II. EXAMEN DU PROJET DE LOI PAR LA COMMISSION, LE MERCREDI 30 OCTOBRE 1996

M. Josselin de Rohan, rapporteur, a indiqué que ce texte avait pour ambition de préparer le secteur des pêches maritimes et des cultures marines à la prochaine décennie, en offrant aux hommes et aux entreprises un cadre juridique, économique et social rénové, nécessaire pour accompagner une mutation engagée depuis déjà plus de trois ans.

Il a ensuite rappelé l'importance de ce pôle économique, tant en termes d'emplois directs et indirects que d'aménagement du territoire, en général, et du littoral, en particulier.

Il a souligné qu'après la spirale de crise du début des années 90 qui avait provoqué une baisse sensible du chiffre d'affaires et des apports liée à la réduction de la flotte, la diminution de l'effort de pêche et la raréfaction de certaines espèces, les professionnels et les pouvoirs publics avaient pris conscience de la nécessité de réorganiser en profondeur la filière, afin de la restructurer et de la moderniser.

Après avoir rappelé les mesures arrêtées depuis 1993 qui avaient eu pour objet de remédier aux difficultés les plus urgentes de ce secteur, il a précisé que le projet de loi avait été élaboré en étroite concertation avec les professionnels, permettant ainsi d'obtenir un relatif consensus sur l'essentiel des dispositions proposées.

Après avoir brièvement présenté le projet de loi, il a précisé que deux points, concernant l'un les modalités de rémunération et l'autre l'affiliation des marins à un régime d'assurance chômage, - ayant fait l'objet de larges négociations, sans pour autant réunir l'unanimité-, avaient eux aussi été abordés, de manière spécifique, dans le projet de loi, traduisant la démarche constructive des professionnels de la filière et du Gouvernement.

Il a tenu à souligner que ce projet de loi s'inscrivait dans le respect du cadre européen défini par la politique communautaire de la pêche et, qu'en particulier, plusieurs articles visaient à assurer un plus grand respect des engagements communautaires de la France.

M. Josselin de Rohan, rapporteur, s'est inquiété du contexte communautaire préoccupant dans lequel se déroulaient les négociations sur le quatrième programme d'orientation pluriannuel. Il a indiqué que, lors du dernier Conseil des ministres de la pêche, la très grande majorité des États membres avait refusé les propositions de la Commission européenne. S'il a reconnu qu'il convenait d'éviter tout amalgame et de s'attacher à examiner le dispositif proposé avec précision, il n'en a pas moins indiqué qu'il était globalement inacceptable, en rappelant que la France était l'un des États qui aurait respecté à la fin de l'année les objectifs du POP III.

Il a fait savoir que ce projet de loi d'orientation cherchait à établir un équilibre entre l'ensemble des secteurs de la pêche et des cultures marines, affirmant ainsi la volonté de la France de conserver une véritable filière de la pêche et de préserver la spécificité et la richesse du patrimoine marin.

Il a considéré que l'organisation du marché se trouverait renforcée par l'attribution aux organisations de producteurs de prérogatives plus étendues, ainsi que par la mise en place de l'Office de la mer (OFFIMER), organe de régulation et d'organisation du marché, dans lequel l'ensemble des professionnels de la filière seraient représentés. Il a confirmé que ces dispositions permettaient à la législation française de prendre une avance certaine sur les législations espagnole et britannique.

Il a, ensuite, fait remarquer l'importance du dispositif incitatif pour le passage à la forme sociétaire et du volet fiscal envisagé par le projet de loi, notamment l'étalement des plus-values de cessions en cas de réinvestissement.

Enfin, il a attiré l'attention sur l'importance du volet social du texte, qui venait combler les lacunes du droit français, mais également du droit européen.

En ce qui concerne le principe de la non-patrimonialisation des droits de pêche, il a indiqué que la France affichait une position différente de celle de nombreux autres États pour lesquels l'appropriation privée de la ressource était la meilleure solution, soulignant que le mécanisme du quota individuel transférable provoquait, dans certains États, notamment aux Pays-Bas, un renchérissement artificiel du coût des navires.

M. Josselin de Rohan, rapporteur, a insisté sur le fait que la France souhaitait donc ne pas donner de valeur à la ressource tant qu'elle n'était pas pêchée. Il a observé que cette position de principe provoquerait très certainement une réflexion sur ce thème au niveau européen, même si, à l'heure actuelle, Mme Bonino lui avait confirmé que l'application du principe de subsidiarité était de rigueur.

M. Josselin de Rohan, rapporteur, a ensuite fait part des aménagements au projet de loi qu'il comptait proposer à la commission, en distinguant les amendements de précision, ceux qui tendaient à modifier certaines dispositions du texte, sans pour autant porter atteinte au mécanisme mis en place et enfin ceux qui complétaient le dispositif du Gouvernement. Outre ces aménagements, le rapporteur a attiré l'attention de la commission sur deux aspects particuliers du secteur des pêches.

Il a évoqué, en premier lieu, l'absence, pour les jeunes pêcheurs, de mesure fiscale incitative en matière d'autofinancement lors de la première installation et de mise en place d'un système d'apprentissage.

