III. L'ALLEMAGNE ET L'ITALIE AU RENDEZ-VOUS DE 1998 ?

L'Allemagne apparaît en bonne position pour entrer dans l'Union économique et monétaire.

ï En 1989, l'Allemagne a choisi de financer la réunification par l'endettement au prix d'une aggravation du déficit public consolidé, qui est passé de 1989 à 1993 de 0,4 % à 5,4 % du PIB et de l'accroissement de la charge de la dette. L'Allemagne est devenue emprunteuse nette sur le marché international des capitaux

ï Deux programmes vigoureux de consolidation ont permis de ramener le pourcentage du déficit du secteur public, au sens large, de 4 % du PIB en 1994 à 2,3 % en 1995 et 2,2 % en 1996, permettant ainsi à l'Allemagne de répondre dès cette année aux critères posés par le Traité de Maastricht.

En outre, les reprises de dette des divers fonds créés pour financer la réunification ont contribué à une nette augmentation du ratio de la dette publique rapportée au PIB, qui est passé de 51,4 % à 60,3 % de 1994 à 1995. Au total, le stock de la dette publique aura doublé de 1989 à 1995, passant de 920 milliards de DM à 2100 milliards. La réduction globale des déficits devrait cependant permettre de stabiliser ce ratio à 59,6 % en 1996 et à moins de 58 % du PIB au delà de 1996.

L'Italie se trouve, en revanche, dans une situation très critique au regard des critères de Maastricht.

Le déficit de l'État devait être ramené de 9,9 % du PIB, en 1993 (472 milliards de francs 14 ( * ) ), à 8,7 % du PIB (496 milliards de francs 15 ( * ) ), en 1994 mais le déficit réel s'est finalement élevé, à 10,6 % du PIB, soit 627 milliards de francs. En 1995, le budget adopté a ramené le déficit de l'État à 8 % du PIB, environ 425 milliards de francs, alors que le déficit tendanciel qui aurait été obtenu en l'absence de mesures de redressement aurait pu atteindre 10,8 % du PIB. L'exécution de ce budget de 1995 devrait toutefois se traduire par un dépassement des objectifs prévus en matière de déficit. L'OCDE table donc, pour 1996 et les années suivantes, pour un rythme d'assainissement des finances publiques plus lent que prévu. Le besoin d'emprunt des administrations publiques devrait baisser très légèrement pour s'établir à 9 % du PIB en 1995 et tomber à 7 3 / 4 % en 1996.

Ce déficit masque toutefois un solde primaire en excédent, de 4 % du PIB en 1993, 1 % en 1994, 3,4 % en 1995 et prévu à 4,2 % en 1996.

Pour 1996, la présentation des données budgétaires n'est pas, en Italie, d'une transparence évidente. Cette situation n'est sans doute pas sans lien avec le débat lancé par l'Allemagne, sur la capacité de l'Italie à répondre aux critères de Maastricht et à réintégrer le SME.

En effet, si l'on prend les chiffres officiellement communiqués dans le « Document de programmation économique et financière », qui permet d'établir le déficit du secteur d'État, le besoin de financement programmé pour 1996 de l'État italien s'élève à 109 400 milliards de lires (environ 337 milliards de francs) et le service de la dette à 189 400 milliards de lires (environ 580 milliards de francs).

En revanche, le déficit du budget de l'État, tel qu'on peut -difficilement- le relever dans un « cadre de synthèse », (document n° 2156 du Sénat italien, p. 119) fait apparaître les données relatives à l'exercice 1996 (« competenza 1996 ») intégrant les services votés et l'ajustement supplémentaire (« manovra »). D'après ce document, le solde net à financer s'élèvera en 1996 à 148 000 milliards de lires, soit environ 450 milliards de francs 16 ( * ) , le service de la dette étant établi à 201 000 milliards de lires, soit 615 milliards de francs.

