Rapport général n° 86 (1996-1997) de M. Maurice BLIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 décembre 1996

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N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 44

EXPOSÉ D'ENSEMBLE ET DÉPENSES EN CAPITAL

Rapporteur spécial : M. Maurice BLIN

1 Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0 ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A. 590.

Sénat : 85 (1996-1997).

PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. Le projet de budget pour 1997 correspond à la première annuité de la loi de programmation 1997-2002.

Il est conforme à cette annuité :


• quant à son montant : 185,5 milliards de francs 1995 soit 190,9 milliards de francs 1997 ;


• et quant à sa répartition : titre III : 102,2 milliards de francs

titre V : 88,7 milliards de francs.

Le budget en projet est, en outre, calculé pour sa totalité en crédits budgétaires. L'évaluation en "crédits disponibles" qui ajoutait aux crédits budgétaires d'hypothétiques crédits de report se trouve donc, fort heureusement abandonnée.

2. Conforme à la programmation, le projet de budget participe à l'effort général de réduction des dépenses publiques : il est en diminution d'environ 20 milliards de francs par rapport aux prévisions de la précédente programmation, qui n'a jamais été appliquée.

3. Les crédits prévus servent un triple objectif :


• engager la mise sur pied d'une armée professionnelle :
diminution globale des effectifs (- 26.000), accroissement du nombre des professionnels (+ 7.700 engagés) ;


poursuivre la modernisation de l'équipement des forces :

* maintien à 21,5 % du titre V de la part consacrée au nucléaire ;

* poursuite des grands programmes d'équipement des forces classiques ;

* priorité donnée aux programmes de cohérence interarmées : commandement, communications et renseignement.


Accompagner les restructurations militaires et industrielles :

* financement du fonds pour l'adaptation industrielle et du fonds pour les restructurations de la défense (800 millions de francs) ;

* adaptation de la politique domaniale en proposant aux collectivités locales un choix entre plusieurs régimes de transferts (ventes classiques ou conventions de gestion).

4. Le budget en projet ne permettra toutefois de s'engager de front dans cette triple direction qu'à la double condition d'être préservé :


dans son montantes qui implique :

* qu'il ne soit pas frappé, comme l'ont été les budgets précédents, y compris le budget de l'année en cours, par des mesures de régulation budgétaire (gels, annulations, reports de crédits) et qu'il ne soit pas d'emblée obéré par des reports de charges consécutifs aux annulations de crédits sur la gestion 1996 ;

* qu'il ne soit pas alourdi par des charges non prévues (recapitalisation des entreprises publiques dont certaines - GIAT-Industries notamment -sont lourdement déficitaires, démantèlement des installations nucléaires, mise en oeuvre du rendez-vous citoyen etc..) ;


dans sa structure, la grande interrogation sur ce point étant de savoir si le titre III pourra, dans la limite des crédits dont il est doté, absorber le coût de la professionnalisation des armées et des mesures d'accompagnement social des restructurations, ou si des prélèvements sur le titre V ne seront pas nécessaires pour permettre au titre III d'absorber ces coûts ; ce titre étant, en outre, grevé par le surcoût des opérations extérieures (plus de 5,5 milliards de francs en 1996).

Cette interrogation deviendra sans doute de plus en plus pressante au fil des ans. D'ores et déjà les rémunérations absorberont en 1997 plus des trois quarts des crédits du titre III, comprimant d'autant les autres dépenses de fonctionnement et notamment celles finançant les activités des unités (sorties sur le terrain, jours de mer, heures de vol).

5. Parallèlement devront être menées à bien l'importante réorganisation de la Délégation générale pour l'armement et l'ambitieuse réforme de la conduite des programmes. Les objectifs à atteindre : diminuer de 30 % sur six ans les délais et les coûts des programmes d'armement, ont défini le volume des crédits prévus ; tout « dérapage » par rapport à ces objectifs risque donc de compromettre le réalisme de la construction budgétaire.

Aux réformes de structures de la Délégation générale pour l'armement, s'ajoutent, en outre, celles de l'industrie d'armement (privatisation de THOMSON SA, fusion AÉROSPATIALE-DASSAULT)

6. Cette recherche de l'abaissement des coûts des programmes suppose, en particulier, la réunion de diverses conditions :


• une vérification rapide du bien-fondé des éléments de coûts présentés par les industriels ;


• une vigoureuse promotion de nos exportations d'armement, notamment dans le secteur de la construction navale ; cela dans un contexte marqué par une concurrence accrue : « dumping » des États-Unis sur tous ces marchés et « bradage » des équipements de l'armée soviétique ; de 1981 à 1993 la part des États-Unis dans les exportations d'armement mondial est passée de 15 % à 50 % ;


• et, s'agissant des programmes menés en coopération avec d'autres pays européens :

* la poursuite au rythme prévu des programmes (hélicoptère TIGRE et NH 90, satellite HELIOS 2, en particulier) que les difficultés financières de nos partenaires risquent de compromettre ;

* la révision des spécifications de l'ambitieux programme de Vavion de transport futur, programme dont dépend la survie d'une industrie aéronautique européenne ; le ministère de la Défense a rappelé du reste, lors du débat sur la défense du 23 octobre dernier, que ce programme devra être financé selon des méthodes nouvelles ;

* un suivi plus adapté de l'ensemble de ces programmes qui permette d'en établir le véritable bilan financier.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Finances a procédé le Jeudi 7 novembre 1996 à l'examen des crédits de la défense : dépenses en capital (titres V et VI), sur le rapport de M. Maurice Blin.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial a souligné que le projet de budget marquait une rupture puisqu'il correspondait à la première annuité de la loi de programmation 1997-2002, qui tout en officialisant la tendance à la baisse des crédits, devait mettre fin aux modifications, en cours d'année, des crédits d'équipement de la défense.

Il a, à ce propos, rappelé que 9 % des crédits de la loi de finances de 1995 et 20 % de celle de 1996 avaient été annulés, que seulement 82 % des crédits avaient été consommés en 1995 et que les reports de charges pour 1997 s'élevaient à 10 milliards de francs.

Il a aussi précisé que les intérêts moratoires liés aux retards de paiement par l'État s'élevaient à 500 millions de francs en 1995 et 600 millions de francs en 1996, soit l'équivalent du prix de deux RAFALE.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a ensuite indiqué que le budget s'élevait à 243,3 milliards de francs, soit une diminution de 2,4 % en francs courants et que l'essentiel de cette baisse portait sur les titres V et VI (-6,6 %) puisque le titre III progressait de 1,6 %.

Il a alors présenté les différents postes du titre V en soulignant qu'ils étaient tous en baisse mais que l'espace, jugé prioritaire par le Gouvernement, était relativement moins affecté par la rigueur budgétaire.

Il a aussi constaté que les capacités de renseignement étaient renforcées et que la Direction générale de la sécurité extérieure voyait ses effectifs augmenter de 65 emplois nouveaux.

Par ailleurs, il a fait remarquer que le programme RAFALE était interrompu depuis plus d'un semestre à la suite du litige opposant la Direction générale de l'armement et Dassault. Il a déploré la baisse des crédits d'études et de développement au moment même où ceux-ci augmentent en Grande-Bretagne et aux États-Unis qui sont les concurrents directs de la France en matière d'armements.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a ensuite fait part de ses observations.

Il s'est tout d'abord félicité que le projet de budget pour 1997 soit conforme à la première annuité de la loi de programmation 1997-2002, aussi bien dans son montant que dans sa répartition.

I Après avoir rappelé que le projet de budget participait à l'effort général de réduction des dépenses publiques, il a fait remarquer que les crédits prévus servaient un triple objectif, à savoir la mise sur pied d'une armée professionnelle, la modernisation de l'équipement des forces armées et l'accompagnement des restructurations militaires et industrielles.

Toutefois, il a estimé que ce budget ne pourrait respecter les missions qui lui étaient attribuées qu'à la double condition d'être préservé dans son montant et dans sa structure. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la capacité du titre III à absorber seul le coût de la professionnalisation des armées et des mesures d'accompagnement qui en résultent et s'est inquiété des prélèvements éventuels qui pourraient affecter le titre V, déjà grevé par le surcoût des opérations extérieures (plus de 5,5 milliards de francs en 1996).

Enfin, il a rappelé l'enjeu que constituaient la réorganisation de la Délégation générale pour l'armement et l'ambitieuse réforme des coûts des programmes.

Un large débat s'est alors ouvert au cours duquel sont intervenus MM. Alain Lambert, rapporteur général, François Trucy, Paul Loridant, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Guy Cabanel et M. Christian Poncelet, président.

En réponse aux intervenants, M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a regretté de ne pas disposer de plus de précision sur le coût immédiat et les économies à moyen terme liés au démantèlement du plateau d'Albion, mais s'est engagé à recueillir toutes les informations nécessaires.

