CHAPITRE II - LES ACTIONS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

I. L'ORGANISATION DE L'ACTION EXTÉRIEURE

A. UN ÉPARPILLEMENT CERTAIN

La critique sur l'organisation de l'action internationale de la France est ancienne et rituelle, et a pour origine le constat sur la dispersion des structures de représentation de la France à l'étranger.

Dès 1988, notre collègue Josy Moinet, rapporteur du budget des Affaires étrangères, dénonçait cette situation et s'appuyant -déjà- sur le rapport de la Cour des comptes :

"L'organisation administrative est caractérisée par une dispersion des structures, et par un certain cloisonnement des services tous deux dommageables à la représentation de la France à l'étranger et au bon fonctionnement du ministère.

Le ministère observe, à défaut de pouvoir faire autre chose, le développement des "mini quais d'Orsay" dénoncés par le rapport Viot, en 1987

Cette pratique conduit peu à peu à un démembrement de la gestion de l'action internationale : à terme il ne resterait plus au ministère des Affaires étrangères et à son représentant, l'ambassadeur, que la représentation symbolique de l'État français et la coordination -peu aisée sans doute- d'un ensemble de services extérieurs relevant d'autres administrations".

Représentation française à l'étranger (1)

Ministère des Affaires étrangères

Ministère de

l'Économie

et des

Finances

Ministère de la Défense

Ministère de l'Intérieur

Ministère

de la

Coopération

Ministère du Tourisme

Autres

(DATAR,

PTT...)

48 %

27 %

11 %

3 %

3 %

3 %

5 %

(1) Hors établissements culturels, d'enseignement et les services à l'étranger des établissements publics (ORSTOM, CIRAD. CNRS, etc...).

Dès 1988, la Cour des comptes déplorait la tendance à "une organisation interne de plus en plus complexe et à des cloisonnements nuisibles au bon fonctionnement de l'ensemble".

Dans la pratique, les moyens du ministère des affaires étrangères lui interdisent de remplir une mission de guide de notre action extérieure, et ceci s'explique principalement par la modestie des crédits concourant à l'action extérieure de la France qui lui échoient et par la montée en puissance de l'action internationale des ministères techniques.

Le tableau ci-dessus est éloquent.

Le ministère des affaires étrangères dispose de moins du tiers des moyens consentis par la France au titre de son action publique à l'extérieur.

Encore faut-il ajouter les crédits consacrés par l'Union européenne à ses actions extérieures financés par notre contribution, soit quelque 6 milliards de francs

L'éparpillement des acteurs de l'action extérieure de la France invite à mettre en place des mécanismes de coordination.

Cependant, l'interministérialité apparaît, dans les faits, difficile à organiser.

Ainsi, le rapport de la Cour des comptes de 1994 dressait un bilan -négatif- des expériences de coordination.

La Cour notait que :

"Périodiquement, les pouvoirs publics sont tentés de mettre en place des structures spécifiques pour accélérer la solution d'un problème ou mieux coordonner certaines actions. C'est ainsi qu'en 1990 a été créée la mission interministérielle pour l'Europe centrale et orientale (MICECO), destinée à animer et coordonner les actions de coopération avec les pays d'Europe de l'Est...

Cette nouvelle structure, qui disposait d'un personnel plus important que celui de la sous-direction compétente du ministère, semble avoir posé plus de problèmes qu'elle n'en a résolus. (...)

Même si la création de la MICECO a contribué à dynamiser l'action de la France, la coexistence de cette structure parallèle avec les services du ministère des Affaires étrangères a abouti à un système de double commande pour toutes décisions, a suscité des conflits et souvent alourdi les procédures. Tirant les leçons de cette expérience, le Gouvernement a décidé, en janvier 1994, de réintégrer cette mission dans les structures de la DGRCST, puisque cette structure interministérielle avait fini par ne coordonner que les seules actions du ministère des Affaires étrangères".

De la même manière, l'activité des services d'expansion économique à l'étranger paraît échapper souvent à la direction de nos ambassadeurs et témoigner ainsi d'une superposition de nos structures de représentation à l'extérieur plutôt que d'une action unitaire.

Dans les faits, l'action menée par le ministère de l'économie et des finances a souvent pour effet de rendre impossible l'appréciation des performances de notre diplomatie en matière économique ne serait-ce qu'en raison des écarts de stratégies pouvant résulter du dualisme des interventions en ce domaine.

Ainsi, tant le rapport de la Cour des comptes que celui sur 1' "État en France" manifestaient une vision particulièrement critique.

Rapport Picq

(extrait)

Rapport de la Cour des comptes

octobre 1994 (extrait)

"Dans l'organisation actuelle, l'aide au développement est partagée entre trois ministères : le ministère de la Coopération pour les pays dits du "champ", le ministère des Affaires étrangères pour les pays "hors champ" et le ministère de l'Économie pour la gestion de l'essentiel des crédits. (...) Quant à la distinction "champ/hors champ", elle est source d'effets pervers : la France consacre autant de moyens à la coopération avec le Togo qu'avec l'ensemble des pays d'Europe centrale et orientale. Et ce n'est pas la conséquence d'un choix politique, mais un effet de l'inertie des structures et des procédures administratives".

"La séparation des rôles avec le ministère de la Coopération nuit à l'efficacité, comme la Cour a pu le constater pour la mise en oeuvre de la politique audiovisuelle extérieure, où chaque ministère a un champ d'intervention propre et finance les mêmes médias".

En réponse à une observation conjointe de M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances du Sénat et de votre rapporteur, M. le ministre des affaires étrangères a d'ailleurs concédé que notre présence dans les pays d'Europe centrale et orientale était insuffisante en raison, en particulier, de la modicité des moyens disponibles une fois tenu compte de nos efforts de coopération dans les pays du champ.

Sachant qu'un projet de rapprochement à horizon de deux ans des services du ministère délégué de la coopération avec ceux du ministère des affaires étrangères a été lancé, votre rapporteur entend comme l'année dernière, rappeler en parfaite cohérence avec l'éminent rapporteur du budget de la coopération, M. Michel Charasse, que "les mêmes compétences ne peuvent être exercées dans les mêmes pays par deux ministères différents sans entraîner des dysfonctionnements fâcheux pour l'image de marque de la France à l'étranger et que tel est le cas pour la politique audiovisuelle extérieure, ainsi que le souligne à juste titre la Cour des comptes dans son rapport pour 1994".

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page