PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à organiser au profit des collectivités locales les modalités

d'une assistance juridique du Sénat dans le cadre de sa mission

de contrôle de l'application des lois

Article unique

Le Règlement du Sénat est complété, in fine, par un nouvel article ainsi rédigé ;

« Art. 111. - Une délégation constituée au sein du Bureau du Sénat peut, à la demande d'une collectivité locale transmise par un sénateur à l'occasion d'un contrôle de légalité, décider qu'un avis juridique concernant l'application de la loi puisse être fourni, par l'intermédiaire de ce sénateur, à la collectivité locale intéressée. ».

ANNEXE

AUTOUR DU RAPPORT ANNUEL PUBLIC

DU CONSEIL D'ÉTAT

« Trop de lois tue la loi ». Cet adage des Conventionnels nous amène aujourd'hui à cette « insécurité juridique » et au récent rapport présenté par le Conseil d'État au Président de la République.

Cette inflation normative est aggravée par le trop-plein de textes d'affichage qui entraînent selon la formule du rapporteur « un droit mou, un droit flou ».

Comment une petite collectivité, commune voire même un département pourraient-ils avoir la capacité de s'y retrouver dans le maquis de textes quelquefois contradictoires, qu'on en juge :

RAPPORT PUBLIC 1991

DU CONSEIL D'ÉTAT (Extraits)

"...L'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme fait de la sûreté « un droit naturel et imprescriptible » du citoyen. La Cour de Justice des Communautés Européennes a érigé la « sécurité juridique » en principe général du droit. Plus récemment, la Cour Constitutionnelle allemande, statuant en matière fiscale, a rappelé que l'État de droit implique le respect du principe de sécurité juridique, lequel suppose une certaine stabilité des lois et des situations qu'elles définissent.

"La surproduction normative, l'inflation des prescriptions et des règles ne sont pas des chimères mais une réalité.

"Le gouvernement en est tellement conscient que plusieurs Premiers ministres s'en sont émus. Dans une circulaire du 15 juin 1987, un Premier ministre constatait : « le volume global des textes normatifs composant notre ordonnancement juridique connaît un accroissement continu ; ce phénomène dont les conséquences négatives sont bien connues doit être maîtrisé, et l'excès de réglementation, combattu ».

"Le Conseil d'État est malheureusement obligé de constater que ces excellentes recommandations n'ont pas produit les effets escomptés. Il observe que le nombre des textes dont ses sections administratives ont été saisies pour avis est encore en augmentation par rapport à 1990 : 118 projets de lois ou d'ordonnances, 680 projets de décrets réglementaires.

" Il ne s'agit, bien entendu, que des décrets dits « en Conseil d'État » ou « après avis du Conseil d'État », le nombre total des décrets réglementaires numérotés oscillant, selon les années, entre 1200 et 1500.

"Surtout, les quelques chiffres cités plus haut ne traduisent que très imparfaitement la montée de « la marée normative » : au nombre des lois et décrets réglementaires, il convient en effet d'ajouter la masse énorme que constituent les arrêtés ministériels, préfectoraux ou municipaux, les décisions réglementaires des « autorités administratives indépendantes » les circulaires et instructions émanant tant du pouvoir central que des autorités décentralisées, enfin le flux considérable de règlements engendrés par les institutions européennes ; par ailleurs, c'est moins au nombre des textes qu'à leur volume qu'il faut s'attacher pour obtenir une juste évaluation de la « poussée normative » actuelle.

"Si nous mesurons assez bien, en effet, le flux (cf. supra) et le stock législatifs (environ 7 500 lois applicables, sans compter les lois de codification, les lois purement modificatives, et les lois portant approbation de traités et conventions internationales, lesquelles font néanmoins entrer des centaines d'articles dans le droit interne), nous ne connaissons pas de manière aussi précise les stocks et flux des règlements ou instructions de toute nature.

"On peut partir du stock législatif connu pour évaluer le stock des règlements : on arriverait par cette méthode à un chiffre moyen d'environ 80 à 90 000 textes réglementaires. Cette évaluation semble corroborée par une étude réalisée, à la demande du Conseil d'État, sur la base « Lex » du Secrétariat Général du Gouvernement : si l'on retire de la masse des décrets publiés au Journal Officiel les décrets abrogés et les décrets individuels, on parvient au chiffre de 82 000 décrets réglementaires en vigueur. Par ailleurs, une analyse menée en 1985 par la Section du rapport et des études du Conseil d'État a établi que les seules autorités centrales émettent chaque année 10 à 15 000 circulaires, lesquelles sont généralement relayées à deux ou trois niveaux successifs par des circulaires des autorités déconcentrées.

"À ces chiffres, il convient bien sûr d'ajouter la « production » des institutions européennes : selon la banque de données de la Communauté Économique Européenne, « Célex », il y aurait actuellement plus de 21 000 règlements applicables dans la Communauté, compte non tenu des directives reprises dans la législation et la réglementation interne (lesquelles ont, en 1991, et selon les calculs effectués au Conseil d'État, représenté 10 % environ des projets de lois et de décrets présentés aux sections administratives).

"Ce phénomène, qui fait que, selon l'expression du Professeur Carbonnier, « l'inflation se grossit de l'enflure », n'est pas propre aux normes subalternes (arrêtés, circulaires et avis), il touche aussi des normes plus élevées dans la hiérarchie juridique : les lois et les décrets.

"Les effets d'une telle logorrhée législative et réglementaire sont aisément quantifiables : le volume du Journal officiel a plus que doublé, toutes choses égales d'ailleurs, entre 1976 et 1990, passant de 7 070 pages à 17 141.

"Les faits étant ainsi établis, est-il bien utile de s'attarder sur leurs conséquences ? Qui dit inflation dit dévalorisation : quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite.

"Pire, la multiplication des normes, leurs raffinements byzantins, l'impossibilité où l'on se trouve de pénétrer leurs couches de sédiments successifs, engendrent un sentiment d'angoisse diffuse ; le droit n `apparaît plus comme une protection mais comme une menace.

"Et le Conseil d'État s'interroge : cette effervescence normative semble s'aggraver chaque fois qu'il y a cloisonnement entre les services qui font les textes et ceux qui les appliquent ; les administrations centrales éloignées de leurs services extérieurs, les directions de la législation coupées des corps techniques ou des corps de contrôle, semblent plus enclines que d'autres à « remettre l'ouvrage sur le métier » : pourquoi se soucieraient-elles des inconvénients pratiques d'une modification qu'elles n'auront pas à mettre en oeuvre ?

"Enfin, un nombre croissant d'articles figurant dans ces lois « fourre-tout » n'est soumis ni au Conseil d'État ni même, souvent, aux commissions parlementaires compétentes ; il s'agit de dispositions hétéroclites issues d'amendements de dernière minute : ces amendements qui n'ont parfois qu'un lointain rapport avec la matière traitée - mais quelle est la matière traitée ? - sont généralement d'origine gouvernementale, directe ou indirecte : 60 % des articles introduits dans la DDOS du 31 décembre 1991 en court-circuitant le Conseil d'État émanaient directement du gouvernement... "

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