B. VALIDER LE PRINCIPE DU DEGEL DU CORPS ÉLECTORAL TOUT EN ENCOURAGEANT LA RECHERCHE D'UN ACCORD GLOBAL ET PRÉSERVANT LE RÔLE DU PARLEMENT

1. Au plan local, le constat d'une absence de consensus local sur le projet de révision constitutionnelle comme sur le calendrier des négociations permettant d'aboutir à un accord global

Au regard des enjeux politiques et juridiques entourant ce texte, le Président de la commission des lois, François-Noël Buffet, a souhaité qu'une délégation pluraliste de la commission puisse se rendre en Nouvelle-Calédonie pour rencontrer l'ensemble des représentants des parties aux accords de Nouméa ainsi que les parlementaires, les maires et les autorités administratives et juridictionnelles concourant à l'organisation des scrutins et à l'établissement des listes électorales calédoniennes. Cette délégation, composée de François-Noël Buffet, Philippe Bas, Philippe Bonnecarrère et Corine Narassiguin, s'est rendue les 16 et 17 mars 2024 à Nouméa.

Le rapporteur a souhaité rappeler à l'ensemble des acteurs auditionnés que le Sénat était saisi d'un texte dont le calendrier comme le contenu résultaient d'une décision du Gouvernement sans concertation préalable avec le Parlement.

Les auditions conduites à Nouméa ont permis de confirmer deux constats :

- d'une part, il n'existe pas de consensus local sur le projet de texte inscrit à l'ordre du jour du Sénat par le Gouvernement ;

- d'autre part, les parties calédoniennes ne s'accordent pas sur le calendrier envisagé pour conclure un accord global tripartite avec l'État sur la situation politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie.

En premier lieu, l'ensemble des représentants indépendantistes rencontrés ont fait part de leur rejet de la méthode ayant présidé au dépôt du projet de loi constitutionnelle, considérant qu'au-delà des enjeux juridiques soulevés par le Gouvernement d'une rupture avec la voie du consensus ayant présidé à la conclusion des accords de Matignon-Oudinot puis de Nouméa, témoignant d'une démarche unilatérale du Gouvernement.

Ainsi, le président du Gouvernement, Louis Mapou s'est ému d'une démarche qu'il a qualifiée « d'infantilisante » pour les parties calédoniennes et singulièrement les partis indépendantistes. De façon analogue, Roch Wamytan, président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, a jugé que le Gouvernement faisait manifestement acte d'une « volonté de passage en force injustifiée et sur l'un des sujets les plus clivants dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie ». Enfin, le sénat coutumier s'est ému de ce choix gouvernemental estimant que celui-ci pouvait « mettre en péril une paix pourtant souhaitée par tous ».

En deuxième lieu, nombreux ont été les représentants des partis indépendantistes à souligner leur incompréhension quant au calendrier choisi par le Gouvernement pour le dépôt et l'examen du texte au regard de l'engagement de discussions locales entre indépendantistes et non-indépendantistes conduites sous deux formats différents, l'une avec Calédonie Ensemble, l'autre avec Les Loyalistes et Le Rassemblement.

Ainsi, Jean-Pierre Djaïwé, président du groupe UNI-Palika au congrès de la Nouvelle-Calédonie, a regretté qu'une « épée de Damoclès soit placée au-dessus de nos têtes par l'État alors que nous négocions localement ».

De la même manière, Robert Xowie, sénateur de la Nouvelle-Calédonie, s'est étonné qu'une « telle voie soit privilégiée sur celle d'un accord global pourtant possible par le chemin de la négociation ».

Parallèlement aux critiques quant à la méthode utilisée par le Gouvernement, plusieurs représentants des partis indépendantistes ont réaffirmé au rapporteur, en cohérence avec la position exprimée lors l'examen du projet de loi organique reportant les élections en février dernier, leur inquiétude sur les motivations de l'État pour justifier le dépôt du projet de loi constitutionnelle. Ainsi, Pierre-Chanel Tututgoro, président du groupe UC-FLNKS et Nationalistes au congrès de la Nouvelle-Calédonie, a indiqué au rapporteur que « la colonisation de peuplement ne s'était jamais arrêtée et allait s'amplifier » avec ce texte.