Il a constaté que dans la loi de programmation, la construction éventuelle d'un deuxième porte-avions nucléaire était subordonnée à la disposition de ressources suffisantes. Il a par ailleurs précisé que les difficultés techniques rencontrées pour l'élaboration du premier porte-avions nucléaire étaient telles qu'il était envisagé de revenir, dans l'avenir, à la technique de la propulsion classique.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial, a, par ailleurs, indiqué que 3,7 milliards de francs avaient été apportés par l'État pour la recapitalisation de GIAT-Industries.

Il a ensuite fait remarquer que la coopération des États-membres de l'Union européenne en matière d'armements en était encore à ses balbutiements même s'il a jugé encourageant le rapprochement de Brïtish-Aerospace et de Matra.

S'agissant du programme de production de la torpille MU mené par la France et l'Italie, il a regretté que sa construction soit dispersée sur deux sites, tout en reconnaissant que les contraintes politiques ne permettaient guère d'envisager son regroupement sur une seule unité de production.

Enfin, il a affirmé la nécessité pour l'État de revoir sa politique en matière de vente aux collectivités locales des terrains et casernes militaires, qui ne peuvent trouver d'acquéreurs à cause de prix trop élevés.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la défense (dépenses en capital).

INTRODUCTION

Trois évolutions majeures ont marqué la dernière décennie dans le domaine de la Défense.

La première a touché le concept de défense français qui a pris en compte la disparition de la menace majeure mais a dû mettre au point la nouvelle stratégie, inspirée par la volonté de maîtriser des crises plus diversifiées, et moins prévisibles.

La seconde s'est traduite par une diminution continue des effectifs qui conduit à la professionnalisation des armées et à l'abandon de la formule de l'armée mixte, pourtant retenue par le Livre blanc de 1992.

La troisième porte sur les moyens financiers soumis à la forte contrainte de la réduction de la dépense publique mais qui doivent permettre le passage à un dispositif de défense rénové, allégé dans ses effectifs, réorganisé dans ses implantations, restructuré dans ses soutiens, qu'il s'agisse de ses soutiens directs ou de l'ensemble de l'appareil des industries d'armement.

Un premier aperçu de ses moyens financiers est donné dans les développements qui suivent.

I. PLACE DU BUDGET DE LA DÉFENSE DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT ET DANS LE PIB

Le mouvement de diminution de la part du budget de la Défense dans le budget de l'État et dans la richesse nationale se poursuit. La part de la Défense dans le PIB doit être appréciée en tenant compte d'une augmentation prévue de 2,3 %.

II. L'ÉVOLUTION ET LA RÉPARTITION DES CRÉDITS

La pratique des années précédentes consistant à faire masse des crédits de report et des fonds de concours d'une part et des crédits budgétaires pour apprécier un ensemble de « crédits disponibles » conduit à retracer cette évolution sous la forme du tableau suivant :

Désormais tous les crédits prévus sont des crédits budgétaires et non plus des crédits disponibles, agrégat dont l'expérience des années précédentes avait montré l'inconsistance. Les ressources initiales ont été, en effet, tous les ans, amoindries par des reports dont la consommation était entravée par le caractère tardif des arrêtés de report, des gels de crédits suivis d'annulations ou des fonds de concours surévalués.

Le tableau ci-dessous permet d'apprécier l'écart entre les lois de finances initiales et les crédits réellement consommés.

CRÉDITS DE PAIEMENT DES TITRES V et VI

1 ( * )2 ( * )

Le montant des crédits de paiement effectivement consommés par les services gestionnaires du ministère de la Défense a baissé de plus de 30 % entre 1990 et 1996.

La répartition des crédits est illustrée ci-dessous.

TITRE III

TITRE V

III. LA STRUCTURE DU PROJET DE BUDGET

A. SERVICES VOTÉS ET MESURES NOUVELLES

Pour 1997, les services votés s'élèveront à 223,4 milliards de francs, les mesures nouvelles à 19,9 milliards de francs.

Sur le titre III le poids grandissant des rémunérations et charges sociales atténue l'effet de la révision des services votés qui se traduit par des réductions d'effectifs et des économies sur les moyens de fonctionnement.

Pour ce qui concerne le Titre V, les mesures nouvelles (7,6 milliards de francs) se partagent, pour l'essentiel, entre les études et recherches (5,1 milliards de francs contre 7,5 milliards de francs en 1996) et les fabrications (11 milliards contre 9 milliards de francs en 1996). L'écart se creuse donc au détriment des études et recherches et au profit des fabrications. L'orientation est inverse dans les budgets américain ou britannique. Il importe donc que la « part de l'avenir » dans les mesures nouvelles cesse, désormais, de décroître.

B. AUTORISATIONS DE PROGRAMME ET CRÉDITS DE PAIEMENT

Les autorisations de programme en lois de finances initiales continuent leur décroissance :

1994 : 99,1 milliards de francs

1995 : 98,2 milliards de francs

1996 : 92,4 milliards de francs

1997 : 90,8 milliards de francs (dont 87,2 milliards de francs pour le titre V)

Pendant ces cinq dernières années les autorisations de programme n'ont cessé de régresser (leur montant était de 121,7 milliards de francs en 1990).

Mais les autorisations de programme disponibles sont, en réalité, supérieures aux montants indiqués dans les lois de finances. Ainsi, en 1995, le montant total des autorisations de programme disponibles s'élevait à 129,2 milliards de francs.

La gestion des autorisations de programme s'est trouvée, en effet, fortement perturbée par l'annulation ou le « gel » des crédits de paiement destinés à les financer, provoquant des reports de ces autorisations. La Cour des Comptes a, au demeurant, critiqué cette gestion.

Or l' accroissement des commandes pluriannuelles, qui doivent contribuer à la diminution des coûts des armements, exigent évidemment une restauration de la signification des autorisations de programme. Pour 1997, les commandes pluriannuelles doivent dépasser dix milliards de francs. Elles sont l'un des moyens dont on attend une diminution des coûts des équipements ; elles devraient porter en 1997 sur les missiles (MICA, APACHE), les postes de radio PR4G, les torpilles MU 90 et les dépanneurs du char LECLERC.

Nous approuvons le recours à cette technique que devrait faciliter le contenu de la nouvelle loi de programmation puisque celle-ci ne porte plus seulement sur les crédits de paiement mais couvre également les autorisations de programme ; le recours aux commandes pluriannuelles suppose toutefois une certaine reconversion des services du ministère de la Défense que les multiples annulations et « gels » de crédits ont contraints à un simple « pilotage » à courte vue des crédits de paiement.

IV. LES FONDS DE CONCOURS

Les crédits rattachés par voie de fonds de concours résultent essentiellement de cessions mobilières et immobilières d'une part, de prestations diverses fournies à des tiers par le ministère de la Défense d'autre part. S'ajoute à ces fonds de concours « utilisables », le montant des participations étrangères aux programmes en coopération.

Les fonds de concours entrant dans le montant des « crédits disponibles », la tendance, ces dernières années, a été de les surévaluer. Ainsi pour 1995, le montant des fonds de concours avait été évalué à 1 milliard de francs, alors qu'il n'a été, en réalité, que de 641,6 millions de francs.

Le retour, à partir de 1997, à la seule notion de crédits budgétaires, peut conduire à une plus grande évaluation des prévisions 3 ( * ) .

Le montant des fonds de concours provenant des cessions domaniales (134,6 millions de francs pour un total de 641,6 millions en 1996) n'a cessé, pour sa part, de décroître.

RECETTES SUR FONDS DE CONCOURS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE AU TITRE DES CESSIONS DOMANIALES

La vente, les années précédentes, des emprises les mieux situées ou les plus utilisables par les acquéreurs, tout comme les difficultés financières des collectivités locales expliquent cette sensible diminution.

Le ministère de la Défense a toutefois prévu, à partir de 1997, de modifier sa politique domaniale de façon à mieux l'adapter aux besoins et aux moyens des collectivités locales qui pourrait intéresser de nombreuses emprises libérées du fait des mesures de resserrement du dispositif militaire. Ainsi les collectivités locales pourront choisir entre trois régimes :


• la vente classique ;


• le transfert de gestion qui pourra être effectué à titre gratuit sous réserve que l'emprise soit affectée à un service public ;


• la convention de gestion, procédure prévue par le code des domaines et qu'un décret en projet doit ouvrir aux emprises abandonnées par les armées. Cette formule doit permettre d'ouvrir un choix plus grand à la collectivité locale quant à l'utilisation d'emprises, tout en permettant à l'État d'exercer un contrôle minimal sur la sauvegarde de l'immeuble.

PREMIÈRE PARTIE - LE PROJET DE BUDGET POUR 1997 : LES CONSTATS

Le premier constat majeur est celui de la stricte correspondance en termes financiers, du montant du budget en projet et de l'annuité 1997 de la programmation.

En termes physiques les commandes et les livraisons prévues en 1997 pour les différents programmes - comme les évolutions d'effectifs - respectent les prévisions de la programmation.

