B. ... MÊME SI LA MISE EN OEUVRE DE LA CIRCULAIRE DU 27 A VRIL 1995 CONSTITUE UN PROGRES INDENIABLE

En effet, l'intervention de cette circulaire et sa mise en oeuvre constituent un progrès indéniable pour la prise en charge des autistes.

Cette circulaire interministérielle (AS/EN n° 95-12) du 27 avril 1995, dont le titre complet est « circulaire relative à la prise en charge thérapeutique, pédagogique et éducative et à l'insertion sociale des enfants, adolescents et adultes atteints d'un syndrome autistique », est adressée aux préfets de région, aux préfets des départements et aux recteurs d'académie, et, pour la mise en oeuvre des dispositions prévues, aux Directions régionales des Affaires sanitaires et sociales, aux Directions départementales des Affaires sanitaires et sociales et aux Inspecteurs d'académie ainsi qu'aux directeurs des services départementaux de l'éducation nationale par Mme Simone Veil et MM. Douste-Blazy et Bayrou, respectivement ministre d'État, ministre des Affaires sociales, de la santé et de la ville, ministre délégué à la santé et ministre de l'éducation nationale, juste avant le deuxième tour de l'élection présidentielle.

Recensant les diverses insuffisances, tant qualitatives que quantitatives, cette circulaire conclut à « l'impérieuse nécessité de promouvoir des programmes d'action fondés sur des techniques adaptées aux enfants, adolescents et adultes autistes, comprenant six principales composantes : dépistage, soins, éducation, socialisation, insertion et accompagnement de l'entourage et s'inscrivant dans un réseau de prise en charge gradué, coordonné et de proximité ».

Afin de remédier à ces insuffisances, il est demandé aux préfets de région et autres représentants de l'État d'élaborer « dans les meilleurs délais », un plan d'action, pour cinq ans, dans chaque région afin de mieux répondre aux besoins des populations atteintes du syndrome autistique, jugées particulièrement vulnérables.

Les objectifs de ce plan ambitieux sont au nombre de quatre :

- mettre en oeuvre, au cours de son élaboration, une articulation étroite avec les procédures en vigueur en matière de santé mentale, c'est-à-dire les schémas départementaux et régionaux de psychiatrie ainsi qu'avec les schémas départementaux en matière sociale et médico-sociale ;

- tout en respectant le libre choix des familles, ce qui est essentiel aux yeux de votre commission, instaurer plutôt des actions « à dominante sanitaire » pour les plus jeunes, suivies par des prises en charge « à dominante médico-sociale » pour les adolescents et adultes, qui doivent intégrer une composante pédagogique dans le premier cas et un suivi thérapeutique dans le second ;

- prévoir, au sein de chaque structure, un projet d'établissement qui prenne en compte la spécificité des personnes accueillies, implique l'élaboration de projets individualisés et mis en oeuvre par des professionnels suffisamment nombreux et formés dans ce but ;

- promouvoir une organisation en réseaux à tous les niveaux, et quel que soit le champ, sanitaire, éducatif ou médico-social. A cette fin, des dispositifs conventionnels devraient favoriser la création de réseaux « horizontaux » par groupes de classes d'âge ou « verticaux », afin de faciliter le passage d'une structure à l'autre.

Compte tenu des carences que votre commission a elle-même constatées dans le domaine statistique, l'évaluation des besoins et de l'offre existante, à tous points de vue, s'avère un préalable essentiel à l'élaboration des objectifs qui devront être satisfaits en priorité et à la définition des moyens à mettre en oeuvre pour ce faire.

La mise au point d'un programme de diagnostic précoce de l'autisme pour améliorer la connaissance des besoins futurs et mettre en oeuvre, le plus rapidement possible, des traitements adaptés se trouve également dans le contenu indicatif du plan d'action régional tel qu'il figure dans la circulaire du 27 avril 1995. Dans cette optique, selon celle-ci, il convient de sensibiliser les acteurs de premier recours comme le médecin généraliste, et les intervenants spécialisés amenés à poser le diagnostic. Ceci pourrait intervenir par le biais d'une brochure d'information établie par la DRASS pour les acteurs de premier recours afin de leur indiquer la liste des professionnels susceptibles, dans la région concernée, de poser le diagnostic.

La circulaire organise la nature des prises en charge en fonction de quatre classes d'âge au lieu des trois qui étaient précédemment distinguées.

Pour les enfants les plus jeunes, soit de 0 à 3 ans, elle considère qu'une prise en charge dans un cadre institutionnel à temps complet n'apparaît pas, en général, pertinente.

