TITRE II - DISPOSITIONS PERMANENTES

A. - MESURES FISCALES

1. Mesures concernant l'épargne

Article 53 - Aménagement du régime fiscal des plans d'options de souscription ou d'achat d'actions

Commentaire : cet article tend à instituer un taux d'imposition de 30 % propre aux plus-values réalisées grâce au mécanisme des options de souscription ou d'achat d'actions.

I. LE PRINCIPE DES PLANS D'OPTIONS SUR ACTIONS

Directement inspiré du "stock options plan" anglo-saxon, le plan d'options sur actions a été introduit en droit français par une loi du 31 décembre 1970, qui a complété la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales par les articles 208-1 à 208-8 relatifs aux options de souscription ou d'achat d'actions.

Il s'agit d'une forme mixte d'intéressement et de participation au capital, dans laquelle l'entreprise consent à son personnel le droit d'acquérir ses propres actions à des conditions privilégiées, lui offrant ainsi l'opportunité de réaliser une plus-value spécifique.

Son principe est simple. Le mécanisme s'inscrit dans le temps pour se décomposer en trois étapes bien distinctes.

1. L'attribution : la société attribue au bénéficiaire le droit, pendant une période donnée, de se porter acquéreur d'un certain nombre de titres à un prix déterminé. Ce prix, éventuellement inférieur au prix du marche, reste fixe Pendant toute la période durant laquelle le droit, ou "option", est ouvert au bénéficiaire.

2. La levée : le bénéficiaire choisit de "lever" l'option qui lui a été attribuée, c'est-à-dire d'exercer son droit d'acquisition ; Bien entendu, il n'a intérêt à le faire que si le cours, pour les actions cotées, ou la valeur, pour les actions non cotées, se sont maintenus ou ont progressé au-delà du prix invariable initialement fixé lors de l'attribution de l'option : il réalise alors une plus-value dite d'acquisition. Cette étape implique pour lui une sortie de fonds, puisqu'il doit payer au prix convenu les actions sur lesquelles portait son option.

3. La cession : le bénéficiaire revend les actions qu'il a acquises sur option. Ce n'est qu'à ce stade qu'il rentre dans ses fonds et que la plus-value d'acquisition, jusque là virtuelle, se concrétise. Il peut par ailleurs réaliser une plus-value supplémentaire, dite de cession, si la valeur des actions a continué de s'apprécier depuis la levée de l'option.

Cette troisième et dernière étape constitue le fait générateur de l'impôt pour l'ensemble du processus.

Ainsi, le gain retiré d'un plan d'options sur actions est différé, aléatoire et lié à la contribution des bénéficiaires à la prospérité de l'entreprise. Ces trois caractéristiques font du plan d'options sur actions un instrument remarquablement efficace de motivation et de fidélisation des cadres supérieurs et dirigeants des sociétés.

Comme les autres mécanismes d'intéressement et de participation, le plan d'options sur actions bénéficie d'un régime fiscal et social avantageux.

II. UN RÉGIME FISCAL ET SOCIAL AVANTAGEUX

A. POUR LA SOCIÉTÉ

Indépendamment de son pouvoir de motivation du personnel, le plan d'options sur actions est une forme de rémunération particulièrement intéressante pour l'entreprise au regard de l'impôt et des cotisations sociales.

Tout d'abord, l'avantage représenté par la plus-value d'acquisition (différence entre le prix de souscription ou d'achat et la valeur réelle de l'action à la date de la levée de l'option) est exonéré des cotisations patronales de sécurité sociale ainsi que de toutes taxes assises sur les salaires.

Toutefois, cette exonération ne suffirait pas à rendre les plans d'options plus avantageux pour la société que les formes classiques de rémunération si leurs coûts afférents n'étaient pas fiscalement considérés comme des charges déductibles du résultat imposable.

Tel n'était pas le cas dans le régime initial des plans d'options sur actions, et cette possibilité fondamentale de déduction a été introduite par la loi du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative économique. Ainsi, article 217 quinquies du code général des impôts, tel qu'il résulte de cette loi, dispose que « pour la détermination de leurs résultats fiscaux, les sociétés peuvent déduire les charges exposées du fait de la levée des options de souscription ou d'achat d'actions consenties à leurs salariés ». C'est-à-dire :

- les frais de rachat des titres destinés à être remis au personnel, lorsqu'il s'agit d'options d'achat ;

- les frais d'augmentation de capital, lorsqu'il s'agit d'options de souscription ;

- les frais de gestion des actions rachetées ou émises jusqu'à la date de levée de l'option ;

- et surtout, les moins-values résultant pour la société de la différence entre le prix d'achat et la valeur réelle des actions.

Le coût des plans d'options sur actions se trouve ainsi fiscalement neutralisé pour la société qui recourt à cet instrument.

B. POUR LE BÉNÉFICIAIRE

En principe, la plus-value d'acquisition réalisée par le bénéficiaire d'une option est considérée comme un complément de salaire et soumise comme tel à l'impôt sur le revenu (article 80 bis I du code général des impôts. La taxation de cet avantage n'a pas lieu lors de la levée de 1'option, mais lors de la cession des actions. Il est alors fait application d'un système de quotient destiné à atténuer les effets de la progressivité de l'impôt, qui prend en compte le nombre d'années entières écoulées entre la date d'attribution de l'option et la date de cession des titres (article 163 bis C II du code général des impôts).

Toutefois, l'avantage peut être soumis à un régime d'imposition plus favorable, sous réserve de deux conditions (article 163 bis C I du code général des impôts) :

- les actions acquises doivent revêtir la forme nominative ;

- elles doivent demeurer indisponibles pendant une période de cinq années à compter de la date d'attribution de l'option (et non de sa levée).

Si ces deux conditions sont remplies, la plus-value d'acquisition est taxée, toujours lors de la cession des titres, selon le régime des plus-values mobilières, au taux de 16 %.

Il est prévu par ailleurs un certain nombre de cas de force majeure où le possesseur d'actions acquises sur options peut exceptionnellement disposer de ses titres avant l'expiration du délai d'indisponibilité de cinq ans, sans perdre pour autant le bénéfice de ce régime d'imposition conditionné.

Ces hypothèses correspondent à certaines de celles qui autorisent le déblocage anticipé des fonds issus de la participation :

- licenciement du titulaire ;

- mise à la retraite du titulaire ;

- invalidité du titulaire :

- décès du titulaire (au profit de ses héritiers).