Cette première partie développera ce constat en examinant dans ses grandes divisions le budget en projet.

CHAPITRE I - LES CRÉDITS D'ÉTUDES : UNE STAGNATION PRÉOCCUPANTE

Ils sont orientés à la baisse : avec des disparités selon les secteurs concernés : espace, nucléaire, classique.

Selon la nomenclature budgétaire, trois chapitres recueillent les crédits d'« études amont » : le chapitre 51-60 pour l'espace, 51-70 pour le nucléaire, 51-80 pour les « autres études », celles du domaine classique.

L'évolution est la suivante :

Toutefois les prélèvements opérés sur le budget de la Défense pour la « recherche duale » (contribution au Budget civil de recherche et de développement, BCRD) : 2 milliards de francs pour chacune de ces deux années, doivent être pris en considération dans ces comparaisons. Le budget pour 1997 ne supportera plus, en effet, de prélèvement à cette fin 4 ( * ) ; un amendement parlementaire introduit dans le rapport annexé à la loi de programmation exclut, en effet, de l'enveloppe allouée à la Défense toute contribution au titre du BCRD.

Une approche plus complète de l'effort de recherche-développement se trouve dans l'agrégat dit « RDE » (recherche, développement, études) qui regroupe l'ensemble des crédits destinés aux études amont et aux développements ; les chapitres budgétaires, en effet, supportent (chapitres 51-60 et 51-70) des dépenses d'entretien et de fabrication.

La régression des études concernant le nucléaire participe de la diminution générale des crédits dans ce domaine. La régression beaucoup plus marquée encore de l'effort de recherche dans le domaine spatial doit être relativisée : la dotation pour 1996 a, en effet, fait l'objet d'un prélèvement de 1,12 milliard de francs au titre de la recherche duale.

La stagnation, puis la régression, toutes ces dernières années, des crédits RDE résulte, en grande partie, des incertitudes frappant certains programmes et de l'arrivée en phase de fabrication d'autres programmes.

Si l'on considère, enfin, les mesures nouvelles, on constate une diminution continue, et préoccupante, de la part de celles-ci dans le total des dotations.

-20-

Cette récession dans l'effort de RDE contraste avec la situation chez l'un de nos principaux concurrents, dans le domaine des industries de défense, les États-Unis. Tout en réduisant leur budget militaire ceux-ci consacrent près de 40 % de leurs dépenses d'équipement à la recherche-développement, soit 35 milliards de dollars pour 1997 (plus de 175 milliards de francs).

En outre l' auto-financement de la recherche par les entreprises se trouve compromis par la réduction et l'étalement des commandes tout comme par l'amoindrissement des exportations.

CHAPITRE II - LES GRANDS PROGRAMMES

I. LES PROGRAMMES NUCLÉAIRES : UNE BAISSE PROGRAMMÉE

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

Les crédits de paiement s'élèvent à 18 381 millions de francs, les autorisations de programme à 17 647 millions de francs.

Sur la période s'ouvrant en 1989 l'évolution des crédits a été la suivante :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS NUCLÉAIRES DEPUIS 1989

(Crédits de paiement)

La réduction des crédits se poursuivra, en outre, sur toute la période couverte par la programmation :

Cette évolution, que nous approuvons, est, évidemment, liée à celle du contexte international. Elle a conduit le chef de l'État, chef des armées, à supprimer notamment les composantes terrestres de la dissuasion nucléaire, tout en réaffirmant la validité de notre doctrine de dissuasion, rappelée dans les documents annexés à la loi de programmation.

C'est en fait, dans les crédits nucléaires, compte tenu de la relative rigidité du titre III et de la grande inertie des programmes déjà lancés que se trouvent les marges d'économies pouvant contribuer, en particulier, au financement de programmes dont le poids financier s'est, quant à lui, considérablement accru : ceux concernant l'espace.

La traduction « physique » de cette réduction des crédits se trouve, notamment dans :

- le retrait des MIRAGE IV des missions de bombardement nucléaire ;

- la fermeture du plateau d'Albion où étaient déployés 18 missiles S 3 D, le coût du démantèlement étant évalué pour 1997 à 335 millions de francs (le coût du maintien en condition opérationnelle était évalué en 1996 à 453 millions de francs) ;

- le démantèlement des missiles HADES ;

- la fermeture des usines de Marcoule (plutonium) et de Pierrelatte (uranium civile).

Le démantèlement de ces deux usines, qui se déroulera sur plusieurs années, atteindra un coût, non encore chiffré avec précision aujourd'hui, mais de l'ordre de plusieurs milliards de francs 5 ( * ) , dont la charge budgétaire reste encore à déterminer.

- la fermeture du Centre d'expérimentation du Pacifique, après l'ultime campagne d'essais close le 27 janvier. La signature par notre pays du Traité de Rarotonga, le 25 mars 1996 - traité de dénucléarisation du Pacifique sud, et du traité d'interdiction définitive des essais nucléaires le 15 septembre 1996 - va désormais nous interdire tout essai en vraie grandeur.

En contrepartie de la suppression des essais nucléaires, générateurs d'importants flux monétaires pour le territoire de la Polynésie, une dotation compensatrice de près d'un milliard de francs par an est attribuée à celui-ci. On peut s'interroger sur le bien-fondé de l'imputation au budget de la Défense de cette compensation qui perdurera encore plusieurs années.

Outre les conséquences sur la consistance de notre arsenal nucléaire, la réduction des crédits impose également des restructurations dans l'outil industriel (arsenal de Cherbourg, AÉROSPATIALE, SEP et SNPE etc..)

B. LES FORCES NUCLÉAIRES STRATÉGIQUES

1. Les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération

Le premier d'entre eux - le « TRIOMPHANT » - a été admis au service actif au mois de septembre 1996. Mais d'autres doivent suivre, le chef de l'État ayant confirmé que le programme porterait sur quatre SNLE/NG, chiffre qui permettra de disposer en permanence d'au moins deux sous-marins à la mer.

Le coût total du programme déjà retardé à plusieurs reprises est estimé à 88,4 milliards de francs. Il était, lors de son lancement, pour six submersibles de 88,3 milliards de francs. Cet accroissement sensible du coût unitaire est dû à la fois aux retards successifs et à des difficultés techniques. Il conduit à souligner le surdimensionnement actuel des installations de l'arsenal de Cherbourg et, sans doute, une maîtrise insuffisante dans le développement du programme qui, malgré son caractère innovant, aurait pu être mieux conduit.

2. La composante aérienne

Elle est constituée par trois escadrons de MIRAGE 2000 N porteurs du missile ASMP. Vers 2010, il conviendra cependant d'envisager le remplacement de ces appareils par une version nucléaire du « RAFALE ».

3. Les missiles


Le missile M 45, version modernisée du missile M 4 doit équiper les trois premiers SNLE/NG. Les améliorations portent sur la furtivité, la capacité de pénétration et la portée.

Le coût total du programme est estimé à plus de 30 milliards de francs.


Le missile M 51 doit équiper le quatrième SNLE/NG ; sa portée sera supérieure à celle du M 45 : 6 000 km contre 4 000 km. Une diminution du nombre d'essais et une révision du programme ont permis une réduction de plus de 20 % du devis initial (32 milliards de francs au lieu de 42 milliards de francs).


Le missile ASMP amélioré qui doit être disponible en 2008 sera adapté dans un premier temps au MIRAGE 2000 N et devrait l'être, ensuite au RAFALE.

C. LA SIMULATION DES ESSAIS

Elle est nécessaire pour la mise au point des missiles M 51 et ASMP amélioré. Elle repose sur le programme PALEN qui fait appel à des ordinateurs, des moyens de radiographie et des lasers de très haute puissance, concentrant, dans un temps très court, une énergie comparable à celle développée par une explosion nucléaire.

Le coût global du programme PALEN avoisinerait 16 milliards de francs. Sur la période couverte par la loi de programmation, 6,6 milliards de francs sont prévus dont 1,6 milliard de francs en 1997. À titre indicatif on peut noter que le coût du laser est estimé à 6 milliards de francs.

D. LES CRÉDITS TRANSFÉRÉS AU CEA

Continuant leur décroissance, ils s'élèveront en 1997 à 7,6 milliards de francs.

CRÉDITS TRANSFÉRÉS DU BUDGET DE LA DÉFENSE AU CEA

Ces transferts correspondent aux missions qu'assure le CEA :


• conception, fabrication, maintenance des armes,


• fourniture des matières mais aussi démantèlement,


• propulsion (chaufferies nucléaires).

La diminution des transferts conduit à une restructuration du CEA/Direction des applications militaires (DAM) : ses effectifs vont passer de 5 700 en 1995 à 4 500 en 2000, et, outre le Centre d'expérimentation du Pacifique deux centres en région parisienne sont en cours de fermeture : Vaujours et Limeil-Valenton.