Enfin, plusieurs acteurs auditionnés ont fait part au rapporteur des risques induits par la méthode retenue par le Gouvernement. Ainsi, le président de l'Union Calédonienne, Daniel Goa a indiqué que ce projet, en ce qu'il « était porteur de la mort du peuple kanak, et porteur de risques importants pour la paix civile en Nouvelle-Calédonie ». Le président de l'association des maires de la Nouvelle-Calédonie, Florentin Dedane, s'en est, sur ce point, « remis au prochain congrès du FLNKS » prévu pour le week-end du 23 et 24 mars.

Loin d'être exposés par les seuls partis indépendantistes, ces risques ont également été soulignés par des acteurs non-indépendantistes. Ainsi, Philippe Dunoyer a estimé qu'il y'avait « de nombreuses raisons d'inquiétudes » et que « localement, la tension monte même s'il est difficile pour l'heure d'en voir des manifestations très concrètes ».

De son côté, l'Éveil Océanien, par la voix de Vaimu'a Muliava a rappelé que « même si le texte était voté et les élections organisées avant le 15 décembre 2024, il y a fort à craindre qu'un boycott soit organisé » et par conséquent, « qu'une remise en question de la paix civile suive ».

En troisième lieu, force est de constater que si l'ensemble des parties calédoniennes rencontrées se montrent ouvertes à un dialogue entre Calédoniens, ceux-ci ne s'accordent pas sur leur calendrier.

En effet, Jacque Lalié, président de la Province des Iles, a réaffirmé son souhait que « des négociations locales puissent aboutir et que les fils du dialogue soient maintenus ».

Si les représentants des Loyalistes et du Rassemblement rencontrés ont affirmé soutenir le projet de révision constitutionnelle, ils ont, plus encore, insisté sur la nécessité de son entrée en vigueur le plus tôt possible afin que le prochain scrutin provincial puisse être organisé au plus vite. À titre d'exemple, Sonia Backès, présidente de la province Sud, a indiqué « ne pas croire à la conclusion d'un accord dans un contexte électoral ». Rejointe sur ce point par Nicolas Metzdorf, député de la Nouvelle-Calédonie, ce dernier a indiqué au rapporteur que « seuls des élus avec une nouvelle légitimité démocratique pourraient conclure un accord global pour la Nouvelle-Calédonie ».

À l'inverse, Philippe Gomès, président de Calédonie Ensemble, a estimé qu'il est possible, en « desserrant la pression par un report du texte » d'aboutir à un accord global, souhaité par tous.

En quatrième lieu, les représentants des Loyalistes et du Rassemblement ont fait état de leur souhait de voir, à l'occasion de l'examen du projet de loi constitutionnelle, modifier la répartition des sièges des provinces au congrès de la Nouvelle-Calédonie, sur la base d'évolutions démographiques constatées depuis l'Accord de Nouméa. Regrettant ainsi le choix du Gouvernement d'avoir présenté un texte centré sur le seul corps électoral, Virginie Ruffenach a indiqué « qu'il était temps de rétablir une situation démocratique au congrès de la Nouvelle-Calédonie » appelant ainsi, aux côtés d'Alcide Ponga, à « rééquilibrer la répartition des sièges au profit de la province Sud au congrès » de la Nouvelle-Calédonie. De façon complémentaire, Georges Naturel, sénateur de la Nouvelle-Calédonie, a indiqué au rapporteur sa volonté de voir solutionner cette même question « afin de tenir compte des évolutions démographiques » ayant eu cours en Nouvelle-Calédonie depuis la signature de l'Accord de Nouméa en 1998, tout en appelant à « la tenue très rapidement d'élections provinciales pour renouveler le congrès ».

Enfin, en dernier lieu, au cours des auditions conduites à Nouméa par le rapporteur, les acteurs calédoniens de toute nature et indépendamment de toute orientation politique, loin de s'opposer sur les difficultés actuellement rencontrées par le Nouvelle-Calédonie, ont rappelé l'importance des défis auxquels devra répondre la Nouvelle-Calédonie à court, moyen et long terme. Il en va ainsi principalement de la crise économique et sociale actuelle résultant de la situation financière et industrielle particulièrement préoccupante des trois usines métallurgiques calédoniennes. Ainsi, Georges Naturel, sénateur de la Nouvelle-Calédonie, a rappelé au rapporteur que « le règlement d'un sujet institutionnel ne pourrait à lui seul suffire pour redresser durablement la Nouvelle-Calédonie » estimant que « la situation économique et sociale très dégradée devrait inciter chacun à trouver les voies et moyens de sa résolution ».

