II. UN EFFORT DE RIGUEUR CONCENTRÉ SUR LES CONCOURS HORS ENVELOPPE NORMÉE

La première partie du projet de loi de finances initiale pour 1997 contenait, avant son examen par l'Assemblée nationale, quatre dispositions destinées à ralentir la progression des dotations placées hors du périmètre du pacte de stabilité (A).

De fait, les concours hors enveloppe ne progressaient que de 0,95 %, passant de 86,8 milliards de francs à 87,6 milliards de francs l'an prochain (B).

L'Assemblée nationale ayant supprimé la pièce maîtresse de cette régression en volume, à savoir la ponction de 1,62 milliard de francs prévue sur la compensation de la réduction de taxe professionnelle pour embauche et investissement, les dotations "hors enveloppe" devraient finalement bénéficier d'une hausse de 2,8 % prises globalement, ce qui permet à la masse des concours de l'État (haut et bas du tableau) de progresser de 2 %.

La pression du gouvernement sur les dotations du "bas du tableau" n'en demeure pas moins très forte.

A. UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS L'EFFORT DE MAÎTRISE DU COÛT POUR L'ÉTAT DES COMPENSATIONS D'EXONÉRATIONS ET DE DEGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX

Parmi les quatre mesures prévues par le projet de loi de finances déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 1er octobre dernier, deux tendent à mieux encadrer le champ des exonérations et dégrèvements accordés au contribuable local.

Les deux autres touchent en revanche directement les ressources des collectivités territoriales en étalant dans le temps, dans le premier cas, ou en réduisant, dans le second cas, le montant de la compensation versée par l'État aux budgets locaux concernés.

1. La déconnexion des exonérations d'impôt sur le revenu des personnes physiques et des exonérations et dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'habitation

Suivant les recommandations des rapports Ducamin et La Martinière, le gouvernement propose que désormais la situation du contribuable local soit appréciée non plus en fonction de son degré d'assujettissement à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, mais directement en fonction du montant effectif de son revenu.

En effet, divers allégements d'impôts directs locaux sont aujourd'hui accordés en fonction de la situation du redevable au regard de l'impôt sur le revenu :

- exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les redevables âgés de plus de 75 ans non imposables à l'impôt sur le revenu (article 1391 du code général des impôts) ;

- exonération de taxe d'habitation en faveur des personnes âgées de plus de 60 ans, des veufs et veuves et des personnes invalides non imposables à l'impôt sur le revenu (article 1414-1-2° et 3° du code général des impôts) ;

- octroi de dégrèvements partiels en faveur des redevables non imposables à l'impôt sur le revenu (article 1414 A du code général des impôts) ou faiblement imposés (article 1414 B du code général des impôts) ;

- plafonnement des cotisations de taxe d'habitation à 3,4 % du revenu pour les redevables dont la cotisation d'impôt sur le revenu n'excède pas 13.300 francs (article 1414 C du code général des impôts).

Au surplus, certains abattements sur la base de taxe d'habitation prennent en compte la situation au regard de l'impôt sur le revenu :

- abattement spécial à la base accordé aux personnes non imposables à l'impôt sur le revenu (article 1411-11-3° du code général des impôts) ;

- abattement pour charges de famille accordé aux redevables pour leurs ascendants ou ceux de leur conjoint qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu (article 1411 -III du code général des impôts).

Le nouveau dispositif, déconnectant assujettissement à l'impôt sur le revenu et assujettissement aux impôts-ménages, est directement justifié par la réforme de l'impôt sur le revenu qui doit se traduire par un allégement sensible du barème. Cet aménagement de l'IRPP doit être neutre en termes d'allégement des charges pesant sur le redevable local. Ainsi :

- les contribuables dont le niveau de revenu est aujourd'hui tel qu'ils sont non imposables ou faiblement imposables à l'IRPP continueront à bénéficier d'une suppression totale ou d'un allégement partiel de leur taxe d'habitation et de leur taxe foncière sur les propriétés bâties, toutes choses égales par ailleurs ;

- les contribuables dont le revenu est tel qu'ils sont aujourd'hui imposables à l'impôt sur le revenu et en totalité à la taxe d'habitation ainsi, le cas échéant, qu'à la taxe foncière sur les propriétés bâties continueront d'être intégralement assujettis aux impôts locaux dont ils sont redevables même si, en raison de l'allégement du barème, ils cessent d'être imposables à l'impôt sur le revenu ou acquittent une cotisation qui, en l'état actuel du droit, induirait un allégement de leur foncier bâti et de leur taxe d'habitation.

2. La modification du calcul de la valeur ajoutée retenue pour le plafonnement de la taxe professionnelle des entreprises appartenant à un même groupe

Le gouvernement propose ensuite de préciser la notion de valeur ajoutée utilisée, dans le cadre de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, pour le calcul du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée.

La valeur ajoutée étant définie comme l'excédent hors taxes de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers, l'article 12 du projet de loi de finances initiale pour 1997 prévoit que seront dorénavant exclus des consommations de biens et services en provenance de tiers les loyers-versés par l'entreprise soit à la société mère, soit à la société fille, soit à une société soeur.