II. L'ESPACE : UNE PRIORITÉ MAINTENUE

A. LES CRÉDITS

Les crédits qui étaient de 3,45 milliards de francs en 1996 seront, en 1997, de 3,3 milliards de francs.

Cette comparaison doit toutefois être complétée par le rappel du transfert au profit du budget civil de recherche et développement (BCRD) pour la recherche duale (au profit du CNES) et des annulations opérées en 1996.

-26-

Rappelons qu'un amendement parlementaire inclus dans le rapport annexé à la loi de programmation exclut désormais toute contribution du budget de la Défense au BCRD.

À noter toutefois que sous l'effet notamment d'hésitations dans la coopération européenne en ce domaine, les crédits spatiaux ces dernières années ont été plus élevés que ne l'exigeait la réalisation des programmes : d'où un montant de dépenses inférieur aux crédits ouverts.

Cela étant, le projet de budget va permettre de maintenir les principales orientations :


• développement des télécommunications par satellites,


• renforcement de l'observation optique et dans un deuxième temps infrarouge et radar,


• préserver la recherche tout en privilégiant la coopération européenne.

B. LES PROGRAMMES

1. L'observation

- HÉLIOS 1

Le système HÉLIOS 1 comprend des installations au sol/stations de réception et de traitement des images et deux satellites, l'un mis en orbite en juillet 1995, l'autre en cours d'achèvement, destiné à rester au sol avant de prendre la relève de l'autre ou de pallier une défaillance de celui-ci. Les capacités du système sont limitées à l'observation de jour, par temps clair.

Le programme a été réalisé en coopération avec l'Espagne et l'Italie, dont les taux de participation respectifs, financiers, industriels et d'utilisation, sont de 7 et de 14 %.

La part française s'élève à 9,4 milliards de francs sur lesquels les crédits déjà consommés sont de 8 milliards de francs.

- HÉLIOS 2

L'amélioration par rapport à HÉLIOS 1 réside dans la capacité de prises de vues et de résolution des images et, surtout, dans l'adjonction d'une composante infrarouge permettant l'observation de nuit.

Le coût total du programme est estimé à 11,6 milliards de francs pour trois satellites et l'adaptation des stations au sol. Les crédits prévus pour la programmation s'élèvent à 6,4 milliards de francs et à 1,05 milliard de francs dans le projet de budget pour 1997.

L'Italie est intéressée par le programme mais l'Espagne paraît hésitante. Quant à la participation de l'Allemagne elle a été confirmée grâce à la volonté politique du Chancelier ; mais il n'est pas impossible que pour des raisons financières nos partenaires allemands demandent un décalage du programme.

- HORUS

Système spatial d'observation radar, il doit compléter les moyens, optique et infrarouge, de façon à observer par tous temps même en cas de couverture nuageuse.

Le Chancelier fédéral a décidé de faire participer son pays au programme malgré des offres américaines (LOCKHEED-MARTIN) financièrement attrayantes.

Le coût du programme HORUS (trois satellites et installations au sol) est estimé à 6,5 milliards de francs pour la part française. Les crédits prévus pour 1997 sont de 175 millions de francs.

2. La communication

Le système de télécommunications par satellite SYRACUSE II comprend quatre satellites dont le dernier a été lancé au mois d'août dernier. Comme pour SYRACUSE I, il comporte une charge militaire intégrée aux satellites TELECOM. Les liaisons actuelles sont protégées contre l'intrusion, l'écoute et le brouillage. Le réseau de stations terrestres et navales a été complété, le parc final sera de plus de 100 stations.

Le futur système SYRACUSE III, dont les études de faisabilité ont commencé en 1993. Deux solutions sont envisagées :


• une solution nationale à deux variantes : avec ou sans coopération avec France-Telecom ;


• une solution en coopération européenne, avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, coopération éventuellement élargie à la Belgique, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas.

Le coût du programme est évalué à 15 milliards de francs.

Pour 1997 les crédits prévus pour SYRACUSE II s'élèvent à 624 millions de francs, ceux pour SYRACUSE III à 309 millions de francs.

3. L'écoute

Réalisée par moyens spatiaux elle évite l'inconvénient de visibilité que présentent les moyens actuels maritimes ou aériens.

Deux micro-satellites ont été développés à titre exploratoire :


• l'un, Cerise, lancé en juillet 1995, actuellement endommagé par une collision et qui ne peut plus poursuivre sa mission ;


• l'autre, Clémentine, qui pourrait être lancé à partir de 1999.

Mais la perspective de coopération qui permettrait de réaliser un système complet se heurte au fait que les partenaires éventuels sont liés à des accords passés avec les États-Unis dans le cadre de l'OTAN.

4. La surveillance de l'espace

Elle permet de connaître la nature et les déplacements d'engins satellitaires, à apprécier leur rôle et à mesurer la menace potentielle qu'ils représentent.

Les moyens peuvent faire appel à des systèmes radar ou à des télescopes optiques.

Un projet de radar a été proposé par l'ONERA.

Le tableau ci-dessous récapitule les coûts des principaux programmes et le financement prévu de 1997 à 2002.

COÛT DES SYSTÈMES SPATIAUX

6 ( * )

FINANCEMENT DES PRINCIPAUX PROGRAMMES SPATIAUX

III. LES ÉQUIPEMENTS CLASSIQUES : UNE RÉDUCTION SENSIBLE

Le montant des crédits consacrés aux équipements classiques lié à la réduction du format des armées traduit une diminution sensible par rapport à la précédente programmation.

Si pour l'armée de Terre, cet amoindrissement des crédits s'accompagne d'un allégement de ses missions, désormais plus tournées vers les interventions extérieures que vers la défense du territoire national, pour la Marine et l'armée de l'Air, leurs moyens diminués ne s'accompagnent d'aucun changement notable dans leurs missions.

Par ailleurs, les réductions d'effectifs vont conduire à retirer du service, prématurément, certains équipements des trois armées. Il serait souhaitable que les conditions de cession de ces équipements soient telles qu'elles permettent de seconder notre action diplomatique à l'égard de quelques pays choisis, notamment de l'Europe centrale et orientale.

A. L'ARMÉE DE TERRE

Les crédits s'élèvent à 19 156 millions de francs en autorisations de programme et à 19 449 millions de francs en crédits de paiement. Ils étaient respectivement, de 19 996 millions de francs et 19 566 millions de francs en 1996.

CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DE L'ARMÉE DE TERRE

1. Les blindés

La réduction du parc sera sensible : de 927 chars lourds et 350 chars légers en 1996, il passera à 420 chars lourds, dont 250 LECLERC et 350 chars légers en 2002, à la fin de la programmation.

S'agissant du programme du char LECLERC, on sait qu'il a fait suite à un projet de char franco-allemand étudié de 1979 à 1981. Quelles que soient les raisons de l'abandon de ce projet, on ne peut que le regretter étant donné la compétence éprouvée des industriels allemands, en ce domaine (et plus particulièrement celui de la motorisation des chars).

Le développement du projet national a débuté en 1986 et les livraisons devant commencer en 1991.

La date de livraison a toutefois été maintenue alors que le développement n'était pas achevé. Il en résulte pour l'armée de Terre un parc en service très hétérogène, des standards différents d'un char ou d'un groupe de chars à l'autre. D'où un soutien très complexe et d'ores et déjà coûteux, toujours assuré, par le moment, par le constructeur et un potentiel opérationnel sérieusement émoussé.

Cette gestion quelque peu chaotique d'un des programmes essentiels de l'armée de Terre appelle donc des redressements rapides. Ceux-ci sont-ils cependant possibles à une échéance rapprochée ?

La mise au point du char LECLERC représente, en effet, un saut qualitatif important par rapport au char de la génération précédente. Le GIAT a-t-il vraiment mesuré l'ampleur de ce saut ou l'ayant mesuré lui a-t-il consacré ou peut-il lui consacrer les moyens nécessaires ?

Cela étant, 33 chars LECLERC seront livrés et 44 commandés en 1997 et s'ajouteront aux 107 exemplaires déjà en service. La « cible » a été ramenée, par la loi de programmation, de 650 à 406 chars, mais cette cible ne sera même pas atteinte à la fin de la période de planification (2015) puisqu'à ce moment 320 chars LECLERC seulement seront livrés.

Cette réduction considérable des cibles et cet étalement du programme ne sont évidemment pas sans conséquence sur la situation de GIAT/Industries. Ce d'autant plus que les acquis à l'exportation ont fait l'objet d'une gestion désastreuse et que les nouvelles perspectives dans ce domaine restent encore très limitées.

Une centaine de chars AMX B2 remotorisés seront livrés et la remotorisation d'une centaine d'autres sera commandée.

Par ailleurs, 20 millions de francs iront à l'étude d'un véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) successeur du véhicule blindé modulaire (VBM).

Enfin, 60 véhicules blindés légers seront livrés à l'armée de Terre.

2. La mobilité

L'armée de Terre recevra 186 camions lourds TRM 60 et 5 véhicules de franchissement de l'avant.