Au surplus, les acteurs économiques rencontrés ont confirmé rencontrer du fait de l'instabilité politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie des difficultés économiques prégnantes ayant pour conséquence une augmentation de près de 17% des liquidations judiciaires et de nombreux licenciements. À titre d'exemple, les représentants du secteur du bâtiment et des travaux publics ont indiqué qu'après avoir représenté près de 9 000 emplois en 2016, ce secteur ne dépassait pas aujourd'hui le seuil des 3 000 emplois ; soit une baisse nette de près de 6 000 emplois en moins de dix ans. La confédération NC Eco, lors de son audition, a ainsi affirmé qu'une accélération de la dégradation du climat des affaires et de la situation économique se faisait jour et appelé de ses voeux à une stabilisation institutionnelle rapide et durable afin d'y mettre un terme.

Auditionnés par le rapporteur, les dirigeants de la Société Le Nickel (SLN) ont, quant à eux, fait part de leur grande inquiétude de voir le ralentissement de la signature du « pacte nickel » induit par les difficultés à trouver un accord politique durable sur la situation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie.

D'un constat partagé, l'ensemble de représentants de l'association française des maires de la Nouvelle-Calédonie ont indiqué que les populations calédoniennes étaient « davantage préoccupées par la situation économique du pays qui induit des problèmes du quotidien que par la situation institutionnelle ».

2. Adopter, sur le principe, le passage d'un corps électoral « gelé » à un corps électoral restreint « glissant » tel que proposé par le Gouvernement

La commission des lois, à l'initiative du rapporteur Philippe Bas, propose d'adopter sous réserve de plusieurs modifications le projet de révision constitutionnelle proposé par le Gouvernement portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

Ainsi, elle valide, sur le principe, la suppression de toute référence dans la Constitution à un corps électoral gelé pour les élections provinciales et, en contrepartie, l'introduction d'un corps électoral restreint « glissant » pour ces mêmes élections.

D'un constat partagé avec le Conseil d'État, le rapporteur estime que la dérogation aux principes d'universalité et d'égalité du suffrage aujourd'hui induite par les règles résultant de l'Accord de Nouméa sont d'une rigueur telle qu'ils excluent du suffrage un nombre trop important de Calédoniens ayant un lien durable avec le territoire. C'est pourquoi, la commission des lois a approuvé le premier alinéa de l'article 1er du projet de loi en ce qu'il supprime définitivement la référence au tableau annexe de 1998, qui avait provoqué le « gel » du corps électoral, introduite par la révision constitutionnelle de 2007. Dès lors, la commission constate qu'il ne sera plus possible, à l'avenir, de rétablir le principe d'un corps électoral « gelé ».

Au surplus, la commission a constaté que l'ouverture « totale » du corps électoral - autrement dit l'application de la liste électorale générale - n'était ni souhaitable en Nouvelle-Calédonie ni souhaitée par les parties calédoniennes rencontrées.

La commission, a, dès lors, considéré que ce choix préservait les acquis des accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa sur le principe de restrictions au corps électoral.

Elle a, pour ce faire, favorablement accueilli les conditions d'admission au scrutin proposées par le Gouvernement à savoir, la participation de l'ensemble des électeurs inscrits sur la liste électorale générale de Nouvelle-Calédonie natifs ou domiciliés depuis au moins dix années sur le territoire calédonien.

Le rapporteur a ainsi considéré que ces conditions permettent indéniablement de garantir le lien direct avec la Nouvelle-Calédonie pour tout électeur aux scrutins provinciaux et du congrès, plus encore que par le passé. En effet, chacune des conditions proposées par le Gouvernement repose sur l'existence d'un lien fort, uniquement direct - par contraste avec le lien indirect de la présence d'un parent demeurant durablement en Nouvelle-Calédonie prévu par l'Accord de Nouméa -, avec la Nouvelle-Calédonie. Ce lien pouvant dès lors naître d'une domiciliation continue sur le territoire ou de la naissance.

