3. Un dispositif qui remet en cause les conditions d'exploitation des droits

L'un des objectifs de la directive n° 93/83 était de mettre fin à la fragmentation du marché de l'audiovisuel résultant des cessions territorialement limitées de droits de représentation dont la Cour de justice avait admis, à l'occasion des affaires « Coditel », la licéité au regard des principes du Traité de Rome.

La Cour avait en effet jugé que l'auteur ayant le droit de percevoir une rémunération pour toute représentation, et les représentations étant nécessairement localisées territorialement, « les règles du Traité ne sauraient, en principe, faire obstacle aux limites géographiques dont les parties au contrat de cession sont convenues pour protéger l'auteur et ses ayants droit » .

Elle avait également estimé que, compte tenu des caractéristiques de l'industrie et des marchés cinématographiques, l'octroi de licences exclusives de représentation n'était pas en soi de nature à fausser la concurrence au sens de l'article 85 du Traité de Rome.

En interdisant, en fait, aux détenteurs de droits territorialement limités de s'opposer à l'exploitation par satellite d'un film ou d'une oeuvre audiovisuelle autorisée dans un État membre, la directive impose une révision complète des pratiques d'exploitation des droits -les mesures transitoires qu'elle prévoit sont donc pleinement justifiées par la nécessité d'adapter les contrats d'exploitation à cette nouvelle donne.

a) Les conséquences de l'harmonisation des règles applicables à la diffusion directe par satellite

La directive imposant à tous les États membres de considérer que l'émission des oeuvres ou éléments protégés constitue, en cas de diffusion directe par satellite, l'unique acte d'exploitation mettant en jeu le droit d'auteur, l'autorisation donnée dans le pays d'émission rend licite la diffusion sinon dans l'ensemble de l'empreinte du satellite, au moins dans tous les États membres tenus de respecter la directive.

Il suffira ainsi au diffuseur d'acquérir les droits de diffusion auprès du titulaire de ces droits pour le pays d'émission, sans avoir à se préoccuper de les acquérir également dans les pays de réception (étant entendu, comme le souligne le considérant n° 17 de la directive, que la rémunération des droits acquis dans le pays d'émission devra « prendre en compte tous les paramètres de l'émission, tels que l'audience effective, l'audience potentielle et la version linguistique » ).

L'application des dispositions « satellite » de la directive n° 93/83 -dont les conséquences seront amplifiées par celle des dispositions du volet « câble » de la même directive, qui rendent quelque peu théorique l'exercice du droit exclusif de retransmission- remet donc en cause la notion d'exclusivité territoriale en matière de télévision.

Certes, comme la note le considérant n° 16 de la directive, « le principe de liberté contractuelle » permettra de continuer à limiter l'exploitation des droits de radiodiffusion, mais « surtout en ce qui concerne certains moyens techniques de transmission ou certaines versions linguistiques » . Encore peut-on se demander si le développement du numérique, qui permettra des diffusions « multilingues » ne limitera pas aussi la possibilité d'exclusivités linguistiques. La diffusion cryptée sera donc à terme le seul moyen efficace de contrôle de la diffusion des oeuvres.

La directive lève donc un obstacle juridique important à la réalisation du « marché unique » de la télévision qui imposera à terme -un terme plus ou moins rapproché en fonction du rythme de développement de la télédiffusion par satellite et par câble- d'organiser à l'échelle de la Communauté la « chronologie des médias », c'est-à-dire la succession des différentes formes d'exploitation des oeuvres, de l'exploitation en salle aux différentes techniques de diffusion télévisuelle en passant par la vente ou la location de vidéogrammes.

b) Les dispositions transitoires

Pour tenir compte des droits acquis que risquent de remettre en cause ces évolutions, la directive prévoit deux catégories de mesures -de portée inégale- applicables aux contrats en cours :

un « délai d'adaptation » dont le terme est fixé au 1er janvier 2000, soit cinq ans après la date d'entrée en vigueur de la directive fixée au 1er janvier 1995, doit permettre la mise en conformité des contrats d'exploitation en cours d' « oeuvres ou d'autres éléments protégés » avec les nouvelles règles communautaires (article 7-2).

ï des dispositions particulières -et nettement plus protectrices- ont été prévues pour certains contrats de coproduction internationale.

Ces contrats, qui revêtent des formes juridiques diverses et peuvent être conclus pour toute la durée des droits d'exploitation, prévoient une répartition des droits d'exploitation entre les co-producteurs, chacun exerçant séparément les droits qui lui sont attribués.

Jusqu'à une période relativement récente, cette répartition s'effectuait le plus souvent sur une base uniquement géographique, et sans distinguer entre les différents supports d'exploitation ni, a fortiori, entre les différentes techniques de diffusion télévisuelle.

Dans ces conditions, la cession des droits de diffusion par satellite selon les règles prévues par la directive peut évidemment remettre en cause l'équilibre du contrat.

L'article 7-3 de la directive prévoit donc une dérogation à ces règles pour tous les contrats de coproduction internationale auxquels est partie au moins un co-producteur d'un État membre, et qui ne prévoient pas de règles spécifiques de répartition des droits de diffusion directe par satellite : dans le cas où l'exploitation de ces droits porterait préjudice à l'exclusivité « notamment linguistique » d'une des parties au contrat, l'autorisation de la diffusion sera subordonnée à son accord préalable.

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