CHAPITRE III - L'ARTICLE PREMIER DU PROJET DE LOI

Le présent projet de loi vise à compléter la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger.

Il est proposé d'introduire un article 5-1 qui, d'une part, étend la gamme des prérogatives dont dispose le ministre chargé de l'économie pour faire assurer la police des investissements étrangers et, d'autre part, crée une cause de nullité d'ordre public des opérations qui auraient entraîné la réalisation d'un investissement étranger réalisé en infraction au régime de police institué.

I. L'EXTENSION DE LA GAMME DES PRÉROGATIVES DU MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉCONOMIE

L'article 3 de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 donne au gouvernement la latitude pour assurer la défense des intérêts nationaux de soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle, notamment, la constitution et la liquidation des investissements étrangers en France.

Cette police des investissements étrangers est organisée par décret.

Les infractions au régime de police ainsi constitué sont assorties de sanctions suivantes :

ï peine d'emprisonnement d'un à cinq ans ;

ï confiscation du corps du délit ;

ï amende égale au minimum au montant et au maximum au double du montant de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction.

En outre, les personnes condamnées pour ces infractions subissent un certain nombre d'incapacités.

Il s'agit donc d'un arsenal répressif basé pour l'essentiel sur des sanctions pénales dont le maniement peut susciter des difficultés soit du fait des lenteurs inhérentes à toute procédure judiciaire soit en raison de la relative lourdeur des peines prévues.

C'est dans l'intention de remédier à ces difficultés que le projet du gouvernement propose de doter le ministre chargé de l'économie d'un pouvoir d'injonction. En l'exerçant, il peut exiger de l'investisseur qu'il ne donne pas suite à l'opération, qu'il la modifie ou encore qu'il fasse rétablir à ses frais la situation antérieure.

Ce pouvoir d'injonction est sanctionné par la possibilité donnée au ministre d'infliger une sanction pécuniaire égale au maximum au double du montant de l'investissement irrégulier.

Le champ du pouvoir d'injonction consenti au ministre de l'économie ne recouvre pas l'ensemble des opérations d'investissement étranger. L'investissement doit être ou avoir été réalisé dans certains domaines ou avoir certaines propriétés.

En effet, il faut que l'investissement étranger soit réalisé :

ï dans des activités participant en France, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique, ou,

ï dans des activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions ou de matériels de guerre, ou encore,

ï qu'il soit de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique ou la sécurité publique.

L'investissement doit encore avoir été réalisé en l'absence de la demande d'autorisation préalable exigée sur le fondement de l'article 3 de la loi de 1966 ou malgré un refus d'autorisation ou encore sans qu'il soit satisfait aux conditions dont l'autorisation est assortie.

Il y a là un luxe de détails dont on peut se demander s'il est vraiment utile.

Enfin, le pouvoir d'injonction du ministre est organisé de telle sorte que ce dernier dispose d'un total pouvoir d'appréciation. Autrement dit lorsque les deux catégories de conditions évoquées plus haut sont réunies, le ministre peut enjoindre mais aussi bien ne pas enjoindre.

Il y a là quelque chose d'un peu déconcertant en ce sens que le pouvoir d'intervention du ministre est subordonné à la constatation d'infractions "a priori" graves à la fois du fait de leur objet -le non respect de décisions administratives- et du fait des domaines où elles interviennent -l'ordre public, la sécurité publique....

On pourrait s'attendre, devant le caractère particulièrement répréhensible des actes mentionnés, à ce que la compétence du ministre soit liée plutôt que discrétionnaire.

Ce n'est pas le dispositif proposé. Mais il est possible d'estimer que l'apparent illogisme de la solution proposée ne doit pas être exagéré ; il n'y a pas lieu d'imaginer "a priori" un mauvais usage de son pouvoir d'appréciation par le ministre. Plus encore, l'option choisie peut être utile, le ministre pouvant avoir de bonnes raisons de ne pas intervenir du tout ou de choisir une autre forme d'intervention.

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