En outre, le rapporteur relève que si des oppositions véhémentes se sont manifestées quant à la méthode retenue par le Gouvernement et au calendrier d'examen de ce texte au sein des partis indépendantistes, ceux-ci n'ont pas soulevé de difficulté principielle et indépassable quant aux conditions retenues par le Gouvernement. Il en va, en particulier, des natifs pour lesquels l'ensemble des parties calédoniennes s'accordent à souhaiter leur admission aux scrutins provinciaux et du congrès à l'avenir. Sur ce point, Georges Naturel, sénateur de la Nouvelle-Calédonie, a fait part de son souhait d'assouplir la condition de résidence pour les époux de Calédoniens.

Par ailleurs, la commission se félicite que de telles conditions permettent de résoudre des difficultés identifiées de longue date et unanimement par les acteurs calédoniens et soulignées par la mission de la commission des lois sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie dès juillet 202240(*).

En effet, l'adoption de ces conditions permettrait de résoudre les écarts entre le nombre d'inscriptions sur la liste électorale spéciale à la consultation et celle pour les élections provinciales, mais également le vide juridique entourant la situation des petits-enfants d'un électeur inscrit en 1998 sur la liste pour les élections provinciales, alors que celle des enfants des mêmes électeurs est prévue, comme la question des conjoints de Calédoniens qui ne disposent pas d'une faculté d'accéder au bénéfice de la citoyenneté calédonienne et de participer aux élections provinciales par leur mariage ou leur résidence.

Comme énoncé ci-avant, l'un des effets induits par le dégel du corps électoral applicable aux élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie est de rétablir l'équilibre prévu à la signature de l'accord de Nouméa entre les trois listes électorales, ce dont se félicite le rapporteur.

Enfin, l'une des avancées du projet de révision constitutionnelle serait de réintroduire de la cohérence et de la clarté dans les dispositions électorales applicables aujourd'hui parfois difficilement applicables et intelligibles.

Plus précisément, s'agissant des conditions cumulatives définies par le Gouvernement, le rapporteur constate que les acteurs judiciaires comme les équipes du Haut-Commissariat rencontrés et chargés d'établir les listes électorales ont considéré que celles-ci étaient définies avec une clarté et une précision suffisantes pour être facilement objectivables et démontrables - le lieu de naissance et la durée de domiciliation ininterrompue, sauf motifs légitimes - sur le territoire calédonien pendant au moins dix années.

Sur ce point, la commission rappelle qu'il convient d'établir des procédures simples et efficaces d'inscription sur les listes électorales sur la base de critères clairs et intelligibles pour tous afin de garantir l'adhésion la plus large aux choix politiques opérés et de rendre effectif l'exercice des droits des Calédoniens, qu'ils soient non-indépendantistes ou indépendantistes. Le rapporteur souligne à cet égard, qu'en 2018, il avait été nécessaire de procéder à des évolutions des procédures d'inscription sur les listes électorales référendaires, en particulier le recours à une inscription d'office sur les listes, face à la non-inscription de plusieurs milliers d'électeurs qui remplissaient pourtant les critères nécessaires à leur participation à ces scrutins41(*).

Dès lors, ces conditions permettant de rétablir clarté, équité et cohérence dans l'établissement des listes électorales, même restreintes pour les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie et d'ouvrir obligatoirement le corps électoral à l'avenir de manière glissante, la commission des lois a souhaité, à l'initiative du rapporteur, que ce dispositif soit validé.

3. Améliorer le projet de révision constitutionnelle en encourageant la recherche d'un accord global et préservant le rôle du Parlement pour sa mise en oeuvre

La commission s'est toutefois attachée, sur proposition du rapporteur, à améliorer le texte sur deux principaux points : d'une part, l'encouragement de la recherche d'un accord global et d'autre part, la préservation du rôle du Parlement.

a) Encourager la recherche d'un accord global jusqu'au prochain scrutin provincial

En premier lieu, la commission a souhaité, à l'initiative du rapporteur, rendre cette révision constitutionnelle subsidiaire jusqu'à une date très proche du scrutin provincial à un accord global sur l'avenir politique et institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

La commission propose, aux seules fins de permettre l'adoption de mesures organiques et réglementaires ainsi que la préparation effective du prochain scrutin provincial, de maintenir l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle au 1er juillet 2024. Ce faisant, elle a confirmé son souhait, déjà exprimé sur le projet de loi organique portant report des élections provinciales, de maintenir la date des élections aux assemblées de Province et au Congrès, au plus tard le 15 décembre 2024, sauf intervention d'un accord global tripartite.