En outre, et malgré ces intentions d'assainissement et de rigueur, la dette publique italienne s'est aggravée. Elle a doublé entre 1987 et 1993, en passant de 910,5 billions de lires à 1 862,9 billions (environ 5 700 milliards de francs). Elle a atteint en 1994 2 039 billions (environ 7 014 milliards de francs). En 1993, le ratio dette/PIB a augmenté de 6 points pour s'établir à 120 %. Il devrait baisser d'un point symbolique en 1995, et être ainsi ramené de 124,27 % en 1994 à 123,84 %, en 1995, mais le dérapage dans l'exécution de la loi de finances de 1995 rend cette baisse incertaine.

A. LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES DE L'ALLEMAGNE

1. Une réunification à crédit

En 1989, l'Allemagne a choisi de financer la réunification par l'endettement. Il s'en est suivi une aggravation du déficit public consolidé, qui est passé de 1989 à 1993 de 0,4 % à 5,4 % du PIB et de la charge de la dette, l'Allemagne devenant emprunteuse nette sur le marché international des capitaux. Par ailleurs, la « lisibilité » des finances publiques allemandes, de nature complexe par le caractère fédéral de l'État, a été considérablement amoindrie et l'existence de nombreux budgets annexes a rendu les comptes publics allemands opaques.

Évolution de l'endettement allemand

2. Une atmosphère « d'Union Nationale »

L'effort s'est donc porté, depuis 1993, sur la diminution de l'endettement de l'État et la consolidation des comptes publics. Ces nouvelles orientations fiscales ont été décidées à la suite de négociations menées à Bonn du 11 au 13 mars 1993 et traduites dans un Pacte de solidarité conclu entre le gouvernement fédéral, dominé par la coalition CDU-FDP, et les Länder, en majorité gouvernés par les sociaux-démocrates, et tendant au rééquilibrage des financements publics. Pour inverser la tendance à la dégradation des finances de l'État, un premier Programme fédéral de consolidation de 1993 s'est avéré rapidement insuffisant et a été suivi du Programme d'économie, de consolidation et de croissance de 1994.

3. Une ambition à méditer

L'objectif du gouvernement fédéral est de ramener la part des dépenses publiques dans le PIB à son niveau d'avant la réunification d'ici l'an 2000. Ce ratio est passé d'un peu moins de 46 % en 1989 à 50 % en 1994 et 57,6 % en 1995, en raison de la remise en ordre des comptes publics. Pour atteindre cet objectif, il est prévu de réduire les dépenses publiques en 11998 d'un montant équivalent à 4% du PIB, afin d'alléger la charge fiscale, tout en maintenant le déficit budgétaire à peu près stable autour de 2 %.

4. Un financement original des collectivités locales

Depuis le 1er janvier 1995, les règles transitoires mises en oeuvre pour la réunification se sont achevées et les aides financières aux nouveaux Länder versées jusqu'à présent par le biais du Fonds de l'Unité ont disparu. Les nouveaux Länder sont désormais intégrés à la constitution financière fédérale, c'est à dire au processus de péréquation financière global. Aux termes du Pacte de solidarité, l'État fédéral a obtenu 20 milliards de DM d'impôts supplémentaires mais céderait 7 % du produit de la TVA aux Länder, dont la part passerait de 37 à 44 %, cette augmentation de ressources étant affectée dans sa quasi-totalité aux nouveaux Länder.

