCOLAIRE EST PILOTÉE PAR LE MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE

La médecine scolaire vise à assurer la promotion de la santé des élèves et se traduit par des actes de prévention et d'information, des visites médicales ainsi que des dépistages obligatoires. Des visites médicales sont en particulier prévues aux âges de 6 ans et de 12 ans et permettent, le cas échéant, de détecter de manière précoce des maladies physiques ou psychiques ou encore des violences intrafamiliales.

Cette compétence, qui relève du ministère de l'éducation nationale, est mise en oeuvre par les personnels de santé scolaire, qui regroupent, dans une acception large : les médecins de l'éducation nationale, les infirmiers scolaires, les assistants sociaux et les psychologues de l'éducation nationale.

B. LA MÉDECINE SCOLAIRE FAIT L'OBJET D'UN PILOTAGE DÉFAILLANT

En dépit de moyens en augmentation, la médecine scolaire fait face à des difficultés persistantes depuis plusieurs années. Le ministère de l'éducation nationale est en particulier confronté à une pénurie de médecins scolaires.

Ainsi, selon les données communiquées au rapporteur, si le plafond des emplois de médecins scolaires est fixé, depuis le 1er septembre 2022, à 1 504 équivalents temps plein (ETP), les postes effectivement pourvus au 31 octobre 2022 ne représentaient que 818 ETP, contre 1 143 ETP en 2013 - soit une diminution de plus de 28 % en moins de dix ans.

Ce phénomène se double par ailleurs de fortes disparités territoriales : ainsi, dans l'académie de Créteil, 79 % des postes de médecins scolaires demeurent vacants.

Ce taux élevé de postes vacants entraîne l'impossibilité, pour les médecins en poste, d'accomplir l'intégralité des missions qui leur sont dévolues, ainsi qu'une diminution du taux d'encadrement des élèves par les médecins scolaires, qui s'établissait en moyenne à un médecin pour 12 572 élèves en 2018 - avec là encore de fortes disparités entre académies.

Taux d'encadrement par équivalent temps plein travaillé (ETPT) selon les académies en 2022
à partir des données transmises par la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

En raison de la pénurie de médecins scolaires, peu d'élèves bénéficient des visites médicales pourtant obligatoires prévues par la loi. Selon la DGESCO, moins de 20 % des élèves bénéficient de la visite obligatoire de la sixième année, pourtant nécessaire pour détecter, par exemple, de manière précoce, les éventuels troubles de l'apprentissage.

II. FACE AUX DÉFAILLANCES CONSTATÉES, LA PROPOSITION DE LOI PRÉVOIT UNE EXPÉRIMENTATION DU TRANSFERT DE LA COMPÉTENCE « MÉDECINE SCOLAIRE » AUX DÉPARTEMENTS

A. L'EXPÉRIMENTATION DU TRANSFERT DE LA COMPÉTENCE « MÉDECINE SCOLAIRE » AUX DÉPARTEMENTS VOLONTAIRES PRÉVUE PAR LA PROPOSITION DE LOI

Face aux difficultés constatées dans la mise en oeuvre de la médecine scolaire, la présente proposition de loi prévoit, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires.

Les départements souhaitant intégrer cette expérimentation se porteraient volontaires par une délibération motivée du conseil départemental, prise dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.

Une convention serait ensuite conclue entre l'État et le département volontaire, qui préciserait notamment « les modalités de transfert des crédits correspondant au transfert de charges ». Le département serait ainsi libre de ne pas accepter le transfert de compétence, dans le cas où le montant des crédits budgétaires proposés pour compenser ledit transfert serait trop faible.

Conformément au cadre juridique applicable aux expérimentations locales1(*), l'expérimentation ferait l'objet d'une évaluation à mi-parcours, ainsi que six mois avant son terme, afin d'apprécier l'opportunité d'un transfert définitif aux départements volontaires de cette compétence.

B. UNE EXPÉRIMENTATION PLEINEMENT APPROUVÉE PAR LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois a pleinement approuvé l'expérimentation prévue par la présente proposition de loi.

Elle a souligné que cette expérimentation s'inscrivait dans une ligne défendue de longue date par le Sénat. En effet, dès 2004, lors de l'examen de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le Sénat avait, à l'initiative du rapporteur Jean-Pierre Schosteck, adopté un amendement visant à transférer cette compétence aux départements. Par la suite, lors de l'examen de la loi dite « 3DS », si le Sénat n'avait pu introduire cette mesure en raison des règles de recevabilité financière découlant de l'article 40 de la Constitution, il avait introduit par amendement l'article 144 de la même loi, qui prévoyait la remise au Parlement d'un rapport relatif à un éventuel transfert de cette compétence aux départements, lequel a été publié en juin 2022.

La commission a par ailleurs estimé que ce transfert de compétence donnerait de la cohérence aux compétences exercées par les départements, qui détiennent déjà la compétence « protection maternelle et infantile » (PMI). Les départements pourront ainsi assurer le suivi sanitaire des enfants, dès leur naissance et jusqu'à leur sortie du lycée.

En outre, la mutualisation des moyens des PMI et de la médecine scolaire permettra de réaliser des économies, qui devraient offrir l'opportunité d'améliorer la politique de médecine scolaire, tout en adaptant celle-ci aux spécificités locales.

Enfin, la commission a rappelé que cette expérimentation concernerait les seuls départements volontaires, ce qui permettra d'éviter d'accentuer les difficultés budgétaires des départements. Ces derniers seront en effet libres de renoncer à leur demande de transfert, dans le cas où les crédits transférés par l'État seraient trop peu élevés. Le rapporteur a à cet égard souligné que 19 départements ont déjà indiqué vouloir se porter volontaires, selon les données communiquées par l'Assemblée des départements de France (ADF).

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi sans modification.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Transfert de la compétence « médecine scolaire » à titre expérimental
aux départements volontaires

L'article unique de cette proposition de loi tend à transférer, à titre expérimental, l'exercice de la compétence « médecine scolaire », qui relève actuellement du ministère de l'éducation nationale, aux départements volontaires.

Rappelant que cette mesure est défendue de longue date par le Sénat et que le dispositif proposé ne concernerait que les départements volontaires, la commission a adopté cet article sans modification.

I. Pilotée par le ministère de l'éducation nationale, la médecine scolaire fait face à des difficultés persistantes

A. Mise en oeuvre par les personnels de santé scolaire, la médecine scolaire poursuit des objectifs multiples

1. Les objectifs poursuivis par la politique de médecine scolaire

La médecine scolaire vise à assurer la promotion de la santé des élèves par des actes de prévention, d'information, des visites médicales et des dépistages, afin notamment d'assurer la réussite scolaire des élèves et réduire les inégalités en matière de santé2(*).