Mais la mobilité est également celle que procurent les moyens aériens qu'ils soient voués au combat (hélicoptère TIGRE) ou au transport (hélicoptère NH90).

S'agissant de l'hélicoptère TIGRE (coopération avec l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ayant acheté l'hélicoptère américain APACHE), les spécifications sont révisées en vue d'en réduire les coûts. Le développement se poursuit. Les premières livraisons sont prévues pour 2003.

Pour l' hélicoptère NH 90 son développement se poursuit. Le programme, conduit en coopération avec trois autres pays l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas, a subi des retards importants (de l'ordre de deux années).

À noter que l'Allemagne a prévu pour 1997 une dotation budgétaire de 253 millions de marks pour le TIGRE - comparable à la dotation du budget français (800 millions de francs) - et de 100 millions de marks pour le NH 90, soit la moitié de la dotation (725 millions de francs) inscrite dans le budget français.

3. La puissance de feu

Dans le domaine de la lutte anti-chars, 2 000 missiles ERYX avec 150 postes de tir seront livrés et 1 600 autres commandés. Quarante postes de tir du missile MISTRAL sol-air à très courte portée (SATCP) seront également livrés. Enfin 10 000 obus de 105 mm. et 20 000 obus de 120 mm. seront également livrés.

Toutes ces commandes traduisent la réduction des cibles globales de production.

Pour les munitions d'instruction, les crédits - 290 millions de francs -accusent une baisse sensible : ils ne sont plus que la moitié des crédits de 1996.

La formation des appelés et l'entraînement de l'ensemble des troupes risquent d'en pâtir.

4. Les communications et le renseignement

La poursuite du programme de postes de radio de quatrième génération (PR4G) assurera la livraison de 3 245 appareils et la commande de 4 180 postes supplémentaires.

-Le renseignement sera amélioré par la poursuite et la réalisation d'un second système héliporté de surveillance du champ de bataille HORIZON et la commande de deux exemplaires de contre-batterie COBRA.

Un système d'information et de commandement des forces (SIC) est, par ailleurs, en cours de définition.

Les tableaux ci-dessous récapitulent les termes financiers et physiques relatifs aux programmes classiques de l'armée de Terre.

CRÉDITS DES PRINCIPAUX PROGRAMMES

ÉVOLUTION DE L'ÉQUIPEMENT DE L'ARMÉE DE TERRE

B. LA MARINE

Ses crédits s'élèveront à 22 538 millions de francs en augmentation de 5 % par rapport à 1996. Mais cette augmentation résulte, à concurrence de 544 millions de francs d'un transfert de crédits d'entretien programmé des matériels du titre III au titre V. En outre 327 millions de francs sont prévus au titre d'une charge nouvelle : la restructuration de la Direction des constructions navales. Si, en outre, on ne considère que les équipements classiques (équipements hors FOST), on constate que l'ensemble des crédits est, en réalité, en régression.

LES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DE LA MARINE

Les réductions d'effectifs, l'amoindrissement des crédits de fonctionnement et d'entretien amèneront la Marine à désarmer dès 1997 le porte-avions CLEMENCEAU ainsi que trois bâtiments de soutien logistique, deux frégates, 1 SNLE et 2 sous-marins d'attaque.

1. Le groupe aéronaval

L'entrée en service du porte-avions « CHARLES DE GAULLE » en 1999 a été confirmée par la loi de programmation. Compte tenu des décalages successifs intervenus en 1989, 1993 et 1996 - au total 3 ans et demi - la construction de ce porte-avions demandera plus de 12 ans. Mais dès l'an prochain, un noyau d'équipage d'environ 650 hommes doit permettre les premiers essais du bâtiment.

La première flottille de douze « RAFALE » Marine doit être constituée en 2002. Jusqu'à cette date ce sont donc uniquement les SUPER-ÉTENDARD modernisés qui embarqueront sur le porte-avions, à partir de 1999.

À partir de l'admission au service actif du PAN, le « FOCH » doit être mis en réserve avec un équipage réduit de façon à pouvoir être réactivé pendant la première période d'indisponibilité du « CHARLES DE GAULLE » prévue en 2004. On rappelle que la loi de programmation a reporté la commande éventuelle d'un deuxième porte-avions - dont la propulsion ne serait pas nécessairement nucléaire - au-delà de 2002 « sous réserve que les conditions économiques le permettent » .

Une coopération européenne serait envisagée pour l'emploi du groupe aéronaval.

2. L'aéronautique navale

Les RAFALE Marine seront commandés, en tout, à 60 exemplaires (au lieu de 86). Les livraisons s'échelonneront de 1999 à 2002 (1 en 1999, 3 en 2000, 5 en 2001, 3 en 2002) de façon à constituer en 2002 la première flottille de 12 appareils.

Compte tenu des délais de livraison du RAFALE Marine, les SUPER-ÉTENDARD devront être maintenus en service jusqu'à 2010.

Deux avions de guet embarqué HAWKEYE seront livrés en 1997, un troisième exemplaire sera commandé en 2001.

Les hélicoptères seront systématiquement embarqués sur les nouveaux bâtiments de surface, bâtiments de combat et bâtiments de soutien pour assurer des missions de lutte anti-sous-marins et anti-navires, de transport et de service public.

3. Les torpilles et missiles


• Le programme de torpilles, après bien des vicissitudes et le quasi-échec du programme MURÈNE mené par l'établissement de Saint-Tropez, porte actuellement sur la torpille MU 90 mené en coopération avec l'Italie. Cette torpille doit équiper les aéronefs et les bâtiments de surface pour les armer contre les sous-marins. Trois cents torpilles doivent être commandées pendant la période de programmation, soit 50 par an.


• Les missiles anti-aériens

* 100 missiles SATCP MISTRAL (surface air très courte portée) doivent être commandés et autant livrés durant la période de programmation ;

* le missile « CROTALE » vise à la protection contre les attaques à basse altitude et équipe les bâtiments les plus importants. Les commandes prévues en programmation portent sur une livraison de 51 missiles et une commande de 106 ;

* le programme FSAF (famille de systèmes surface-air futurs) mené en coopération avec l'Italie comprend un système d'armes surface-air anti-missiles à courte portée (SAAM) et un système surface-air moyenne portée (SAMP naval). Quarante missiles SAAM seront livrés entre 1997 et 2002.


• Les missiles anti-navires

Le développement du missile mer-mer anti-navire futur (ANF), appelé à remplacer les missiles mer-mer EXOCET, devrait débuter au cours de la programmation : les premières livraisons n'interviendront qu'au-delà de 2002.

*

Les programmes de la Marine font l'objet d'une récapitulation, en termes financiers et physiques, dans les tableaux ci-dessous.

ÉVOLUTION DE L'ÉQUIPEMENT DE LA MARINE

C. L'ARMÉE DE L'AIR

Pour 1997 l'armée de l'Air disposera d'un budget d'équipement de 21 578 millions de francs en crédits de paiement et 20 540 millions de francs en autorisations de programme. Mais ces crédits se trouvent accrus par un transfert de 500 millions de francs en provenance du titre III (entretien programmé du matériel). Compte tenu de ce transfert la comparaison de 1996 à 1997 fait apparaître une stabilité des crédits budgétaires.

CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DE L'ARMÉE DE L'AIR

1. Les avions de combat

Dans le domaine de la prévention et de la protection, la poursuite du programme MIRAGE 2000-5, consistant à moderniser, en les transformant en MIRAGE 2000 de défense aérienne, va conduire à la livraison du premier exemplaire en 1997, les livraisons s'échelonnant ensuite jusqu'en 2000 pour atteindre un total de 37. Ce programme bénéficie de commandes à l'exportation (Taïwan pour 60 appareils, 12 pour l'Emirat du Qatar), commandes auxquelles s'ajoutent d'autres possibilités éventuelles avec le Pakistan, les Emirats arabes unis, l'Autriche et, peut-être, la Pologne.

Pour le MIRAGE 2000 D , avion de pénétration et d'attaque au sol, 6 nouveaux exemplaires seront livrés en 1997, ce qui portera le total des appareils en service à 51. La cible est de 86 avions.

La poursuite de ces deux programmes permet, dans une certaine mesure, de pallier les retards successifs du programme RAFALE. Celui-ci est actuellement soumis à un réexamen en vue d'obtenir pour l'avenir une baisse de prix d'au moins 10 % ; les négociations s'accompagnent d'une suspension des travaux d'industrialisation. Aucune commande n'est prévue en 1997, les premières livraisons devant se situer à partir de 1999. L'avance dont bénéficiait le RAFALE par rapport à son concurrent l'EUROFIGHTER 2000 s'étant réduite, ce qui risque, du même coup de compromettre ses possibilités d'exportation, un financement extra-budgétaire est envisagé pour accélérer la mise en service de l'appareil. Pour une dizaine d'appareils il serait nécessaire d'emprunter de trois à quatre milliards de francs. Mais la charge de paiement des frais financiers - plusieurs centaines de millions - suscite des difficultés.