Ce régime d'imposition est sensiblement plus avantageux que le précédent, puisque le taux d'imposition des plus-values mobilières est très inférieur au taux marginal d'impôt sur le revenu généralement atteint par les bénéficiaires d'options. Cela explique qu'en pratique la quasi-totalité des bénéficiaires d'options respectent le délai fiscal d'indisponibilité, pour se placer sous le régime d'imposition le plus favorable.

Enfin, l'avantage résultant de la levée d'options est exonéré de toute cotisation salariale de sécurité sociale. Il est en revanche soumis à la CSG, au titre des revenus salariaux ou au titre des revenus du patrimoine, selon les cas.

C. LE CAS DU RABAIS EXCÉDENTAIRE

Les règles d'imposition des gains résultant d'un plan d'options ne s'appliquent pas au rabais qui peut être consenti sur le prix des actions.

En effet, lorsqu'une société met en place un plan d'options et détermine le prix de souscription ou d'achat, elle peut établir celui-ci en-dessous de la moyenne des cours cotés aux vingt séances de bourse précédentes. Toutefois, en vertu du dernier alinéa de l'article 208-1 de la loi du 24 juillet 1966, ce rabais ne peut pas être supérieur à 20 % du cours officiel.

Lorsque les options portent sur des titres non cotés, le rabais ne peut excéder 20 % du prix moyen d'achat par la société de ses propres actions au titre de la participation des salariés (article 208-3 de la loi de 1966).

Fiscalement, la partie de ce rabais qui excède 5 %, dite « rabais excédentaire », est traitée de façon moins favorable que le restant de la plus-value d'acquisition. Le rabais excédentaire est imposable dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année de la levée de l'option. Toutefois, afin d'éviter une double imposition, il est déductible de la plus-value d'acquisition taxée l'année de la cession des titres.

Par ailleurs, depuis que la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social a complété en ce sens le code de la sécurité sociale, le rabais excédentaire est soumis de plein droit aux cotisations de sécurité sociale, tant patronales que salariales, et à la CSG.

III. L'AMÉNAGEMENT PROPOSÉ

La réduction de l'avantage fiscal accordée aux plans d'options proposée par le présent article s'inscrit dans la ligne des réflexions de votre commission.

Au mois de mai dernier, son groupe de travail sur les options de souscription ou d'achat d'actions, composé de MM. Arthuis, Loridant et Marini, avait surtout préconisé l'introduction d'une plus grande transparence dans le fonctionnement du mécanisme des plans d'options sur actions. A cet égard, les 15 recommandations rendues publiques au moins de juin dernier par un groupe de travail AFEP-CNPF constituent le "code de bonne conduite qui faisait sans doute jusque là défaut.

Sur le plan strictement fiscal le groupe de travail de votre commission était parvenu aux deux conclusions suivantes :

- d'une part, le biais fiscal introduit par le mécanisme des stocks-options encourage trop souvent une politique de substitution pure et simple des gains réalisés sur options aux rémunérations classiques, ce qui est contraire à la philosophie de ce système d'intéressement et de participation ;

- d'autre part, l'obligation faite au bénéficiaire de conserver ses actions pendant un an après la levée de l'option, dite "délai de portage", que votre commission vous avait proposé de rétablir l'an dernier, est apparue finalement à la fois injuste et inefficace. Injuste, parce qu'elle pénalise le bénéficiaire que son niveau de revenu contraint à emprunter pour acquérir les actions sur lesquelles portent son option. Inefficace, parce que la prise de risque qu'elle vise à encourager peut être neutralisée par des mécanismes de couverture adéquats.

Un taux de 30 % semble mieux correspondre à la nature mixte du gain résultant d'un plan d'options, qui est à la fois une plus-value sur titre et un complément de rémunération. Il réduit certes le caractère incitatif du mécanisme d'option de souscription ou d'achat d'actions, mais ne le fait pas disparaître, notamment pour l'entreprise.

Le présent article prévoit toutefois une "clause de sauvegarde", en préservant la possibilité pour le bénéficiaire d'opter pour une imposition de son gain dans la catégorie des traitements et salaires. En pratique, celui-ci aura intérêt à le faire si son taux marginal d'imposition est inférieur à 30 %.

Par ailleurs, le taux d'imposition de droit commun de 1 6 % continuera de s'appliquer à la plus-value de cession éventuelle, c'est-à-dire à la plus value résultant de la valorisation supplémentaire des actions entre la levée de l'option et la cession des actions.

Enfin, le nouveau taux ne s'appliquera qu'aux options attribuées après le 20 septembre 1995. Les gains réalisés postérieurement à cette date, mais sur le fondement d'options attribuées antérieurement, continueront à se voir appliqué le taux de 16 %.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 54 - Révision des seuils d'imposition des plus-values sur cessions de valeurs mobilières et titres assimilés

Commentaire : le présent article a pour objet de réduire le seuil des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières et droits assimiles en dessous duquel les plus-values correspondantes sont exonérées d'impôt sur le revenu. Il supprime le seuil spécifique applicable aux OPCVM de capitalisation investis en titres de taux, les plus-values étant des lors, imposables au premier franc.

I. LE RÉGIME ACTUEL

L'imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières, fixée par les articles 92 B à 92 J du code général des impôts, comporte deux régimes distincts : un régime de droit commun pour l'ensemble des valeurs mobilières et un régime spécifique pour les OPCVM de capitalisation investis en titres de taux.

A. LE RÉGIME DE DROIT COMMUN

Les plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières cotées ou de titres assimilés 1 ( * ) . sont exonérées d'impôt sur le revenu des lors que le montant des cessions est inférieur au seuil fixé au premier alinéa de article 92 B du code général des impôts.

Ce seuil, parfois qualifié de "grand seuil" par opposition au seuil spécifique aux OPCVM de capitalisation, est égal à 150.000 F. Toutefois, conformément au cinquième alinéa du I de l'article 92 B précité, il est revalorisé, chaque année, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Compte tenu de cette revalorisation, il est actuellement de 342.800 F.

Au-delà de ce seuil, les gains nets retirés par les particuliers lors de la cession de valeurs mobilières sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au taux forfaitaire proportionnel de 16 %, majoré du prélèvement social de 1 % 2 ( * ) et de la contribution sociale généralisée de 2.4 % 2 ( * ) , soit au total 19,4 %.