La médecine scolaire vise plus précisément à :

- mener auprès des élèves des actions de prévention et d'information relatives à la santé, incluant notamment des informations relatives à la sexualité ;

- repérer de manière précoce les élèves souffrant de maladies ou de troubles, qu'ils soient physiques ou psychiques, notamment grâce aux visites médicales et dépistages obligatoires ;

- détecter les élèves victimes de violences intrafamiliales, également grâce aux visites médicales obligatoires ;

mettre en place un environnement scolaire adapté et favorable à la santé, permettant notamment la prise en charge des élèves ayant des besoins particuliers, en situation de handicap ou souffrant de pathologies chroniques.

Les visites médicales et les dépistages obligatoires
au titre de la médecine scolaire

La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a largement modifié la politique de médecine scolaire, notamment en ce qui concerne les visites médicales obligatoires. Désormais, les élèves bénéficient ainsi, aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'éducation :

- d'une visite obligatoire à l'école entre trois et quatre ans, permettant notamment d'effectuer un dépistage des troubles de santé. Cette visite est normalement réalisée par le personnel du service départemental de protection maternelle et infantile (PMI)3(*). Toutefois, lorsque le service de PMI n'est pas en mesure d'assurer cette visite, celle-ci est effectuée par les personnels de santé de l'éducation nationale ;

- d'une visite obligatoire au cours de leur sixième année, visant notamment à dépister des troubles du langage et des apprentissages.

Les autres examens médicaux obligatoires au cours de la scolarité sont déterminés par voie réglementaire. L'arrêté du 3 novembre 2015 relatif à la périodicité et au contenu des visites médicales et de dépistage obligatoire prévues à l'article L. 541-1 du code de l'éducation prévoit par exemple une troisième visite obligatoire au cours de la douzième année, réalisée par les infirmiers scolaires.

D'autres visites plus spécifiques sont prévues : les médecins scolaires assurent par exemple, lors de l'entrée en lycée professionnel, les visites d'aptitude aux travaux réglementés, lesquels présentent des risques particuliers pour la santé et la sécurité des travailleurs. Ces travaux réglementés sont normalement interdits aux mineurs mais peuvent faire l'objet d'une dérogation. 200 000 élèves sont concernés par cette visite chaque année, selon les données transmises au rapporteur par la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO).

2. Les personnels de santé scolaire

La politique de santé scolaire est, aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'éducation, mise en oeuvre par l'ensemble des personnels de la communauté éducative, mais assurée en priorité par les personnels de santé scolaire, qui agissent de manière coordonnée et qui comprennent, dans une acception large :

les médecins de l'éducation nationale, dont le corps a été créé en 19914(*) et qui sont recrutés par concours. Ils sont affectés dans les directions départementales des services de l'éducation nationale (DASEN) et exercent leur mission sur un secteur géographique comprenant plusieurs établissements scolaires. Ils sont notamment chargés de la réalisation de la visite médicale obligatoire lors de la sixième année des élèves, d'assurer le suivi des élèves avec des besoins particuliers ou atteints d'un handicap ou d'un autre trouble de santé et du recueil de données de santé dans le cadre de la veille épidémiologique ;

les infirmiers scolaires, appartenant au corps des infirmiers de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur5(*) et affectés dans un établissement6(*). Ils peuvent recevoir les élèves en consultation individuelle, procèdent aux dépistages obligatoires et mènent aussi des actions d'éducation à la santé. Ils peuvent également délivrer des contraceptions d'urgence et prescrire des substituts nicotiniques ;

les assistants sociaux, appartenant au corps des assistants de service social des administrations de l'État7(*) (ASSAE) et affectés au sein des directions académiques des services départementaux de l'éducation nationale, intervenant dans un ou plusieurs collèges ou lycées. Ils sont notamment chargés de prévenir l'échec scolaire en proposant un accompagnement social aux élèves en difficulté et de mener des actions de prévention des violences et du harcèlement ;

les psychologues de l'éducation nationale, dont le corps a été créé en 20178(*).

B. En l'état du droit, la compétence « médecine scolaire » est exercée par le ministère de l'éducation nationale

1. Une compétence initialement exercée au niveau local

La politique de santé scolaire, qui s'est structurée au XIXe siècle, était initialement pilotée au niveau local. Ainsi, la loi du 28 juin 1833 sur l'instruction primaire, dite « loi Guizot », a confié à un comité communal le soin de veiller à la salubrité des établissements scolaires. Par la suite, sous la IIIe République, la loi du 30 octobre 1886 portant sur l'organisation de l'enseignement primaire, adoptée sous l'influence de Jules Ferry, a prévu la mise en oeuvre d'une inspection médicale scolaire dans les écoles primaires, par les collectivités locales. Ce contrôle médical a par la suite été étendu aux collèges et aux lycées par un décret du 17 juin 1938.

2. Une compétence désormais exercée au niveau national, dont le pilotage est aujourd'hui confié au ministère de l'éducation nationale

Le pilotage de la politique de santé scolaire a par la suite été transféré au niveau national dès la Libération, sa mise en oeuvre étant tantôt confiée au ministère de l'éducation nationale, tantôt au ministère de la santé.

Ainsi, l'ordonnance n° 45-2407 du 17 octobre 1945 relative à la protection de la santé des enfants d'âge scolaire, des élèves et du personnel a créé un service national d'hygiène scolaire et universitaire, placé sous la tutelle du ministre de l'éducation nationale, et prévu des visites médicales systématiques pour les élèves ainsi que pour les personnels scolaires et universitaires.

Le pilotage de cette politique a par la suite été confié au ministre de la santé à partir de 19649(*), avant d'être de nouveau confié au ministre de l'éducation nationale en 1984. Toutefois, les médecins scolaires restent encore rattachés à ce moment-là au ministère de la santé, tandis que les infirmières scolaires relèvent dès l'année 1985 du ministère de l'éducation nationale. Le corps des médecins de l'éducation nationale ne sera finalement créé qu'en 1991.

C. La politique de santé scolaire fait l'objet d'un pilotage défaillant, souligné depuis plusieurs années

En dépit de moyens en augmentation10(*), la médecine scolaire fait l'objet d'un pilotage défaillant, déjà souligné par la Cour des comptes en 202011(*), alors même que la santé des plus jeunes se dégrade, notamment s'agissant de la santé mentale, et que l'accès à un médecin traitant et aux médecins spécialistes est rendu de plus en plus difficile, dans un contexte de désertification médicale qui ne cesse de s'accroître. À cet égard, la Défenseure des droits déplorait en 2021 « la faiblesse de l'offre de soin en matière d'orthophonie, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où les enfants doivent parfois attendre jusqu'à un an pour obtenir un rendez-vous12(*) ». 

