EXAMEN DES ARTICLES

Article unique
Validation du contrat de concession du Stade de France
à Saint-Denis

L'article unique de la proposition de loi prévoit la validation du contrat de concession qui a été conclu, le 29 avril 1995, entre l'État et la société Consortium Grand Stade pour le financement, la conception, la construction, l'entretien et l'exploitation du grand stade à Saint-Denis.

Le régime juridique des validations législatives a été précisé par le Conseil constitutionnel depuis sa décision de principe n°80-119 DC du 22 juillet 1980.

Il ressort des différentes décisions rendues en la matière par le juge constitutionnel que la validation doit satisfaire à plusieurs critères pour être conforme à la Constitution.

D'une part, elle ne doit pas porter sur l'acte même qui a été annulé. Dans le cas contraire, elle reviendrait à censurer la décision juridictionnelle et donc à méconnaître le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs (décisions n° 85-192 DC du 24 juillet 1985 ; n° 87-228 DC du 26 juin 1987 ; n° 93-332 DC du 13 janvier 1994 ; n° 95-364 DC du 8 février 1995 ; n° 94-357 du 24 janvier 1995 ; n° 93-335 DC du 21 janvier 1994).

D'autre part, la validation doit être fondée sur des motifs d'intérêt général (notamment décisions n° 91-298 DC du 24 juillet 1991 ; n° 93-332 DC du 13 janvier 1994).

Par ailleurs, la loi de validation ne saurait méconnaître le principe de non-rétroactivité de la loi pénale (décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982).

Enfin, il doit y avoir une proportionnalité de la mesure de validation par rapport aux nécessités d'intérêt général qui la fondent.

Dans une décision récente (n° 96-375 DC du 9 avril 1996), le Conseil constitutionnel a ainsi considéré que « s'il n `appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence, ces principes ne s'opposent pas à ce que, dans l'exercice de sa compétence et au besoin, sauf en matière pénale, par voie de dispositions rétroactives, le législateur modifie, dans un but d'intérêt général, les règles que le juge a mission d'appliquer dès lors qu`il ne méconnaît pas des principes ou des droits de valeur constitutionnelle ; que le fait que de telles modifications entraînent des conséquences sur des conventions en cours n `est pas en lui-même de nature à entraîner une inconstitutionnalité ; que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit » .

Le présent article paraît satisfaire à ces différents critères.

En premier lieu, seul le législateur est compétent pour déroger au principe de non rétroactivité (notamment décision n° 69-57 L du 24 octobre 1969 ; n° 93-332 DC du 13 janvier 1994).

Or, en l'espèce, l'article unique de la proposition de loi a une portée rétroactive sur le contrat de concession signé le 29 avril 1995 et sur les actes pris pour son application (notamment pour ce qui est de la décision de versement de subventions par le concédant au concessionnaire). En outre, cet effet rétroactif ne concerne pas un acte pris en matière répressive.

En second lieu, la validation proposée ne porte pas atteinte à l' indépendance de la juridiction administrative et à l'autorité des décisions de justice devenues définitives.

En effet, l'article unique de la proposition de loi ne porte pas sur un acte annulé par une décision juridictionnelle devenue définitive.

D'une part, il valide le contrat de concession. Or, seule la décision de signer ce contrat -et non le contrat lui-même- a été annulée par le jugement du tribunal administratif en date du 2 juillet 1996.

D'autre part, le jugement est frappé d'appel par l'État devant la cour administrative d'appel de Paris qui n'a pas encore statué. Il n'est donc pas devenu définitif et n'est pas passé en force de chose jugée.

La validation est, par ailleurs, fondée sur des motifs d'intérêt général parfaitement énoncés par l'exposé des motifs de la proposition de loi et qui ont été rappelés dans l'exposé général du présent rapport.

Par cohérence avec la loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993 qui a autorisé l'opération d'aménagement en vue de la construction du grand stade, votre Commission des Lois vous suggère de spécifier que cet ouvrage constitue un équipement sportif d'intérêt national.

La validation paraît proportionnée à ces motifs d'intérêt général : c'est bien, en effet, la validité du contrat de concession qui seule peut permettre de poursuivre sans délai l'exécution de l'ouvrage et mettre ainsi la France en position de remplir son engagement international de construire un stade d'une capacité de 80 000 places, engagement auquel était subordonnée la décision de lui confier l'organisation de la coupe du monde de football.

Votre Commission des Lois vous propose néanmoins, afin que cette condition de proportionnalité soit parfaitement remplie et pour lever toute ambiguïté sur ce point, de faire réserve des droits éventuels à indemnisation des tiers.

L'article unique de la proposition de loi est, par ailleurs, conforme aux autres exigences constitutionnelles dégagées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de validation préventive.

L'acte validé est bien en vigueur au moment où la validation intervient. Il est clairement identifié et donc défini avec suffisamment de précision (décision n° 94-357 DC du 25 janvier 1995).

Par cohérence formelle avec la loi du 31 décembre 1993 précitée, votre Commission des Lois vous propose de mentionner le département de localisation de l'équipement, à savoir la Seine-Saint-Denis.

Enfin, bien que les validations législatives portent le plus souvent sur des actes administratifs unilatéraux, il n'existe aucun obstacle à ce que l'acte validé soit de nature contractuelle (décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995).

Votre Commission des Lois vous propose, en conséquence, d'adopter cet article unique dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Intitulé de la proposition de loi

Pour l'intitulé de la proposition de loi, votre Commission des Lois vous suggère, par cohérence formelle avec la loi du 31 décembre 1993 précitée et avec l'article unique dans la rédaction qu'elle vous soumet, de mentionner le département de localisation de l'ouvrage, à savoir la Seine-Saint-Denis.

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