B. LE RÉGIME SPÉCIFIQUE DES OPCVM DE CAPITALISATIONS

Pour les cessions de titres d'OPCVM principalement investis en titres de taux 3 ( * ) et qui ne distribuent pas intégralement leurs produits, l'article 10 de la loi du 16 juillet 1992 relative au plan d'épargne en actions a institué, à compter du 1 er janvier 1993, un seuil spécifique, égal à la moitié du seuil général (166.000 F pour 1993).

L'article 78 de la loi de finances pour 1994 a ramené ce seuil spécifique à 100.000 francs pour 1994 et à 50.000 francs à partir de 1995.

C. LA COMBINAISON DES DEUX RÉGIMES

Le seuil général d'imposition continue à s'appliquer à l'ensemble des valeurs mobilières cotées et droits assimilés. Il s'ensuit que les cessions d'OPCVM principalement investis en titres de taux entrent en compte pour la détermination du franchissement du seuil.

Inversement, dans l'hypothèse où seul le seuil spécifique serait dépassé, seules les plus values correspondantes aux titres d'OPCVM de taux sont taxées.

Cinq cas de figure peuvent donc se présenter qui sont résumés dans le tableau ci-après :

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI

Le paragraphe I de l'article 54 propose de ramener le "grand seuil" d'abattement à 200.000 francs pour les revenus de 1996 et à 100.000 francs à compter de 1997. Il fait ainsi disparaître l'indexation annuelle de ce seuil suivant l'évolution de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.

Si l'on estime, par simple hypothèse, à 4,5 % la plus-value moyenne d'un portefeuille de titres, c'est actuellement un montant de plus-values de 15.526 francs qui peut être réalisé en franchise d'impôt (13.059 F si l'on ne prend pas en compte les cessions de titres d'OPCVM de capitalisation).

Dans le dispositif proposé par le Gouvernement, ce montant de plus-values serait ramené, sous la même hypothèse d'un rendement de 4,5 %, à 9.000 francs pour les revenus de 1996 et à 4.500 francs pour les revenus de 1997 et des années suivantes.

La fixation du seuil à 200.000 francs aurait pour conséquence de faire acquitter l'impôt par 55.000 foyers fiscaux supplémentaires pour un gain budgétaire de l'ordre de 400 millions de francs. Avec un seuil à 100.000 francs, ces chiffres seraient respectivement portés à 100.000 et 640 millions de francs. Ces données doivent être maniées avec prudence dans la mesure où elles résultent de simples estimations, du fait de l'absence de déclaration en dessous du seuil actuel de 342.800 francs.

Le paragraphe II de cet article propose de supprimer le "petit seuil" d'exonération pour les plus-values réalisées sur les cessions d'OPCVM de capitalisation investis en titres de taux.

Cette disposition revient à taxer au premier franc de cession les plus-values réalisées lors de la vente de tels titres, au taux de 19,4 %.

Toutefois, il convient d'observer que le "grand seuil" continuant à s'appliquer à l'ensemble des valeurs mobilières, les cessions de titres d'OPCVM entreront en ligne de compte pour déterminer le franchissement de ce seuil. Ainsi, un contribuable qui céderait 35.000 F d'OPCVM de capitalisation ne disposerait plus que d'un "volant" de 165.000 F (200.000-35.000) de cessions non imposables pour les autres valeurs mobilières.

Environ 250.000 contribuables supplémentaires deviendraient imposables au titre des plus-values du fait de ces dispositions, pour un gain budgétaire estimé à 150 millions de francs.

Le paragraphe III tire les conséquences de l'abrogation du "petit seuil" pour la mise en oeuvre des mécanismes de report d'imposition.

En application du II de l'article 92 B. l'imposition des plus-values peut être reportée lorsqu'elles sont constatées lors des échanges réalisés depuis le 1 er janvier 1991 à l'occasion d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (au taux normal, de plein droit ou sur option) et, depuis le 1 er janvier 1992 dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission ou d'absorption d'un fonds commun de placement par une SICAV réalisée conformément à la réglementation en vigueur. L'imposition de la plus-value réalisée à cette occasion peut, sur simple demande du contribuable, être reportée au moment où s'opérera la cession ou le rachat des titres reçus lors de l'échange.

Le IV de l'article 92 B précise que, pour les opérations réalisées depuis le 1 er janvier 1993, sous le bénéfice de ce report, la plus-value est définitivement exonérée de la cession ou du rachat des titres reçus en échange, le seuil d'imposition de l'article 92 B du code général des impôts, seuil général ou seuil spécifique selon les cas, n'est pas franchi.

Le présent paragraphe propose donc de réserver cette exonération à la seule condition que le seuil de 200.000 francs puis 100.000 francs ne soit pas franchi, à l'exclusion de toute référence au seuil spécifique puisque celui-ci disparaît.

Le paragraphe IV prévoit que la disparition du seuil spécifique et la modification subséquente du régime du report d'imposition, ne seront applicables qu'à compter du 1 er janvier 1996.

Le régime proposé ramènerait donc à deux les cas de figure possibles :

NB : seuil général pour 1996 : 200.000 F seuil général pour 1997 : 100.000 F

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté cet article après avoir apporté une amélioration rédactionnelle au paragraphe III.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Sur la méthode utilisée, tout d'abord, il est satisfaisant que le Gouvernement ait, sur ce point, choisi de ne légiférer que pour l'avenir. Les épargnants auront ainsi la possibilité de procéder aux réallocations d'actifs qu'ils estimeront nécessaires et le Parlement le loisir de débattre sereinement, sans craindre de modifier l'équilibre de la loi de finances en cours de discussion. Au demeurant, la même méthode avait été utilisée en juin 1992, lorsqu'il s'était agi d'instituer le seuil spécifique pour les OPCVM de capitalisation à compter du 1 er janvier 1993, et en novembre 1993, lorsque ce seuil avait été ramené graduellement à 100.000 francs pour les revenus de 1994 et à 50.000 francs pour les revenus de 1995.

Sur le fond, plusieurs observations s'imposent.

S'agissant tout d'abord de la disparition du seuil spécifique des OPCVM de capitalisation , il convient de rappeler qu'il s'agit d'une idée ancienne puisqu'à la suite de la mise en place du seuil spécifique, M. Jean Arthuis, alors rapporteur général du Sénat, avait, dans le cadre de l'examen de la loi de finances rectificative pour 1992 1 ( * ) , proposé cette mesure à notre Haute assemblée, qui l'avait acceptée. Elle n'avait toutefois pas été retenue par l'Assemblée nationale en dernière lecture.