1. Un taux d'encadrement faible, notamment s'agissant des médecins scolaires, lié aux difficultés de recrutement

Selon les informations transmises par la DGESCO, le plafond des emplois des personnels de santé scolaire est fixé, au 1er septembre 2022, à 1 504,11 équivalents temps plein (ETP) pour les médecins scolaires et 7 745 ETP pour les infirmiers scolaires.

Si la majeure partie des postes d'infirmiers scolaires sont pourvus13(*), les postes de médecins scolaires ne représentent en revanche que 818,59 ETP au 31 octobre 2022, contre 1 143 ETP en 2013 - soit une diminution de plus de 28 % en moins de dix ans. La France compte ainsi moins de 900 médecins scolaires pour 12 millions d'élèves.

Évolution du nombre de médecins scolaires entre 2013 et 2022 (ETP)

Source : commission des lois, à partir des données transmises par la DGESCO

Ainsi, en moyenne, 45 % des postes de médecins scolaires ne sont pas pourvus, ce qui témoigne d'importantes difficultés de recrutement. De plus, il existe de très fortes disparités entre les territoires : ainsi, dans l'académie de Créteil, 79 % des postes de médecins scolaires demeurent vacants.

Il en résulte l'impossibilité pour les médecins d'accomplir l'intégralité des missions qui leur sont dévolues ainsi qu'une diminution du taux d'encadrement des élèves par les médecins scolaires14(*), qui s'était dégradé, selon la Cour des comptes15(*), de 20 % entre 2013 et 2018, pour atteindre la moyenne d'un médecin pour 12 572 élèves en 2018 - la baisse du taux d'encadrement dépassant même les 40 % dans 31 départements.

Taux d'encadrement par équivalents temps plein travaillé (ETPT)
selon les académies en 2022

Source : commission des lois, à partir des données transmises par la DGESCO

2. En conséquence, peu d'élèves bénéficient des visites médicales et des dépistages pourtant obligatoires

Les difficultés de recrutement des médecins scolaires et la diminution du taux d'encadrement en découlant conduisent à un faible taux de réalisation des visites médicales et des dépistages pourtant obligatoires, comme évoqué supra.

Si selon la Cour des comptes16(*), 62 % des élèves bénéficiaient en 2020 de la visite de la douzième année, assurée par les infirmiers scolaires, les informations communiquées au rapporteur par la DGESCO montrent que moins de 20 % des élèves bénéficient de la visite obligatoire de la sixième année, assurée par les médecins scolaires. Selon la DGESCO, les médecins « effectuent un tri par analyse médicale du dossier, pour réaliser une visite complète des 20 % d'élèves en ayant le plus besoin, en priorisant particulièrement les élèves relevant de l'éducation prioritaire et du rural éloigné où ils sont parfois le seul médecin disponible ».

II. Face aux défaillances constatées, la proposition de loi prévoit le transfert, à titre expérimental, de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires

A. Le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires

Dès les années 1980, la question du rattachement de la politique de santé scolaire aux compétences des départements a été évoquée, notamment en raison de la proximité des missions dévolues aux médecins scolaires avec celles des médecins de la PMI.

Le Sénat a par la suite régulièrement défendu l'idée de transférer l'exercice de cette compétence aux départements, afin de constituer un service de santé de l'enfant, réunissant les moyens et les missions de la PMI, déjà dévolus aux départements, avec ceux de la médecine scolaire.

La présente proposition de loi, déposée par Françoise Gatel, s'inscrit dans cette ligne et prévoit le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires.

Il ne s'agirait donc pas d'un transfert obligatoire : les départements se porteraient volontaires par une délibération motivée du conseil départemental prise dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente proposition de loi. Au cours de cette période, les départements disposeraient d'un droit d'information afin que le préfet de département leur communique les informations relatives par exemple aux moyens affectés à la médecine scolaire, afin de bénéficier de l'ensemble des informations nécessaires avant d'accepter le transfert de la compétence « médecine scolaire ».

Une convention serait ensuite conclue entre l'État et le département, qui préciserait notamment « les modalités de transfert des crédits correspondant au transfert de charges ». Si les crédits budgétaires proposés par l'État pour accompagner le transfert de la compétence étaient trop faibles, les départements demeureraient libres de ne pas signer cette convention et, finalement, de ne pas accepter le transfert de la compétence « médecine scolaire ».

Une fois la convention signée, les services relevant de l'État participant à l'exercice de la compétence « médecine scolaire » seraient également mis à la disposition des départements volontaires à titre gratuit.

Selon les éléments transmis par l'Assemblée des départements de France (ADF), obtenus après la réalisation d'un sondage, 19 départements seraient prêts à se porter volontaires pour exercer cette compétence à titre expérimental.

B. Un transfert de compétences s'inscrivant dans un cadre expérimental

Le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires, prévu par l'article unique de la proposition de loi, interviendrait à titre expérimental pour une durée de cinq ans.

Cette expérimentation serait évaluée à mi-parcours, ainsi que six mois avant son terme, afin d'apprécier l'opportunité d'un transfert définitif aux départements volontaires de cette compétence.

Les expérimentations locales

L'article 72 de la Constitution ouvre la possibilité pour toute collectivité territoriale ainsi que pour ses groupements de déroger, de manière temporaire, aux lois et règlements nationaux régissant l'exercice de ses compétences.

Les expérimentations locales sont encadrées par les articles LO. 1113-1 à LO. 1113-7 du code général des collectivités territoriales, récemment modifiés par la loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, qui a simplifié le cadre existant antérieurement afin de favoriser le recours aux expérimentations17(*).

La loi organique précitée précise ainsi que la loi autorisant le recours à une expérimentation doit préciser :

- l'objet de l'expérimentation ;

- sa durée (cinq années maximum) ;

- les caractéristiques des collectivités susceptibles de prendre part à l'expérimentation ;

- les dispositions auxquelles il pourra être dérogé.

Les collectivités souhaitant prendre part à l'expérimentation doivent ensuite manifester leur intention par l'adoption d'une délibération motivée. Puis le Gouvernement fixe, par décret, la liste des collectivités admises à expérimenter.

Avant la fin prévue de l'expérimentation, le Gouvernement transmet un rapport au Parlement qui détermine si l'expérimentation doit être soit prolongée, soit modifiée, soit maintenue et généralisée, soit abandonnée.

