Article 19 - Aménagement du régime de l'octroi de mer

Commentaire : Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, a deux objets :

- Il aligne pour les produits pétroliers, qui bénéficient d'un régime suspensif de la taxe sur la valeur ajoutée, les règles d'exigibilité de l'octroi de mer sur les règles d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée.

- Il précise que seule la fraction du droit additionnel à l'octroi de mer supérieure à 1 % est applicable aux produits exonérés d'octroi de mer.

I. L'OCTROI DE MER APRÈS LA LOI DU 17 JUILLET 1992

*Champ des activités concernées

Rénové par la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992, l'octroi de mer est un droit de consommation qui frappe, dans les régions de Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion les opérations suivantes :

L'introduction de marchandises ;

Les livraisons à titre onéreux par des personnes qui y accomplissent des activités de production. Sont considérées comme activités de production les opérations de fabrication, de transformation ou de rénovation de biens meubles corporels, ainsi que les opérations agricoles et extractives ;

Les livraisons à titre onéreux par des personnes qui achètent en vue de l'exportation ou de la revente à d'autres assujettis à l'octroi de mer.

*Exonérations

La loi a cependant prévu trois séries principales d'exonérations :

- des exonérations de plein droit portant sur les produits exportés hors des DOM ainsi que sur les échanges interrégionaux ;

- des exonérations facultatives, laissées au libre choix des conseils régionaux, portant sur les produits importés dont la liste, la nature et l'objet sont fixés par la loi ;

- des exonérations totales ou partielles, également laissées à l'initiative des conseils régionaux, bénéficiant, en fonction des besoins économiques, à la production locale.

*Entreprises éligibles

L'article 3 de la loi précitée du 17 juillet 1992 précise que seules les entreprises dont le chiffre d'affaires relatif à l'activité de production est supérieur à 3,5 millions de francs pour l'année civile précédente sont assujetties à l'octroi de mer.

Toutefois, les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 2 et 3,5 millions de francs peuvent, sur option, être assujetties à l'octroi de mer.

Enfin, les personnes qui achètent en vue de l'exportation ou de la revente à d'autres assujettis peuvent opter pour la position d'assujetti au titre de ces opérations si leur chiffre d'affaires est, pour ces mêmes opérations, supérieur à 1,5 million de francs pour l'année civile précédente.

*Bases d'imposition

La base d'imposition est constituée :

- pour les importations, par la valeur en douane au lieu d'introduction des marchandises dans chaque région ;

- pour les productions locales et les achats-reventes, par le prix des marchandises, hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et taxes parafiscales, diminué de 15 % au titre des frais de commercialisation.

*Fait générateur de la taxe

L'article 5 dispose que pour les importations, le fait générateur se produit et la taxe devient exigible au moment où les biens sont introduits à l'intérieur des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique ou de la Réunion.

Pour les productions locales et les achats-reventes, le fait générateur de la taxe se produit et la taxe devient exigible au moment :

- de la livraison par les producteurs des produits issus de leurs opérations de fabrication, de transformation ou de rénovation ;

- de la livraison des biens par les personnes qui achètent en vue de la revente à des assujettis ou qui exportent et qui ont pris sur option la position d'assujetti.

*Déductibilité

A l'instar de la TVA, l'octroi de mer qui a grevé les éléments du prix de revient d'une opération imposable est déductible de l'octroi de mer applicable à cette opération sans qu'il soit possible d'obtenir, le cas échéant, le remboursement du crédit de taxe dégagé.

Toutefois, le crédit d'octroi de mer peut être remboursé en cas d'opérations d'exportation hors des DOM ou d'expédition à destination d'un autre DOM quand la livraison est exonérée.

*Fixation des taux

Les taux de l'octroi de mer sont fixés par délibération du conseil régional. Le taux maximal ne peut excéder 30 %.

Toutefois, ce taux peut être porté à 50 % pour les alcools, les produits alcooliques et les tabacs manufacturés.

Le nombre des taux fixés par le conseil régional ne peut être supérieur à huit.

*Taxe additionnelle régionale à l'octroi de mer

Enfin, la loi autorise les conseils régionaux à instituer un droit additionnel à l'octroi de mer qui suit les mêmes règles que ce dernier. Ce droit, qui constitue une recette du budget des régions, n'est pas applicable aux produits soumis à un taux zéro ou exonérés lorsqu'il n'excède pas 1 %. Le taux ne peut dépasser 2,5 %.

Le poids considérable de l'octroi de mer permet de pallier le niveau relativement faible des quatre taxes directes locales dans les budgets des collectivités des départements d'outre-mer.

Produit des impôts directs locaux pour les communes et produit global de l'octroi de mer en 1994

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

A. LA DÉTERMINATION DU FAIT GÉNÉRATEUR ET DE L'EXIGIBILITÉ DE LA TAXE APPLICABLE AUX PRODUITS PÉTROLIERS

Le paragraphe I du présent article complète l'article 5 de la loi du 17 juillet 1992 précitée afin de préciser que pour les produits pétroliers et assimilés, le fait générateur se produit et l'octroi de mer devient exigible lors de leur mise à la consommation à l'intérieur des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique ou de la Réunion.

Cette insertion permet en fait d'apporter par avance une solution à un problème particulier qui aurait pu se poser aux Antilles.