Toutefois, elle a parallèlement, par l'adoption d'un amendement n° 6 du rapporteur, introduit un mécanisme permettant de suspendre le processus électoral (reporter la date des élections et l'effet des dispositions dégelant le corps électoral) à tout moment en cas d'accord global entre les parties, et ce, y compris après cette date jusqu'à dix jours avant la tenue du prochain scrutin provincial. Elle propose ainsi d'allonger les délais de négociation envisagés par le projet de loi constitutionnelle, qui s'arrêtent au 1er juillet 2024 dans sa rédaction initiale, considérant que la priorité doit être donnée à un accord global, y compris à l'approche du scrutin provincial.

La commission a souhaité, après avoir validé la suppression définitive de toute référence à un corps électoral gelé dans la Constitution - empêchant par conséquent son rétablissement - qu'un corps électoral restreint glissant soit appliqué dès le scrutin provincial et du congrès de 2024 et, permettre de reconduire, à l'avenir pour les prochains scrutins, les critères d'admission au scrutin ainsi votés par l'adoption d'une simple loi organique à défaut d'un accord global qu'elle appelle de ses voeux, lui seul garantissant l'avenir de la Nouvelle-Calédonie par la prise en compte des attentes de tous les Calédoniens, quelle que soit leur origine (amendement n° 4 du rapporteur).

Enfin, elle a proposé, à l'initiative du rapporteur et par l'adoption d'un amendement n° 8, de préciser le contenu de l'accord sur l'évolution politique et institutionnel devant être conclu dans le cadre des discussions prévues par l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 entre les partenaires de cet accord, en précisant qu'il devait assurer à tous les citoyens de Nouvelle-Calédonie un « destin commun ».

b) Rejeter le choix discutable d'un contournement du Parlement sur le dossier calédonien

En second lieu, la commission a porté une attention particulière à la garantie des droits du Parlement, en évitant tout contournement injustifié par l'exécutif sur le dossier calédonien.

Elle a ainsi proposé la suppression des deux habilitations du pouvoir réglementaire à prendre des dispositions de niveau organique pour reporter les élections et pour organiser le prochain scrutin provincial par décret en Conseil d'État pris en conseil des ministres.

Soucieux d'éviter tout contournement du Parlement dans la définition des mesures nécessaires à l'organisation d'un scrutin local, le rapporteur constate sur ce point que des amendements identiques des sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont été déposés, illustrant le caractère transpartisan de la volonté du Parlement de ne pas être écarté du dossier calédonien.

Conscient des délais procéduraux particuliers enserrant l'examen d'un projet ou d'une proposition de loi organique, le rapporteur propose en conséquence de déroger à ceux-ci au profit des délais applicables aux lois ordinaires afin d'en faciliter et d'en accélérer l'adoption. Ainsi, il tient compte de la nécessité de prendre l'ensemble des mesures nécessaires à l'organisation du premier scrutin dans un délai permettant une révision complémentaire de la liste électorale et l'exercice effectif d'un droit de recours pour les inscriptions sur celle-ci avant la tenue du scrutin, aujourd'hui prévue au plus tard au 15 décembre 2024.

De façon analogue, la commission n'a pas souhaité confier au Conseil constitutionnel le constat de la conclusion d'un accord tripartite sur le dossier calédonien, qu'il appartient au seul Parlement de reconnaître (amendement n° 7). Une telle disposition permettrait de garantir l'indépendance de l'autorité chargée de constater un tel accord - le Parlement n'étant pas partie à celui-ci - dont la survenance conditionne l'entrée en vigueur des dispositions constitutionnelles sans pour autant contourner le Parlement. De façon analogue, un amendement identique des sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a été déposé, soulignant une volonté partagée en la matière.

La commission a, en dernier lieu, souhaitée, par l'adoption de deux amendements nos 4 et 5 du rapporteur que le congrès de la Nouvelle-Calédonie soit consulté pour avis sur l'ensemble des dispositions organiques prises pour l'application de ces dispositions constitutionnelles nouvelles pour préciser les restrictions au corps électoral appliquées aux scrutins provinciaux et du congrès de la Nouvelle-Calédonie et prolonger l'application des conditions du « dégel » du corps électoral après 2024.


* 40 Pour plus de précisions, voir développement partie II 3.

* 41 Voir l'article 1er de la loi organique n° 2018-280 du 19 avril 2018 relative à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

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