À la fin de l'expérimentation, le législateur peut, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique précitée, décider, au vu de l'évaluation de l'expérimentation, le maintien des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités ayant participé à l'expérimentation, ou dans certaines d'entre elles seulement, ainsi que leur extension à d'autres collectivités territoriales n'ayant pas participé à l'expérimentation.

III. La commission des lois a accueilli favorablement le transfert expérimental de la compétence « médecine scolaire » prévu par la proposition de loi, défendu de longue date par le Sénat

A. Le Sénat soutient de longue date le transfert du pilotage de la compétence « médecine scolaire » aux départements

Le Sénat soutient de longue date le transfert de l'exercice de la compétence « médecine scolaire » aux départements.

Déjà, en 2004, lors de l'examen de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le Sénat avait, à l'initiative du rapporteur Jean-Pierre Schosteck, adopté un amendement visant à transférer la compétence de la médecine scolaire aux départements. Il s'agissait de permettre aux départements d'assurer « ainsi un suivi global de la santé des enfants et des jeunes, depuis la naissance jusqu'à la sortie du système scolaire ».

Presque vingt ans après, l'idée a été une nouvelle fois soutenue au moment de l'examen de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS ».

L'idée de transférer cette compétence aux départements avait en effet été évoquée par le Gouvernement, au moment de la rédaction du texte, avant d'être finalement écartée de la rédaction finale du projet de loi. Le Sénat n'avait pas, par la suite, pu introduire cette mesure au moment de son examen en raison des règles de recevabilité financière découlant de l'article 40 de la Constitution.

Le Sénat avait en conséquence introduit par amendement l'article 144 de la loi « 3DS », lequel prévoit la remise au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi précitée, d'un « rapport retraçant les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements, son coût, les modalités envisagées de recrutement et de gestion du personnel et les améliorations attendues sur le fonctionnement des différentes actions menées dans le cadre de la médecine scolaire ». Ce rapport, rédigé par l'Inspection générale des affaires sociales et par l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, a été publié en juin 202218(*).

Le transfert aux départements de la compétence « médecine scolaire » est donc soutenu depuis longtemps par le Sénat.

B. La commission des lois a en conséquence approuvé l'expérimentation prévue par la proposition de loi

La commission des lois ne peut que souscrire à l'expérimentation prévue par l'article unique de cette proposition de loi, qui permettrait aux départements volontaires de se voir transférer l'exercice de la compétence « médecine scolaire ».

Elle constate en effet que la situation de la médecine scolaire ne cesse de se dégrader, malgré quelques mesures prises par le Gouvernement pour tenter de remédier à cette situation, à l'instar de la revalorisation des traitements des médecins de l'éducation nationale après le Grenelle de l'éducation de 2021, qui s'établissait en moyenne à 1 700 euros brut annuel.

Elle considère par ailleurs que le transfert de la compétence aux seuls départements volontaires permettra d'éviter d'accentuer les difficultés budgétaires des départements, puisque ces derniers pourront ne pas donner suite à leur demande de transfert dans le cas où les crédits transférés par l'État seraient trop peu élevés.

La mutualisation des personnels et des moyens avec ceux de la PMI permettra, en outre, de donner de la cohérence aux compétences exercées par les départements. Le département serait ainsi chargé de l'ensemble du suivi sanitaire des enfants, dès leur plus jeune âge et jusqu'à la fin du lycée.

Les économies réalisées grâce à la mutualisation des moyens, devraient, en outre, offrir l'opportunité d'améliorer la politique de santé scolaire.

La commission a adopté l'article unique sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 13 MARS 2024

M. Christophe-André Frassa, président. - Nous passons à l'examen de la proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Cette proposition de loi, déposée par notre collègue Françoise Gatel, vise à améliorer les conditions d'exercice de la politique de santé scolaire en permettant le transfert, à titre expérimental, de l'exercice de cette compétence aux départements volontaires. Les difficultés actuellement rencontrées par la médecine scolaire constituent en effet un enjeu majeur de nos politiques publiques.

Destinée à assurer la promotion de la santé des élèves pour garantir leur réussite scolaire et réduire les inégalités en matière de santé, cette politique essentielle souffre d'un manque d'effectivité inquiétant.

Ce constat s'explique principalement par les défaillances dans le pilotage de la médecine scolaire, assuré par le ministre de l'éducation nationale, et soulignées depuis plusieurs années, sans que l'État se saisisse véritablement de cette problématique. Cette situation peut avoir des conséquences dramatiques, alors que la santé - notamment psychique - des plus jeunes ne cesse de se dégrader, et que l'accès aux médecins, généralistes comme spécialistes, est rendu de plus en plus difficile, dans le contexte de désertification médicale que nous connaissons tous.

Le pilotage de la politique de santé scolaire n'a pas toujours été assuré au niveau national. Si c'est le cas depuis la Libération, la médecine scolaire était, depuis la fin du XIXe siècle, l'apanage des collectivités locales.

Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 17 octobre 1945 confiant la compétence « médecine scolaire » au ministre de l'éducation nationale, celle-ci n'a eu de cesse d'être transférée, passant temporairement entre les mains du ministre de la santé, avant de revenir à son autorité de tutelle originelle.

Le défaut de pilotage étatique est aujourd'hui source de failles dans l'organisation et la mise en oeuvre de la santé scolaire, alors que ses objectifs ont été sans cesse élargis.

La première manifestation de ces défaillances, que j'ai pu identifier au cours des auditions que j'ai conduites, est relative à la pénurie de médecins scolaires que nous connaissons à l'heure actuelle, et qui s'accélère depuis une dizaine d'années. En raison de rémunérations peu attractives et de conditions de travail se dégradant fortement, de nombreux postes restent vacants. Les effectifs des médecins scolaires ont ainsi chuté de 15 % depuis 2013. À l'heure actuelle, sur un total de 1 500 postes de médecins scolaires, seuls 800 postes sont pourvus, ce qui n'est pas acceptable.

En moyenne, il n'y a en France qu'un seul médecin pour 12 000 élèves, alors que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un ratio d'un médecin pour 5 000 élèves. Cette pénurie se double en outre de fortes disparités territoriales : par exemple, en Nouvelle-Calédonie, il n'y a qu'un seul médecin scolaire pour 47 000 élèves !

