C. UNE DÉRIVE PERSISTANTE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

1. Le dispositif de maîtrise globale de l'évolution des dépenses de santé

Depuis 1983 dans le service public hospitalier, un mécanisme de budget global limite chaque année l'évolution des dépenses du secteur à un taux directeur fixé par le Gouvernement. Ce taux directeur est théoriquement modulé par établissement, après analyse des budgets par la tutelle. En réalité, il est le plus souvent appliqué uniformément à l'ensemble des établissements.

Depuis 1990, cette politique de maîtrise globale, fondée sur la définition d'objectifs quantifiés nationaux (OQN) de croissance des dépenses, a été progressivement généralisée aux autres secteurs du système de soins selon trois modalités sensiblement différentes :

- l'enveloppe globale fermée : le système est appliqué aux secteurs de l'hospitalisation privée et de la biologie, avec respectivement des modulations générales des tarifs unitaires et des reversements individualisés en cas de dépassement de l'enveloppe prévisionnelle ;

- des objectifs quantifiés de croissance des dépenses sans mécanisme de respect automatique de l'enveloppe : le système est appliqué aux médecins, aux infirmiers, aux masseurs, aux dentistes, etc.... Le dépassement de l'enveloppe peut éventuellement être sanctionné lors de la négociation suivante sur la revalorisation des tarifs ;

- une négociation individualisée avec les producteurs : dans le secteur du médicament, un accord cadre a été signé entre le syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SMP) et l'État en 1994. Cet accord, outre la fixation par l'État d'un objectif quantifie national d'évolution des dépenses de médicament, fait reposer l'essentiel de la régulation sur des conventions pluriannuelles. conclues de gré à gré. entre le comité économique du médicament et les laboratoires. Il permet une révision de la tarification des médicaments en échange d'engagements sur les volumes et sur la diminution des dépenses de promotion commerciale. Dans le cas où les engagements ne seraient pas respectés, le laboratoire concerné peut subir des baisses de prix corrélatives aux volumes anormaux constatés, voire des déremboursements.

La politique de maîtrise globale de l'évolution des dépenses de santé par les OQN a connu en 1993 et 1994 des résultats encourageants. Certes, il faut aussi tenir compte de l'effet purement mécanique de certaines des mesures du plan de redressement de l'assurance maladie de juin 1993 (diminution de cinq points du taux de remboursement pour l'ensemble des actes et prescriptions, mise en place d'un ordonnancier bizones pour les affections de longue durée, majorations de cinq francs du forfait hospitalier).

Mais, au total, l'année 1994 aura enregistré la plus faible croissance de la consommation de soins et de biens médicaux en volume des quinze dernières années, avec un taux de 1,9 % contre 3,5 % en moyenne entre 1990 et 1993.

2. Un retour à un rythme de croissance rapide en 1995

L'an dernier à la même époque, votre rapporteur enregistrait avec satisfaction les premiers signes d'un ralentissement des dépenses d'assurance maladie, tout en s'interrogeant sur le caractère durable de cette inflexion de tendance. Il a aujourd'hui le regret de constater que ses doutes étaient justifiés.

Alors que le taux d'augmentation de la dotation globale versée aux établissements hospitaliers, tous régimes confondus, a été de 4,56 % en 1994 il serait de 5,85 % en 1995.

Alors que le taux d'augmentation des prestations d'assurance maladie hors hospitalisation du régime général a été de 3.2 % en 1994, il serait de 5.1 %en 1995.

Deux professions de santé, les médecins libéraux et les masseurs-kinésithérapeutes, devraient largement dépasser l'OQN sur lequel elles s'étaient engagées contractuellement en 1994 tandis que deux autres, les infirmiers et les orthoptistes, doivent encore faire des efforts pour le tenir.

La réalisation des OQN en 1995

Source Commission des comptes de lu sécurité sociale

Quant aux dépenses de médicaments, elles devraient s accroître de 8.5 % en 1995 contre 0.4 % en 1994.

Les prévisions pour 1996 ne laissent pas espérer d'amélioration spontanée. Le taux d'évolution de la dotation globale hospitalière a été fixé par le Gouvernement au niveau très volontariste de 2,1 %. A ce sujet, le récent rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale fait l'observation suivante : "Nul n'ignore que cette enveloppe est, à structures hospitalières inchangées, particulièrement exigeante. Elle sera, à l'évidence, difficile à concilier avec l'évolution des charges de personnel (soit quelque 70 % des dépenses hospitalières) qui s'alourdissent régulièrement à effectif constant, même dans le cas d'une valeur inchangée du point de rémunération, du fait du GVT et des accords conclus avec les organisations syndicales (protocoles Durafour - Évin - Durieux)".

Quant aux dépenses d'assurance maladie hors hospitalisation, leur progression serait encore de + 3.1 % en 1996 (+ 6.4 % pour les dépenses de médicaments et + 2.6 % pour les honoraires médicaux).

Au total, le déficit de la branche maladie du régime général, qui était de - 31,5 milliards de francs en 1994, s'établirait à - 36,6 milliards de francs en 1995 et - 35 milliards de francs en 1996, si rien n'était fait.

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