CHAPITRE V - CONTRATS DE PLAN ÉTAT-REGIONS (CPER)

Les CPER et les lois de programmation et d'orientation se sont progressivement substitués à la planification nationale, avec toutes les insuffisances que cela entraîne. En effet, l'absence d'une vision globale ne permet pas d'assurer leur cohérence et leur liaison.

La troisième génération (1994-1998) des contrats de Plan État-régions devait respecter trois principes :

- la contractualisation par objectif afin de mieux satisfaire les besoins des régions en matière d'infrastructure et d'équipements publics ;

- la sélectivité pour faciliter la concentration des moyens sur des thèmes prioritaires ;

- la diminution du recours aux financements croisés pour mieux apprécier la rentabilité et l'intérêt des investissements publics.

Or, il s'avère que ces orientations n'ont guère été respectées et que les contrats de plan État-régions continuent d'être, pour les administrations centrales, un moyen d'obtenir plus de crédits et le lieu de marchandage des équipements publics.

Cette situation permet d'expliquer les difficultés rencontrées par le Commissariat général du Plan pour évaluer les contrats de Plan État-régions malgré la circulaire du 13 septembre 1994 qui prévoit une nomenclature unique reflétant les six grands secteurs des contrats de plan et des tableaux de synthèse pour connaître l'état des engagements financiers des intervenants. Le caractère essentiellement bilatéral des contrats État-régions ne favorise pas la transparence des procédures ni de leur exécution.

Enfin, votre rapporteur déplore l'étalement des contrats de plan sur six ans au lieu de cinq . Le Gouvernement a justifié cette mesure par la volonté de faire coïncider, d'une part, le renouvellement des conseillers régionaux avec la préparation des contrats de la quatrième génération et, d'autre part, l'élection des députés avec l'approbation du schéma national prévu par la loi sur l'aménagement du territoire. Il s'agit en réalité d'un report d'engagement de crédits dû à la crise. En effet, comme le montant global des crédits affectés par l'État aux contrats État-régions n'a pas changé, ses engagements financiers sont mécaniquement réduits de 2,5 milliards de francs par an. Or, cette mesure risque de compromettre les projets d'investissement arrêtés dans les contrats État-régions.

CONCLUSION - L'AVENIR DE LA PLANIFICATION

À l'occasion du cinquantenaire du Commissariat général du Plan, un grand colloque a été organisé sous le haut patronage et en présence du chef de l'État.

Cet événement a mis en évidence le consensus de la classe politique sur l'utilité du plan et son besoin de rénovation.

Le Chef de l'État a assigné quatre grandes missions au Commissariat général du Plan :

- un outil de prospective pour anticiper les évolutions ;

- un instrument d'évaluation des dépenses publiques ;

- un outil de comparaison internationale pour tirer profit des expériences entreprises par les voisins de la France ;

- un lieu d'échanges et de dialogue pour susciter la compréhension des réformes et l'adhésion à leurs exigences.

Toutefois, aucune précision sur les modalités de cette réforme n'a été apportée, bien que M. Henri Guaino ait préconisé pour le Commissariat général du Plan un statut qui assure sa crédibilité, qui lui permette d'être saisi par le Parlement pour améliorer le dialogue avec le Gouvernement et qui soit plus interactif avec les autres organismes de consultation ou de réflexion et de recherche.

Il est à noter que le rapport préparatoire à la Réforme de l'État du ministre de la Fonction publique, de la réforme de l'État et de la Décentralisation, Dominique Perben, prône lui aussi une réforme du Commissariat général du Plan.

Selon cette étude, le CGP doit contribuer à la qualité de la décision publique par une expertise économique et financière à moyen terme, un effort de mise en cohérence et une évaluation des grandes politiques publiques. Pour exercer cette mission, le CGP doit inscrire son action dans les procédures du travail interministériel :

- consultations systématiques dans la phase de préparation des décisions à caractère économique et social ;

- examen des études d'impact accompagnant les projets de textes ;

- rôle accru dans les organismes comme le Fonds de développement économique et social ;

- animation du dispositif interministériel d'évaluation des politiques publiques.