Cette pénurie de médecins scolaires, alors que leurs missions n'ont cessé de s'élargir, a de réelles conséquences sur la santé des élèves, qui ne bénéficient pas, pour la plupart d'entre eux, des visites médicales et dépistages prévus par la loi. Dans un rapport d'avril 2020, la Cour des comptes relevait que le taux de réalisation de la visite médicale obligatoire de la sixième année par les médecins scolaires, déterminante pour détecter d'éventuels troubles de l'apprentissage, était passé de 26 % en 2013, un taux déjà historiquement bas, à 18 % en 2018. Moins de 20 % des élèves bénéficient donc d'une visite médicale durant leur sixième année, alors que celle-ci est censée être obligatoire.

À plusieurs reprises, le Sénat a tenté d'apporter une solution à ce constat d'échec en défendant le transfert de cette compétence aux départements. Il en a été ainsi dès l'élaboration des premières grandes lois de décentralisation du début des années 1980, puis lors de l'examen du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales en 2004, par le biais de l'adoption d'un amendement du rapporteur de la commission des lois, Jean-Pierre Schosteck, qui visait à transférer la compétence de la médecine scolaire aux départements, pour en garantir l'effectivité.

Vingt ans après, l'idée avait été une nouvelle fois défendue lors de l'examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), sans plus de succès malgré le large soutien dont elle bénéficiait dans notre assemblée, en raison des règles de recevabilité financière découlant de l'application de l'article 40 de la Constitution.

La proposition de loi déposée par Françoise Gatel, dont je salue le travail, vise donc à répondre à cette problématique en permettant aux départements volontaires, à titre expérimental, de bénéficier d'un transfert de compétence en matière de médecine scolaire. Elle s'inscrit donc parfaitement dans le droit fil des précédentes positions défendues par le Sénat.

L'article unique de cette proposition de loi prévoit ainsi que les départements volontaires pourront, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, exercer la compétence « médecine scolaire ».

Il ne s'agit donc pas d'imposer à l'ensemble des départements une mission que l'État ne souhaite plus remplir, mais bien d'expérimenter un nouveau mode de pilotage de cette politique, pour plus d'efficacité. L'Assemblée des départements de France (ADF) m'a d'ailleurs indiqué que 19 départements seraient déjà intéressés pour prendre part à cette expérimentation, selon un sondage réalisé récemment.

Les départements volontaires devront manifester leur volonté d'entrer dans cette expérimentation dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, délai leur permettant d'apprécier l'opportunité de leur engagement ainsi que le caractère suffisant de la compensation financière de l'État. Une convention serait ensuite conclue entre l'État et le département participant à l'expérimentation afin de définir les modalités de transfert des crédits correspondant au transfert de charges. Le département resterait ainsi libre de ne pas participer à l'expérimentation et de ne pas signer la convention avec l'État, dans le cas où celui-ci ne transférerait pas suffisamment de crédits budgétaires pour compenser le transfert de compétence.

L'expérimentation sera évaluée à mi-parcours ainsi que six mois avant son terme. Si l'expérience est concluante, un transfert définitif de cette compétence aux départements volontaires pourrait être envisagé à l'issue des cinq années d'expérimentation.

Je suis convaincu de l'opportunité et de la cohérence d'un tel transfert de compétence. Il rationaliserait et restructurerait le pilotage de cette politique, en resserrant le lien entre les services décisionnels et les personnels sur le terrain et en fluidifiant l'organisation interne des services de médecine scolaire, tout en permettant une meilleure adaptation aux spécificités locales.

Cela créerait en outre une continuité et une plus grande cohérence dans le suivi sanitaire des enfants et des adolescents, et plus largement en matière de protection de l'enfance. Ce sont en effet les départements qui sont aujourd'hui compétents en matière de protection maternelle et infantile (PMI) et d'aide sociale à l'enfance (ASE).

Au-delà du renforcement de l'effectivité du suivi médical pour l'ensemble des élèves, ce transfert de compétence prend tout son sens lorsque l'on sait que les établissements scolaires, au travers des professionnels de santé y travaillant, sont les premiers émetteurs d'informations préoccupantes dans le cadre de la protection de l'enfance en danger.

Enfin, la mutualisation des moyens ainsi que des effectifs de la médecine scolaire et des PMI permettra de réaliser des économies et d'assurer une meilleure effectivité des dépenses.

Je suis bien évidemment favorable à la mise en place de cette expérimentation, qui permettrait de consacrer enfin une réforme appelée de ses voeux depuis plusieurs années par notre assemblée.

Il y va également, et avant tout, de l'intérêt de nos enfants, qui méritent de bénéficier d'un suivi sanitaire et psychologique de qualité, d'être éduqués à la santé et à leur corps, et de trouver dans l'institution scolaire le soutien et le suivi nécessaires dont ils ont parfois tant besoin. Pour certains d'entre eux, la prévention et les soins assurés par la médecine scolaire constituent le premier levier d'insertion ou le dernier rempart contre les violences intrafamiliales. Il est donc absolument essentiel de permettre à l'école de la République d'assurer de nouveau efficacement ses missions d'éducation et de protection.

Je vous proposerai par conséquent d'adopter ce texte sans modification.

Mme Catherine Di Folco. - Je remercie Françoise Gatel, qui s'est saisie de ce sujet préoccupant, ainsi que le rapporteur pour son travail sur ce texte.

Nous manquons cruellement de médecins scolaires. Le manque d'attractivité du salaire en est l'une des principales raisons, même si ce n'est pas la seule. Nous manquons aussi d'autres médecins, comme les médecins du travail. Or la médecine scolaire est essentielle pour détecter des problèmes familiaux - mauvais traitements, malnutrition - ou des retards.

Devant les élèves, il y a aussi des enseignants, qui sont moins bien traités, et rarement invités à se rendre à une visite médicale. Nous sommes pauvres à tous les niveaux.

Je trouve pertinent de transférer la médecine scolaire au niveau du département, mais cela permettra-t-il de mieux recruter ? Je n'en suis pas sûre... Ces médecins auront-ils un meilleur salaire ? Je ne suis pas certaine que ce soit mieux que dans l'éducation nationale... Le transfert ne résoudra probablement pas tout, même si c'est une bonne disposition.

M. Jean-Michel Arnaud. -Proposer aux départements et aux services de PMI de prendre la compétence « médecine scolaire » est évident pour le collège, afin de créer un bloc de compétence cohérent. Élargir le transfert à l'ensemble des niveaux, de la primaire au lycée, pose question quant à l'impact sur les finances des départements. L'évaluation, qui est souvent un jeu de dupes lors du transfert, doit être examinée finement, pour éviter que les départements ne se retrouvent avec des responsabilités nouvelles sans les moyens correspondants : souvent, on commence avec un petit braquet, et on termine avec un grand braquet. Les moyens actuels attribués par l'État sont tellement ridicules qu'il y aura nécessairement des surcoûts. Les 19 départements volontaires feront ce diagnostic.