Rappelons qu'entre l'EUROFIGHTER, un autre avion de combat se prépare. Un nouvel avion américain devrait, en effet, entrer en service à partir de 2008. BOEING et LOOCKHEED-MARTIN ont été mis en compétition par le Pentagone. Le marché est évalué à 3 000 appareils.

Le coût total du programme (Air et Marine) pour 234 RAFALE « Air » et 60 RAFALE « Marine » est estimé à 202 milliards de francs (1996). Selon des estimations britanniques, le coût total du programme EUROFIGHTER serait de 345 milliards de francs.

COÛT DU PROGRAMME RAFALE (AIR ET MARINE)

2. Les avions de transport et l'avenir de l'ATF

L'essentiel des capacités se trouve dans les avions TRANSALL : 48 appareils de la première génération et 21 de la seconde génération, auxquels s'ajoutent 12 C 130 HERCULES, achetés à la firme LOOCKHEED à partir de 1987 et 8 avions cargos légers CASA produits en Espagne.

Pour pallier le vieillissement de sa flotte de transport, l'armée de l'Air a entrepris à partir de 1992, de la rénover, notamment en modernisant le système de navigation.

Conformément à la loi de programmation aucune dotation budgétaire n'est prévue en 1997 pour le projet d'avion de transport futur (ATF). Les crédits figurant en programmation (2 756 millions de francs en autorisations de programme et 645 millions de francs en crédits de paiement) doivent servir à l'acquisition d'appareils dont le développement et la fabrication devront être financés sur crédits bancaires. Il semble que s'agissant de financer la part française - 7 milliards de francs sur 7 ans - les négociations, sur ce point, sont assez avancées.

Rappelons qu'au cours du débat d'orientation sur la Défense qui s'est tenu au Sénat le 23 octobre dernier, le ministre a affirmé qu'« il n'est pas question de renoncer à l'avion de transport futur » et a précisé que « la nouvelle méthode exige que le pays qui participe à la construction c'est-à-dire à l'offre, participe aussi à l'achat c'est-à-dire à la demande. Chaque pays qui commande devra donc verser des arrhes afin d'amorcer le financement du développement. Cette méthode a été acceptée par les industriels ainsi que par les gouvernements allemand, britannique, italien » .

Ce projet, est en effet indispensable à la mise en oeuvre autonome de la projection de nos forces, axe essentiel de la réforme des armées, en même temps qu'il est vital pour l'avenir et l'existence même d'une industrie aéronautique européenne.

Pour que le premier vol de l'ATF puisse avoir lieu en 2002 et les premières livraisons en 2004, les commandes fermes doivent être passées en 1998. D'ici là le partage des tâches industrielles doit avoir été défini. Pour la fabrication du turbo-propulseur à hélices, trois constructeurs sont en concurrence : la SNECMA associée à FIAT et MTU, l'américain ALLIED SIGNAL et ROLLS-ROYCE.

Les intentions exprimées par les différents États sont les suivantes :

-42-

Il convient de souligner le fort engagement de l'Allemagne qui se manifeste par le nombre d'avions qu'elle compte commander.

3. Les missiles

S'agissant des missiles APACHE, 100 missiles en version « aéroportée » seront commandés en 1997 ; la version SCALP, missile de croisière d'emploi général, verra la poursuite de son développement. Le programme d'armement air-sol modulaire (ASM) destiné à remplacer les bombes classiques, recevra en 1997 un début de financement.

En outre, 25 missiles MICA (missiles d'interception, d'auto-défense et de combat) seront commandés en 1997).

4. Les systèmes de commandement et de communication

Un important programme de système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) doit permettre à l'armée de l'Air de disposer d'une capacité de maîtrise de l'espace aérien et de gestion globale des moyens à partir d'un commandement unique des opérations aériennes. Le programme doit se dérouler selon trois étapes dont la première lancée en 1993 se poursuit et dont la deuxième doit être lancée en 1997.

Les dotations financières et le contenu physique des différents programmes de l'armée de l'Air sont récapitulés dans les tableaux ci-dessous.

ÉVOLUTION DE L'ÉQUIPEMENT DE L'ARMÉE DE L'AIR

*

Au total, outre les diminutions sensibles des dotations en matériels majeurs, les armées subiront, également, un certain vieillissement de ceux-ci. En 2015 sur les 420 chars qu'alignera l'armée de Terre, 100 AMX 30 B2 auront près de 30 ans d'âge. Pour la Marine, à la même date, l'âge moyen des grands bâtiments de surface sera de 15 ans. Et, en 2015, sur les 300 avions de combat en ligne, 40 MIRAGE 2000 A seront âgés de 25 à 30 ans, la moitié des MIRAGE 2000 de divers types ayant autour de 20 ans d'âge.

DEUXIÈME PARTIE - LE PROJET DE BUDGET POUR 1997 : UN NOUVEAU DÉPART ET UN DÉFI

La nouvelle programmation vise à une réforme de grande ampleur qu'il s'agisse de la professionnalisation et de la diminution du format de nos armées, de la profonde restructuration de notre industrie d'armement ou de l'ancrage européen de notre défense.

Elle repose sur des fondements rénovés : ne faisant plus appel qu'aux seuls crédits budgétaires et non plus à la notion de « crédits disponibles » agrégat dont l'expérience a montré l'inconsistance ; couvrant à la fois le titre III et le titre V, les autorisations de programme et les crédits de paiement, cette programmation globale s'inscrit dans une planification qui se situe dans la perspective d'un modèle d'armée à l'horizon de 2015. Elle relève d'une nouvelle logique, dictée par l'évolution du contexte géostratégique et plus soucieuse des contraintes financières

Ce « remodelage d'ensemble » suscite toutefois deux interrogations majeures : peut-elle faire abstraction du passé et du poids des engagements antérieurs ? À quelles conditions pourra-t-il se concrétiser ?

I. LE POIDS DU PASSÉ ET L'« ENTRÉE » EN PROGRAMMATION EN 1997

Ce poids est lourd.

En effet si les crédits inscrits et votés en lois de finances initiale marquaient un maintien de l'effort de défense à contre-courant de l'évolution constatée dans les autres pays occidentaux, qui réduisaient leur budget de défense (1/) chaque année ces crédits se trouvaient amputés par une régulation budgétaire génératrice de gels et d'annulations des dotations (2/) .

Ainsi un décalage s'est creusé entre les besoins de financement de nombreux et lourds programmes lancés précédemment et les ressources réellement affectées à leur couverture financière ; d'année en année, se trouvait reportée une « bulle financière » de plus en plus dense et volumineuse (3/).

1. Une évolution financière apparemment à contre-courant des autres pays occidentaux

Depuis 1985 et surtout depuis 1990, les budgets de défense des États-Unis, tout comme ceux du Royaume-Uni, de l'Allemagne ou de l'Italie ont décru proportionnellement beaucoup plus que le budget français.

En prélèvement sur la richesse nationale, la comparaison s'établit comme suit :

Le maintien de cet effort financier était, du reste, cohérent avec le lancement et la réalisation de programmes financièrement très lourds : RAFALE, SNLE-NG, LECLERC, en particulier. Ce d'autant plus que les marchés à l'exportation se rétrécissaient.

2. Une « régulation budgétaire » amputant, en réalité, les crédits initialement votés

La régulation budgétaire s'est toujours exercée dans le sens d'une réduction - en solde net - des crédits du budget de la Défense, surtout à partir de 1990. C'est, en fait, dans ces crédits qu'ont été recherchées des marges d'ajustement budgétaire dicté par la volonté de réduire le déficit.

Cette régulation s'est exercée :


• au moment de l'élaboration des budgets annuels, provoquant ainsi une minoration des annuités prévues par les programmations ;


• au moment de l'exécution des budgets par des annulations et des gels de crédits provoquant des reports dont le caractère tardif rendait la consommation impossible.

-ÉCARTS L.F.I. - CRÉDITS CONSOMMÉS

ÉCARTS PROGRAMMATIONS - L.F.I.

3. Un décalage entre les besoins de financement des programmes et leur financement effectif

Ce décalage provoque la formation d'une « bulle financière » grossissant d'année en année rejetant les échéances année après année. Il perturbe, en outre, profondément la gestion des programmes.

a) Une « bulle financière » qui va en grossissant

Elle trouve son origine dans les étalements de programme reportant d'année en année des besoins de financement de plus en plus importants.

En outre l'étalement des programmes en perturbant la gestion des programmes, engendre des surcoûts non négligeables qui viennent encore grossir les engagements financiers.

b) Une gestion des programmes de plus en plus perturbée

L'annulation de commandes, leur suspension ou leur maintien sans acquitter le prix des livraisons perturbe, évidemment, et parfois profondément, l'activité, le plan de charge et la trésorerie des industriels privés de toute certitude quant à leur « marché » à l'égard de son client militaire. Celui-ci subit les conséquences financières des reports de fabrication. Le coût unitaire des équipements s'accroît, les intérêts moratoires s'accumulent comme le montre le tableau ci-dessous.

