Rapport n° 7 (1996-1997) de M. André BOYER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 2 octobre 1996

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N° 7

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à l' emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre,

Par M. André BOYER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet d'autoriser l'approbation d'un accord conclu le 26 octobre 1994 entre la France et l'Argentine, et tendant à permettre aux conjoints et autres personnes à charge des diplomates d'un des pays en poste dans l'autre, d'exercer une activité professionnelle.

A l'heure actuelle, en effet, les deux conventions de Vienne de 1961 et 1963 sur les relations diplomatiques et consulaires, qui étendent aux personnes à la charge des diplomates les divers privilèges et immunités accordés aux diplomates eux-mêmes, ne permettent pas aux membres de leur famille d'exercer, dans leur pays de résidence, un emploi rémunéré.

Cet accord revêt la forme d'un échange de lettres entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays, et complète les dispositions des conventions susvisées de 1961 et 1963. Votre rapporteur décrira la portée de l'accord qui nous est soumis avant d'en examiner, plus précisément, le dispositif.

I. LA PORTÉE DU PROJET DE LOI

A. L'ENJEU DE L'ACCORD

De plus en plus, les "personnes à charge" des diplomates et agents consulaires (conjoints et autres membres de leur famille) sont désireuses de pouvoir exercer, dans leur pays de résidence, une activité professionnelle. Toutefois, les diverses immunités et privilèges dont bénéficient les diplomates (immunités juridictionnelles, privilèges fiscaux ou douaniers, régime de protection sociale), et qui s'étendent, précisément, aux membres de leur famille, rendent, dans la pratique, très difficiles les conditions d'exercice d'une telle activité.

Les immunités et privilèges réservés aux agents diplomatiques ou aux agents consulaires, d'une manière générale aux représentants d'un Etat en mission officielle dans un autre Etat et aux membres de leur famille, ont été codifiées, d'une part, en 1961, par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et, d'autre part, en 1963, par la Convention de Vienne sur les relations consulaires.

B. LES PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS DIPLOMATIQUES

1. L'immunité juridictionnelle et la faculté de renonciation

En vertu de ce principe, l'agent diplomatique, les membres de sa famille, ne peuvent être traduits devant la juridiction pénale de l'Etat accréditaire ou Etat d'accueil. Cette immunité vaut également, avec des limites spécifiques, pour les juridictions civiles ou administratives. Ces limites portent sur une action réelle concernant par exemple un immeuble privé, situé sur le territoire de l'Etat d'accueil, acquis par l'agent en dehors de tout lien avec son activité professionnelle. Elles s'appliquent également lorsque l'agent se trouve, à titre privé, désigné dans son pays de résidence comme exécuteur testamentaire, administrateur, héritier ou légataire.

L'immunité de juridiction entraîne l'immunité d'exécution du jugement. Celle-ci peut d'ailleurs être maintenue alors même que l'immunité de juridiction se verrait, pour une raison ou pour une autre, levée.

Cette immunité ne vaut que "territorialement", cela signifie qu'elle n'entraîne pas pour l'agent d'immunité à l'égard de ses juridictions nationales.

Surtout, les conventions de Vienne précisent qu'il est possible , de la part de l'Etat accréditant, de renoncer à cette immunité juridictionnelle, notamment sur demande de l'Etat d'accueil. Cette renonciation ne s'applique pas systématiquement à l'immunité d'exécution qui doit faire l'objet d'une demande séparée.

2. Les privilèges fiscaux et douaniers

La convention de 1961 précise que "l'agent diplomatique est exempt de tout impôt et taxes, personnels ou réels, nationaux, régionaux et/ou commerciaux". Cela étant, des tempèrements à cette immunité sont également prévus concernant en particulier la fiscalité indirecte.

Par ailleurs, les mêmes textes prévoient l'exemption de droits de douane, taxes et redevances connexes, tant sur les objets destinés à un usage officiel que sur les objets à l'usage personnel de l'agent diplomatique ou des membres de sa famille.

