CHAPITRE V LA FAMILLE

I. LES PERSPECTIVES DE LA BRANCHE FAMILLE

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE FAMILIALE AMBITIEUSE

1. Des moyens considérables à préserver

Les moyens consacrés à la politique en faveur des familles sont considérables. Ainsi, selon les comptes de la protection sociale, la politique familiale mobilise environ 300 milliards de francs en 1994, soit 4,1 % de la richesse nationale, la France se situant au troisième ou au quatrième rang en Europe. Les familles allocataires sont plus de 5,8 millions (en 1993) et le nombre d'enfants bénéficiaires de la politique familiale dépasse 12,2 millions (en 1993). En outre, les instruments de la politique familiale sont riches et variés. Les prestations familiales sont plus nombreuses et d'une étendue plus vaste qu'ailleurs en Europe.

Les prestations familiales en Europe (1990)

Le volume des prestations versées par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) a atteint 226 milliards de francs en 1994. S'y ajoutent des aides fiscales à hauteur de 100 milliards de francs environ, dont 68 milliards de francs au titre du seul quotient familial, ainsi que des aides Personnelles au logement.

Les branches maladie et vieillesse de la sécurité sociale prennent également en compte la dimension familiale. Ainsi, la seule cotisation maladie d'un actif sert à couvrir tous les membres de sa famille, quel que soit leur nombre. En vieillesse, parmi d'autres éléments, les pensions sont majorées en fonction du nombre d'enfants.

Il n'en reste pas moins que la part des dépenses de prestations familiales dans la richesse nationale tend à diminuer sur longue période, passant de 3,9 % du PIB en 1972 à 2 % du PIB en 1994.

Par ailleurs, les excédents de la branche famille ont trop longtemps servis à combler les déficits des autres branches du régime général. Mais en 1994 la branche famille du régime général est devenue à son tour déficitaire, à hauteur de - 10,5 milliards de francs. Son déficit devrait atteindre - 13,3 milliards de francs en 1995, et serait encore de -11,6 milliards de francs, si rien n'était fait.

Cette situation nouvelle impose une réflexion sur les moyens et les objectifs de la politique familiale.

2. Une situation démographique inquiétante

Votre rapporteur estime qu'une véritable politique familiale, sans être pour autant "nataliste", ne peut être jugée qu'à l'aune de la situation démographique de la France. Or. force est de constater que celle-ci s'est récemment dégradée.

Le remplacement des générations n'est plus assuré depuis plus de vingt ans. Le taux de fécondité a baissé en France à partir de 1965, comme dans beaucoup de pays européens. Passé en dessous du seuil de remplacement des générations de 2,1 enfants par femme en 1974, l'indice synthétique de fécondité s'est stabilisé pendant une quinzaine d'années à un niveau médiocre, autour de 1,8. Mais il a de nouveau fortement reculé à partir de la fin des années 1980, pour atteindre 1,65 enfant par femme en 1994.

Évolution de l'indice de fécondité

Le nombre de naissances atteignait 800.000 en 1980 et 762.000 en 1990. Il a chuté à seulement 712.000 en 1993 et 708.000 en 1994. Le nombre de naissances "perdues" est donc de près de 100.000 en quinze ans. Si la fécondité demeurait semblable d'ici vingt-cinq à trente ans, on ne dénombrerait plus alors que 570.000 naissances, compte tenu de la chute parallèle des effectifs des générations en âge de procréer.

La baisse de la fécondité se répercute sur la taille des 8,9 millions de familles qui comportent des enfants de moins de 25 ans. Les familles nombreuses se raréfient progressivement. Ainsi, la proportion de familles qui ont au moins quatre enfants de moins de 25 ans parmi les familles qui en comptent au moins un (600.000) est tombée de 15 % à 6 % entre 1968 et 1990.

La chute de la natalité, si elle se prolongeait durablement, compromettrait l'équilibre tout entier de notre système de protection sociale.

