B LE RÉGIME FISCAL PRÉFÉRENTIEL DE LA PRESSE

La dépense fiscale en faveur de la presse a atteint, en 1994, 2,38 milliards de francs, dont :

1140 millions de francs pour le taux super réduit de TVA,

230 millions de francs pour le régime spécial de provision sur investissement,

1009 millions de francs pour l'exonération de la taxe Professionnelle.

Cette dernière aide fiscale, à la charge des collectivités locales, représente 40 % du total.

1. Le taux super réduit de TVA

Toutes les publications inscrites à la commission paritaire sont soumises au taux réduit de TVA de 2,1 % (article 298 septies du CGI).

Les publications non inscrites à la commission paritaire supportent le taux normal de TVA, fixé depuis le 1er août 1995, à 20,6 %.

Les publications pornographiques ou faisant appel à la violence sont soumises au taux majoré de 25 %.

La dépense fiscale a été de 1 080 millions de francs en 1994, contre 980 millions de francs en 1993 et pourrait atteindre 1 140 millions de francs en 1995.

Le taux réduit de TVA peut-il être maintenu ?

Depuis le 1er janvier 1989, l'ensemble des publications de presse qui remplissent les conditions prévues par les articles 72 et 73 de l'annexe III du CGI et sont inscrites sur les registres de la commission paritaire des publications et agences de presse sont soumises au taux réduit de TVA de 2,1 %. Si la revendication de l'assujettissement de l'ensemble de la presse écrite à la TVA au taux zéro ne peut être satisfaite, en revanche, le maintien du taux de 2,1 % pourrait être obtenu.

La sixième directive européenne (n° 77-388 du 17 mai 1977) a prohibé dans son principe la TVA au taux zéro qui n'avait pu être maintenue dans certains pays que dans la mesure où son application préexistait au 31 décembre 1975. La directive 92/77/CEE du 19 octobre 1992, relative au rapprochement des taux de TVA, permet le maintien des taux super réduits, c'est-à-dire inférieurs au taux réduit minimal de 5 %, dès lors qu'ils existaient avant le 1er janvier 1991 et ce jusqu'à la fin de la période transitoire, fixée théoriquement au 1er janvier 1997. En revanche, les taux super réduits ne peuvent être abaissés pendant cette période. Ainsi, la France peut maintenir le taux de 2,1 % applicable notamment à la presse pendant toute la durée de la période provisoire. Par ailleurs, seuls la Grande-Bretagne, et en partie la Belgique (quotidiens et hebdomadaires d'information générale), le Danemark (publications au moins mensuelles) et la Finlande assujettissent leur presse au taux zéro ; tous les autres pays ont un taux supérieur à celui appliqué en France.

La législation européenne en matière de TVA reste cependant susceptible d'évolution :

- en premier lieu la directive 92/77/CEE du 19 octobre 1992 qui modifie l'article 12, paragraphe 4 de la directive 77/388/CEE précise que le conseil des ministres, sur la base d'un rapport de la commission, réexamine tous les deux ans à partir de 1994, le champ d'application des taux réduits, c'est-à-dire la liste des biens et prestations de service susceptibles d'y être assujettis.

- en second lieu, cette même directive introduit également à l'article 12 un nouveau paragraphe 3a qui prévoit que, sur la base du rapport sur le fonctionnement du régime transitoire et des propositions sur le régime définitif présenté par la commission, le conseil des ministres statue à l'unanimité, avant le 31 décembre 1995, sur le niveau du taux minimal qui sera appliqué après le 31 décembre 1996 en matière de taux normal.

