II. LA CONTRAINTE DES TAUX D'INTÉRÊT

Le niveau des taux d'intérêt est un déterminant important de l'équilibre budgétaire. Côté recettes, il a une influence sur la croissance économique et donc sur les rentrées fiscales. Côté dépenses, il a une influence sur le niveau de la charge de la dette et sur le coût de dépenses qui dépendent directement du taux d'intérêt, telles que les bonifications d'emprunt.

A. L'ÉVOLUTION RÉCENTE DES COURBES DE TAUX D'INTÉRÊT

Depuis le début de 1995, l'évolution des taux d'intérêt des titres libellés en francs a été très différente selon que l'on se place sur le segment court ou sur le segment long des échéances.

Sur une tendance globalement stable, voire légèrement baissière dans le sillage des taux allemands, les taux à court terme ont subi deux périodes de relèvement brutal suivies de décrues lentes, en février/mars et en septembre/octobre.

Les taux à long terme ont connu une décrue modérée mais continue, qui a vu le rendement des emprunts d'État à dix ans passer d'un niveau de 8 % en janvier à 7,3 % à la fin octobre. A cet égard l'année 1995 n'aura pas été l'antithèse de 1994, qui avait vu les taux à long terme s'envoler d'un niveau inférieur à 6 % pour atteindre 8 % en fin d'année.

Cette différence de comportement des rendements provient d'une relative indépendance des facteurs déterminant les taux d'intérêt selon les différentes durées.

Les taux d'intérêt à court terme

Les taux d'intérêt à court terme sont directement influencés par les décisions de la Banque de France sur les taux directeurs. Ces décisions dépendent elles-mêmes de la nécessité de maintenir la parité du franc vis-à-vis du deutschemark. C'est ce qui explique le caractère heurté de l'évolution récente des taux français. Elle contraste avec celle, beaucoup plus continue, des taux des autres principales devises : ces dernières ne subissent pas de contrainte de taux de change.

L'année 1995 a ainsi connu deux crises de change qui se sont immédiatement répercutées sur le franc, qui n'a pourtant jamais été directement en cause. Ces deux crises ont entraîné les deux relèvements brutaux qui s'observent sur la courbe ci-dessus.

La première, qui s'est déroulée de fin janvier à fin mars, a vu le dollar faiblir considérablement à cause d'une nouvelle crise de paiements au Mexique - un des principaux partenaires des États-Unis - et des déficits persistants voire aggravés, des finances publiques et des transactions courantes américains. L'attitude des cambistes a consisté à se reporter sur les placements en deutschemark. La devise allemande s'est appréciée contre toutes devises, particulièrement les devises les plus faibles du SME, l'escudo et la peseta, qui durent être dévaluées respectivement de 3,5 % et 7 % le 6 mars. Alors que le dollar continuait de baisser jusqu'aux alentours de 1,40 dollar par deutschemark, le franc n'était pas épargné et baissait jusqu'à 3,58 pour un deutschemark le 7 mars.

Ce contrecoup d'une situation à laquelle la tenue du franc lui-même était étrangère contraignait la Banque de France à suspendre le 8 mars son guichet des pensions de cinq à dix jours (alors à 6.4 %) pour ouvrir un guichet à 24 heures au taux de 10 %. Cette méthode désormais classique est destinée à renchérir le coût de la spéculation qui se finance par emprunts à court terme en francs. Dès le 7 avril la Banque de France ramenait ce taux à 7,75 %, niais la décrue ne devait être que très progressive.

La seconde crise de change a débuté récemment vers la mi-octobre suivant un scénario analogue à la première. Le dollar a ainsi chuté de 1,48 pour un deutschemark vers la mi-septembre à 1,38 pour un deutschemark à la mi-octobre. La préférence des investisseurs internationaux pour le deutschemark (et accessoirement le franc suisse) peut s'expliquer par les caractéristiques moins attractives du yen : le taux d'escompte de la banque du Japon a été ramené le 9 septembre à 0,5 %, et l'archipel connaît un marasme persistant. Le deutschemark reste au contraire rémunérateur dans une économie en croissance.

L'appréciation de la monnaie allemande a entraîné à nouveau l'affaiblissement du franc, (3,54 F pour un deutschemark le 9 octobre). La Banque de France, qui avait pu rétablir les pensions de cinq à dix jours le 22 juin et en réduire le taux jusqu'à 6,15 % le 31 août fut contrainte de remettre en place un dispositif de crise en fermant le guichet des pensions de cinq à dix jours le 6 octobre et en relevant le taux des pensions à 24 heures à 7.25 % le 9 octobre. Avec la résorption progressive de la crise, le taux des pensions à 24 heures put être ramené à 6,60 % le 2 novembre, puis à 6,10 % le 16 (sur 5 à 10 jours).

Les taux d'intérêt à long terme

Le marché des échéances longues n'est influencé directement ni par la Banque de France, ni par la situation des parités au sein du système monétaire international.

Dans la période récente, on a pu observer que l'ensemble des taux à long terme européen subissait les effets de la politique monétaire américaine. Cela fut particulièrement sensible en 1994 : les marchés obligataires européens avaient alors surréagi aux sept relèvements successifs du taux d'objectif des fonds fédéraux à partir de février 1994. Le relèvement des taux directeurs mettait fin à quatre ans de politique monétaire expansionniste.

La stabilisation du niveau des taux à court terme américains autour de 6 % (contre 3 % début 1994) à partir de janvier 1995 et jusqu'à maintenant 6 ( * ) a autorisé une détente modérée des taux à long terme en Europe et notamment en France. L'Europe a ainsi bénéficié du ralentissement de la conjoncture aux États-Unis.

* 6 Le taux au jour le jour américain s'est maintenu à 6% de mars à juin avant de descendre jusqu'à 5,7% en août.

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