Il a précisé qu'il lui paraissait important tout à la fois d'encourager les mesures proposées et, en même temps, de prévoir un dispositif particulier, afin d'améliorer l'autofinancement des jeunes pêcheurs.

Il a indiqué, par ailleurs, qu'il lui paraissait important d'envisager un dispositif en matière d'apprentissage pour la pêche dans le projet de loi.

Il s'est inquiété, en second lieu, du problème des « quotas hopping . Il a indiqué que des ressortissants communautaires non français, après avoir racheté des navires battant pavillon français afin de bénéficier des quotas français, employaient une très faible part de main-d'oeuvre française, et débarquaient leur poisson dans des ports voisins de la France, alimentant toute une activité d'aval. Il s'est interrogé sur les possibilités de se prémunir contre de telles pratiques.

Le rapporteur a proposé de demander au Gouvernement de lui préciser les moyens qu'il envisageait de mettre en oeuvre pour faire face à cette difficulté.

M. Josselin de Rohan, rapporteur, a souligné cependant que, si le texte proposé à la commission donnait aux professionnels les moyens d'affronter la mutation en cours dans ce secteur, seule la volonté des hommes et, tout particulièrement, le développement d'un véritable esprit de filière pourrait assurer le succès des pêches maritimes françaises de demain.

A l'issue de cette présentation, M. Félix Leyzour a souligné que le secteur de la pêche restait mal connu en France. Après avoir indiqué les principales caractéristiques des pêches maritimes françaises, il a reconnu que le projet de loi reposait sur une approche globale et relativement consensuelle de la filière.

Il a cependant estimé que ce texte ne réglait pas les problèmes structurels de la pêche dûs en partie à l'environnement communautaire et à la libéralisation des échanges.

M. Alain Pluchet s'est félicité que le projet de loi ait fait l'objet d'une concertation parfaite. Faisant référence à la codification rurale, il a estimé opportun de créer également un code de la pêche.

Après avoir souscrit à la proposition de M. Pluchet qu'il a jugée pertinente, M. Josselin de Rohan a relevé à l'intention de M. Félix Leyzour les dispositions du projet de loi qui présentaient un caractère structurel : puis il a souligné que les dispositions concernant la société de pêche artisanale constituaient un volet essentiel pour l'avenir des pêches.

La commission a procédé, ensuite, à l'examen des articles.

Elle a tout d'abord adopté sans modification l' article premier (objectifs de la politique des pêches et cultures marines).

A l' article 2 (création du conseil supérieur d'orientation des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire), la commission a adopté, outre un amendement de nature rédactionnelle, deux amendements, l'un complétant les missions de cette instance, l'autre précisant ses domaines d'intervention.

A l'article 3 (transformation du fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la mer (FIOM) en office de la mer), elle a adopté un amendement de nature rédactionnelle au premier alinéa du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour l'article 12 bis de la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 relative à la création d'offices d'intervention dans le secteur agricole et à l'organisation des marchés.

A l' article 4 (répartition des autorisations de pêche et gestion des quotas), elle a adopté un amendement visant à placer en priorité le critère de l'antériorité dans l'attribution des droits de pêche.

A l' article 5 (sanctions administratives à la réglementation des pêches), elle a, sur proposition de son rapporteur, adopté un amendement tendant à mieux garantir les droits de la défense.

Elle a ensuite adopté sans modification l' article 6 (sanctions pénales ou administratives pour le fait de pêcher sans permis de pêche spécial).

A l' article 7 (modifications de la loi n° 83-582 du 5 juillet 1983 relative au régime de la saisie), la commission a adopté un amendement tendant à donner une nouvelle rédaction pour le premier alinéa de l'article 7 de la loi n° 83-582 du 5 juillet relative aux saisies.

Après l'article 7, la commission a ensuite sur proposition de M. Josselin de Rohan, rapporteur, a adopté un amendement introduisant un article additionnel tendant à demander au Gouvernement un rapport sur la bande côtière.

En réponse à une question de M. Félix Leyzour, M. Josselin de Rohan, rapporteur, a précisé que le projet de loi traitait de la pêche à pied professionnelle à l'article 34 sans pour autant évoqué le secteur de la pêche de loisir, faisant l'objet d'une législation particulière.

La commission a adopté sans modification l' article 8 (définition du caractère commercial de la pêche maritime) et l' article 9 (définition du patron-pêcheur embarqué).

Après l'article 9, la commission a adopté un amendement introduisant un article additionnel visant à demander au Gouvernement un rapport sur la situation du conjoint du patron-pêcheur.

A l' article 10 (définition de la société de pêche artisanale et affirmation de la neutralité économique et sociale pour ces sociétés), la commission a adopté, outre un amendement d'ordre rédactionnel, un amendement visant à consacrer la neutralité fiscale du passage en société de pêche artisanale pour l'artisan pêcheur.

A l' article 11 (extension des conditions d'imposition de la part de pêche des artisans pêcheurs aux associés de la pêche artisanale), la commission a adopté deux amendements, l'un de nature rédactionnelle, l'autre tendant à insérer dans le troisième alinéa de l'article 34 du code général des impôts l'adhésion de la société de pêche artisanale à un centre de gestion agréé.