L'ensemble de ces privilèges s'étend au-delà des personnes relevant du champ strictement délimité du "personnel diplomatique". Il peut concerner les membres du personnel administratif et technique ( ( * )1) mais dans ce cas le degré de protection diminue ; les privilèges douaniers sont moins étendus et certains de leurs actes ne bénéficient pas de l'immunité juridictionnelle civile ou administrative. Les immunités fiscale ou juridictionnelles, civile et administrative, sont encore réduites pour les personnels de service (1) .

II. LE DISPOSITIF DE L'ACCORD

A. LE CHAMP D'APPLICATION

1. Les personnes

L'accord définit les personnes et organismes entrant dans son champ d'application : les "missions officielles" sont les missions diplomatiques et les postes consulaires tels que décrits par les conventions de Vienne de 1961 et 1963, ainsi que les représentations permanentes auprès d'organisations internationales. Les "agents" sont les membres du personnel de ces missions et de ces postes et de ces représentations permanentes.

S'agissant des personnes à charge exclusivement visées par l'accord, elles comprennent le conjoint, les enfants à charge handicapés physiques ou mentaux, célibataires, enfin les enfants à charge célibataires de moins de 21 ans.

2. Les activités

L'accord permettra aux bénéficiaires d'exercer toute forme appropriée d'emploi salarié.

B. LES CONDITIONS POSÉES PAR L'ACCORD ET LES CONSÉQUENCES POUR LA PERSONNE À CHARGE EMPLOYÉE

1. La procédure

L'accord précise la démarche à suivre : l'ambassade concernée formulera officiellement sa demande, selon le cas, à la section Protocole du ministère argentin des relations extérieures ou au service français du Protocole du ministère français des Affaires étrangères.

Une fois les formalités et les vérifications accomplies, l'autorisation sera accordée "dans les meilleurs délais". Il reviendra à l'ambassade, dans les 3 mois qui suivent l'autorisation, d'apporter la preuve que l'employeur et l'employé se conforment à la législation de l'Etat d'accueil en matière de sécurité sociale.

2. Les conséquences sur la personne employée en termes d'immunité

L'immunité de juridiction en matière civile et administrative fera l'objet d'une renonciation pour les questions ayant trait à l'emploi de la personne à charge. Il en ira de même pour l'immunité d'exécution en de tels domaines pour laquelle, comme actuellement une renonciation distincte sera requise.

S'agissant de l'immunité de juridiction pénale en cas d'infraction pénale en relation avec l'emploi de la personne à charge, l'Etat accréditant s'engage à "étudier sérieusement toute demande de renonciation à l'immunité présentée par l'Etat d'accueil". Cette formulation, souhaitée par l'Argentine, et conforme à la recommandation n° R(87)2 du Conseil de l'Europe, est à mi-chemin entre deux autres procédures extrêmes utilisées par certains de nos partenaires européens : le maintien pur et simple de l'immunité d'une part et la levée automatique sur demande écrite auprès de l'Etat accréditant d'autre part.

La demande de renonciation à l'immunité d'exécution distincte de la précédente, devra être "prise en considération" par l'Etat accréditant.

Les privilèges douaniers ne bénéficieront plus à la personne à charge occupant un emploi salarié.

Par ailleurs, la personne à charge employée relèvera du régime de protection sociale du pays de résidence.

Le régime de protection sociale argentin présente diverses particularités qui peuvent être relevées : le secteur santé - risque maladie - entraîne une inégalité dans les soins, fonction du lieu de résidence et du niveau des revenus. Il peut être couvert par l'assurance obligatoire - part salariale et part patronale, ou par le recours aux assurances privées. A défaut existe un système d'accès universel et gratuit financé par l'impôt.

Le régime de retraite est basé sur un système mixte réunissant la répartition, gérée par l'Etat, et la capitalisation, gérée par des sociétés à capitaux publics ou privés. Chacun peut opter pour l'un des deux régimes, seule l'option "répartition" est réversible. Les risques du travail sont couverts par un régime d'assurance collective obligatoire auquel toutes les entreprises publiques ou privées sont tenues de souscrire, auprès d'organismes gestionnaires de statut privé. Enfin, le chômage est couvert par l'indemnisation pour cause de licenciement et le versement de l'allocation chômage.

