I. L'APPLICATION DU DROIT NATIONAL AUX DROITS DE TÉLÉDIFFUSION PAR SATELLITE

En 1985, le législateur national a été le premier, « en présence d'une doctrine hésitante, d'une législation étrangère ou internationale inexistante et d'une position européenne avant tout commandée par la volonté d'intégration » ( ( * )3) , à résoudre les problèmes de droits d'auteur soulevés par la diffusion par satellite.

Le dispositif retenu, qui résulte pour l'essentiel des amendements du rapporteur du Sénat, fait une exacte application de la théorie dite « de l'injection » ou « de l'émission » selon laquelle l'émission, qui s'accomplit au moment et à l'endroit de l'introduction de l'oeuvre dans le circuit de diffusion, constitue, comme dans le cas d'une radiodiffusion terrienne « classique », l'acte d'exploitation générateur des droits dont la localisation commande le droit applicable, que cet acte unique d'exploitation soit accompli par une seule personne -dans le cas d'une diffusion directe vers le public- ou qu'il soit en fait réalisé par deux personnes distinctes, un organisme émetteur et un organisme distributeur -dans le cas d'une diffusion relayée par un réseau terrestre hertzien ou câblé.

Ce dispositif répondait au souci du législateur de garantir aux auteurs le contrôle de l'étendue et de la chronologie de la diffusion de leurs oeuvres ainsi que le niveau élevé de protection prévu par le droit national.

Bien qu'elles procèdent d'autres préoccupations, et que l'on ne puisse guère attendre de leur application à l'échelle de la Communauté un renforcement de la protection des titulaires de droits, les dispositions « satellite » de la directive n° 93-83 font également prévaloir la règle du pays d'émission, dont elles limitent toutefois l'application aux seules diffusions directement reçues par le public.

Leur transposition n'impose donc pas de remettre en cause la logique de la législation nationale, et ne nécessite que des modifications de portée limitée des textes en vigueur.

A. LES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE

Le dispositif d'harmonisation imposé par la directive pourrait être défini comme une application de la théorie de l'injection limitée aux télédiffusions satellitaires reçues directement par le public si, de toute évidence, le législateur communautaire n'avait nullement entendu prendre parti dans les controverses doctrinales relatives à l'exercice du droit de représentation par satellite.

Ses seuls soucis étaient en effet, d'une part, de faciliter l'acquisition des programmes par les diffuseurs des droits de diffusion directe, au risque de créer une incitation puissante à la localisation des activités de télévision par satellite dans les États membres dont la législation est la moins protectrice, et, d'autre part, de mettre fin à la segmentation du marché des programmes résultant des cessions territorialement limitées des droits de représentation télévisuelle.

1. Un dispositif destiné à simplifier l'acquisition des droits de diffusion

Dans son document de réflexion « Radiodiffusion et droit d'auteur », la Commission, passant en revue les divergences des législations nationales en matière de traitement juridique des diffusions par satellite directes ou « de point à point », de définition du droit d'auteur (droit du pays d'émission ou des pays de destination) applicable à ces diffusions, et relevant l'insuffisance de la centralisation des achats de droits, concluait -sans doute à juste titre- qu'un diffuseur qui veut diffuser dans plusieurs pays « préférerait -ne fût-ce que pour des raisons de temps et de coût, ne traiter chaque fois qu'avec un seul titulaire des droits territoriaux portant sur les éléments constitutifs de son programme » (point n° 3-1-9).

Et elle précisait pourquoi cette préférence serait particulièrement justifiée dans le cas des télédiffusions directes : « Dans le cas de la télévision par satellites de télécommunication ou par satellites de puissance moyenne qui sont le plus souvent assimilés aux premiers du point de vue du droit d'auteur ( ( * )4) , l'échec des négociations avec l'un des titulaires de droits dans un des pays récepteurs a uniquement pour conséquence que la retransmission ne peut être assurée dans ce pays. En revanche, dans le cas de la diffusion par satellite de diffusion directe, l'échec des négociations ne fût-ce qu'avec un seul des titulaires de droits dans un seul des pays récepteurs a pour conséquence le blocage de toute la diffusion du programme » .

