N° 77

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 novembre 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi portant ratification de l' ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996 prise en application de loi n° 96-87 du 5 février 1996 d'habilitation relative au statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale, des communes et des établissements publics de Mayotte,

Par M. François BLAIZOT,

Sénateur.

Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot. André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir le numéro :

Sénat : 56 (1996-1997).

Départements et territoires d'outre-mer.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 13 novembre 1996, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné le rapport de M. François Blaizot sur le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996, portant statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale, des communes et des établissements publics de Mayotte.

Constatant le respect des échéances prévues par l'habilitation et l'avis globalement favorable du Conseil général de Mayotte, la commission des Lois a approuvé le principe d'un statut général bref dont les adaptations lui sont, pour l'essentiel, apparues justifiées par les spécificités locales et respectueuses des principes fondamentaux applicables à la fonction publique en métropole et dans les départements d'outre mer en vertu des lois de 1983 et 1984.

Elle a adopté, sur la proposition de M. François Blaizot, rapporteur, neuf amendements qu'elle soumet à la Haute-Assemblée dont l'objet, outre la rectification de quelques erreurs de rédaction, est de faire figurer dans la loi certains principes complémentaires : l'exigence d'un jury pour les concours de recrutement et d'un tableau pour l'avancement ; la levée du devoir d'obéissance lorsque l'ordre donné est manifestement illégal ; la communication du dossier en matière disciplinaire ; le renvoi au décret en Conseil d'État pour les dérogations exceptionnelles à la règle du non-cumul des emplois.

La commission des Lois a adopté le projet de loi de ratification ainsi amendé.

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en premier lieu du projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996 portant statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale, des communes et des établissements publics de Mayotte. Cette ordonnance a été prise en vertu de l'habilitation donnée à cet effet jusqu'au 15 septembre 1996 par la loi n° 96-87 du 5 février 1996 et après avis en date du 2 août 1996 du Conseil général de Mayotte, consulté en application de la loi d'habilitation.

Le présent projet de loi de ratification a été déposé sur le Bureau du Sénat le 30 octobre 1996, dans le respect du délai fixé pour ce dépôt au 2 novembre 1996 par la loi d'habilitation.

Ainsi que le rappelait le rapport sur la loi d'habilitation 1 ( * ) , cette ordonnance s'inscrit dans la continuité d'un ensemble de textes adoptés selon la même procédure au cours des six dernières années : entre 1990 et 1996, vingt-cinq ordonnances ont en effet contribué à rapprocher du droit commun la situation de cette collectivité territoriale à statut particulier, avec les adaptations nécessitées par les spécificités géographiques, institutionnelles et économiques qui sont les siennes.

Lors de l'adaptation de la loi d'habilitation, la commission des Lois avait constaté la situation « anarchique » des agents publics des collectivités locales de Mayotte et de leurs établissements publics et souhaité que l'habilitation permette d'y mettre rapidement bon ordre dans le respect des principes généraux applicables à la fonction publique territoriale, sous réserve des adaptations nécessaires.

L'ordonnance du 5 septembre 1996 répond pour l'essentiel à ces exigences en établissant un cadre législatif largement inspiré par les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

L'ordonnance adopte une juste mesure entre une transposition trop stricte, et certainement prématurée, du régime applicable à la fonction publique territoriale métropolitaine, d'une part, et, d'autre part, un statut dont la spécificité excessive aurait écarté les principes habituels de la fonction publique.

Ses 47 articles tracent les contours de l'accès à la fonction publique (titre premier : dispositions générales), des droits et obligations des fonctionnaires (Titre II) et de la carrière (Titre III) ; ils créent un centre de gestion unique des fonctionnaires de Mayotte (Titre IV) et organisent l'intégration progressive des agents publics actuels au sein des nouveaux cadres (titre V : dispositions diverses et transitoires).

S'y trouvent en des termes identiques à ceux des statuts de droit commun ou dans une rédaction adaptée :


le principe de l'accès par concours à la fonction publique de Mayotte qui ne souffrira pas d'exception (article 4 de l'ordonnance) ;


• les obligations : se consacrer intégralement à ses fonctions, ne pas prendre des intérêts dans les entreprises qu'ils contrôlent (article 9 de l'ordonnance), respecter la discrétion professionnelle (article 11 de l'ordonnance), se conformer aux instructions du supérieur hiérarchique (article 12 de l'ordonnance) ainsi que la règle du traitement après service fait (article 18 de l'ordonnance).


• les garanties : en matière de liberté d'opinion, d'égalité de traitement (article 14 de l'ordonnance), de protection du fonctionnaire par la collectivité qui l'emploie (article 15 de l'ordonnance), d'exercice du droit syndical et du droit de grève (article 19 de l'ordonnance), d'accès au dossier (article 27 de l'ordonnance) et de procédure disciplinaire (articles 35 à 37 de l'ordonnance).


• les principaux organes de gestion des carrières et d'organisation du service : comités techniques paritaires, commissions administratives paritaires et centre de gestion.

Certaines adaptations de fond ont toutefois été nécessaires :


• le statut est autonome : en conséquence, il ne comporte pas de « passerelles » avec les autres fonctions publiques ni dans un sens, ni dans l'autre. Tout citoyen français peut se présenter à un concours d'accès à la fonction publique de Mayotte ; tout Mahorais peut se présenter à un concours d'accès à une autre fonction publique que celle de Mayotte. En revanche, un « fonctionnaire de Mayotte » au sens du statut sert « exclusivement dans les services de la collectivité territoriale, des communes et de leurs établissements publics » et seuls les « fonctionnaires de Mayotte » peuvent occuper les emplois permanents de ces collectivités publiques (article 3 de l'ordonnance).

