Art. 11 - Abrogation de la loi du 5 avril 1937 ouvrant une voie d'intégration sans concours dans la fonction publique enseignante

Cet article abroge la loi du 5 avril 1937 qui ouvre un droit à titularisation, aux détenteurs de grades ou diplômes d'État donnant accès aux fonctions de l'enseignement public qui ont exercé des fonctions de même nature « dans les établissements scientifiques ou scolaires à l'étranger, dans les pays de protectorat, dans les pays placés sous mandat français ou dans les colonies françaises ».

Ce texte s'inscrit dans un dispositif législatif remontant à 1913 qui avait à l'origine pour vocation d'harmoniser les régimes de pension en vigueur dans les colonies françaises et les pays de protectorat sur ceux de la métropole.

Ainsi l'article 33 de la loi du 30 décembre 1913 a-t-il étendu aux agents non titularisés détachés dans les pays sous mandat français ou dans les colonies françaises le bénéfice des dispositions en vigueur en métropole en matière de prise en charge des droits à pension.

La loi du 5 août 1929 a étendu le bénéfice de l'article 33 de la loi du 30 décembre 1913 précitée aux titulaires de grades ou diplômes d'État qui donnent normalement accès à l'enseignement public ayant exercé, depuis le 1er octobre 1926, des fonctions de même nature « dans des établissements scientifiques ou scolaires à l'étranger ou dans des pays de protectorat ». La loi du 5 août 1929 précitée, dont la durée d'application était limitée à 10 ans, prévoyait outre l'harmonisation du régime des pensions, que les agents d'enseignement concernés seraient « rangés dans les mêmes cadres » et « soumis aux mêmes règles d'avancement » que s'ils exerçaient en France.

Il est à noter que ce dispositif avait été conçu de manière souple pour s'appliquer aussi bien aux personnes détachées qu'aux Français de souche ou sous statut civil de droit local exerçant des fonctions d'enseignement dans les écoles des colonies françaises.

Enfin, la loi du 5 avril 1937 a prorogé, sans limitation de durée, les dispositions susvisées aux agents dotés des diplômes requis et ayant exercé ou exerçant des fonctions d'enseignement public « dans les établissements scientifiques ou scolaires à l'étranger, dans les pays de protectorat, dans les pays placés sous mandat français ou dans les colonies françaises ».

La procédure proposée présente deux caractéristiques.

D'une part, l'admission au bénéfice de la loi sur les pensions du 30 décembre 1913 ne dépend pas seulement du ministère de l'éducation nationale mais également de « l'avis conforme » du ministère des finances qui doit examiner si les ouvertures de postes prévues permettent la nomination de l'intéressé.

D'autre part, la notion de « rangement dans les cadres » de la fonction publique enseignante ne doit pas être confondue avec celle de « titularisation » qui ne peut intervenir que dès lors que l'emploi a été budgétairement créé.

Cette possibilité de titularisation a été utilisée de manière assez libérale à partir de 1929 en particulier pour intégrer dans les cadres de la fonction publique enseignante des personnes sous statut civil de droit local ayant participé dans les colonies françaises au service public de l'enseignement.

Encore utilisée après l'accession à l'indépendance des anciennes colonies dans les années 60 pour titulariser les rapatriés d'origine locale ayant demandé l'acquisition de la nationalité française, la loi du 5 avril 1937 semble être par la suite quasiment tombée en désuétude avant d'être réactivée par des contentieux introduits à partir de 1984.

En effet, la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant diverses dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État a prévu diverses dispositions transitoires (article 73 et suivants) qui permettent, par dérogation au principe du recrutement des fonctionnaires par voie de concours des fonctionnaires posés à son article 19, d'assurer la titularisation de nombreux agents titulaires.

Il résulte ainsi de l'article 79 de la loi du 11 janvier 1984 précitée, que des décrets en Conseil d'État peuvent organiser, pour les agents non titulaires, l'accès aux différents corps de fonctionnaires par voie d'inscription sur une liste d'aptitude établie en fonction de la valeur professionnelle des candidats.