Comment s'articulera l'exercice fonctionnel de cette compétence entre le personnel de l'éducation nationale - les principaux et les proviseurs - et les médecins ? L'exercice d'une compétence partagée est toujours délicat. Qui exercera l'autorité fonctionnelle sur les agents de ces services de médecine scolaire : le chef d'établissement, celui de la PMI ou le président du conseil départemental ?

Mme Marie Mercier. - La contrainte suscite l'imagination. La contrainte centrale est la pénurie de médecins, mais pas dans n'importe quelle spécialité ; nous manquons de médecins scolaires et de médecins généralistes.

Le département de Saône-et-Loire a salarié des médecins libéraux pour faciliter leur installation, et les libérer de la paperasse. Maintenant, le dispositif fonctionne et les spécialistes reviennent également. Nous avons redonné des médecins référents à des patients qui en manquaient cruellement.

La médecine scolaire manque d'attractivité. Un médecin scolaire doit être formé en pédiatrie, en médecine préventive et en gynécologie. Cette médecine demande de nombreuses compétences, mais n'est pas attractive. Il faut chercher des étudiants en médecine. Le salariat par le département va-t-il changer quelque chose ? Ces médecins sont déjà salariés. Il faut former plus de médecins scolaires en soulignant l'intérêt de la spécialité, notamment en matière d'horaires.

Cette proposition de loi a le mérite d'inventer une solution. Les départements pourraient apporter une plus-value non seulement pour ce qui concerne le salaire, mais aussi pour le nombre de postes, et leur localisation. Car moins ils sont nombreux, plus ces médecins sont désintéressés. Nous avons alerté le Gouvernement sur ce cercle vicieux de la médecine scolaire. Je remercie Françoise Gatel de sa proposition, dont nous verrons l'effectivité.

Mme Cécile Cukierman- La médecine française est dans une situation catastrophique, dans tous les secteurs et à tous les étages. Dans ce contexte, pourquoi ne pas expérimenter si l'on peut faire mieux avec toujours moins...

Le suivi médical devient une exigence de plus en plus importante, y compris pour la médecine de ville, car il n'est plus réalisé ! De moins en moins d'enfants peuvent bénéficier d'un suivi médical, d'où l'enjeu pour la médecine scolaire.

C'est une médecine particulière, qui nécessite de nombreuses compétences, et n'a jamais beaucoup attiré, ce qui peut conduire à s'interroger sur le type de recrutement. J'entends que plusieurs départements souhaiteraient expérimenter l'exercice de cette compétence, mais ne mettons pas demain en difficulté des élus qui ne satisferont pas aux besoins de la population. Quand il y a pénurie, on ne peut recruter, quel que soit l'échelon qui gère la compétence ! Mettons en place cette expérimentation, nous verrons bien dans cinq ans quel département voudra conserver cette compétence et si elle a été de nature à améliorer la situation.

M. Alain Marc- Cette proposition de loi est pertinente. Que tous les enfants soient examinés préventivement par des médecins et des infirmières scolaires est un facteur d'égalité sociale. Les départements peuvent jouer un rôle en la matière grâce à leurs propres médecins de PMI et leurs infirmières.

Qui, mieux que le département, une collectivité de proximité, pourrait conventionner avec des médecins libéraux pour que tous les enfants d'une zone soient vus dans un temps donné ? Il faudra préciser la mise en oeuvre opérationnelle de cette disposition. Cela fait quarante ans que le dispositif ne marche pas. Les parents qui emmènent régulièrement leur enfant chez un pédiatre ou un généraliste ne sont pas les mêmes que ceux qui ont des enfants qui rencontrent des problèmes - violences intrafamiliales, ou surpoids, qui est un problème touchant un nombre croissant d'enfants... Ces difficultés doivent être détectées et prises en charge le plus tôt possible.

Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi. - Je remercie le rapporteur et nos collègues pour leurs observations. Nous constatons un déficit de médecins partout. Cette expérimentation volontaire peut sembler être une fausse bonne réponse. Mais lisez le rapport de la Cour des comptes qui fait suite aux travaux que Mathieu Darnaud et moi-même avons conduits lors de l'examen de la loi 3DS. Le problème est fondé sur l'absence de médecins, mais pas seulement.

Selon la Cour des comptes, seulement 18 % des visites obligatoires de la sixième année sont réalisées. Le problème ne vient pas d'un déficit de moyens financiers - ceux qui sont alloués à l'éducation nationale ont été considérablement augmentés -, mais d'une organisation étrange : les infirmières peuvent dépendre du ministère de la santé et les médecins du ministère de l'éducation nationale. Se pose un problème d'articulation entre eux : lorsqu'un enfant entre au collège, les diagnostics passés ne sont pas pris en compte. Il faut optimiser l'organisation de la médecine scolaire.

La France a mis en oeuvre une politique pour la petite enfance et de prévention remarquable depuis des décennies, mais notre capacité à la poursuivre s'est réduite. La crise de la covid-19 a mis en avant des troubles psychologiques ou psychiatriques chez les enfants, ainsi que des violences intrafamiliales. On voulait que tous les enfants puissent être accompagnés par une infirmière, un psychologue ou un médecin pour détecter les signaux faibles, y compris les difficultés familiales. On le sait bien, selon les moyens de la famille, le suivi de santé psychologique et physique des enfants varie. Or pas un enfant ne doit passer sous les radars d'un diagnostic.

Le département détient une compétence en matière de PMI, et dispose de médecins et d'infirmières. Un enfant, qu'il soit en primaire, au collège ou au lycée, doit être suivi dans toute son évolution.

Le ministre de l'éducation nationale a déjà fort à faire avec les groupes de niveaux pour ne pas avoir à s'occuper de santé scolaire. L'expérimentation ne vise que des départements volontaires, qui auront un an pour s'accorder avec l'État sur les conditions, y compris financières, de l'expérimentation. Sans accord, il n'y aura pas d'expérimentation et à l'issue de celle-ci les départements qui souhaiteront conserver cette compétence pourront le faire. Telle est mon humble proposition, que le Sénat porte d'ailleurs depuis longtemps.

Mme Audrey Linkenheld- Merci à Françoise Gatel de son humilité et au rapporteur pour son travail. Pour une fois que Françoise Gatel avait accepté une demande de rapport dans la loi 3DS contre la jurisprudence constante du Sénat !

Mme Françoise Gatel. - L'exception confirme la règle...