L'objectif poursuivi est de faire échec à des montages financiers qui ont eu tendance à se développer ces dernières années et ont abouti à minorer, de façon artificielle, la valeur ajoutée de certains contribuables à la taxe professionnelle, leur permettant, du même coup, de bénéficier du plafonnement de cotisation par rapport à la valeur ajoutée.

Votre commission des finances regrette cependant la discrimination opérée à rencontre des locations effectuées entre des sociétés liées, dès lors que la preuve du caractère anormal des locations n'est pas établie.

La neutralité du système d'imposition à la taxe professionnelle d'un groupe de sociétés implique que l'augmentation de la valeur ajoutée de l'entreprise locataire soit compensée par la contraction de celle de l'entreprise bailleresse. Votre commission des finances vous a ainsi proposé un amendement à l'article 12 tendant à autoriser chez cette dernière la réduction de sa valeur ajoutée à hauteur de l'amortissement des biens donnés en location.

3. L'étalement du paiement du solde de la compensation des pertes de ressources résultant de la réduction des droits de mutation à titre onéreux

L'article 11 de la première loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-885 du 4 août 1995) a prévu une réduction de 35% des parts départementale et régionale des droits perçus sur les mutations à titre onéreux de locaux d'habitation pendant la période du 1er juillet 1995 au 31 décembre 1996.

Les régions et départements ont reçu, selon le cas, fin 1995 et début 1996, un premier acompte sur la compensation que l'État doit leur verser Un second acompte sera versé en janvier 1997 et rattaché à l'exercice 1996.

La régularisation éventuelle devait être versée avant le 15 mars 1997 et rattachée à l'exercice 1997.

Pour de stricts motifs d'opportunité budgétaire, le gouvernement ne souhaite pas reconduire le dispositif d'exonération au-delà du 31 décembre 1996 et propose d'étaler le versement de la régularisation sur trois ans par fractions d'égal montant : la première en 1997, la deuxième en 1998 et la troisième en 1999.

Selon les indications fournies par le tome I de l'évaluation des voies et moyens, le montant de l'acompte à verser en janvier 1997 s'élèverait à 3.150 millions de francs.

Quant au montant de la régularisation, il approcherait 2 milliards de francs imputés à hauteur d'environ 660 millions de francs sur chacun des trois exercices 1997, 1998 et 1999.

La charge imposée par l'État en 1997 serait ainsi d'environ 3,8 milliards de francs (plus de 3 milliards de francs d'acomptes et moins de 700 millions de francs de régularisation) au lieu de 5,1 milliards de francs (plus de 3 milliards de francs d'acomptes et près de 2 milliards de francs de régularisation).

La compensation versée par l'État au titre des exonérations de droits de mutation sur cessions d'immeubles d'habitation et les modalités de son versement (article 11-III de la première loi de finances rectificative pour 1995)

a) Les pertes de recettes résultant pour les départements et les régions de l'exonération sont compensées, selon les modalités définies aux b et c, par une majoration à due concurrence du prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale.

b) La compensation des pertes de recettes résultant de l'exonération est égale, pour chaque collectivité concernée, à la différence entre :

- le montant des droits déterminés en appliquant à un pourcentage des bases taxées en 1994, multipliées par 1,5, les taux en vigueur au cours de la période du 1er juillet 1995 au 31 décembre 1996, d'une part ;

- et le montant des droits effectivement constatés au cours de ladite période du 1er juillet 1995 au 31 décembre 1996, d'autre part.

Le pourcentage mentionné ci-dessus est défini en fonction du montant des droits de mutation perçus en 1994 sur les acquisitions d'immeubles ou de fractions d'immeubles d'habitation rapporté au nombre d'habitants résultant du dernier recensement général :

- pour les départements, ce pourcentage est de 100 % lorsque le montant des droits par habitant est inférieur ou égal à 158 francs et de 95 % lorsque le montant est supérieur à 158 francs ;

- pour les régions, ce pourcentage est de 100% lorsque le montant des droits par habitant est inférieur ou égal à 54 francs et de 95 % lorsque le montant est supérieur à 54 francs.

c) Deux acomptes sont versés sur la compensation définie au b dans un délai compatible avec l'inscription des ressources correspondantes aux comptes administratifs de 1995 et 1996 :

- l'acompte dû au titre de 1995 est égal à 17,5 % de 90 % des droits effectivement constatés en 1994. Cet acompte est versé avant le 31 octobre 1995 aux départements dont le montant des droits par habitant constatés en 1994 est inférieur ou égal à 158 francs et aux régions dont le montant des droits par habitant constatés en 1994 est inférieur ou égal à 54 francs ;

- l'acompte dû au titre de 1996 est égal à 17,5 % des droits effectivement constatés en 1994.

Il est procédé, avant le 15 mars 1997, à la régularisation du montant de la compensation lorsque l'application des dispositions du b entraîne un produit différent du montant global des acomptes définis ci-dessus.