De 1993 à 1996, le montant des intérêts moratoires a ainsi amputé les ressources destinées aux équipements de plus de 1 400 millions de francs !

4. L'exercice 1996

Poursuivant les errements antérieurs, l'exercice 1996 laisse mal augurer du début de réalisation de la programmation de 1997.

En effet, les mesures de régulation, déjà renforcées en 1995, on été renouvelées en 1996.

D'ores et déjà près de 8 500 millions de francs de crédits ont été annulés sur le titre V. La première annulation, au printemps, a servi à financer une première recapitalisation de GIAT-Industries (3 716 millions de francs), la deuxième, décidée en septembre, a encore réduit de 2 750 millions de francs les crédits d'équipement, la troisième, toute récente (arrêté du 13 novembre) a porté sur un montant supplémentaire de 2 040 millions de francs.

En outre il est prévu de prélever 2 milliards de francs sur les crédits de reports au profit de la recherche duale pour 1997.

S'agissant des reports de l'exercice 1995 sur l'exercice 1996, ils ont été évalués à 12 milliards de francs par la Cour des Comptes. Or la loi de programmation a été construite en prenant en compte environ 4 milliards de francs de reports de charges ainsi que l'annulation de crédits pratiquée au printemps (3 716 millions de francs).

Mais l'apurement des charges de 1996 risque de n'être que partiel et celles-ci vont se trouver en outre aggravées par l'annulation des crédits des mois de septembre et novembre.

Il est donc à craindre un report de charges non négligeable sur la gestion 1997, première annuité de la programmation.

II. LES CONDITIONS DU SUCCÈS DE LA NOUVELLE PROGRAMMATION

La réussite n'est pas acquise d'avance. La programmation, en effet, place un contenu ambitieux - sollicitant aussi bien le titre III par la professionnalisation des armées, que le titre V par la poursuite de la plupart des programmes déjà engagés - dans une armature financière beaucoup plus étroite que la précédente programmation.

D'où la nécessité d'examiner quelques unes des conditions qui nous paraissent indispensables pour que la nouvelle continuité ne soit pas compromise dès son départ.

1. Le respect des annuités de la programmation et des budgets votés

La logique première de la programmation exige que le montant de chaque budget annuel doit coïncider exactement avec les crédits prévus pour l'annuité de programmation correspondante et que l'exécution de ce budget ne soit pas en retrait par rapport à ces crédits.

Il est donc indispensable que les pratiques antérieures de régulation budgétaire soient abandonnées. Sur ce point nous ne pouvons que souscrire aux termes de la circulaire du Premier ministre du 26 juillet 1995 selon laquelle : « les modalités de la régulation budgétaire seront revues afin de réduire les aléas qui hypothèquent une bonne gestion » .

Sans cette première et nécessaire condition, la crédibilité de la programmation et la pérennité de la compétitivité de notre industrie d'armement se trouveront d'emblée entamées. Il convient donc de se féliciter de rengagement réitéré du chef de l'État sur le montant des crédits programmés.

2. La maîtrise du coût des programmes

L'équilibre général de la programmation et, à partir de 2002, de la planification repose sur une diminution, sur les six années de la programmation, des coûts et des délais de réalisation des programmes telle qu'elle atteigne 30 % enfin de programmation.

Pour atteindre cet objectif, plusieurs moyens ont été prévus par le ministère de la Défense :


réorganisation de la Délégation générale pour l'armement, réduction de ses coûts, management par objectifs, mise en oeuvre d'un contrôle de gestion, gestion plus parcimonieuse des moyens d'essais ;


• conduite optimale de la gestion des programmes ; délais réduits, association étroite des industriels et des états-majors à la gestion des programmes ;


• allégement et modernisation du contrôle des prix pratiqué par la Délégation générale pour l'armement ;


• accroissement de la compétitivité des entreprises industrielles, réduction de leurs coûts et de leurs frais fixes ;


• révision des spécifications et détermination des spécifications optimales en fonction de leurs coûts et des besoins opérationnels à satisfaire ; stabilité, voire intangibilité des spécifications après la conclusion du contrat de réalisation ;


• recours systématique aux normes, aux standards et aux technologies civils ;


• gestion commerciale des achats par la Délégation générale pour l'armement ; regroupement des commandes et commandes pluriannuelles ; recours à la mise en concurrence, y compris au plan international, dès lors que les matériels concernés n'ont pas de caractère stratégique.

D'ores et déjà, diverses mesures ont d'ailleurs été prises en ce sens.

Ainsi, deux arrêtés interministériels ont établi un nouveau régime de détermination et de contrôle des prix dans le domaine aéronautique et spatial (arrêté du 5 mars 1996) et dans celui des télécommunications et de l'industrie électronique (arrêté du 2 mai 1996). L'économie générale du nouveau système est d'utiliser directement les données de la comptabilité des entreprises et de leurs sous-traitants pour contester les coûts de production et de forfaitiser les frais généraux et ceux liés à la gestion des achats.

Les modalités d'application de ces arrêtés suscitent toutefois, encore, quelques difficultés dans les négociations entre l'administration et les industriels, notamment en ce qui concerne la rémunération des frais d'approvisionnement, difficultés qui peuvent conduire les grandes entreprises à rapatrier les commandes qu'ils placent actuellement auprès de P.M.E. sous-traitantes.

Par ailleurs, le suivi financier des programmes doit être amélioré par la mise au point d'un nouveau système d'informations financières. Celui-ci est destiné en particulier à recueillir plus rapidement, au niveau central, les informations comptables et de trésorerie, et au plan local à réaliser un « nouveau suivi local » (NSL) reliant les ordonnateurs secondaires et l'administration centrale.

En outre le changement des méthodes de conduite de programme doit associer plus étroitement et plus continûment les états-majors, les services de la Délégation générale pour l'armement et les industriels ; des équipes de programmes réunissant tous les partenaires concernés doivent ainsi être créées. La réorganisation de la Délégation générale pour l'armement traduit ces changements de méthodes puisqu'elle repose, notamment, sur la création de directions de programmes chargées de la conduite des programmes en liaison constante avec les armées et les industriels : la direction des systèmes de forces et de la prospective sera chargée de la recherche, des développements technologiques communs, de la préparation et de la cohérence des programmes, la direction des systèmes d'armes aura pour mission, en avant de la direction précédente, de réaliser les programmes, la direction des programmes s'occupant pour sa part du suivi des méthodes et de la gestion financière.

L'amélioration de la conduite des programmes appelle toutefois un effort considérable. Le Comité des prix de revient des fabrications d'armement (CPRA) où votre Rapporteur représentait votre Assemblée jusqu'à une date récente a, du reste, exprimé dans son dernier rapport d'ensemble diverses observations critiques sur la conduite et le déroulement des programmes d'armement. Ainsi en est-il :


• des modifications apportées à des programmes sans qu'il apparaisse toujours que ces modifications aient été clairement voulues au niveau ministériel et que leurs conséquences financières aient été clairement mesurées ;


• des modifications rendues nécessaires par l'insuffisance d'une analyse préalable des besoins ou par une définition initialement trop ambitieuse des spécifications techniques ;


• d'un manque de coopération inter-armées et inter-ministérielle ;


• d'une maîtrise d'ouvrage parfois insuffisante pour permettre à l'État d'assurer une réalisation cohérente des programmes.

Ces observations dictent donc autant de redressements et d'améliorations dans les méthodes et les pratiques.

Par ailleurs, on peut attendre de la restructuration en cours des industries d'armement, une amélioration de leur capacité à maîtriser, dans tous leurs paramètres, y compris financiers, la réalisation de systèmes de taille importante, de leur adaptabilité aux aléas de la conjoncture, et de leur compétitivité par rapport à nos concurrents étrangers.

La création d'une entreprise commune DASSAULT-AÉROSPATIALE d'ici l'été 1997 franchit, en ce moment, une première étape, sur la définition des principes sur lesquels peut se réaliser cette création.

Quant à la privatisation de THOMSON S.A., elle va conduire, dans le domaine essentiel et sensible de l'électronique de défense, à un regroupement avec une entreprise déjà fortement engagée dans les activités industrielles de défense, souvent de façon complémentaire aux activités de THOMSON-CSF.

3. La construction d'une Europe de l'armement

C'est là une orientation forte de la nouvelle programmation : entre 1996 et 2002 les programmes menés en coopération européenne, et plus particulièrement, avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie verront leurs crédits plus que doubler.