Cette idée reposait essentiellement sur deux motivations. Il s'agissait, en premier lieu de dégonfler la "bulle monétaire" constituée par les SICAV monétaires en rééquilibrant la fiscalité de l'épargne au profit de l'épargne longue. Ce type de placement avait en effet connu une croissance spectaculaire en raison de la hausse des taux d'intérêt à court terme et de la décision, prise à la fin de 1989 2 ( * ) , d'autoriser la capitalisation des revenus. Il s'agissait ensuite de donner un gage budgétaire permettant d'aligner la fiscalité des placements en produits d'intermédiation bancaire (comptes sur livrets, bons, comptes à terme) sur celle des autres placements 3 ( * ) .

En 1993, le Gouvernement, tout en souhaitant poursuivre plus avant vers cette logique, avait décidé le maintien d'un seuil spécifique afin d'éviter qu'un nombre excessif de contribuables ne soient soumis à de nouvelles obligations déclaratives, ce qui aurait occasionné des frais de gestion élevés. Cette décision était facilitée par le fait que l'abattement de 8.000 /16.000 francs était étendu aux plus-values de cession de SICAV monétaires.

Aujourd'hui, la neutralité fiscale en matière de placements bancaires est assurée 1 ( * ) . Par ailleurs, la contrainte technique semble levée puisqu'à la suite d'un accord intervenu entre l'Association Française des Banques et le ministère de l'économie et des finances en 1994, les banques sont désormais en mesure de fournir à tous les contribuables cédant des OPCVM de capitalisation, un récapitulatif des plus-values réalisées à cette occasion. Les contribuables pourront, s'ils ne souhaitent pas calculer eux-mêmes la plus-value, fournir à l'administration fiscale ce document. Lorsque les intermédiaires financiers ne sont pas en mesure de déterminer le prix d'acquisition, un prix forfaitaire est arrêté correspondant à 67 % de la valeur liquidative du titre au 31 décembre 1994 ; ce prix s'applique quelle que soit la date d'acquisition réelle des titres d'OPCVM monétaires.

Il reste donc à envisager la motivation au fond d'une telle mesure.

Comme le montrent les tableaux ci-après, la baisse des taux d'intérêt associée à l'alourdissement de la fiscalité a d'ores et déjà abouti à un dégonflement significatif de l'encours des OPCVM de capitalisation dont les flux nets de placements sont désormais négatifs. Fallait-il dans ces conditions accélérer encore ce mouvement ?

Plusieurs arguments militent en sens contraire. En premier lieu, il ressort de la dernière enquête sur les porteurs de valeurs mobilières 1 ( * ) que plus de 50 % des 3,3 millions de détenteurs d'OPCVM monétaires sont des ménages dont les revenus mensuels n'excèdent pas 15.000 francs, ceux qui disposent d'un revenu supérieur à 25.000 francs ne représentant que 13,4 % de l'ensemble. Il ressort aussi de l'enquête que, d'avril 1994 à avril 1995, ce sont uniquement les foyers disposant d'un revenu inférieur à 10.000 francs par mois qui ont augmenté leur détention d'OPCVM monétaires. Il s'agit donc de la même épargne populaire que celle du livret A et qui a simplement choisi une formule de placement plus moderne.

Précisément, l'alourdissement de la fiscalité sur les OPCVM de capitalisation, alors que le livret A reste entièrement défiscalisé et que son taux de rémunération reste inchangé depuis maintenant presque dix ans, risque de se traduire par des transferts massifs d'épargne vers ce dernier type de placement.

Il serait dommage que de tels mouvements, totalement artificiels, aboutissent à affaiblir l'industrie de la gestion collective française qui occupe, en termes d'actifs gérés, la première place en Europe et constitue un palliatif utile à l'absence de fonds de pension.

Enfin, on peut regretter que la mesure proposée porte, une fois encore, atteinte au principe de la stabilité du cadre fiscal de l'épargne. En quatre ans. la taxation des OPCVM de capitalisation aura ainsi été modifiée trois fois : en 1992 (institution d'un seuil spécifique), en 1993 (diminution du seuil) et en 1995 (suppression du seuil).

Néanmoins, on peut espérer qu'une partie au moins des transferts d'épargne ira s'investir dans des placements en actions et, pour cette raison, votre Commission des finances vous proposera de confirmer le vote émis lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1992.

Elle vous proposera néanmoins un amendement, inspiré de ce qui avait été fait lors de la mise en place du plan d'épargne en actions, et visant à encourager les transferts d'OPCVM de capitalisation vers des placements en fonds propres.

Par ailleurs, maintenir la prise en compte des cessions d'OPCVM de capitalisation, dont les plus-values correspondantes seront désormais taxées au premier franc, pour le calcul du seuil général, risque fort de ne pas être compris des épargnants.

En conséquence, votre Commission des finances vous proposera un amendement tendant à exclure désormais cette prise en compte des modalités de calcul du seuil général.

S'agissant de la diminution du grand seuil, trois observations doivent être faites.

La première est que la prise en compte d'un seuil de cessions n'est pas satisfaisante et qu'il conviendrait peut être de lui préférer un seuil de plus-values.

La prise en compte des plus-values est sans aucun doute plus juste fiscalement, puisqu'elle prend en compte la capacité contributive réelle. Par ailleurs, elle s'inscrirait dans le droit fil de la nouvelle doctrine fiscale consistant à assimiler les plus-values à des revenus. En outre, elle présenterait l'avantage, comme le soulignait déjà le rapport du Conseil National du Crédit de mars 1994 1 ( * ) , de supprimer le fort effet de seuil existant et favoriserait donc la réallocation d'actifs (à l'heure actuelle le franchissement du seuil entraîne la taxation de l'ensemble des plus-values).

Jusqu'à présent le principal obstacle à une telle réforme résidait dans la nécessité d'assurer le suivi de l'ensemble des portefeuilles, ce qui aurait obligé les établissements de crédit à se doter d'outils de gestion plus performants, dont les coûts auraient été reportés sur les épargnants.

La taxation au premier franc des plus-values d'OPCVM de capitalisation montre qu'un tel obstacle n'est pas rédhibitoire et votre Commission a envisagé de vous proposer de substituer à l'actuel seuil de cessions un abattement de plus-values, identique à celui de 8.000 / 16.000 francs qui sera désormais réservé aux seuls revenus d'actions et produits assimilés 2 ( * ) .

