II. UN SYSTÈME INSTITUTIONNEL DE CONTRÔLE QUI A FAIT LES PREUVES DE SON EFFICACITÉ

Le système de contrôle du respect, par les Etats parties, des obligations contenues dans la Convention européenne des droits de l'homme est -avec la Convention américaine- le seul qui prévoit une procédure de décisions juridictionnelles à caractère obligatoire. Ce système met en jeu trois instances : la Commission, la Cour, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. La procédure prévue comprend trois phases : l'examen de la recevabilité de la requête, la procédure de règlement amiable et la décision finale au fond.

A. LES TROIS INSTANCES DU CONTRÔLE

1. La Commission

Organe collégial indépendant, elle est composée d'autant de membres que d'Etats parties à la convention. Ses membres sont élus pour six ans -et rééligibles-, par le Comité des Ministres à la majorité absolue, sur une liste de noms établie par le Bureau de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe. Les membres de la Commission siègent à titre individuel.

2. La Cour

Elle est composée d'un nombre de juges égal à celui des membres du Conseil de l'Europe -et non au nombre des parties à la convention comme pour la Commission-. Ils sont élus (et rééligibles) pour 9 ans avec renouvellement partiel triennal, par l'Assemblée consultative, à la majorité des voix, sur une liste présentée par les membres du Conseil de l'Europe. La Cour ne peut comprendre plus d'un ressortissant d'un même Etat.

L'indépendance de cette instance est assurée par les immunités dont bénéficient les juges, les qualifications requises d'eux et les incompatibilités prévues par la convention. Elle statue à la majorité.

Le protocole n° 2 a attribué à la Cour la compétence de donner des avis consultatifs. Il n'a toutefois à ce jour jamais été appliqué.

3. Le Comité des Ministres

Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe est un organe intergouvernemental comprenant un représentant de chaque Etat membre. On notera que, jusqu'à l'entrée en vigueur du protocole n° 11, il peut intervenir dans le processus décisionnel alors même que certains Etats membres du Conseil de l'Europe ne sont pas parties à la Convention. Il est enfin chargé de surveiller l'exécution des arrêts de la Cour (article 54).

B. LES TROIS PHASES DE LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE

Les deux premières phases de la procédure concernent l'examen de la recevabilité de la requête et la procédure de conciliation en vue d'un règlement amiable. Ces deux phases se déroulent devant la Commission.

1. La recevabilité des requêtes

Les articles 24 et 25 de la convention prévoient que la Commission peut être saisie par toute partie contractante (art. 24) ou par toute personne physique, toute organisation gouvernementale ou tout groupe de particuliers (art. 25), qui se prétend victime d'une violation par l'une des parties des droits reconnus dans la convention.

Elle constitue, pour assurer le filtrage des requêtes, des comités de trois membres qui peuvent décider, à l'unanimité, de l'irrecevabilité de la requête. La Commission peut éventuellement statuer à nouveau, à la majorité des deux-tiers, sur la décision de recevabilité prise par le Comité.

Les critères de recevabilité sont particulièrement nombreux en ce qui concerne les requêtes individuelles : le droit violé doit être l'un de ceux reconnus par la convention et elle doit concerner un Etat qui a reconnu la compétence de la Commission -clause d'acceptation facultative-.

De plus, la requête doit ne pas être anonyme, ne pas être identique "essentiellement" à une requête précédemment examinée ou déjà soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement (ne bis in idem) ; ne pas être incompatible avec les dispositions de la convention, mal fondée ou abusive.

Ceci vaut pour les requêtes individuelles. Celles-ci, comme les requêtes des Etats, ne sont recevables par ailleurs qu'après épuisement des voies de recours internes et après écoulement d'un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive.

2. Le règlement amiable

C'est à la Commission qu'incombe également le rôle d'engager les parties à la conclusion d'un règlement amiable. Au préalable, pour l'établissement des faits, elle procède à un examen contradictoire de la requête et peut procéder à une enquête. Si un règlement amiable est conclu, elle rédige un rapport remis aux Etats concernés, au Comité des Ministres et au Secrétaire général du Conseil de l'Europe, afin d'être publié. Dans le cas contraire, la Commission rédige également un rapport où elle relève les éventuelles violations des droits par l'Etat intéressé ; l'avis ainsi émis n'a pas le caractère d'une décision judiciaire. Transmis au Comité des Ministres et aux parties concernées, il ne peut être publié.

3. La décision au fond

A ce stade de la procédure, soit après échec du règlement amiable, deux possibilités sont ouvertes dans le délai de trois mois qui suit la remise du rapport de la Commission au Comité des ministres.

- la Cour peut être saisie soit par la Commision, soit par l'Etat partie dont la victime est le ressortissant, soit par l'Etat qui a saisi la Commission, soit par un Etat partie mis en cause. Le protocole n° 9, entré en vigueur en septembre 1994, a élargi cette faculté de saisine au requérant individuel, ce qui n'était pas possible auparavant. En réalité, l'entrée en vigueur du protocole n° 11 rendra obsolète le protocole n° 9, tout en préservant cet apport essentiel de la possibilité de saisine de la Cour par le requérant individuel. Le jugement de la Cour, qui a un caractère définitif et obligatoire, impose à l'Etat une obligation de résultat pour se mettre en conformité avec la convention en lui laissant le choix des moyens. Si le résultat attendu ne paraît pas répondre au dommage subi, elle peut accorder, sous forme indemnitaire, une satisfaction équitable à la partie lésée.

- Si la Cour n'est pas saisie, c'est au Comité des Ministres qu'il reviendra de décider, par un vote à la majorité des deux-tiers, sur la question de savoir s'il y a eu ou non violation de la convention. S'il admet qu'il y a eu violation, le Comité des Ministres fixe un délai pour que l'Etat en cause se mette en conformité avec cette décision.

Cette intervention d'un organe politique, paradoxale dans le cadre d'une procédure juridictionnelle, disparaîtra dans le cadre de la réforme proposée par le protocole n° 11.

Cela étant, en saisissant la Cour aussi souvent que possible, la Commission a su conserver, de bout en bout, un caractère judiciaire au processus.

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