S'agissant des agents non titulaires à l'étranger et en particulier des personnels enseignants, l'article 74 de la loi précitée fixe la liste des personnes concernées. Il s'agit :

- des personnels civils de coopération culturelle scientifique et technique ;

- des personnels civils des établissements et organismes de diffusion culturelle ou d'enseignement situés à l'étranger considérés comme des services extérieurs du ministère des affaires étrangères, c'est-à-dire soit les établissements de l'Office universitaire et culturel français en Algérie (OUCFA) relevant de l'ordonnance n° 62-992 du 11 août 1962, soit les établissements dotés de l'autonomie financière relevant de la loi de finances pour 1974 (loi n° 73-1150 du 27 décembre 1973) ;

- des personnels recrutés au titre de la loi du 13 juillet 1972 en exercice dans les établissements d'enseignement supérieur à l'étranger.

Conformément à ces dispositions, les décrets n° 84-715 à 84-721 du 17 juillet 1984 relatifs respectivement à la titularisation dans les corps des instituteurs, des professeurs d'enseignement général des collèges (PEGC), des adjoints d'enseignement, des professeurs de collège d'enseignement technique, des conseillers d'éducation, des directeurs des centres d'information et d'orientation et des conseillers d'orientation, ont retenu au titre des voies d'intégration la seule possession de titres ou diplômes.

Il est important de souligner qu'en tout état de cause cette voie de titularisation, sans concours, a été limitée pour la plupart des corps précités, à la date du 31 août 1989.

Ainsi, concernant les agents exerçant des fonctions d'enseignement à l'étranger, la possession du baccalauréat permet-elle l'intégration dans le corps des instituteurs, et la possession d'une licence reconnue pour l'accès au CAPES, ouvre-t-elle droit à l'intégration dans le corps des adjoints d'enseignement.

La loi du 5 avril 1937 a été « réactivée » à la suite de divers contentieux introduits par des agents auxiliaires enseignant à l'étranger qui n'entraient pas dans le champ d'application de la loi du 11 janvier 1984 précitée.

Il est apparu en effet que la liste des personnels visés à l'article 74 de la loi du 11 janvier 1994 précitée avait valeur limitative. En particulier, le ministère de l'Éducation nationale a été amené à rejeter les demandes de titularisation présentées par des agents auxiliaires exerçant leur fonction dans des établissements d'enseignement qui, soit ne relèvent pas de l'OUCFA, soit ne sont pas dotés de l'autonomie financière : tel est le cas des établissements associés à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) par convention et considérés comme des « établissements de droit local » (article 4 de la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'AEFE).

Après avoir rejeté la demande de titularisation au titre de la loi du 11 janvier 1984 précitée, les agents ont donc conduit à présenter leur demande sur la base de la loi du 5 avril 1937. Or, le juge administratif (T.A. de Paris, Mme Belli, 30 mars 1990 ; T.A. de Paris, Mme Carpentier c, Ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, 14 février 1991 ; tribunal administratif de Paris Mme Cornu c, ministre de l'Éducation nationale, 22 mai 1990) a considéré en effet que la loi du 5 avril 1937 demeurait toujours applicable pour fonder l'intégration d'un agent, titulaire des diplômes requis pour l'accès aux corps concernés. Le juge administratif a considéré que le champ d'application de cette loi était « spécifique et distinct » de celui de la loi du 11 janvier 1994 et qu'en conséquence l'administration de l'Éducation Nationale ne pouvait subordonner la titularisation des agents enseignants à l'étranger « à aucune condition relative au type d'établissement dans lequel ceux-ci exercent leurs fonctions ». L'administration a donc dû procéder à l'intégration des agents en question.