Globalement, le régime argentin se distingue de son homologue français surtout par la place qu'y occupe le secteur privé qui finance 42 % des dépenses sociales ; 22 % sont financés par l'impôt, 36 % par les cotisations.

La personne à charge employée est dispensée des formalités relatives à l'immatriculation des étrangers et au permis de séjour ou de résidence .

Enfin, la personne employée est autorisée à transférer dans son pays d'origine ses salaires et indemnités accessoires. Il convient de préciser qu'en vertu de l'accord fiscal franco-argentin du 4 avril 1979 tendant à éviter la double imposition, les revenus sont passibles de l'impôt dans le pays où ils sont perçus.

CONCLUSION

Soucieux de permettre à nos diplomates en poste d'effectuer leur carrière à l'étranger sans que leur conjoint ne s'en trouve trop pénalisé sur le plan professionnel, le gouvernement français entend développer les accords du même type que celui que nous venons d'examiner. Dans le cas précis et à ce jour, 57 de nos compatriotes membres des familles de nos diplomates en poste en Argentine sont susceptibles de bénéficier de cet accord, et 125 personnes pour ce qui concerne les diplomates argentins en poste à Paris.

Au Canada, avec lequel un accord similaire a été conclu en 1987, 25 Français et un canadien ont obtenu un emploi salarié respectivement au Canada et en France. Des négociations en vue de la conclusion d'autres accords sont en cours avec six autres pays.

Au bénéfice de ces observations, votre rapporteur vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 2 octobre 1996.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi qui lui était soumis.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine à l'emploi des personnes à charge des membres de missions officielles d'un Etat dans l'autre, signé à Buenos Aires le 26 octobre 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * )

ANNEXE
ETUDE D'IMPACT2 ( * )

Etude de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

L'usage diplomatique et, à une époque plus récente, les conventions de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et de 1963 sur les relations consulaires, ont accordé et reconnu un certain nombre de privilèges et d'immunités aux représentants d'un Etat en mission officielle dans un autre Etat ainsi qu'à leur conjoint et aux autres membres de leurs familles. Dans la mesure où les membres de la famille de l'agent jouissent des mêmes privilèges que ce dernier, l'exercice d'une activité professionnelle peut soulever des difficultés au point de vue de l'Etat de résidence. Ainsi les conjoints de nos agents en poste à l'étranger dans une Ambassade ou un Consulat ne peuvent pas travailler, ce qui est le cas en Argentine. De même, le conjoint d'un Argentin en poste à Paris ne peut exercer une profession.

En janvier 1994, les autorités argentines ont exprimé le souhait de signer avec la France un accord sur le travail des conjoints de diplomates, ce qui rejoignait la préoccupation française. L'échange de lettres a pu être signé en octobre 1994 sur la base d'un projet français :

- Bénéfices escomptés : indication concrète et de préférence chiffrée en matière

* d'emploi : cet accord a été signé pour permettre aux conjoints des agents en mission officielle en Argentine de pouvoir exercer un emploi en Argentine ;

* d'intérêt général (développement culturel, protection de l'environnement, etc) :

la mise en vigueur de cet accord favorisera grandement l'adaptation des conjoints des Français travaillant dans des fonctions diplomatiques et consulaires qui, du fait du coût prohibitif des communications téléphoniques, des tarifs aériens élevés et de la longueur du séjour administratif ressentent la plupart du temps un fort sentiment d'isolement ;

* financière : sans objet ;

* de simplification des formalités administratives : l'accord précise la procédure de la demande d'autorisation d'occuper un emploi salarié faite par les membres de la mission diplomatique et consulaire ainsi que les membres des représentations permanentes bénéficiant d'un titre de séjour dérogatoire et le statut de ces personnes occupant un emploi ;

* de complexité de l'ordonnancement juridique : cet accord lève partiellement les privilèges et immunités des personnes autorisées à occuper un emploi : immunité de juridiction et d'exécution, immunité de juridiction pénale, privilèges douaniers et régime de sécurité sociale et permet d'avoir une vision claire du statut des personnes à charge occupant un emploi.

* (1) ressortissants de l'Etat accréditant.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 480 (1995-1996).

* 2 Présentée par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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