Si l'assujettissement de la presse française au taux zéro n'est pas envisageable, tant parce qu'elle serait en contradiction avec les termes de la sixième directive européenne du 17 mai 1977, qu'en raison de son coût pour les finances publiques, estimé à 700 millions de francs, le plan de réforme des aides à la presse, arrêté le 5 mai 1995 par le ministre du budget et de la communication et confirmé par le Gouvernement actuel, prévoit de négocier, dans le cadre de l'Union européenne, un moratoire européen des taux de TVA de la presse écrite, permettant à la France de maintenir le taux de 2,10 %, lors de la mise en oeuvre du régime définitif. Il s'agirait, en fait, d'utiliser la procédure ouverte à l'article 12-paragraphe 3a pour continuer de faire bénéficier la presse d'un taux super réduit, en faisant valoir que les journaux et périodiques sont des produits essentiellement nationaux, voire régionaux sur lesquels les barrières linguistiques pèsent davantage que les barrières commerciales.

2. L'exonération de taxe professionnelle

Aux termes de l'article 1458 du code général des impôts, les éditeurs de feuilles périodiques et, sous certaines conditions, les agences de presse ainsi que, depuis le 1er janvier 1995, les correspondants locaux de presse régionale ou départementale sont exonérés de taxe professionnelle. Corrélativement, ces entreprises sont, en vertu du 2° de l'article 1407 du code précité, imposables à la taxe d'habitation pour tous les locaux meublés qu'elles occupent, à l'exception des locaux ouverts au public et de ceux servant exclusivement à la fabrication et au dépôt.

En sept ans, de 1978 à 1994, cette charge a doublé.

Le coût de l'exonération, supporté par les collectivités locales qui participent ainsi, aux côtés de l'État, à l'effort commun en faveur de la presse, s'élevait à 927 millions de francs pour 1993. Il a progressé de 8,88 % en 1994 pour atteindre 1 009 millions de francs. Il ne tient pas compte de la taxe d'habitation acquittée par les entreprises de presse sur leurs locaux exonérés de taxe professionnelle.

3. Le régime spécial de provisions pour investissement

Le régime dérogatoire des provisions pour entreprises de presse Prévu à l'article 39 bis du code général des impôts a été institué en faveur de la presse écrite d'opinion par la loi n° 53-79 du 7 février 1953, afin de Préserver son indépendance et de lui donner les moyens de s'adapter a l'évolution technologique. Ce régime a fait depuis son origine l'objet de reconductions successives.

Actuellement, il est applicable jusqu'au 31 décembre 1996.

L'article 39 bis du code général des impôts permet aux entreprises de presse qui exploitent soit un journal, soit une revue mensuelle ou bimensuelle consacrée pour une large part à l'information politique de constituer en franchise d'impôt par Prélèvement sur leurs résultats imposables, une provision exclusivement affectée a l'acquisition de matériels et constructions strictement nécessaires a l'exploitation du Journal ou de la revue, ou de déduire de ces résultats les dépenses exposées en vue du même objet.

La moins-value de recette fiscale pour le budget général résultant de l'application de cette disposition peut être évaluée pour 1995 à 230 millions de francs. Elle serait légèrement inférieure en 1996.

a) Les entreprises bénéficiaires

Le dispositif de l'article 9 bis du code général des impôts concerne les entreprises qui exploitent :

- un journal quotidien ou hebdomadaire ; sont assimilées aux quotidiens, les publications à diffusion départementale ou régionale, consacrées principalement à l'information politique et générale paraissant au moins une fois par semaine et dont le prix de vente n'excède pas de 75 % celui de la majorité des quotidiens (C.G.I., art.39 bis-1 bis B) ;

- une revue mensuelle ou bimensuelle consacrée pour une large part à l'information politique.

Les revues pornographiques, perverses ou de violence sont exclues par détermination de la loi.

Les entreprises exploitant des revues scientifiques, culturelles, techniques, sportives qui n'ont aucun lien avec l'actualité, ainsi que les agences de presse, ne sont pas concernées par ce dispositif.

b) Les déductions susceptibles d'être opérées en application de l'article 39 bis

(1) La déduction directe des dépenses d'acquisition d'éléments d'actifs

Par dérogation aux règles de droit commun, l'article 39 bis autorise les entreprises qui bénéficient de ces dispositions à déduire dans certaines limites des résultats imposables d'un exercice donné les dépenses exposées au cours dudit exercice en vue de l'acquisition d'éléments d'actifs strictement nécessaires à l'exploitation de la publication éligible.