Elle estime donc que la priorité doit être donnée aux traitements ambulatoires et à des « actions de guidance parentale » par les CAMSF et les équipes de pédopsychiatrie à temps partiel qui peuvent aussi intervenir au domicile des parents. Elle précise la nécessité d'une coordination, en cas de scolarisation, avec l'enseignement ou l'équipe d'accueil de la crèche et, une fois le diagnostic posé, la possibilité de faire prendre en charge l'enfant, selon le souhait des parents, dans le cadre de services d'éducation spéciale et de soins à domicile.

S'agissant des enfants de 3 à 12 ans, la circulaire se prononce en faveur d'une triple prise en charge, thérapeutique, pédagogique et éducative. Reprenant la nécessité de respecter le libre choix des familles, elle mentionne la possibilité d'effectuer cette prise en charge, tout d'abord, par des équipes de pédopsychiatrie dans un cadre ambulatoire ou, mais seulement pour une durée déterminée et non « au long cours », au sein d'unités cliniques à temps complet. Mais, si cette dernière formule a été choisie, il faudrait qu'elle soit associée à une composante éducative et pédagogique par le biais d'un enseignement incorporé à la structure ou d'un partenariat avec les classes d'intégration scolaires (CLIS).

Si le choix des parents a été autre -mais encore faut-il que les équipements existent et que les CDES orientent en fonction de ce choix et non uniquement des possibilités offertes-, cette prise en charge peut se faire dans le cadre d'instituts médico-éducatifs à condition qu'ils comportent au moins une section d'éducation et d'enseignements spécialisés adaptée aux enfants autistes, avec un taux d'encadrement renforcé, ce qui n'est pas évident pour les associations qui gèrent ce type de structure. Quant à l'accueil, selon le cas et l'endroit où se situe la structure par rapport au domicile des parents, il peut être divers : externat, semi-internat, internat à temps complet ou incomplet. Enfin, troisième cas de figure, peuvent être créés, dans des conditions strictement définies, des services d'éducation spéciale et de soins à domicile couplés à des classes d'intégration scolaire.

Concernant les adolescents de 12 à 18 ans, la circulaire constate qu'un effort particulier doit être entrepris dans ce domaine, les solutions offertes pour cette classe d'âge s'avérant particulièrement insuffisantes. Ceci est d'autant plus paradoxal qu'à cet âge, les autistes cumulent leurs problèmes avec ceux inhérents à l'adolescence. Trois types de prises en charge peuvent être envisagés selon la circulaire, selon le niveau de l'atteinte des adolescents : accueil en IME, avec initiation et première formation professionnelle, et aide renforcée sur le plan éducatif et thérapeutique pour les adolescents les moins atteints ou ayant le plus progressé, admission au sein d'unités d'accueil spécifiques, avec ou sans hébergement, annexées à un IME pour ceux plus lourdement handicapés, et, le cas échéant, admission au sein d'unités de jour de petite capacité communes à plusieurs secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, voire de psychiatrie générale.

S'agissant, enfin, des autistes adultes, la circulaire considère que leur accueil doit être amélioré et que leur admission dans une structure doit être soigneusement préparée. Cette circulaire affirme aussi -sans estimer que cette disposition pourrait, éventuellement, être regardée comme attentatoire à la vie privée des adultes autistes- qu'il est impératif d'assurer un accompagnement de la personne favorisant son épanouissement, son autonomie et son insertion sociale au sein des structures.

Selon les cas et les caractéristiques des adultes accueillis, les prises en charge devront être différentes : CAT pour les moins atteints, accueil en foyer occupationnel ou en foyer à double tarification, en maison d'accueil spécialisée. La circulaire rappelle, à cet égard, que l'hospitalisation à temps complet en psychiatrie des adultes autistes répond à des indications bien précises, notamment en période de crise. À cet effet, elle préconise des conventions fonctionnelles entre institutions sanitaires et médico-sociales ou sociales afin de permettre l'accès, en tant que de besoin, au dispositif de soins en période de crise.

Elle précise, enfin, que la prise en charge des autistes, quel que soit leur âge, ne doit pas s'effectuer dans le cadre de nouvelles catégories expérimentales d'établissement tout en évoquant la possibilité d'effectuer des dérogations d'âge pour l'accès à un établissement, risquant par là de renforcer l'effet de l'amendement Creton, ou des dérogations tarifaires, et de dédier des structures à la prise en charge spécifique des personnes atteintes d'autisme. À cet égard, votre commission souhaite mentionner les dangers d'une structure uniquement consacrée aux autistes, et notamment celui de « ghettoïsation » évoqué en particulier par l'UNAPEI.