La décision du juge a montré que, même si la rédaction de la loi du 5 avril 1937 fait pour partie appel à des notions aujourd'hui obsolètes (colonies françaises, pays sous mandat et sous protectorat), celle-ci avait également une portée générale permettant de continuer à l'appliquer à tous les enseignants non titulaires « en fonction à l'étranger ».

Il est vrai que l'abrogation de la loi du 5 avril 1937 n'apparaît pas justifiée en raison de son obsolescence résultant de l'utilisation de notions devenues caduques en droit international (colonies, pays de protectorat ou territoires sous mandat). Si ce point était déterminant, le projet de loi aurait pu prévoir un simple toilettage du texte pour en supprimer les formules surannées.

Cette abrogation trouve son origine dans le fait qu'aujourd'hui, après l'arrivée à terme du plan de titularisation de 1984 et la mise en oeuvre du plan de revalorisation de la fonction enseignante, la loi du 5 avril 1937 ne dispose plus des « relais » réglementaires nécessaires, puisque plus aucun corps d'enseignants ne prévoit maintenant de titularisations directes sur titre et sur diplôme.

Le corps des adjoints d'enseignement a été mis en extinction le 1er septembre 1989 et a fait l'objet d'une intégration dans le corps des professeurs certifiés (décret n° 89-729 du 11 octobre 1989). Par ailleurs, le corps des instituteurs a donné lieu à une mise en extinction et à une intégration dans le nouveau corps des professeurs des écoles (décret n° 90-680 du 1er août 1990) avec effet au 1er septembre 1990.

La loi du 5 avril 1937 n'est donc plus en cohérence avec les règles rigoureuses de recrutement actuellement en vigueur.

Même s'il ne méconnaît pas la spécificité de la situation et les contraintes auxquelles sont soumis, notamment au regard de l'expatriation et de la mobilité, les agents servant dans l'enseignement à l'étranger, votre rapporteur estime paradoxal que soit maintenue le principe d'une faculté particulièrement dérogatoire de titularisation en leur faveur, alors que les dispositions transitoires de la loi du 11 janvier 1984 précitée ne trouvent plus à s'appliquer en métropole. C'est pourquoi votre commission a adopté cet article sans modification.

En revanche, trois observations méritent d'être faites.

Tout d'abord, si la contrainte budgétaire devait permettre à l'avenir de lancer un nouveau plan de résorption de l'auxiliariat dans l'enseignement, il serait impératif que les agents publics enseignant à l'étranger n'en soient Pas exclus, quel que soit le régime juridique de l'établissement dans lequel il enseigne, qu'il s'agisse d'un établissement doté de l'autonomie financière ou d'un établissement conventionné.

L'abrogation proposée aujourd'hui ne préjuge pas de la position qui sera prise par le Parlement lors de la présentation éventuelle de nouveaux plans de titularisation.

Par ailleurs, comme le font valoir les représentants des professeurs français à l'étranger, il est regrettable qu'au moment où l'accent est mis par l'administration sur le recrutement par concours, certains agents non titulaires en fonction à l'étranger ne puissent remplir les conditions de service exigibles pour se porter candidat aux concours internes ou aux concours spécifiques. Ainsi le concours spécifique ouvert aux maîtres auxiliaires par le décret n° 84-824 du 24 septembre 1984 ne retient que les années d'enseignement accomplies auprès d'un établissement de l'Éducation nationale, ce qui exclut de facto les agents ayant exercé à l'étranger qu'il s'agisse ou non d'établissement en gestion directe. Il en est de même pour les concours internes d'accès aux corps de conseillers principaux, de conseillers d'éducation ou de professeurs certifiés. Cette situation mériterait un traitement plus équitable.