Le Commissariat général du Plan doit dans le même temps conduire, en concertation avec les acteurs économiques et sociaux concernés, des études et des analyses prospectives approfondies sur les grands problèmes que la nation doit résoudre.

Enfin, il a été indiqué qu'un décret serait publié à l'automne 1996, visant à mettre en forme juridiquement la réforme du Commissariat général du Plan.

Pourtant, cette refondation du Plan tarde à venir et votre rapporteur ne peut que rappeler la liste des rapports écrits sur l'avenir de la planification sans qu'aucune de leurs propositions ne se soit traduite en réforme concrète :

- 1986 : rapport au Gouvernement de M. J.P. Ruault ;

- 1987 : avis du CES intitulé "l'avenir de la planification" ;

- 1993 : rapport interne du Commissariat général du Plan de M. Michel Dolle, "Un nouvel horizon pour la planification" ;

- 1994 : rapport de M. J. de Gaulle remis au Premier sur "l'avenir du plan et la place de la planification dans la société française" ;

- 1995 : avis du CES sur le devenir de la planification française.

Votre rapporteur déplore cet enlisement de la réforme de la planification et du Commissariat général du Plan. À l'heure où la légitimité de l'État est remise en cause et où les arbitrages politiques sont essentiellement guidés par le souci de maîtrise des dépenses publiques, la mise en cohérence globale des choix de l'État et de l'action publique apparaît plus que jamais indispensable. Certes, la définition d'une vision d'ensemble obligerait à réfléchir sur le rôle de l'État dans la sociétés française, sur les missions qu'il doit accomplir et sur les moyens les plus efficaces à mettre en oeuvre dans cet objectif.

En outre, cette démarche nécessiterait de la part de l'État la capacité de se remettre en cause et de passer au crible l'ensemble de ses politiques pour ne conserver que celles dont l'efficacité est reconnue.

Il s'agit donc d'une décision courageuse, mais elle mérite d'être prise car la légitimité de l'État en sortirait considérablement renforcée. En effet, les décisions de ce dernier n'apparaîtraient plus subordonnées à des considérations conjoncturelles, mais s'inscriraient dans un projet à long terme, fondé sur une analyse prospective économique et sociale préalable et nourri des réflexions dégagées par une large concertation regroupant tous les acteurs sociaux et économiques.

Or, dans le cadre d'une telle planification rénovée, le Commissariat général du Plan pourrait apporter une contribution décisive en tant qu'instrument d'éclairage des pouvoirs publics.

Auparavant, une redéfinition de ses relations avec les organismes qui lui sont rattachés (CSERC, CEPII) ou qu'ils subventionnent (CREDOC, CEPREMAP, IRES et OFCE) apparaît inévitable afin de créer un véritable pôle d'expertise. Le Commissariat général du Plan doit en outre voir son statut renforcé pour mener à bien l'évaluation des politiques publiques.

À cet égard, votre rapporteur espère que l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques nouvellement créé travaillera en étroite collaboration avec le Commissariat général du Plan.

En conclusion, votre rapporteur souhaite que le Gouvernement s'engage enfin à faire aboutir rapidement la réforme du Plan. Le malaise suscité par le contraste persistant entre une volonté officielle de réhabiliter la planification et la lente diminution des crédits mis à la disposition du Commissariat général du Plan doit être levé. Au pire, il serait plus courageux de la part du Gouvernement de reconnaître la mort du Plan plutôt que de laisser subsister à son sujet un double langage.

Votre rapporteur espère que cette solution radicale sera écartée et que le Gouvernement défendra les intérêts de la France à travers un programme économique et social cohérent, dégagé à partir de l'appui technique d'un Commissariat général du Plan rénové.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page