Mme Audrey Linkenheld. - Je crois comprendre que vous n'avez pas reçu ce rapport sur la médecine scolaire... L'année dernière, le ministre Pap N'Diaye indiquait que sa publication était imminente. C'est bien dommage, car ce nouveau rapport nous aurait permis d'éclairer le débat et de répondre à nos questions, car le rapport de la Cour des comptes a été publié il y a quatre ans.

Une expérimentation n'est pas en soi une mauvaise chose, puisqu'elle met une idée à l'épreuve de la réalité du terrain. Toutefois, le vrai sujet est celui de la pénurie de médecins et des déserts médicaux. Autant on manque de plus en plus de médecins scolaires, autant le nombre d'infirmiers scolaires augmente.

Comment envisagez-vous que le département, qui certes gère les collèges, fasse le lien avec les établissements du premier degré, pour ce qui concerne la visite de la sixième année de l'enfant, mais aussi avec le lycée, une période où les adolescents sont plus fragiles ? En quoi le département pourrait-il faire mieux qu'actuellement ?

Quelle coordination prévoyez-vous avec les quelques villes délégataires de missions en matière de santé scolaire ? Certaines d'entre elles sont-elles situées dans des départements volontaires ?

Si l'expérimentation devait être concluante, avec un transfert de moyens suffisant, comment voyez-vous cette décentralisation à géométrie variable ? Y a-t-il d'autres exemples de compétences à géométrie variable ? Je m'interroge sur l'égalité d'accès aux soins dans le pays.

M. Guy Benarroche. - Merci d'avoir travaillé sur ce sujet important. Nous manquons de médecins scolaires, de médecins généralistes et de médecins du travail. Nous manquons de médecins à tous les niveaux où la médecine a une action de prévention en sus de son action curative. Cette pénurie de médecins scolaires pourrait-elle être comblée par des conventions avec des généralistes ? De toute façon, il n'y en a pas assez ! Disons que la répartition est inégale. Sont-ce les départements qui ont le plus de généralistes qui seront volontaires ?

On compte actuellement un médecin pour 12 000 enfants ; en réalité, 80 % des enfants ne voient jamais de médecin scolaire. Confier la compétence « médecine scolaire » aux départements est-il de nature à améliorer l'organisation de la médecine scolaire si aucun effort n'est fait pour revaloriser cette fonction ? C'est une utopie, mais toute expérimentation est toujours une bonne solution.

Au demeurant, certains syndicats enseignants semblent ne pas partager cette analyse. Les avez-vous interrogés ? Qu'en pensent les médecins scolaires et ceux de la PMI ? Les syndicats de médecins généralistes sont-ils prêts à signer des conventions avec la médecine scolaire ?

Vous avez souligné le risque d'inégalités territoriales, mais celles-ci existent déjà quant à la répartition des médecins scolaires. Si l'expérimentation est conclusive, comment fonctionnera le système ? Je n'y suis pas opposé par principe, mais cela ne risque-t-il pas d'attirer des médecins dans certains départements plutôt que dans d'autres ?

M. Olivier Bitz. - Nous touchons au problème général de la pénurie de médecins, qui ne sera pas résolu par ce texte. Toutefois, il est essentiel d'améliorer la coordination entre les différents services, étant donné que nous n'avons pas les moyens de recruter autant de médecins qu'il le faudrait.

J'attire votre attention sur la situation strasbourgeoise. Depuis 1902, un bureau d'hygiène scolaire dépend de la ville. Il faudrait généraliser cet exemple au niveau national. La ville de Strasbourg dispose également d'une délégation du conseil départemental sur la polyvalence de secteur et la PMI : au sein d'une collectivité, et donc d'une même direction administrative, sont regroupées la compétence PMI, la polyvalence de secteur et la médecine scolaire. Se développent donc nécessairement des coordinations naturelles et il est plus aisé de donner une impulsion à de grandes politiques de l'enfance, comme la lutte contre obésité, qui sont relayées dans ces trois domaines. Au-delà de la question des moyens, qui reste posée, il est fortement intéressant de regrouper des compétences.

M. Mathieu Darnaud. - Je remercie Françoise Gatel, ainsi que le rapporteur pour son excellent travail.

Je fais miens les propos de d'Olivier Bitz. Il est nécessaire de mettre de la cohérence au niveau territorial.

Nous sommes tous d'accord : il y a une pénurie de médecins dans nos territoires, autant en zone urbaine que rurale. Alain Marc estime que les médecins retraités peuvent aussi être une ressource humaine à mobiliser, notamment dans certains territoires ruraux - il a totalement raison.

Deux sujets m'interpellent, au premier rang desquels la décentralisation. Monsieur Benarroche, si nous faisons le retour d'expérience des transferts de compétences et de l'accélération de la décentralisation, rares sont les agents qui se plaignent du transfert et de la revalorisation des emplois.

Ensuite, nous avons voté ici, en urgence, sous l'impulsion du Gouvernement, une simplification du cadre juridique applicable aux expérimentations locales. Je me lamente de constater que nous ne recourons pas suffisamment à l'expérimentation, qui est le meilleur des juges de paix. Il aurait été intéressant d'avoir un rapport sur le sujet qui nous occupe, mais l'expérimentation permet de détecter réellement les difficultés. On ne crée pas de concurrence entre les territoires. En cas de pénurie, la collectivité peut, pour s'attacher les services d'un médecin, redoubler de moyens par rapport à la commune limitrophe... C'est un risque, mais faisons cette expérimentation pour juger de sa pertinence.

M. Hussein Bourgi. - Lorsque l'on est confronté à un problème, on a deux solutions : soit se désespérer et ne rien faire, soit prendre des mesures structurelles. Nous avons enfin agi en modifiant le numerus clausus, mais il faudra attendre dix ans pour que cette mesure produise des effets. Certains préfèrent ne pas agir au prétexte qu'il ne faut pas toucher au statut, à la pratique, même si elle n'est pas satisfaisante.

Françoise Gatel a le mérite d'apporter une réponse à un problème que nous constatons tous, en tant que membres des conseils d'administration de collèges, de lycées, voire, comme moi, d'universités - la médecine préventive est dans une situation catastrophique dans l'enseignement supérieur.

Je suis inquiet pour l'avenir. Il nous appartient d'être vigilants : des communes de mon département, notamment les grandes communes riches, vont salarier des médecins et faire de la surenchère avec le versement de primes. Cela a commencé avec les policiers municipaux : certaines équipes municipales, pour les attirer, ont versé des primes de déménagement, des primes de nuit, de week-end, etc., qui se cumulent. Désormais, les médecins salariés par les communes réclament eux aussi une prime de déménagement pour aller dix kilomètres plus loin...