Le coût total de la mesure aura ainsi été de près de 8 milliards de francs pour l'État (un premier acompte de 2,8 milliards de francs ; un second acompte de 3,15 milliards de francs et une régularisation de moins de 2 milliards de francs).

4. La tentative d'aménagement du mécanisme de compensation de la réduction pour embauche et investissement (REI)

Il s'agissait incontestablement de la "pièce maîtresse" du gouvernement pour stabiliser le coût pour l'État des compensations d'exonérations et de dégrèvements d'impôts locaux, puisque l'économie attendue de cet aménagement est de 1,62 milliard de francs. La couverture de la réduction pour embauche et investissement tombait ainsi d'un peu plus de 3 milliards de francs à moins d'1,5 milliard de francs.

En l'état actuel des textes, la compensation versée au titre du REI est égale au produit de la perte de bases, pour chaque collectivité, résultant de la réduction, par le taux de taxe professionnelle de la collectivité constaté en 1986, multiplié par 0,960. Cette compensation n'est versée que si elle est supérieure à 2 % des recettes fiscales de la collectivité, et pour le montant excédant cette part.

Ce dernier abattement n'est toutefois pas applicable :

- aux collectivités dont les bases de taxe professionnelle par habitant sont, l'année précédente, inférieures à la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant constatables pour les collectivités de même nature ;

- aux communes éligibles l'année précédente à la dotation de solidarité urbaine ou au fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France ;

- aux communes de moins de 10.000 habitants dont le nombre de logements sociaux est, l'année précédente, supérieur à 1.700 ;

- aux communes de 10.000 habitants et plus dont le rapport entre le nombre de logements sociaux et la population recensée est supérieur à 17 % pour l'année précédente ;

- aux départements bénéficiaires de la dotation de fonctionnement minimale ;

- enfin, pour les groupements de communes dont les bases de taxe professionnelle par habitant sont supérieures aux bases moyennes par habitant des groupements de même nature, mais qui comprennent des communes exonérées de l'abattement de 2 %, il est procédé à un abattement proportionnel à la population des communes membres du groupement non concernées par l'exonération et la population totale du groupement.

Le dispositif proposé par le gouvernement dans le cadre de l'article 20 du projet de loi de finances, et supprimé par l'Assemblée nationale, comprenait deux volets :

- La suppression de toute compensation pour les collectivités locales dont l'évolution des bases de l'année précédente par rapport à la pénultième année est supérieure à l'évolution moyenne des bases nationales de taxe professionnelle de cette même année pour les collectivités de même nature.

Les collectivités restant éligibles à la compensation continuaient à la percevoir selon les modalités de calcul rappelées ci-dessus.

- L'écrêtement du montant de la compensation devant revenir à une collectivité locale dont l'évolution des bases est inférieure à la moyenne nationale.

Cet écrêtement, lorsqu'il avait lieu d'intervenir, était égal au surcroît éventuel de recette dont disposera la collectivité concernée grâce à l'addition de son produit de taxe professionnelle et de la compensation au titre de la REI par rapport au produit théorique de taxe professionnelle que lui aurait procuré un taux d'évolution identique à celui constaté en moyenne au plan national. En d'autres termes, l'écrêtement était égal à la différence positive suivante :

[Somme de la compensation versée au titre de la REI + produit effectif de taxe professionnelle perçu par la collectivité] MOINS [produit théorique de taxe professionnelle égal à la taxe professionnelle perçue l'année précédente à laquelle est appliqué le taux moyen national de progression de la taxe professionnelle].

L'objectif de cet écrêtement était d'éviter qu'une collectivité perçoive, grâce à la compensation de la REI, une somme supérieure à ce qu'elle aurait encaissé dans le cas où l'évolution de ses bases de taxe professionnelle aurait été suffisamment dynamique pour l'exclure du droit à compensation.

Le double volet exclusion-écrêtement proposé par le gouvernement ne s'appliquait toutefois pas aux collectivités locales disposant structurellement des ressources les plus faibles :

- régions bénéficiant du fonds de correction des déséquilibres régionaux ;

- départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale ;

- communes de 10.000 habitants et plus classées dans le premier quartile des communes éligibles à la DSU ;

- communes de moins de 10.000 habitants dont le potentiel fiscal est inférieur à 1.060 francs.

Les départements apparaissaient comme les plus touchés par le dispositif du gouvernement puisqu'ils subissaient une diminution de deux-tiers de la compensation de la REI alors que la baisse moyenne est de 50 % environ.

Votre commission des finances a clairement indiqué au gouvernement qu'il ne saurait être question que ce dispositif, supprimé par l'Assemblée nationale, revienne, même sous une forme édulcorée, devant le Sénat.

Elle vous a, en outre, proposé un amendement lors de l'examen des articles de la première partie, supprimant le "ticket modérateur" de 2 % pour les communes éligibles la pénultième année, non seulement à la dotation de solidarité urbaine (ce que proposait déjà le gouvernement), mais également au fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France. Le "ticket modérateur" serait également supprimé, à son initiative, pour les départements éligibles la pénultième année à la dotation de fonctionnement minimale.

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