Pour mettre en oeuvre ce plan d'action régional dont la circulaire vient de définir le contenu, un coordonnateur régional sur l'autisme devait être désigné par chaque directeur régional des Affaires sanitaires et sociales. Parallèlement, devait être constitué un comité technique régional sur l'autisme regroupant les principaux acteurs en matière d'autisme, conçu comme le lieu d'une concertation approfondie pour l'élaboration du plan régional.

Pour faciliter la mise en oeuvre de cette circulaire ambitieuse qui bénéficie, pour 1995 et 1996, d'une enveloppe de crédits de 100 millions de francs, le ministère a organisé, au bénéfice de ses services déconcentrés (DRASS - DDASS), une journée de travail sur l'autisme le 27 juin 1995, notamment sur les techniques d'évaluation des besoins. Cette journée a également permis de préciser l'organisation de l'appel d'offres qui ouvre droit à la création de places à hauteur de 100 millions de francs financés par l'assurance maladie.

Tenant, notamment, compte du fait que la région Ile-de-France est particulièrement sous-équipée, ce sont 23 % des 100 millions de francs prévus qui ont été attribués à celle-ci, correspondant à la création de 145 places. Par ailleurs, à l'intérieur même de cette région, un rééquilibrage sera opéré au profit de la Seine-et-Marne et des Yvelines 8 ( * ) .

Ensuite, une lettre circulaire du 21 août 1995 a décrit les principaux critères techniques et financiers auxquels devaient répondre les projets sélectionnés au plan régional. Désormais, toutes les régions ont fait parvenir leurs demandes, classées par ordre décroissant de priorité. Selon les dernières réponses ministérielles à des questions écrites sur le sujet 9 ( * ) , ce sont 47 projets qui ont été sélectionnés correspondant à la création de 631 places nouvelle dans 22 régions. Les enfants et adolescents autistes ont ainsi bénéficié de la création de 294 places, essentiellement sous forme de SESSAD couplées à des classes d'intégration scolaire et sous forme de sections adaptées au sein d'instituts médico-éducatifs. Le reliquat des places créées concerne donc les adultes (soit 337 - 53 %) et se trouve dans les foyers médicalisés et les MAS. À cet égard, votre commission souhaite rappeler que, lors des auditions précédant l'examen de l'avis budgétaire relatif au budget de la politique en faveur de personnes handicapées, certaines associations ont attiré l'attention du rapporteur sur le fait que, dans certains cas, la sélection des projets leur semblait prédéterminée. Quoi qu'il en soit, la circulaire du 27 avril 1995 s'avère être un texte fondateur qui a fait l'objet d'un large consensus auprès des associations.

Les crédits correspondants ont été notifiés au cours du dernier trimestre de l'année 1995 et vont faire l'objet d'une consommation progressive au cours de l'exercice 1996. On peut, à cet égard, se demander si l'enveloppe de 100 millions sera suffisante compte tenu des besoins et quelle enveloppe sera attribuée en 1997, compte tenu des contraintes budgétaires.

Les plans quinquennaux régionaux auraient dû être arrêtés à la fin du premier trimestre 1996. Un délai supplémentaire de trois mois avait été accordé, en effet, aux services déconcentrés. Toutefois, seuls une dizaine de ces plans sont, d'ores et déjà, parvenus au ministère concerné. Le reliquat devrait être élaboré à la fin du deuxième trimestre.

Selon le ministère, sur la base de ces plans et de la programmation que cela implique pour les années 1997 à 2000, les différentes circulaires budgétaires pourront, éventuellement, individualiser des moyens supplémentaires pour cette opération, en complément des ressources dégagées par redéploiements de moyens existants ou grâce à des marges de manoeuvre régionales.

Enfin, afin d'améliorer la connaissance des problèmes, l'ANDEM devait remettre prochainement un rapport sur les critères diagnostiques relatifs à l'autisme ainsi que sur les outils méthodologiques d'évaluation des prises en charge des autistes, ce qui, comme votre commission l'a suffisamment souligné, apparaît tout à fait nécessaire.

* 8 Source : Réponse ministérielle à une question écrite du député Gérard Jeffray du 13 novembre 1995, p. 5507

* 9 Cf. en particulier, pp. 2496 et 2497 du JO - Questions écrites - Assemblée nationale du 6 mai 1996.

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