Enfin, votre commission apportera une attention particulière aux observations qui pourront être émises en séance publique par nos collègues représentant les Français établis hors de France qui sont particulièrement à même d'apprécier la portée de la disposition proposée.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE III - AUTRES DISPOSITIONS

Sur les sept articles que comprend le titre III du projet de loi, cinq ont pour objet de procéder à une validation législative. Il convient donc de revenir sur ce procédé qui vise à éviter que l'exécution de certaines décisions d'annulation prononcées par le juge ne crée, pour l'État, de graves difficultés, voire ne se heurte à des impossibilités pratiques d'application, ou encore porte préjudice à des agents publics ou à des administrés.

La validation législative, qui a toujours un effet rétroactif, vise à libérer l'administration de l'obligation d'exécuter les décisions du juge de 1'excès de pouvoir en privant de conséquences les décisions juridictionnelles ayant force de chose jugée.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, a considéré que, dans son principe, la validation législative était conforme à la Constitution.

Il a souligné qu'aux termes des principes de l'indépendance des juridictions et de la séparation des pouvoirs, il n'appartenait pas au Parlement, ni au Gouvernement, de « censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celle-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ».

En revanche, les principes constitutionnels ne s'opposent pas à ce que le législateur valide, « comme lui seul peut le faire », les décisions prises sur la base de dispositions annulées par le juge, nonobstant le caractère réglementaire de ces dispositions.

Le régime juridique des validations législatives tel qu'il se dégage des décisions du Conseil constitutionnel fait ressortir les principes suivants. Tout d'abord, la validation ne doit pas porter sur l'acte-même qui a été annulé, sans quoi il s'agirait d'une censure de la décision du juge non conforme à la Constitution.

C'est pourquoi, dans les articles ci-après, sont validés non pas les décisions annulées, mais, en application de ces décisions, les contrats conclus et les actes pris pour assurer le fonctionnement d'un établissement public (art. 13), les nominations de fonctionnaires (art. 14), les appels de cotisations au titre d'un régime d'assurance vieillesse (art. 15), les décisions autorisant la poursuite d'une activité sanitaire (article 16) et des arrêtés de reclassement concernant des fonctionnaires (art. 17).

En deuxième lieu, l'intervention du législateur doit reposer sur des « motifs d'intérêt général ». Le Conseil constitutionnel examine le respect de la notion d'intérêt général au vu des débats parlementaires. Il a reconnu que relevait de cette préoccupation l'intention de préserver le « fonctionnement continu du service public » et « le déroulement normal des carrières du personnel » (décision n° 80-119 du 22 juillet 1980), les « exigences du service public » (décision n° 85-192 du 24 juillet 1985), le « fonctionnement et la continuité du service public de la justice » (décision n° 87-228 du 26 juin 1987) et d'éviter que ne se développent des contestations « dont l'aboutissement aurait pu entraîner, soit pour l'État, soit pour les collectivités territoriales, des conséquences dommageables » (décision n° 86-223 DC du 29 décembre 1986). Il est entendu que cette liste ne saurait être limitative et qu'elle dépend de l'appréciation portée par le juge constitutionnel sur les lois qui lui sont déférées.

Comme il est indiqué dans les commentaires des articles ci-après, votre commission a estimé que les motifs pour lesquels le Gouvernement proposait de procéder à diverses validations relevaient bien à chaque fois d'une « considération d'intérêt général ».

Enfin, il apparaît que la loi de validation ne doit pas méconnaître le principe de non-rétroactivité de la loi pénale : le législateur ne peut en matière répressive permettre que soient infligées des sanctions à raison d'agissements antérieurs à la promulgation de la loi. Ce point est rappelé ici pour mémoire, puisque aucune des validations infra n'intervient en matière pénale.

Enfin, certains auteurs ont parfois souligné que se dégageait de la jurisprudence constitutionnelle l'idée d'une « proportionnalité de la mesure de validation par rapport à sa justification », qui est elle-même fonction de nécessités d'intérêt général.

Tel est bien le cas des validations proposées qui mentionnent toujours de manière limitative, la nature des moyens qui ne peuvent être soulevés pour remettre en cause la légalité des actes dont il est proposé de confirmer rétroactivement la validité.

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