Cette option n'exclut pas une évolution souhaitable dans l'avenir, et souhaitée par le conseil général de Mayotte, lorsque les niveaux de qualification seront stabilisés et si les grilles de rémunération se sont rapprochées. En effet, les grilles indiciaires qui seront appliquées aux nouvelles catégories de Mayotte continueront à débuter à un indice lié à celui du salaire minimum local fixé au 1er janvier 1996 à 2.535,20 F soit des rémunérations inférieures de moitié à celles des autres fonctions publiques.

L'autonomie du statut permet également de gérer localement les recrutements et les carrières, au travers du centre de gestion auquel les collectivités locales et leurs établissements publics devront obligatoirement être affiliés (article 41 de l'ordonnance).

Néanmoins, des agents contractuels pourront, en outre, être recrutés pour des durées limitées à trois ans non renouvelables lorsqu'il n'existe pas de cadres de fonctionnaires susceptibles d'assurer les tâches correspondantes (essentiellement en raison de leur technicité, par exemple dans le domaine de la santé) et à six mois pour les travaux saisonniers (article 7 de l'ordonnance).


• Le nombre des positions administratives
et des types de congés a été limité au strict nécessaire compte tenu du contexte local : activité, détachement dans un autre cadre de Mayotte si les statuts particuliers le prévoient, et disponibilité.

Le principe des congés de maladie, de longue maladie, de maternité et des congés de formation professionnelle ou syndicale est admis, dans des conditions qui seront fixées par des décrets pris en Conseil d'Etat.

En revanche, le congé parental, le temps partiel et le mi-temps thérapeutique ne sont pas prévus, pas plus que la mise à disposition et le hors cadre, ni la situation du fonctionnaire dont l'emploi serait supprimé.

Le régime des suppléments familiaux de traitement et des prestations sociales et familiales tiendra compte du régime local, notamment de la gratuité des soins.


• En matière d' accès à la fonction publique, il n'a pas été nécessaire de prévoir l'ouverture aux ressortissants de la Communauté européenne, Mayotte n'étant qu'associée à la Communauté, pas plus que d'exiger que le candidat soit dans une position régulière à l'égard du service national celui-ci étant facultatif à Mayotte (article 6 de l'ordonnance). Par ailleurs, le pouvoir de nomination étant dévolu à l'exécutif de la collectivité territoriale, des communes ou de leurs établissements publics (article 21 de l'ordonnance), il sera donc exercé par les maires pour les communes et par le préfet pour la collectivité territoriale 2 ( * ) , à partir des listes d'aptitude communes à l'ensemble de ces collectivités locales et établies par ordre alphabétique.

Le conseil général de Mayotte aurait souhaité conserver le classement au mérite mais celui-ci, praticable tant que la collectivité territoriale recrutait pour elle seule, ne peut être retenu dès lors que le centre de gestion assurera des recrutements communs avec les communes et les établissements publics.

Entre 15 à 20 décrets en Conseil d'Etat seront par la suite nécessaires pour établir les statuts particuliers et fixer les modalités d'application en matière de recrutement, d'avancement, de discipline, de congés, de fonctionnement du centre de gestion, des comités techniques paritaires et des commissions administratives paritaires ainsi que pour préciser la durée du travail et la limite d'âge compte tenu de l'espérance de vie actuelle à Mayotte (62 ans). L'âge du droit à pension pour la retraite est actuellement fixé à 55 ans par l'arrêté préfectoral ayant institué la caisse de retraite spéciale pour les fonctionnaires.

Seul le statut particulier des fonctionnaires chargés de la justice musulmane, pourra prévoir des dérogations au statut général dans la mesure où elles seraient nécessaires à l'exercice de cette mission.

Ces statuts permettront d'assainir la situation des 3.885 agents de la collectivité territoriale, des 1.010 agents des 17 communes et des 187 employés des établissements publics qui représentent un tiers de la population active salariée de Mayotte.

* *

*

Sur la procédure, la commission des Lois se félicite de voir respecté l'engagement pris par le Gouvernement, au-delà de l'obligation constitutionnelle de dépôt d'un projet de ratification, d'inscrire à l'ordre du jour des assemblées de tels projets de loi. La ratification explicite des ordonnances par l'adoption définitive de la loi de ratification lui apparaît en effet infiniment préférable à celle de la ratification implicite, toujours tardive et ambiguë.

Sur le fond, la commission des Lois a approuvé le principe d'un statut général bref dont les adaptations lui sont, pour l'essentiel, apparues justifiées par les spécificités locales et respectueuses des principes fondamentaux applicables à la fonction publique.

Les amendements qu'elle soumet à la Haute assemblée, outre la rectification de quelques erreurs matérielles, tendent pour l'essentiel à faire figurer dans la loi certains principes complémentaires que les auteurs de l'ordonnance avaient cru pouvoir renvoyer au décret à la jurisprudence.

Sous réserve de l'adoption de ces 9 amendements, dont 8 insérant des articles additionnels modifiant l'ordonnance et constituant autant de réserves à sa ratification, la commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

* 1 cf. Rapport de M. François Blaizot au nom de la commission des Lois- Sénat n° 127 (1995-1996)

* 2 Le transfert de l'exécutif par les lois de décentralisation n'est en effet pas applicable à Mayotte .

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