Mais si la coopération européenne s'impose comme une évidence, elle est encore relativement limitée puisqu'elle ne mobilise que 16 % des crédits d'équipement. Sa mise en oeuvre, il est vrai, est plus complexe que celle d'un programme purement national. Elle réunit des acteurs plus nombreux, États et industriels. Elle peut être inspirée par des motivations hétérogènes (politiques, financières, techniques selon les cas). Elle implique la convergence des besoins opérationnels et techniques, des moyens industriels et financiers au moment voulu. Elle doit faire appel à des procédés prenant en compte la spécificité d'opérations internationales. En outre, une difficulté particulière est due à la conjoncture générale d'amoindrissement des budgets d'équipement qui peut conduire à réserver les crédits nationaux aux industries nationales ou à renoncer à certains programmes plutôt qu'à favoriser les coopérations en tant que facteur de réductions de coût. La restructuration, en cours, de notre industrie de défense peut tenir, en outre, nos partenaires éventuels dans l'expectative. C'est sans doute ce qui explique le piétinement des discussions entre l'AÉROSPATIALE et DAIMLER-BENZ-DASA.

Cela étant, outre la démarche résolument européenne de la programmation, la création d'une Agence de l'armement, à noyau franco-allemand mais ouverte à d'autres États et qui s'est tout récemment ouverte au Royaume-Uni et à l'Italie, marque également des progrès dans la voie du rapprochement industriel européen.

Mais d'autres progrès, peut-être moins spectaculaires, peuvent être attendus d'une harmonisation des réglementations, notamment en matière d'exportation et de confidentialité. Et la vigilance s'impose pour éviter qu'à travers l'OTAN ne se développe un espace transatlantique au détriment de l'espace européen, tout comme elle s'impose face à certaines initiatives de la Commission pour soumettre aux directives de Bruxelles les marchés publics d'armement. L'exemple de l'électronique grand public montre que de telles tentatives risquent, en fait, de faciliter la pénétration des industriels américains sur le marché européen.

C'est, en effet, sur un véritable marché européen que se trouveront réunies des conditions comparables à celles dont bénéficie l'industrie américaine dont le vaste marché national est, de surcroît, fortement protégé.

4. Le développement des marchés à l'exportation

»Le marché européen de l'armement représente, en termes de demandes, moins de la moitié du marché américain ; les crédits pour les dépenses d'équipement militaires en 1996, atteignent près de 400 milliards de francs aux États-Unis ; pour les quatre principaux pays européens (France, Allemagne, Royaume-Uni et Italie) elles n'atteignent que 185 milliards de francs.

La présence sur le marché international s'impose donc encore plus pour l'Europe que pour les États-Unis.

Or ceux-ci, on le sait, premier pays exportateur, montrent une agressivité accrue pour surclasser tous leurs compétiteurs. Les résultats sont, du reste, spectaculaires puisque de 1981 à 1993, la part des États-Unis dans les exportations d'armement est passée de 15 à 50 %. Au « forcing » des États-Unis notamment sous couvert de l'OTAN et des exigences d'« interopérabilité » et à leur « dumping », facilité par le cours du dollar et la longueur des séries produites, s'ajoute, en outre, le « bradage » des équipements de l'armée ex-soviétique. Notre pays, malgré quelques belles opérations (vente de MIRAGE.2000-5 à Taïwan ou de chars LECLERC aux Emirats arabes unis, opération dont la gestion financière a par la suite été malheureusement, désastreuse) accuse ainsi un recul sensible de son commerce extérieur des armes ; si la balance reste excédentaire, le solde positif est passé de 34 milliards de francs en 1986 à 7,2 milliards de francs en 1995.

Plus que des difficultés conjoncturelles, cette situation traduit sans doute une mutation structurelle ; le plan de développement des exportations d'armement, annoncé par le ministre de la Défense, devra tenir compte de ce nouveau contexte.

5. Le maintien de l'équilibre entre le titre III et le titre V

Même si le budget en projet est préservé des mesures de régulation budgétaire, et s'il n'est pas d'emblée obéré par des reports de charges, autrement dit même si son montant est respecté, sa structure dans l'équilibre des deux titres majeurs, doit également l'être.

Or le titre III va subir le poids de la professionnalisation des armées et des mesures d'accompagnement social des restructurations ; il doit financer à la fois des départs suffisamment nombreux et des recrutements satisfaisants en nombre et en qualité ; il doit permettre de substituer à une ressource relativement peu onéreuse et stable, puisqu'assurée par la conscription, une ressource plus coûteuse et pour laquelle l'incitation, financière notamment, doit remplacer l'obligation.

Pèse, en outre, sur le titre III, l'essentiel du coût des opérations extérieures (4,12 milliards de francs sur un total de 5,4 milliards de francs en 1996). Or ce coût va peser encore davantage sur le budget de la Défense. En effet, les opérations en ex-Yougoslavie (coût 3,5 milliards de francs en 1996) qui sont appelées à se poursuivre en 1997 sont désormais menées au titre de l'OTAN, ne sont pas remboursées même partiellement comme l'étaient les opérations menées sous mandat de l'ONU. De surcroît le « collectif » ne viendra plus couvrir les dépenses des opérations extérieures. Toutes les opérations courantes seront désormais financées sous enveloppe budgétaire. Exceptionnellement certaines opérations - et sur décision du chef de l'État- pourront permettre une couverture par collectif.

Quel sera en 1997 le coût de ces opérations ? Quelles seront celles qui bénéficieront d'un financement supplémentaire ?

La pression exercée sur le titre V sera donc forte. On constate, du reste, que ce sont essentiellement les annulations sur le titre V qui ont gagé le surcoût des opérations extérieures.

Qu'en sera-t-il des évaluations quant au coût de la professionnalisation ? Les estimations financières sont-elles réalisées ? Permettront-elles de recruter suffisamment et la suffisance n'est pas seulement celle du nombre, elle est aussi celle de la qualité ?

Autant d'interrogations qui montrent que le projet de budget repose sur certains hypothèses qui restent à vérifier, fragilisant d'autant l'équilibre des crédits entre titre III et titre V et faisant pressentir des risques de « dérapage ».

CONCLUSION

Comment faire tenir une grande ambition dans une enveloppe financière qui se rétrécit ?

Mais comment nous dispenser à la fois de cette ambition et de cette rigueur ?

Nous ne pouvons, certes, récuser la direction prise, douter de la volonté affichée, refuser des moyens qui correspondent à ceux prévus par la loi de programmation que nous avons votée il y a quelques mois.

En revanche, nous ne pouvons pas ne pas nous poser un certain nombre de questions qui justifient la plus extrême vigilance.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1997 - EXTRAIT ARTICLE 38

Mesures nouvelles - Dépenses en capital des services militaires

Texte de l'article

I. - Il est ouvert au ministre de la Défense, pour 1997, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :

Titre V « Equipement » 87 180 000 000 F

Titre VI « Subventions d'investissement accordées par l'État » 1 519 000 000 F

Total 88 699 000 000 F

II. - Il est ouvert au ministre de la Défense, pour 1997, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :

Titre V « Equipement » 17 685 883 000 F

Titre VI « Subventions d'investissement accordées par l'État » 861 500 000 F

Total 18 547 383 000 F

Exposé des motifs

La comparaison, par titre, des autorisations de programme et des crédits de paiement prévus pour 1997, au titre des dépenses militaires en capital, avec les autorisations de programme et les crédits de paiement accordés en 1996, figure au IV de l'exposé général des motifs du présent projet de loi.

Les justifications détaillées par chapitre sont présentées dans l'annexe « Services votés - Mesures nouvelles » du budget de la Défense.

MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Amendement N° 55 présenté par le Gouvernement

« Au I de l'article 38, majorer les autorisations de programme du titre V de 4 020 000 francs.

Au II du même article, majorer les crédits de paiement du titre V de 4 020 000 francs. »

Cet amendement vise à majorer, en autorisations de programme et en crédits de paiement, de 4 020 000 francs les crédits du titre V. Il s'agit respectivement, à concurrence de 0,02 MF, d'abonder les dotations pour l'équipement électronique des brigades de Gendarmerie (chapitre 53-70 -article 71) et de 4 M.F. les dotations des programmes de réhabilitation et de construction pour les logements des personnels civils et militaires (chapitre 54-40 - article 22).

ANNEXE - PRINCIPAUX PROGRAMMES EN COURS

Réunie le jeudi 7 novembre 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la Commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la Défense : dépenses en capital (titres V et VI) ainsi que l'article 38 du projet de loi de finances pour 1997.

* 1 Hypothèse supposant que 2 milliards de crédits de reports auront pu être consommés.

* 2 Principaux transferts : - de la Défense vers : CEA/Direction des applications militaires, budgets civils de recherche

- vers la Défense : en provenance du Ministère des transports (Aviation civile).

* 3 Toutefois pour 1997, le ministère de la Défense indique que « le montant des fonds de concours ne peut être prévu avec précision ».

* 4 Toutefois, sur la gestion 1996, un prélèvement supplémentaire de 2 milliards de francs opéré sur les crédits de report doit financer un transfert supplémentaire au BCRD, au titre de 1997.

* 5 On avance parfois le chiffre de 30 milliards de francs.

* 6 Y compris installations au sol.

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