5. La reprise des dettes parapubliques

Le Pacte de solidarité se traduit également par l'intégration au sein de la dette publique fédérale des différents fonds créés pour financer la reconstruction économique des Länder de l'Est. Un Fonds des dettes héritées prend désormais en charge les dettes de la Treuhandanstalt, créée pour mener à bien les privatisations, et liquidée depuis le 1er janvier 1995, celles du Fonds de crédit, regroupant les dettes de l'ex-RDA, ainsi qu'une partie des dettes du secteur public du logement de l'Allemagne orientale. Il sera alimenté par des transferts de l'administration fédérale d'un montant annuel équivalent à 7,5 % de l'encours de la dette, estimée en 1995 à 346 milliards de DM, et par les bénéfices de la Bundesbank. Outre ce fonds, l'administration fédérale prend également en charge la dette et le service de la dette du Fonds des chemins de fer et du Fonds ERP, qui accorde des crédits bonifiés en faveur des petites entreprises et des investissements d'infrastructures, principalement dans les Länder de l'Est. Le service de la dette du Fonds pour l'Unité est pour sa part, réparti entre l'administration fédérale et les anciens Länder, qui en assurent 3/4 des versements. Ces quatre fonds représentent, fin 1995, 550 milliards de DM de dettes et 26 milliards pour le service de la dette pour la seule année 1995.

6. L'art de présenter les comptes publics

Le critère de Maastricht portant sur un déficit de 3% du PIB fait en effet référence à la comptabilité nationale. Or, les résultats de la comptabilité budgétaire et ceux de la comptabilité nationale diffèrent fortement en Allemagne. Ainsi, le déficit en termes de comptabilité nationale se montait-il, en 1993, à 101 milliards de DM, correspondant à 3,3 % du PIB, soit 30 milliards de moins que selon les statistiques financières. De manière générale, on estime que la différence entre les deux définitions avoisine les 1 % du PIB. La décision de retenir, pour les critères de Maastricht, l'optique de la comptabilité nationale a été qualifié par la Bundesbank de « choix en faveur d'une morale financière plus relâchée ».

De même, les soldes financiers du secteur public calculés par l'OCDE excluent des transferts de capitaux le rachat par l'administration fédérale des dettes de la Treuhandanstalt (d'un montant de 230 milliards de DM) et celles du secteur public du logement en Allemagne orientale (30 milliards de DM) : si ces éléments étaient pris en compte, le déficit de l'ensemble des administrations publiques représenterait entre 9 et 10 % du PIB pour 1995.

En outre, les reprises de dette ont contribué à une nette augmentation du ratio de la dette publique rapportée au PIB, qui est passé de 51,4 % à 60,3 % de 1994 à 1995. Au total, le stock de la dette publique aura doublé de 1989 à 1995, passant de 920 milliards de DM à 2100 milliards. La réduction globale des déficits devrait cependant permettre de stabiliser ce ratio à 59,6 % en 1996 et à moins de 58 % du PIB au delà de 1996.

7. Moins de dépenses mais aussi plus de dettes

Après deux ans de stabilité en 1994 et 1995 (respectivement -50,6 et -49,2 milliards de DM), le déficit de l'administration fédérale devrait augmenter fortement en 1996 (-60 milliards). Ce déficit représente une part croissante de celui des autorités territoriales (44 % en 1994, 51,9 % en 1995, 57,7 % en 1996).

Pour l'exercice budgétaire 1995, le financement de la réunification par l'endettement s'étant avéré insuffisant, une surtaxe de solidarité de 7 1/2 % en sus de l'impôt sur le revenu -très brièvement introduite au début de la réunification- a été rétablie le 1er janvier 1995. Elle devrait rapporter 28,5 milliards de DM. Le taux de l'impôt sur le patrimoine a été doublé et le prélèvement au titre de l'assurance a augmenté. La rigueur s'est traduite, dans les dépenses, par une baisse des effectifs dans le secteur public et une modération des progressions de salaires respectant l'objectif du maintien de la croissance des dépenses globales à moins de 3 %. Le projet de budget prévoyait un déficit de 69 milliards de DM, qui a été finalement fixé par le Parlement à 49,5 milliards de DM.