Le dispositif de la directive procède très directement de ces constatations : la règle de coordination imposée à tous les États membres a pour but de définir la diffusion directe comme un acte de communication unique, qui ne peut par conséquent avoir lieu que dans un lieu unique, donnant ainsi au diffuseur l'assurance d'acquérir par un contrat unique, régi par une loi unique, le droit de représentation de chaque oeuvre ou élément protégé de son programme dans l'ensemble de l'empreinte du satellite ou, dans le cas d'un service crypté, dans tous les pays où il entend le commercialiser par abonnement.

A cette fin, la directive harmonise la définition de l'acte auquel s'attache le droit exclusif, du lieu où il s'accomplit et, partant, du droit qui le régit.


L'acte

L'acte unique mettant en oeuvre les droits d'auteur, dénommé « communication au public par satellite », est défini comme « l'acte d'introduction, sous le contrôle et la responsabilité de l'organisme de radiodiffusion, de signaux porteurs de programmes destinés à être captés par le public dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre » (art. 1 er -2-a).

Le type de satellite utilisé est indifférent, pourvu que la diffusion puisse être reçue directement (article 1 er -1). Il y a également « communication au public par satellite » lorsque le service est crypté, si les décodeurs sont mis à la disposition du public par le diffuseur (article 1 er -2-c).

Par souci, sans doute, de bien faire, et aussi parce qu'elle garde des traces de rédactions successives, cette définition accumule des éléments qui ne sont pas tous d'une égale limpidité, ni surtout susceptibles d'une unique interprétation.

Ainsi en est-il notamment de la notion de « chaîne ininterrompue de communication » qui n'est pas définie par la directive, le considérant 14 précisant seulement que les manipulations techniques normales du signal ne constituent pas des interruptions de la chaîne de communication.

D'après les explications fournies à votre rapporteur par les services de la Commission, la référence à la « chaîne ininterrompue de communication » a pour objet d'exclure de l'application de la directive une transmission satellitaire distribuée à terre par un relais hertzien ou câblé, tel « un concert diffusé en Eurovision et retransmis sous leur responsabilité par des chaînes nationales ». La notion de « chaîne ininterrompue de communication » est donc simplement redondante avec la définition de la diffusion directe qui résulte déjà de la notion de « programmes destinés à être captés par le public » et de la référence aux conditions de réception des émissions figurant à l'article 1 er -l. Elle insiste sur le fait que la directive ne s'applique que lorsqu'il n'y a pas d'intermédiaire entre l'organisme émetteur et le public.

Mais elle pourrait aussi donner lieu à d'autres interprétations permettant d'écarter l'application de la directive ou de « relocaliser » l'émission d'une oeuvre protégée à l'endroit le plus propice pour le diffuseur. Qu'en serait-il, par exemple, si l'on devait considérer comme des interruptions la diffusion différée d'un programme pour tenir compte d'un décalage horaire, ou toutes les étapes -qui peuvent s'accomplir en des lieux différents- de l'assemblage du programme (par exemple, pour ne citer que celui-là, l'insertion de messages publicitaires) ?


Le lieu

Aux termes de l'article 1 er -2-b, la communication au public par satellite a lieu « uniquement » (ce qui est la logique même, puisqu'elle est définie comme un acte unique) « dans l'État membre dans lequel, sous le contrôle et la responsabilité de l'organisme de radiodiffusion, les signaux porteurs de programmes sont introduits dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre » .

Par delà le caractère quelque peu tautologique du texte, on relèvera que la localisation de l'émission dépend d'un critère technique : comme dans le cas d'une radiodiffusion terrestre, et comme en droit français, l'acte d'exploitation a lieu à l'endroit et au moment où les oeuvres protégées sont introduites dans le circuit de diffusion, et où débute leur acheminement vers le public.


Le droit applicable

Ce n'est pas dans le dispositif de la directive, mais dans l'un de ses considérants (n° 15) qu'est énoncée la règle définissant le droit matériel applicable à l'acquisition des droits, qui « doit être conforme à la législation sur les droits d'auteur et les droits voisins en vigueur dans l'État membre où a lieu la communication au public par satellite ».

* (3) Rapport de M. Charles Jolibois au nom de la commission spéciale du Sénat - n° 212 Sénat 1984-1985 - T.I. p. 49.

* (4) En ce sens que dans presque tous les États membres -sauf la France, l'Espagne et la Grande-Bretagne- l'émission vers ces satellites n'était pas considérée comme « un acte d'émission au sens du droit d'auteur » (2-1-10).

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