Une telle assimilation aurait eu pour effet de rendre identique la fiscalité des revenus et celles des plus-values. Elle aurait été d'autant plus facile à réaliser que le seuil de 8.000 francs pour un célibataire correspond à peu près à un montant de plus-values d'un portefeuille de 200.000 francs dont le rendement serait de 4.46 %, (taux retenu par le ministère de l'économie, des finances et du plan pour effectuer ses simulations 1 ( * ) ) et celui de 16.000 francs à un portefeuille de 350.000, niveau actuel du seuil.

Néanmoins, il convient d'observer que le dispositif actuel, dans son imperfection, donne involontairement un avantage aux portefeuilles les plus rentables et donc aux épargnants qui prennent le plus de risques.

Le tableau ci-après montre en effet que le montant des plus-values non imposables est de 9.000 francs pour un portefeuille dont le rendement n'est que de 4,5 % alors qu'il peut atteindre 171.400 francs avec un portefeuille dont le rendement serait de 50 %. Dans le dispositif envisagé par le Gouvernement à partir de 1997, un tel avantage subsisterait puisque ces chiffres seraient respectivement de 4.500 et 50.000 francs.

Fixer un seuil en fonction des plus-values et non plus des cessions aurait conduit à revenir sur ce léger avantage, au détriment des épargnants qui acceptent de prendre des risques et qui donc investissent en actions. Pour cette raison, votre Commission a renoncé à vous proposer une telle mesure.

En second lieu, il convient d'observer la cohérence discutable établie par le présent projet de loi entre, d'une part, la taxation des revenus et celles des plus-values.

En effet, les revenus d'obligations et produits assimilés seront désormais taxés au premier franc, alors que les plus-values résultant de ces mêmes produits continueront de bénéficier d'un abattement important, dans les mêmes conditions que les actions et produits assimilés.

Si l'objectif du nouveau cadre fiscal est bien de favoriser les placements en fonds propres des entreprises, on peut s'interroger sur l'opportunité de maintenir un abattement fiscal sur les plus-values d'obligations et produits assimilés. Il serait, dans cette perspective, plus cohérent de supprimer également l'avantage fiscal dont bénéficient les plus-values d'obligations. Une telle mesure aurait le mérite de la simplicité et assurerait une parfaite neutralité entre revenus distribués et revenus capitalisés.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous propose.

Article 55 - Imputation sur le revenu global des déficits relevant des BIC

Commentaire : Le présent article tend à restreindre les possibilités "'imputation, sur le revenu global, d'un déficit issu d'une activité relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, lorsque cette activité ne constitue pas pour le contribuable une véritable profession. Par une mesure de portée assez générale, cet article vise ainsi à mettre un terme à une situation qui est à l'origine de montages assurant l'optimisation fiscale de simples placements.

A l'initiative du gouvernement, ce dispositif a toutefois été largement complété devant l'Assemblée nationale, afin d'adapter ses modalités d'entrée en vigueur et d'éviter ainsi de remettre en cause l'équilibre d'opérations déjà engagées sur la base de la législation jusqu'alors en vigueur.

I. UNE SITUATION QUI CONDUIT A CERTAINS ABUS

La catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) recouvre les résultats retirés par les personnes physiques ou les sociétés de personnes non soumises à l'impôt sur les sociétés, du fait de l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Compte tenu de la forme juridique des entreprises auxquelles il s'applique, ce régime s'accompagne donc, en tout état de cause, d'une responsabilité personnelle et indéfinie des exploitants ou associés pour les risques pris au titre de l'activité exercée.

Sur cette base, le régime des BIC connaît actuellement des règles d'imputation des déficits moins strictes que dans les autres catégories de revenu. Or, cette faculté a été utilisée dans des montages fiscaux.

A. UNE POSSIBILITÉ DÉSORMAIS UN PEU ATYPIQUE

En principe, l'impôt sur le revenu dû au titre d'une année est assis sur le revenu net global du foyer fiscal, c'est-à-dire sur la somme algébrique des différents revenus catégoriels dont disposent les contribuables.

L'application stricte de cette règle devrait normalement se traduire par la possibilité d'imputer, sans limitation, les déficits constatés au titre d'une catégorie sur les revenus obtenus dans les autres domaines.

Toutefois, sa portée réelle est fortement atténuée par des dispositions spécifiques.

Dans de très nombreuses situations, la prise en compte du déficit catégoriel dans le revenu global est en fait impossible, la législation se contentant de prévoir une imputation sur d'éventuels bénéfices de même nature dégagés au cours de l'année considérée ou des cinq années suivantes. Cette forme d'encadrement correspond à ce qu'il est convenu d'appeler la "tunnélisation" des déficits catégoriels.

En réalité, et sur la base de la législation actuelle, seuls échappent à cet encadrement les déficits provenant :

- d'une activité agricole, lorsque les autres revenus du foyer fiscal n'excèdent pas 200.000 francs ;

- d'une activité relevant des bénéfices non commerciaux, sous réserve qu'elle soit exercée à titre professionnel par le contribuable ;

- d'une activité relevant des bénéfices industriels ou commerciaux sans condition particulière 1 ( * ) .

B. UNE OPPORTUNITÉ QUELQUEFOIS UTILISÉE A DES FINS D'OPTIMISATlON FISCALE

Dans son principe, l'imputation du déficit catégoriel sur le revenu global est légitime lorsqu'elle trouve sa contrepartie dans un risque réellement assumé par le contribuable au titre d'une activité de nature professionnelle. Dans ce cas, il y a bien en effet amputation du revenu global du foyer fiscal. En revanche, cette imputation devient contestable lorsque le déficit provient de l'utilisation de règles fiscales dérogatoires dans le cadre d'une opération patrimoniale ayant l'apparence d'une activité BIC. Or, l'avantage fiscal peut être très significatif, son importance étant directement fonction du taux marginal d'imposition de l'investisseur.

