III. L'AMORCE DE LA PROFESSIONNALISATION

Elle s'exprime par l'évolution des crédits et le mouvement des effectifs qui ont déjà été précédemment signalés. Elle s'accompagne notamment, de diverses dispositions en faveur du personnel militaire, objet du projet de loi récemment adopté par votre Assemblée.

L'objet de ce développement est d'englober ces mesures concernant les dotations, les effectifs et les incitations au départ dans un commentaire d'ordre général générateur de quelques interrogations.

La tâche, en effet, est considérable. Il faudra assurer un passage sans heurt, de l'armée de conscription ou plus exactement de l'armée mixte, à l'armée professionnelle ce qui implique une diminution des effectifs et, en même temps, le doublement du nombre des engagés et le départ d'une partie de l'encadrement (officiers et surtout, sous-officiers). Il faudra aussi assurer le caractère attractif du métier militaire. Et, en outre, tout ce profond remaniement touchant aux personnels, doit être accompli sur la seule base du volontariat.

L'incitation financière, même si elle n'est pas, à l'évidence, la seule motivation, prend dans ces conditions une importance considérable.

D'où une première interrogation portant sur la validité des estimations financières. Sont-elles réalistes ? Seront-elles suffisamment incitatives à la fois aux départs et aux recrutements ?

Le SMIC ne pourra en tout cas attirer une ressource de bonne qualité vers un service beaucoup plus exigeant que celui requis pour la plupart des métiers civils. Il faudra donc envisager une progression relativement rapide de la rémunération. Il faudra, en outre, offrir des perspectives de carrière attrayantes. Quelle sera, dans cette optique, la durée de cette carrière ? Quels types de contrats seront proposés ? Des carrières longues conduisant à 15 années de service engendreront de lourdes charges de pensions. Mais les carrières plus courtes ne seront attractives que si les conditions de vie et de travail sont convenables : la compression des crédits de fonctionnement sous le poids des rémunérations le permettra-t-elle ? Seront également nécessaires des mesures efficaces permettant le retour à la vie civile.

Tout cela doit être pensé, prévu, organisé et, bien entendu, connu des intéressés, c'est-à-dire de la population potentielle constituant « le vivier » des recrutements ».

Par ailleurs, le nouveau dispositif repose sur un partage des effectifs entre engagés et volontaires. L'équilibre prévu, à la fin de la programmation, en 2002, repose sur 92 000 engagés et 27 000 volontaires.

Il était prévu de s'inspirer, quant à la rémunération des volontaires, sur celle des volontaires pour un service long de façon à assurer une durée de service satisfaisante. Il est maintenant prévu de ne consentir aux volontaires pour tous types de services - militaires ou civils - qu'une somme de 2 000 francs par mois. Or compte tenu de la différence profonde des formes civiles et militaires de service, celles-ci étant beaucoup plus exigeantes, on crée le risque quasi certain pour les armées de ne pouvoir recruter un volume de volontaires suffisant. D'ores et déjà la Gendarmerie envisage une modification de la répartition de ses effectifs entre engagés et volontaires, telle qu'elle est prévue par la programmation, en recrutant davantage d'engagés et moins de volontaires. Faute d'accorder une solde de VSL, sera-t-on obligé de payer une solde d'engager beaucoup plus élevée ? Poser la question, c'est y répondre. Il nous paraît indispensable de maintenir le régime de rémunération initialement prévu pour les volontaires. On s'exposerait, sinon, à de graves mécomptes

La marche vers l'armée professionnelle n'ira pas, en outre, sans profondes conséquences sur les conditions de travail et les conditions de vie, sur la vie même des personnels, civils et militaires, concernés et pratiquement tous le seront plus ou moins. Votre Rapporteur a jugé utile sur ce point de reproduire à la fin de ce rapport le point de vue, à la fois ferme et mesuré, d'un sous-officier (1 500 postes de sous-officiers disparaîtront en 1997 et la diminution des effectifs risque d'amputer les perspectives des sous-officiers restant en service).

Intitulé « Plaidoyer pour une carrière menacée », et publié dans la Revue « Armées d'aujourd'hui » ce point de vue insiste, à juste titre, d'une part sur la précarité du métier militaire (près de la moitié des effectifs militaires seront sous contrat à durée déterminée) et sur la continuelle « course au mérite » (réussite aux examens militaires et techniques, résultats sportifs, manière de servir) sur laquelle repose la poursuite du métier, d'autre part sur les nécessaires mesures de reconversion.

C'est dire que la réussite de cette profonde transformation de nos armées nécessite, pour répondre aux interrogations et calmer les appréhensions, la poursuite indispensable de l'information, de la concertation, du dialogue au sein des armées.

Votre Rapporteur a déjà eu l'occasion de le dire au cours du débat, récent, sur la Défense : toutes les structures de concertation doivent être utilisées - et au premier rang - le Conseil supérieur de la fonction militaire - et, le cas échéant revitalisées.

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