Je suis favorable au transfert de la compétence « médecine scolaire » par le département, mais l'ADF doit veiller à ce que les présidents de département évitent l'engrenage de la surenchère financière entre les départements. Elle doit avoir un rôle de régulateur.

M. André Reichardt. - Je remercie Françoise Gatel et François Bonhomme, et je m'inscris dans la droite ligne des interventions d'Olivier Bitz et Mathieu Darnaud.

J'ai déposé deux propositions de loi visant à transférer des compétences à la Collectivité européenne d'Alsace, qui est un « département plus ». Je n'ai pas eu l'heur de les voir inscrites à l'ordre du jour de nos travaux. J'espère que de nouvelles compétences seront transférées aux départements, a fortiori à la Collectivité européenne d'Alsace.

Monsieur le président, quel est périmètre de cette proposition de loi au titre de l'article 45 de la Constitution ? J'aimerais déposer quelques amendements afin de transférer davantage de compétences aux collectivités territoriales et de renforcer la cohérence des compétences exercées. Actuellement, les départements financent le revenu de solidarité active (RSA) et l'aide sociale. Il ne serait pas complètement fou de penser à leur transférer la formation professionnelle, voire des compétences économiques de proximité ; c'est en lien avec la mission gouvernementale conduite par Éric Woerth. Toutefois, je crains que la montagne n'accouche d'une souris. Il importe que le Sénat et l'Assemblée nationale se mobilisent sur cette question.

M. François Bonhomme, rapporteur. - Le Sénat a toujours défendu le recours aux expérimentations pour définir le bon niveau d'exercice d'une compétence.

Lors des auditions, notamment celle des infirmières scolaires, j'ai été surpris d'apprendre que le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), prévu par la loi 3DS, avait bien été publié, mais il ne nous avait pas été transmis...

Mme Audrey Linkenheld. - Pourrions-nous en disposer ?

M. François Bonhomme, rapporteur. - L'Igas craint a priori un démantèlement entre différents services - je le dis avec prudence, n'ayant pas encore lu l'intégralité de ce rapport.

En quoi le département serait-il plus efficace ?

Actuellement, la médecine scolaire est défaillante, et cette dégradation s'est accrue depuis la loi de 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, qui prévoyait trois visites médicales obligatoires à trois ans, six ans et douze ans.

Le personnel de santé scolaire est aussi affecté par cette situation : 45 % des postes de médecins scolaires ne sont pas pourvus. L'objet de cette proposition de loi n'est pas de corriger ce problème, qui est d'une autre nature.

L'auteur de cette proposition de loi prévoit une expérimentation dans un cadre légal existant, fixé par l'article 72 de la Constitution, révisé par la loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations locales. Ce cadre prévoit l'expérimentation, l'évaluation et éventuellement la généralisation du dispositif.

Monsieur Darnaud, la convention prévoira les conditions de fonctionnement entre autorité hiérarchique et autorité fonctionnelle. Une évaluation de l'expérimentation sera réalisée à mi-parcours ainsi que six mois avant la fin. Le cadre est donc bien formalisé.

Il y a une différence entre ce qui se passe entre les départements et ce qui se passe entre les communes, Monsieur Bourgi. Le problème tient surtout au recrutement des médecins scolaires. L'ampleur de l'enjeu est considérable, compte tenu des obligations de suivi des élèves, de signalement des handicaps et des troubles physiques ou physiques, de veille épidémiologique...

Le département est l'échelon adapté. La compétence « médecine scolaire » sera mieux exercée par les départements qui manifestent leur intention d'accepter cette expérimentation et d'y consacrer des moyens supplémentaires que par l'État, comme c'est le cas actuellement. Cela s'inscrit dans le droit fil de notre position sur les lois de décentralisation.

M. Christophe-André Frassa, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives au transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 19(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie20(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte21(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial22(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 13 mars 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 154 (2023-2024) visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives au transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Mme Françoise Gatel, Sénateur d'Ille-et-Vilaine, auteur de la proposition de loi

Ministère de l'éducation nationale

Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

M. Jean Hubac, chef du service de l'accompagnement des politiques éducatives

Assemblée des départements de France (ADF)

M. Philippe Gouet, président du département du Loir-et-Cher

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ministère de la santé et de la prévention

Direction générale de l'offre de soins (DGOS)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-154.html


* 1 Articles LO. 1113-1 à LO. 1113-7 du code général des collectivités territoriales.

* 2 Article L. 541-1 du code de l'éducation dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 3 Article L. 2112-2 du code de la santé publique.

* 4 Décret n° 91-1195 du 27 novembre 1991 portant dispositions statutaires applicables au corps des médecins de l'éducation nationale et à l'emploi de médecins de l'éducation nationale - conseiller technique.

* 5 Décret n° 2012-762 du 9 mai 2012 portant dispositions statutaires communes aux corps d'infirmiers de catégorie A des administrations de l'État.

* 6 Les infirmiers scolaires sont affectés prioritairement dans les établissements scolaires comportant un internat, des sections d'enseignement professionnel ou technologique, une section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) ou une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS), dans les établissements scolaires du réseau d'éducation prioritaire et de certaines zones rurales.

* 7 Décret n° 2017-1051 du 10 mai 2017 portant statut particulier du corps interministériel des assistants de service social des administrations de l'État.

* 8 Décret n° 2017-120 du 1er février 2017 portant dispositions statutaires relatives aux psychologues de l'éducation nationale.

* 9 Les services de médecine scolaire ont alors été rattachés aux directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS).

* 10 Le budget alloué à la médecine scolaire a augmenté de 5 % entre 2018 et 2022, pour s'établir à 1,3 milliard d'euros en 2022.

* 11 Cour des comptes, « Les médecins et les personnels de santé scolaire », avril 2020.

* 12 Défenseur des droits, « Santé mentale des enfants : le droit au bien-être », 2021.

* 13 Les postes d'infirmiers scolaires pourvus s'établissaient à 7 703,77 ETP au 31 octobre 2022.

* 14 Le taux d'encadrement correspond au nombre d'élèves suivis par un médecin de l'éducation nationale.

* 15 Cour des comptes, « Les médecins et les personnels de santé scolaire », avril 2020.

* 16 Ibid.

* 17 Loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales.

* 18 Béatrice Buguet-Degletagne, Stéphane Elshoud et Frédéric Thomas, Rapport au Parlement sur le devenir de la médecine scolaire et sur la politique de santé scolaire, juin 2022.

* 19 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 20 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 21 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 22 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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