Le déficit de l'administration fédérale s'élèverait en 1996 à 60 milliards de DM. Pour le projet de loi de finances pour 1996, la politique budgétaire allemande devra prendre en compte les conséquences financières des décisions de la Cour constitutionnelle. Celle-ci a en effet estimé que l'impôt sur le revenu ne pourrait plus désormais être appliqué à des revenus égaux ou inférieurs au seuil de subsistance. Cette décision aurait un coût de 15 1/2 milliards de DM, que le gouvernement pourrait chercher à compenser partiellement par l'élargissement de la base fiscale. La Cour a par ailleurs jugé que le prélèvement sur l'électricité, d'un montant de 8 milliards de DM, devait être aboli. En 1996, le budget de l'État sera donc soumis à des tensions beaucoup plus fortes, d'autant que le gouvernement souhaite réduire les charges fiscales pesant sur les entreprises. La réforme de l'impôt sur les sociétés aurait un coût budgétaire de 7 1/2 milliards de DM. En outre, la nouvelle politique familiale coûtera 6 1/2 milliards. Le budget fédéral présente une diminution des dépenses (452 milliards de DM contre 477,7 milliards en 1995) et des recettes (392,2 milliards de DM contre 428,6 milliards en 1995). Cette contraction budgétaire doit toutefois être relativisée car elle est due en grande partie à la suppression des dépenses budgétaire d'aide à la famille qui sont remplacées par des abattements fiscaux. Cependant, même corrigées de ce facteur, les dépenses budgétaires diminueront de 1,3 %, soit la première décroissance nominale des dépenses fédérales depuis 1953. L'effort de consolidation budgétaire devra donc se poursuivre à travers les coupes sombres effectuées dans le train de vie de l'État de 12 milliards de DM en 1994, 17 milliards en 1995 et 20 milliards en 1996. En intégrant les mesures fiscales, on arrive à une consolidation budgétaire de 56 milliards de DM en 1995 et de 67 milliards en 1996. Les cessions d'actifs envisagés (Lufthansa, Deutsche Telekom, Deutsche Aerospace) vont également contribuer à la réduction de l'endettement de l'État.

Ces programmes de consolidation auront permis de ramener le pourcentage du déficit du secteur public au sens large de 4 % du PIB en 1994 à 2,3 % en 1995 et 2,2 % en 1996, permettant ainsi à l'Allemagne de répondre d'ores et déjà aux critères posés par le Traité de Maastricht.

8. Des orientations à moyen terme

Pour le moyen terme, l'objectif de réduction de la part des dépenses publiques dans le PIB s'est traduit par la décision de réduire les effectifs de l'administration fédérale de 1 % par an en moyenne jusqu'en 1998. Cette mesure d'économie n'apparaissait pas suffisante, l'OCDE estime qu'il incombera à l'État allemand d'entreprendre « une action déterminée sur un large éventail de programmes de dépenses », en matière de santé, de mesures passives et actives du marché du travail, de subventions et de dépenses fiscales, de retraite, qui représentent à eux seuls environ la moitié des dépenses publiques. La croissance des dépenses publiques, globales ou hors intérêts, devrait se maintenir aux environs de 3%. Étant donné les pressions démographiques et les autres facteurs de poussée des dépenses de sécurité sociale, l'augmentation des dépenses des collectivités locales devra être inférieure à ce chiffre. Compte tenu du gonflement actuel de la dette et des versements d'intérêts, pour que le ratio des dépenses globales revienne à son niveau de 1989, il faudra que les dépenses hors intérêts soient inférieures d'environ 1 point de PIB aux chiffres de cette année là. La part des dépenses publiques à l'exclusion des intérêts et du système de sécurité sociale devra être bien plus réduite qu'en 1989. A plus long terme, les finances publiques allemandes devront affronter les conséquences du vieillissement de la population, qui menacera la stabilité budgétaire du pays, mais pas avant l'an 2020.

* 14 Au taux de change moyen pour 1993 de 0.00307 lires pour 1 franc.

* 15 Au taux de change moyen pour 1994 de 0.00344 lires pour 1 franc.

* 16 Au taux de change Chancellerie du 31/10/1995 de 0,00306 lires pour 1 franc

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