(2) La constitution d'une provision spéciale en franchise d'impôt

Les entreprises sont autorisées pour déterminer l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, -alternativement-, à constituer, au moyen des bénéfices de leurs exercices, des provisions destinées à leur permettre de faire face au financement ultérieur de leurs dépenses d'acquisition d'éléments d'actifs.

(a) Constitution de la provision

Pour être admises en déduction des bases de l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés, les provisions spéciales doivent avoir été effectivement pratiquées en comptabilité. Le montant de ces provisions est, en outre, soumis aux mêmes limitations que dans le cadre des déductions directes des dépenses d'investissement.

(b) Condition d'utilisation de la provision

Les provisions spéciales que les entreprises sont autorisées à constituer en franchise d'impôt doivent être utilisées à l'acquisition d'éléments strictement nécessaires à l'exploitation de la publication éligible avant la fin de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle elles ont été constituées. L'utilisation de chaque dotation doit donc être suivie isolément.

(3) Le sort de la provision

(a) La provision a été utilisée conformément à son objet

La provision est affectée à l'amortissement des éléments d'actif acquis par prélèvement sur son montant. La base de calcul de l'amortissement résiduel de ces éléments est égale à la différence entre le prix de revient effectif et le montant des sommes prélevées sur la provision en vue de financer leur acquisition.

(b) La provision n'a pas été utilisée ou a été détournée de son objet

La provision est, à défaut d'emploi conforme à son objet dans le délai imparti, rapportée aux bénéfices soumis à l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés au titre de l'année d'expiration de ce délai. En cas d'utilisation partielle, il est admis que seule la fraction non employée soit rapporté aux bénéfices. Si avant l'expiration du délai de cinq ans, la provision était détournée de son objet, elle serait rapportée aux bénéfices imposables de l'exercice au cours duquel elle aurait été ainsi utilisée.

c) Les limites du dispositif

Les bénéfices susceptibles d'être affectés au financement d'éléments d'actifs immobilisés strictement nécessaires à l'exploitation d'un journal de ces éléments sont soumis à une double limite :


• D'une part, la déduction directe des investissements ou celle de la provision est autorisée dans la limite de :

- 30 % du bénéfice (5)5 ( * ) pour la généralité des publications ;

- 60 % du bénéfice pour les quotidiens et les publications qui leur sont assimilées (publications à diffusion départementale ou régionale consacrées principalement à l'information politique et générale, paraissant au moins une fois par semaine et dont le prix de vente n'excède pas de 75 % celui de la majorité des quotidiens).


• D'autre part, les sommes déduites des bénéfices ne peuvent être utilisées que pour financer une fraction du prix de revient des investissements éligibles fixée à :

- 40 % pour la généralité des publications ;

- 80 % pour les quotidiens et les publications qui leur sont assimilées, telles que ci-avant définies.

Par ailleurs, seule l'acquisition de matériels et de constructions peut constituer un emploi valable des sommes déduites, directement ou sous forme de provisions, des bénéfices imposables en application de l'article 39 bis. Les acquisitions de terrains et de participations réalisées après le 1er janvier 1980 ne sont plus admises (loi de finances pour 1980, article 80).

Le prix d'acquisition des éléments affectés exclusivement aux besoins de l'exploitation d'un journal peut être déduit ou considéré comme un emploi valable de la provision. Si un élément d'actif acquis par une entreprise est affecté pour partie à des travaux autres que ceux se rattachant à l'activité du journal, son prix de revient ne peut être déduit directement ou constituer un emploi valable des provisions spéciales qu'en proportion de l'utilisation effective de cet élément pour les besoins du journal.

* (5) En pratique, le bénéfice à considérer est le bénéfice fiscal qui aurait été taxable au taux de droit commun en l'absence d'application de l'article 39 bis du code général des impôts.

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