La possibilité d'imputer ces déficits sans conditions particulières a certes fait naître des tentations. De fait, on peut aujourd'hui distinguer trois grandes catégories de titulaires de BIC :

- les exploitants individuels ou associés de sociétés de personnes exerçant eux-mêmes l'activité de l'entreprise ;

- les intervenants que l'on peut qualifier de "passifs", qui restent indéfiniment responsables des risques pris par l'entreprise sans pour autant participer à sa gestion. Tel est le cas des associés de sociétés de personnes n'intervenant pas dans l'exploitation. Ce statut un peu particulier a notamment été utilisé pour mobiliser des investisseurs en vue de participer au financement d'activités économiquement saines, mais caractérisées par un manque de rentabilité durant les premières années d'exploitation (navires marchands, maisons de retraite médicalisées, résidences d'étudiants, remontées mécaniques dans des stations de sports d'hiver par exemple), ou plus généralement pour drainer des investissements vers le secteur de la construction d'immeubles d'habitation (sociétés civiles de construction vente) ;

- enfin, les opérateurs qui, par le truchement d'une activité relevant des BIC, réalisent en fait un simple placement financier dans le cadre d'un montage assorti de risques réduits, et ayant clairement un but d'optimisation fiscale.

L'attrait de cette dernière "famille" d'opérations réside d'ailleurs généralement dans la combinaison de plusieurs règles fiscales. L'activité choisie doit certes relever des BIC, ce qui autorise la prise en compte des déficits et, indirectement, des intérêts d'emprunt. Mais le "dopage" fiscal réside alors dans le recours simultané à un autre régime dérogatoire, tel un régime d'amortissement dégressif ou les dispositions relatives aux investissements dans les départements d'Outre-mer (loi "Pons"). Organisés par un établissement financier, et généralement assortis d'une clause de rachat à prix garanti, ces montages contestables sont ainsi à l'origine du fort développement du secteur de l'hôtellerie économique, mais expliquent aussi une partie du regain d'activité enregistré dans la construction des bateaux de plaisance. Dans ces situations, l'intérêt de l'opération réside uniquement dans son caractère structurellement déficitaire, les règles fiscales utilisées permettant alors de constater des charges qui n'ont plus aucun rapport avec la réalité économique de l'opération. De tels schémas permettent de contourner le taux marginal du barème de l'impôt sur le revenu tout en réalisant un placement en principe dépourvu de risque.

II. UNE RÉPONSE SANS VÉRITABLE NUANCE

Le présent article propose de mettre fin à ces pratiques, en aménageant les modalités d'imputation des déficits relevant des bénéfices industriels et commerciaux. Par analogie avec la solution retenue dans d'autres catégories, il propose de distinguer deux situations :

- les BIC professionnels, pour lesquels la possibilité d'imputation du déficit sur le revenu global serait maintenue :

- les BIC non professionnels, pour lesquels, à l'avenir, les déficits ne pourront s'imputer que sur des bénéfices de même nature, dégagés au titre de l'année considérée ou des cinq années suivantes.

Dicté par le légitime souci de supprimer l'intérêt de montages sans intérêt économique évident pour la collectivité, un tel choix manque toutefois de nuances. S'il préserve les entrepreneurs "actifs", il traite toutefois de façon indifférenciée les personnes participant à des opérations contestables et celles qui assument un risque d'entreprise sans intervenir directement dans la gestion de cette dernière. Il ignore ainsi tout un pan de la réalité économique.

Sur cette base discutable, le présent article maintient un régime particulier, sur agrément, pour les investissements dans les DOM. Il retient toutefois un dispositif d'entrée en vigueur qui évite de remettre en cause les opérations déjà engagées sur le fondement de la législation actuelle.

A. DÉFINITION DES BIC NON PROFESSIONNELS

L'architecture générale du nouveau dispositif repose donc sur la définition d'une nouvelle catégorie fiscale : celle des BIC non professionnels dont les modalités d'imputation des déficits seront désormais encadrées. Par coordination, il est en outre proposé d'intégrer dans ce champs les loueurs en meublés non professionnels, qui aujourd'hui apparaissent comme les seuls titulaires de BIC déjà soumis à un régime encore plus strict en matière d'imputation des déficits.

1. Une définition "a contrario"

Le présent article retient une approche par la négative. Il définit la nouvelle notion d'activité professionnelle au sens des BIC et organise un régime d'encadrement pour l'imputation des déficits provenant d'activités BIC qui ne répondent pas à ces critères.

L'activité est qualifiée de professionnelle lorsqu'elle comporte "la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité".

Il s'agit donc d'une définition relativement empirique, fondée sur une batterie de critères dont le respect sera apprécié au vu des circonstances de fait. Mais l'objectif poursuivi est de cerner les personnes effectivement et personnellement impliquées dans la gestion de l'entreprise.

Il n'est cependant pas exigé que cette activité constitue la Profession principale du contribuable. Elle peut consister en une activité accessoire, mais il demeure impératif que le contribuable ou l'un des membres de son foyer fiscal l'exerce directement.

Cette obligation exclut notamment du champ des BIC professionnels toute activité dont la gestion courante est en droit ou en fait confié à un tiers par un mandat ou toute autre convention. Cette précision est d'ailleurs expressément reprise dans le texte qui nous est soumis, et permet de mieux cerner ce qu'il faut entendre par "actes nécessaires à l'activité".

En conséquence, toutes les activités relevant des BIC et pour lesquels le contribuable ne satisfait pas aux conditions précédentes seront considérées comme réalisées à titre non professionnel.

Les déficits qu'elles suscitent perdent la possibilité de s'imputer sur le revenu global. A l'avenir, ils pourront uniquement être utilisés pour "apurer" :

- des bénéfices provenant de la même activité perçue au cours des cinq années suivantes,

- des bénéfices provenant d'autres activités relevant des BIC non professionnels, et dégagés par le contribuable ou un autre membre de son foyer fiscal, au titre de la même année et des cinq années suivantes.

2. Une solution qui intègre mal la notion de risque économique

D'emblée, on notera que les critères retenus pour cerner les BIC professionnels sont différents de ceux retenus pour les autres types de revenus catégoriels et qui, eux-mêmes, s'avèrent assez disparates.

En outre, la "frontière" entre BIC professionnel et non professionnel est quelque peu arbitraire. Elle n'intègre pas la notion de risque d'entreprise accepté par le contribuable, alors que cet élément reste fondamental pour justifier l'imputation du déficit sur le revenu global.