Votre rapporteur a bien conscience que le mécanisme redistributif des prestations familiales ne peut pas. à lui seul, remédier à cette situation. Mais les enquêtes d'opinion ont montré qu'il y a un écart entre le nombre d'enfants que les couples souhaiteraient avoir et le nombre d'enfants qu'ils ont effectivement. La politique familiale doit donc se fixer pour objectif de permettre aux français d'exercer librement leur choix parental et de faciliter la naissance des enfants auxquels ils doivent aujourd'hui renoncer. Cela implique que cette politique soit globale, qu'elle prenne en compte aussi bien les aspects éducatifs que ceux de l'emploi, du loyer et ou des rythmes de vie.

B. UN FINANCEMENT GARANTI

1. Des dispositions protectrices des ressources

Les articles 2 et 3 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale ont institué une séparation comptable entre chacune des branches du régime général, dont les trésoreries sont désormais gérées de façon distincte par l'ACOSS. Cette réforme attendue depuis longtemps est Particulièrement protectrice pour la branche famille, dont les excédents ont été jusqu'à présent utilisés pour combler les déficits des branches vieillesse et maladie. La remise à zéro des soldes comptables des différentes branches réalisée par un arrêté en date du 26 décembre 1994 montre que près de 70 milliards de francs ont été ainsi prélevés sur la branche famille au cours des années passées.

Par ailleurs, l'article 5 de cette même loi pose le principe d'une compensation intégrale par le budget de l'État de toute nouvelle mesure d'exonérations de cotisations sociales. Cette règle est également très protectrice pour la branche famille, alors que le dispositif d'allégement des cotisations d'allocations familiales sur les bas salaires institué par la loi quinquennale sur l'emploi monte en charge. Le montant des compensations versées par l'État à la CNAF à ce titre, qui était de 14 milliards de francs en 1994, devrait atteindre 19,3 milliards de francs en 1995 et 21 milliards de francs en 1996.

Enfin, l'article 34 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille garantit à la CNAF des ressources au moins égales, chaque année, pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998, au montant qu'elles auraient atteint à législation constante. La commission des comptes de la sécurité sociale, à qui le contrôle de la bonne application de ces dispositions a été confié, évalue dans son dernier rapport à 292,3 millions de francs le complément de financement auquel la CNAF a droit en 1994 au titre de cette garantie de recettes.

2. Des irrégularités subsistantes

L'État gère lui-même le régime de prestations familiales de ses agents et ne reverse à la CNAF que le solde excédentaire de ses opérations. Toutefois, le compte définitif du régime spécifique des prestations familiales des agents de l'État est toujours établi avec retard : le compte pour l'exercice 1992 n'a été arrêté qu'en août 1994, et au dernier trimestre de 1995, les comptes des exercices 1993 et 1994 n'étaient toujours pas arrêtés. La commission des comptes de la sécurité sociale dénonce régulièrement ces retards préjudiciables au bon ordre des finances publiques.

Par ailleurs, des divergences existent entre la direction du budget et l'ACOSS quant au chiffrage des exonérations de cotisations familiales sur les bas salaires.

Enfin, le financement de la majoration exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire reconduite depuis 1993 ne s'effectue pas dans des conditions parfaitement régulières. En 1993, le coût de la majoration, soit 6,05 milliards de francs, a été imputé sur les 110 milliards de francs apportés par l'État lors de la reprise de la dette du régime général en fin d'année. En 1994, les crédits correspondants, soit 6,23 milliards de francs, ont été inscrits en loi de finances rectificative. Dans les deux cas, une charge de trésorerie a été supportée par la CNAF, l'allocation de rentrée scolaire étant versée aux familles à la fin du mois d'août. Pour 1995, sur un coût total de 6,35 millions de francs, l'État ne prendrait en charge que 4,85 millions de francs, le solde de 1,5 million de francs restant à la charge de la CNAF.

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