En effet, d'après les informations fournies à votre rapporteur général, il n'existe qu'une seule raffinerie de pétrole, la SARA, située en Martinique-Le conseil régional de la Martinique ayant pris une délibération tendant à exonérer l'importation de pétrole brut, le schéma suivant reste théorique mais sa mise en oeuvre aurait des conséquences financières non négligeables pour l'entreprise concernée.

Ainsi, en l'état actuel du droit, le pétrole brut importé en Martinique pour y être raffiné, puis livré dans ce même département et expédié, pour le reliquat, en Guadeloupe, devrait donner lieu, en principe, à la perception de l'octroi de mer à trois niveaux :

- lors de l'introduction en Martinique ;

- lors de la livraison du produit raffiné distribué en Martinique, avec Possibilité d'imputation de la taxe acquittée à l'introduction :

- lors de la livraison du produit raffiné distribué en Guadeloupe, sans Possibilité de déduire une taxe d'amont puisque Martinique et Guadeloupe constituent un marché unique et que l'octroi de mer n'a pas été perçu à l'entrée dans cette dernière région.

Dès lors, la raffinerie concernée est condamnée à être structurellement créditrice d'un certain montant d'octroi de mer, comme le montre l'exemple ci-après :

Sur 100 de pétrole brut que la raffinerie importe, celle-ci en vend raffiné 160, la production étant destinée pour moitié à chacun des deux DOM. Le taux de l'octroi de mer est de 10% en Martinique et de 15% en Guadeloupe.

En Martinique, la raffinerie doit acquitter 10 au titre de l'importation (100 x 10%) et 8 au titre de la livraison (80 x 10%). Après imputation de l'octroi de mer acquitté à l'importation, la raffinerie reste créditrice de 2, sans possibilité de remboursement. L'article 10 de la loi précitée du 17 juillet 1992 prévoit, en effet, on le rappelle, que lorsque le montant de la taxe déductible mentionnée sur une déclaration excède le montant de l'octroi de mer dû, l'excédent de taxe dont l'imputation ne peut être faite est reporté, jusqu'à épuisement, sur la ou les déclarations suivantes, étant bien entendu que l'octroi de mer dont l'imputation n'a pu être opérée ne peut Pas faire l'objet d'un remboursement.

En Guadeloupe, la raffinerie doit 12 (80 x 15 %), sans octroi de mer d'amont à déduire.

Au total, la raffinerie a effectivement versé 22 d'octroi de mer mais n'était débitrice que de 20 au titre de ses deux livraisons (8 + 12). Elle constate un crédit structurel de 2 correspondant à une rémanence de taxe.

Afin de régler a priori ce problème de rémanence, le gouvernement Propose donc d'aligner le régime des produits pétroliers au regard de l'octroi de mer sur celui qui leur est applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Ainsi, le fait générateur se produirait et la taxe deviendrait exigible uniquement au moment de la mise à la consommation de ces produits (paragraphe I).

Pour s'en tenir à l'exemple mentionné plus haut, la raffinerie n'acquittera plus que 20 de taxe : 8 au titre de la mise à la consommation en Martinique et 12 au titre de la mise à la consommation à la Guadeloupe. La disparition de la taxation à l'importation, par définition plus forte que celle portant sur le produit transformé distribué en Martinique, permet ainsi de supprimer toute rémanence.

Le paragraphe III du présent article tend à confirmer la compétence de principe de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) pour la perception et le contrôle de l'octroi de mer dû au moment de la mise à la consommation des produits pétroliers. La DGDDI est actuellement compétente pour les introductions de marchandises.

Enfin, le paragraphe IV prévoit l'entrée en vigueur du dispositif ci-dessus décrit à la date du 1er janvier 1996.

B. LES MODALITÉS DE LA TAXATION AU DROIT ADDITIONNEL À L'OCTROI DE MER DES PRODUITS EXONÉRÉS D'OCTROI DE MER

L'article 89 de la loi de finances initiale pour 1994 a porté de 1 % à 2,5 % le taux maximal du droit additionnel à l'octroi de mer que les conseils des régions d'outre-mer peuvent instituer.

Ce même article dispose que lorsqu'il n'excède pas le taux de 1 %, le droit additionnel ne s'applique pas aux produits soumis à un taux zéro ou totalement exonérés.

Dès l'entrée en vigueur des dispositions précitées de la loi de finances initiale pour 1994, cette dernière précision a été interprétée comme soumettant au droit additionnel les produits à taux zéro ou exonérés pour la fraction du taux du droit additionnel comprise entre 1 % et 2,5 %.

En d'autres termes, les quatre conseils régionaux concernés ayant tous adopté le taux maximal de 2,5 %, les produits exonérés ou soumis à un taux zéro au titre de l'octroi de mer se voient imposés à hauteur de 1,5 % (2,5 % - 1 %) au titre du droit additionnel.

De ce point de vue, les paragraphes II et IV tendent à mettre le droit en conformité avec les faits en prévoyant explicitement :

- d'une part, que lorsque le taux du droit additionnel régional à l'octroi de mer excède 1 %, seule la fraction du droit additionnel qui excède 1 % est applicable aux produits soumis à un taux zéro ou totalement exonérés ;

- d'autre part, que ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 1994.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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