III. LA REVALORISATION DES PENSIONS DES ANCIENS COMBATTANTS D'OUTRE-MER

A. LA "CRISTALLISATION" DES PENSIONS DES ANCIENS COMBATTANTS DES TROUPES COLONIALES

Plus de 1.400.000 Africains, Indochinois. Maghrébins, Malgaches, Somalis, sont venus combattre sur le sol de France au cours des deux guerres mondiales. Plus de 150.000 d'entre eux ont fait le sacrifice de leur vie. La plupart de ces anciens combattants dits "d'outre-mer" résident aujourd'hui dans les États indépendants issus des anciennes colonies françaises. Leurs droits s'en sont trouvés modifiés de façon défavorable par rapport à leurs anciens compagnons d'armes métropolitains.

En effet, les articles 170 de la loi de finances pour 1959 (pour l'Indochine) et 71 de la loi de finances pour 1960 (pour les autres pays) ont "cristallisé" leurs pensions au taux en vigueur au jour de l'indépendance des États en question. Seuls font exception les pensionnés de guerre ressortissants de ces États qui sont domiciliés en France de façon continue, au moins depuis le 1er janvier 1963 : ceux-là perçoivent leur pension au taux payable en France, en vertu de dérogations prorogées par décrets d'année en année. Mais ils ne sont qu'une toute petite minorité.

Certes les textes instaurant la "cristallisation" ont réservé au pouvoir réglementaire la liberté de décider des revalorisations discrétionnaires. Mais ces revalorisations ont été rares et parcimonieuses, ce qui explique la faiblesse du niveau actuel des pensions servies aux anciens combattants d'outre-mer, même au regard du coût de la vie dans les pays concernés.

B. LES MESURES DE "DÉCRISTALLISATION" RECENTES

la France a été récemment condamnée par le Comité des droits de l'homme de l'ONU pour ce qui a été considéré comme une discrimination non fondée, à la suite d'un recours présenté par une association d'anciens combattants sénégalais. En conséquence, une mesure spécifique de revalorisation de 8,2 % des pensions versées aux anciens militaires de 1'armée française citoyens de la République du Sénégal a été inscrite dans la loi de finances pour 1993.

Dans le prolongement de cette première mesure catégorielle de "décristallisation", une mesure de revalorisation de portée plus générale a été décidée l'an dernier. Au 1er janvier 1995, les pensions de tous les anciens combattants d'outre-mer. à l'exception des ressortissants des États issus de l'ex-Indochine française, ont été revalorisées de façon différenciée . + 30 % pour les retraites du combattant (6 millions de francs pour 65.000 bénéficiaires). + 20 % pour les pensions d'invalidité des grands mutilés (2 8 millions de francs pour 1.600 bénéficiaires). + 4.75 % pour les autres pensions d'invalidité et de retraite (22.6 millions de francs pour 34.600 bénéficiaires.

Le tableau ci-après retrace l'impact de cette mesure de revalorisation sur la valeur du point d'indice de pension d'invalidité dans les différents États concernés :

On constate que les anciens combattants du Cambodge, du Laos et du Vietnam sont les seuls à n'avoir bénéficié d'aucune revalorisation de leurs pensions, alors même qu'ils se voient appliquer le point d'indice le plus bas.

C. UNE MESURE DE "DÉCRISTALLISATION" COMPLÉMENTAIRE BIENVENUE

Les anciens combattants ressortissant des États issus de l'ex-Indochine française n'ont pas bénéficié de la mesure générale de revalorisation décidée l'an dernier non pas parce qu'ils ont été oubliés ou délibérément écartés, mais en raison d'un obstacle juridique.

En effet, l'article 170 de l'ordonnance organique portant loi de finances pour 1959 qui a institué la "cristallisation" des pensions les concernant ne prévoit pas de possibilité de dérogation par voie réglementaire, à la différence de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 qui a institué la "cristallisation" pour les autres combattants d'outre-mer.

Les anciens combattants du Cambodge, du Laos et du Vietnam sont donc resté à l'écart de toutes les mesures de revalorisation occasionnellement intervenues depuis 33 ans, y compris de la dernière en date.

L'article 64 du projet de loi de finances pour 1996, rattaché au budget des anciens combattants, permet de remédier à cette injustice en levant la forclusion qui est opposable depuis 1959 aux demandes d'attribution ou de révision d'une pension militaire d'invalidité ou d'une retraite du combattant formulées par les anciens combattants ressortissants du Cambodge, du Laos et du Vietnam.

Votre rapporteur approuve évidemment cette mesure d'équité. Il estime d'ailleurs qu'elle devrait être prolongée par une réduction des écarts de valeur du point d'indice de pension qui existe entre les pays de l'ancienne Indochine, ceux du Maghreb et ceux d'Afrique noire, qui n'apparaissent pas justifiés.

A cet égard, la mesure proposée par l'article 64 n'apporte pas de progrès, puisqu'elle n'aura pas pour effet de revaloriser la valeur du point d'indice des intéressés, mais permettra seulement de réviser le nombre de points attachés à chaque pension en fonction de l'évolution de l'état de santé de son titulaire.

Toutefois, un alignement complet de la valeur du point de pension des anciens combattants d'outre-mer sur la valeur du point en vigueur en France apparaît irréaliste, son coût étant estimé à 1 milliard de francs. Mais cet alignement n'est pas indispensable compte tenu de la différence du coût de la vie entre la France et les divers États concernés : l'objectif visé doit être une parité des pouvoirs d'achat des pensions.

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