La commission a adopté sans modification l' article 12 (exonération de la taxe professionnelle).

Après l'article 12, la commission, sur proposition de son rapporteur, a adopté un amendement introduisant un article additionnel visant à inscrire dans la loi l'exonération de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie pour les sociétés de pêche artisanale et les artisans pêcheurs.

A l'article 13 (exonération des cotisations patronales pour la société de pêche artisanale), la commission a adopté un amendement visant à préciser la notion de marin embarqué dans l'article L. 43 du code des pensions de retraite.

A l'article 14 (étalement des plus-values de cession), la commission a adopté un amendement visant à permettre le réinvestissement de la plus-value dans un ou plusieurs navires.

A l'article 15 (aide à la première installation), la commission a adopté :

- un amendement visant, à reculer l'âge pour bénéficier de l'abattement fiscal et à introduire la présentation d'un plan d'installation pour le jeune pêcheur ;

- un amendement de coordination.

Répondant à MM. Louis Moinard et Félix Leyzour, M. Josselin de Rohan, rapporteur, a indiqué qu'il était nécessaire à terme de relever le niveau de formation dans ce secteur d'activité.

Elle a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Après l'article 15, la commission a, sur proposition de son rapporteur, adopté un amendement introduisant un article additionnel tendant à instaurer un système de fonds commun de placement quirataire pour favoriser l'autofinancement des jeunes pêcheurs, lors de leur première installation.

Interrogé par M. Félix Leyzour, M. Josselin de Rohan, rapporteur, a indiqué que toutes les régions littorales contribuaient à l'autofinancement des jeunes pêcheurs pour leur première installation tout en veillant à l'assainissement de la situation financière du secteur.

La commission a adopté sans modification l' article 16 (seuil de soumission à l'agrément ministériel des projets d'investissement).

A l'article 17 (validation des services à terre), la commission a adopté deux amendements d'ordre rédactionnel.

La commission a adopté l' article 18 (exercice d'une activité complémentaire) sans modification.

A l'article 19 (embarquement de passagers sur un navire de pêche), la commission a adopté un amendement tendant à préciser le nécessaire respect des règles de sécurité lors de l'embarquement de passagers.

Après l'article 19, la commission a, sur proposition de son rapporteur, adopté un amendement introduisant un article additionnel visant à apprécier les effets des dispositions fiscales du présent projet de loi sur le passage à la forme sociétaire.

A l'article 20 (points de débarquement et extension de discipline), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

La commission a ensuite adopté sans modification les articles 21 (Habilitation des agents des affaires maritimes), 22 (Définition du rôle du mareyage) et 23 (Exercice illicite du mareyage).

A l'article 24 (schémas portuaires), la commission a adopté un amendement de nature rédactionnelle.

Elle a adopté l'article 25 (sanctions des infractions à la réglementation relative au débarquement des produits de la pêche) sans modification.

La commission a adopté deux amendements de nature rédactionnelle aux articles 26 (sanctions du non respect de la règle de préavis pour quitter une organisation de producteurs) et 27 (qualification agricole de l'activité des cultures marines).

Elle a ensuite adopté l'article 28 (extension de l'entraide agricole aux conchyliculteurs et aux éleveurs marins) et l' article 29 (création d'un genre de navigation culture marines) sans modification.

Après l'article 29, elle a, sur proposition de son rapporteur, adopté un amendement introduisant un article additionnel tendant à permettre aux structures professionnelles de la conchyliculture de participer à la défense de la qualité des eaux conchylicoles.

A l'article 30 (dispositions modifiant la loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime), la commission a adopté, outre un amendement rédactionnel, un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel à l'article 30 visant à étendre les dispositions du code du travail sur l'apprentissage à la pêche artisanale.

Elle a ensuite adopté, à l'article 31 (dispositions modifiant le code du travail-formation professionnelle), un amendement tendant à prévoir le reversement par la caisse nationale d'allocations familiales des pêches maritimes du montant des sommes collectées auprès des chefs d'entreprises conchylicoles relevant de l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) au fonds d'assurance formation « pêche .

La commission a adopté sans modification l' article 32 (rapport sur la situation du chômage à la pêche) et l' article 33 (préretraite).

A l'article 34 (affiliation des pêcheurs à pied professionnels à un régime de protection sociale), la commission a adopté un amendement tendant à rectifier une erreur matérielle.

A l'article 35 (constitution de droits réels sur le domaine public maritime), la commission a, sur la proposition de son rapporteur, après les interventions de MM. Jean-François Legrand et Félix Leyzour, adopté deux amendements : l'un tendant à la suppression de l'accord du représentant de l'État pour les principales décisions de gestion du domaine public portuaire, l'autre visant à supprimer le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 34-8-1 du code du domaine public.

Elle a ensuite adopté l' article 36 (abrogation de la loi du 7 septembre 1948) et l' article 37 (outre-mer) sans modification.

*

* *

La commission a, enfin, adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page