Certes, on peut objecter qu'une entreprise n'est pas normalement destinée à présenter durablement une situation déficitaire et que le résultat négatif doit normalement être "apuré" par des bénéfices réalisés au cours des cinq années suivantes. Il n'en demeure pas moins que les aléas sont nombreux, notamment en phase de démarrage d'activité. La suppression de la possibilité d'imputer les déficits -réels- supportés par les investisseurs passifs supprime ainsi une sécurité et va manifestement détourner ces investissements privés de secteurs où leur apport est cependant indispensable.

Lors du débat devant l'Assemblée nationale, le gouvernement a d'ailleurs lui-même admis les limites des critères qu'il propose. Désormais, et dans le cas extrême où l'entreprise viendrait à être mise en liquidation judiciaire, tous les intervenants "passifs" retrouveront alors la possibilité d'imputer leurs BIC non professionnels sur le revenu global, à condition que l'ensemble des éléments d'actifs affectés à l'activité soient cédés à une personne extérieure au foyer fiscal.

Cette atténuation du dispositif initial démontre, s'il en était besoin, que l'ensemble des conséquences de ce texte sont loin d'être maîtrisées et que son impact réel sur des opérations ne constituant pas des montages reste extrêmement délicat à mesurer.

3. Une conséquence indirecte : l'assouplissement des règles applicables aux loueurs en meublé non professionnels

Les loueurs en meublé figurent parmi les rares titulaires de BIC déjà soumis à un régime particulier d'imputation des déficits. En effet :

- les personnes qui réalisent plus de 150.000 francs de recettes annuelles à ce titre (ou tirent 50 % de leur revenu de cette activité) sont considérées comme professionnels, et peuvent imputer les éventuels déficits sur leurs autres revenus,

- les autres intervenants sont qualifiés de "non professionnels", et leurs déficits s'imputent uniquement sur les bénéfices tirés de cette même activité, au cours des cinq années suivantes.

La création d'un régime général des BIC non professionnels conduit assez logiquement à adopter les règles spécifiques prévues pour les loueurs en meublé non professionnels. Désormais, les déficits qu'ils retirent de cette activité particulière pourront s'imputer sur tous les bénéfices industriels et commerciaux non professionnels, qu'elle qu'en soit l'origine, constatés au cours de l'année en cause et des cinq années suivantes.

En d'autres termes, pour cette catégorie d'intervenant, les dispositions du présent article reviennent en fait à élargir les possibilités d'imputation de leur déficit, afin de les aligner sur la nouvelle règle générale.

B. LE MAINTIEN D'UN RÉGIME SPÉCIFIQUE POUR LES INVESTISSEMENTS OUTRE-MER

1. Une combinaison qui assure un avantage fiscal important

En application des dispositions de la loi dite "Pons", les investissements réalisés dans les départements d'outre-mer bénéficient déjà d'avantages fiscaux.

En particulier, les entreprises qui réalisent dans ces départements des investissements productifs dans les secteurs de l'industrie, de la pêche, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment, des travaux publics, du transport ou de l'artisanat, peuvent en déduire le montant de leur résultat imposable.

Dérogatoire aux règles normales d'imposition, cette possibilité de déduction peu toutefois être soumise à agrément.

Ainsi, pour les investissements réalisés dans les transports, la navigation de plaisance, la production audiovisuelle et cinématographique, la construction d'hôtels et les concessions de service public local à caractère industriel ou commercial, l'agrément est, en principe, exigé pour toute opération, quel qu'en soit le montant ( 1 ( * ) ).

Pour les autres secteurs, l'agrément n'est exigé que pour les programmes d'un montant supérieur à 30 millions de francs.

La combinaison de la déduction "Pons" avec le régime BIC permet de donner aux opérations réalisées un attrait fiscal tout particulier. Elle est d'ailleurs au coeur de nombreux montages. Le déficit transféré aux associés de l'entreprise intègre alors, à côté de la charge née de l'exploitation le montant total de l'investissement.

Le montage devient alors extrêmement "performant", du moins au plan fiscal, si la charge née de l'exploitation de cet investissement dans les DOM peut elle même être artificiellement gonflée par l'utilisation de modes d'amortissement dégressif, qui permettent de constater à court terme une dépréciation de l'actif largement supérieure à l'amortissement linéaire.

2. Un cumul maintenu sur agrément

A défaut de dispositions spécifiques, les nouvelles règles prévues pour les BIC non professionnels devraient donc s'appliquer sans restriction a ces schémas de financement, limitant ainsi de façon très sensible leur attrait en termes de placement.

Toutefois, le gouvernement a souhaité tenir compte des contraintes économiques particulières existant dans les départements d'Outre-mer et de la nécessité d'y attirer des investissements.

Dans son principe, le régime de la loi "Pons" demeure d'ailleurs inchangé ; son application reste donc, selon les circonstances, subordonnée à l'octroi d'un agrément.

Mais en outre, et par dérogation à la nouvelle règle instituée par le présent article, un deuxième agrément ministériel pourra en outre autoriser le cumul entre le régime de la loi "Pons" et la déductibilité, sans condition, des déficits BIC. Les pouvoirs publics souhaitent ainsi pouvoir continuer à encourager des opérations ayant un intérêt économique particulier pour les départements d'outre-mer.

Ce deuxième agrément sera en principe exigé quel que soit le montant de l'investissement réalisé par l'entreprise. Toutefois, et conformément à la règle habituelle, l'accord sera tacite à défaut de réponse de l'administration dans un délai de trois mois. En outre, pour les projets d'un montant inférieur à un million de francs, ce délai sera ramené à deux mois.

C. ENTRÉE EN VIGUEUR

Dans le texte initial du gouvernement, il était prévu que l'ensemble du dispositif du présent article s'applique aux "investissements réalisés à compter du 20 septembre 1995".

Cette première rédaction souligne à nouveau que l'objectif premier du présent dispositif est de mettre un terme à des montages. Mais, de fait, elle ne permettait pas de prendre en compte la totalité des situations que recouvre le nouveau concept de BIC non professionnel ni de préserver des investissements dont le déroulement s'inscrit dans la durée.

Aussi, et pour éviter ces écueils, le gouvernement a décidé, lors du débat devant l'Assemblée nationale, d'adapter de façon très significative les modalités d'entrée en vigueur du nouveau dispositif.

