N° 240

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 février 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives n° 93/83 du Conseil des Communautés européennes du 27 septembre 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble et n° 93/98 du Conseil des Communautés européennes du 29 octobre 1993 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins,

Par M. Pierre LAFFITTE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, Jean Delaneau, Jean-Louis Carrère , vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Ivan Renar, secrétaires ; François Autain, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, James Bordas, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel Daunay, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Jean-Paul Hugot, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Pierre Lacour, Jean-Pierre Lafond, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Mathieu, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Mme Danièle Pourtaud, MM. Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir le numéro :

Sénat : 264 (1995-1996)

Propriété intellectuelle.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'harmonisation européenne du droit de la propriété littéraire et artistique, dont les objectifs et l'étendue ont fourni la matière, depuis 1977, d'une série impressionnante de communications, de « livres verts » et de « documents de réflexion » de la Commission européenne ( ( * )2) , a commencé de se concrétiser à partir de 1990 dans le cadre de la mise en place du marché unique -ce qui suffit d'ailleurs à éclairer la finalité de la démarche communautaire.

Elle s'est traduite, à ce jour, par l'adoption de quatre directives.

Les deux premières sont déjà appliquées en droit français : il s'agit de la directive n° 91/250 du 14 mai 1991 relative à la protection des programmes d'ordinateurs, transposée par la loi n° 94-361 du 10 mai 1994, et de la directive n° 92/100 du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur, dont il a été considéré que l'application ne requérait pas de modification de la législation.

Les deux autres sont celles dont le projet de loi qui nous est soumis prévoit la transposition dans le code de la propriété intellectuelle :


la directive n° 93/83 du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, correspond au volet « droits d'auteur » que la Commission avait primitivement souhaité inclure dans la directive dite « Télévision sans frontières » du 3 octobre 1989, en particulier pour supprimer les limites à la libre circulation des programmes et à la concurrence que pouvait imposer, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, l'exercice du droit exclusif de représentation (CJCE, arrêts « Coditel I » et « Coditel II » du 18 mars 1980 et du 6 octobre 1982). Elle procède très directement des analyses et propositions formulées en novembre 1990 par la Commission dans le document de réflexion « Radiodiffusion et droit d'auteur dans le marché intérieur » .


La directive n° 93/98 du 29 octobre 1993 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins unifie quant à elle les règles nationales relatives à la durée des droits patrimoniaux, dont la disparité pouvait entraîner des restrictions aux échanges commerciaux de biens incorporant des oeuvres ou éléments protégés (CJCE, arrêt « Patricia » du 24 janvier 1989).

Tout en privilégiant les exigences de la libre circulation et une conception très économiste de la propriété littéraire et artistique, ces deux directives participent d'une démarche d'harmonisation prudente, s'efforçant de respecter un équilibre au moins apparent entre les intérêts en présence et ménageant la diversité d'inspiration de législations nationales partagées entre la logique personnaliste du droit d'auteur et celle plus « entrepreneuriale » du copyright.

Ainsi évitent-elles de s'aventurer sur le terrain périlleux du droit moral -qui par nature se prête mal aux harmonisations de compromis- pour se cantonner à celui, moins conflictuel, des droits patrimoniaux.

De même, la directive « satellite et câble » ne retient aucune des solutions expéditives (licence légale généralisée ou arbitrage obligatoire) que la Commission avait envisagées dans le cadre de ses réflexions sur la « Télévision sans frontières » : elle consacre au contraire le principe de la négociation contractuelle des droits exclusifs, quitte à s'employer à en limiter les effets potentiellement perturbateurs sur la réalisation de l'espace audiovisuel européen ou la sécurité juridique des opérateurs.

Cette harmonisation partielle et limitée laisse évidemment subsister des risques importants de conflits et de distorsions entre les systèmes juridiques nationaux, notamment en ce qui concerne l'exercice du droit moral.

Elle aura aussi des conséquences économiques non négligeables, liées, en particulier, à la délicate période transitoire nécessitée par l'harmonisation de la durée de protection des droits d'auteur, ou à l'adaptation au changement dans les conditions d'exploitation des droits de représentation qu'imposera à terme l'harmonisation des règles d'acquisition des droits de diffusion par satellite.

Elle restreint en tout cas l'importance des modifications à apporter à la législation nationale, même si les ajustements qu'elle rend nécessaires, pour être de portée limitée, ne sont pas toujours des plus heureux.

Quoi qu'il en soit, et conformément à la loi du genre très particulier que constitue la transposition du droit dérivé communautaire, le législateur national est tenu par le contenu des directives.

Il doit en revanche veiller à ce que cette transposition se limite aux ajustements indispensables des textes en vigueur, qu'elle n'apporte pas d'inutiles atteintes à leur économie et à leur logique, et surtout qu'elle respecte, dans toute la mesure du possible, la cohérence de leur rédaction et la terminologie en usage, facteurs essentiels de lisibilité des textes et de sécurité juridique.

Ce travail de « traduction » de textes communautaires qui ne brillent pas, il faut l'admettre, par la clarté de leur conception ni par celle de leur rédaction, a été grandement facilité, pour votre rapporteur, par le remarquable travail réalisé par le rapporteur de la commission spéciale du Sénat, M. Charles Jolibois, lors de l'élaboration de la loi du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.

Ses analyses pertinentes, qui ont permis d'adapter notre droit aux nouvelles techniques de télédiffusion, restent d'actualité, et les avis que Charles Jolibois a amicalement accepté de donner à votre rapporteur lui ont été d'une aide très précieuse. Qu'il en soit ici vivement remercié.

Votre rapporteur se félicite également de la qualité du dialogue établi avec les services compétents et les collaborateurs du ministre de la culture.

Les règles d'harmonisation imposées par les directives étant de nature et de portée très différentes, dans chacun des trois domaines auxquels elles s'appliquent, on présentera successivement les dispositions communautaires, celles du projet de loi et les propositions de votre commission relatives :

- aux conditions d'application de la loi nationale aux droits de télédiffusion par satellite ;

- aux conditions d'acquisition des droits de retransmission par câble de programmes télédiffusés à partir d'un autre État de la Communauté ;

- à l'harmonisation de la durée de protection des droits patrimoniaux.

* (2) On peut notamment citer, après la première « communication sur l'action communautaire dans le domaine culturel » (novembre 1977) les livres verts sur « la Télévision sans frontière » (juin 1984), « le droit d'auteur et le défi technologique » (juin 1988), les documents de réflexion sur « radiodiffusion et droit d'auteur dans le marché intérieur » (novembre 1990) -qui a directement inspiré la directive n° 93/83- et sur « la copie privée » (novembre 1993), et enfin le livre vert sur « le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information » (juillet 1995)

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