Le texte distingue en fait trois situations :

- pour les membres d'une copropriété de cheval de course et les loueurs en meublé non professionnels, ces dispositions s'appliquent intégralement dès l'imposition des revenus de 1996 ;

- pour les autres titulaires de BIC, elles ne concernent que le déficit, ou la fraction de déficit provenant d'activités créées, reprises, étendues ou adjointes à compter du 1er janvier 1996. Cette approche répond au souci légitime d'éviter de bouleverser les situations actuelles dans les nombreuses entreprises ou sociétés de personnes soumises au régime des BIC. Mais elle conduit à mettre en oeuvre un dispositif d'intégration "en sifflet" qui suppose l'existence d'une comptabilité séparée et soulèvera sans nul doute de multiples problèmes d'appréciation ;

- enfin, échappent au nouveau régime les déficits nés d'investissements réalisés après le 1er janvier 1996 lorsqu'ils correspondent :

ï à des immeubles en construction ayant fait l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier avant cette date ;

ï à des biens meubles corporels ayant fait l'objet, avant le 1er janvier 1996, d'une commande accompagnée d'un acompte représentant 50% au moins du prix de revient.

Dans l'ensemble, votre commission est réservée face à cet article.

Certes, elle comprend et partage le souci du gouvernement de mettre fin à des montages fiscaux parfois contestables. Elle remarque toutefois que ces montages supposent généralement le cumul de plusieurs dispositions fiscales, et notamment le recours au mode d'amortissement dégressif ou aux autres avantages prévus par la loi "Pons".

Dans ce contexte, elle relève toutefois que les titulaires de BIC constituent un ensemble relativement mal connu, et qui recouvre de multiples situations plus ou moins complexes.

Or, le critère de sélection envisagé par le texte en vue de distinguer les BIC professionnels de ceux qui ne le sont pas demeure en fait assez arbitraire. Il conduit à pénaliser des opérateurs qui participent à un investissement ne s'accompagnant pas d'avantages fiscaux particuliers et qui acceptent l'intégralité du risque d'entreprise sans intervenir directement dans la gestion. De fait, votre commission s'inquiète des conséquences économiques d'un tel dispositif pour des secteurs dont la rentabilité n'apparaît qu'à moyen terme. Or, à ce jour, personne n'est en mesure de les évaluer.

Votre commission estime qu'il est inopportun, voire dangereux de légiférer dans de telles conditions. A titre conservatoire, et pour mettre fin à des montages réellement identifiés, elle vous propose un amendement tendant à restreindre le champ de l'article aux activités et investissements ouvrant droit au régime de l'amortissement dégressif.

Elle suggère que le reste du débat soit renvoyé au projet de loi d'orientation fiscale. A cette occasion, il sera possible de débattre sereinement des critères susceptibles d'être utilisés, dans toutes les catégories de revenus, pour déterminer le caractère professionnel d'une activité et le sort à réserver au déficit issu de ces activités.

A défaut, elle demeure persuadée que le dispositif actuel devra être, par la suite, régulièrement modifié pour tenir compte de la réalité économique et qu'il risque de mettre un terme à des investissements utiles à la collectivité, car créateurs d'emplois et répondant à des besoins autres que récréatifs ou fiscaux.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

* 1 Parmi les valeurs mobilières cotées ou titres assimilés, figurent les actions, les obligations, les certificats d'investissement et titres participatifs cotés sur une bourse française étrangère ou négociés sur le second marché ou sur le marché hors cote, et les droits de souscription ou d'attribution portant sur ces valeurs : les titres de SICAV, qui ne font pas l'objet a proprement parler d'une cotation, et les parts de fonds communs de placement sont compris dans le champ d'application de l'article 92 B en tant que "titres représentatifs de telles valeurs Parmi les autres titres concernés, on ajoute depuis le 1 er septembre 1992. les obligations non cotées et titres assimilés. Certaines valeurs mobilières sont toutefois soumises à des régimes particuliers : titres de sociétés immobilières, titres de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés détenus par des personnes dont les droits excèdent 25 % des bénéfice (article 160 du code général des impôts) et parts de sociétés de personnes non soumise à l'impôt sur les sociétés lorsque le cédant n'exerce pas d'activité dans la société, ou soumises au régime des plus-values professionnelles.

* 2 Ce prélèvement a été institué par la loi n° 87-5I6 du 10 juillet 1987, portant diverses mesures relatives au financement de la sécurité sociale et pérennisé par la loi de finances pour 1994

* 2 Article 42 de la loi de finances rectificative pour 1993, n° 93-859 du 22 juin 1993

* 3 Il s'agit, aux termes du I bis de l'article 92 B du code général des impôts des "parts ou actions de fonds communs de placement ou de sociétés d'investissement à capital variable, qui ne distribuent pas intégralement leurs produits et qui à un moment quelconque au cours de l'année d'imposition, ont employé directement ou indirectement 50 % au moins de leurs actifs en obligations, en bons du Trésor ou en titres de créances négociables sur un marché réglementé"

* 1 Rapport Sénat n° 141, fascicule 1, première session ordinaire de 1992-1993, annexé au procès-verbal de la séance du 16 décembre 1992, p. 298 et suivantes : article additionnel après l'article 44 Journal Officiel Sénat du 18 décembre 1992 p. 4393.

* 2 L'article 39-1 de la loi du 2 août 1989 sur l'épargne a supprimé l'obligation de distribuer les produits de placements à revenu fixe (obligations, titres participatifs, titres de créances négociables) pour les exercices clos à compter du 29 septembre 1989. Ce dispositif a été complété par l'article 16 de la loi de finances pour 1990 qui supprime l'obligation de distribution par les OPCVM des produits de placements à revenu variable (dividendes et divers produits d'actions).

* 3 A l'époque, ces produits subissaient un prélèvement libératoire variant (hors contributions sociales) entre 35 et 50 %.

* 1 Articles 79 et SI de la loi de finances pour 1994 (n° 93-1352 du 30 décembre 1993)

* 1 "Les porteurs de valeurs mobilières" enquête BdF, COB. SBF, septembre 1995.

* 1 "Épargne stable et financement de l'investissement" mars I994. p. 156

* 2 Voir sur ce point l'article 4 du présent projet rapport général n° 77 tome II fascicule I ; p. 33 et suivantes.

* 1 Voir sur ce point Rapport général de l'Assemblée nationale n° 2270 Tome II, page 52 et Tome III p. 94. note I.

* 1 A l'exception du cas particulier des loueurs en meublé non professionnels

* 1 A l'e xception des opérations d'un montant inférieur à 1 million de francs réalisées par une entreprise exerçant son activité dans les DOM depuis plus de deux ans.

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