B. UN CADRE JURIDIQUE QUI S'ÉDIFIE PEU À PEU

Votre rapporteur souhaite ici brièvement rappeler les principales étapes de l'édification du cadre juridique de la coopération transfrontalière, qu'il a déjà présenté en détail dans son rapport sur l'accord de Karlsruhe.

1. La convention de Madrid

La convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales qui avait été ouverte à la signature le 21 mai 1980 à Madrid sous l'égide du Conseil de l'Europe constitue l'élément précurseur dans le domaine de la coopération transfrontalière.

Son objectif est de favoriser la coopération des collectivités frontalières dans des domaines tels que le développement régional, urbain et rural, la protection de l'environnement, l'amélioration des infrastructures et des services offerts aux citoyens et l'entraide en cas de sinistre.

Elle rappelle que la coopération s'exerce strictement dans le cadre des compétences attribuées à chaque collectivité, telles qu'elles sont définies par le droit interne.

Elle ne contient pas de dispositions contraignantes à l'égard des États signataires qui sont simplement invités à encourager ou à faciliter les initiatives des collectivités.

Par ailleurs, le droit, pour ces dernières, de passer des accords de coopération n'est pas formellement reconnu, les États signataires ayant la faculté de les subordonner à la conclusion préalable d'un accord bilatéral fixant le cadre, les formes et les limites de l'action des collectivités.

2. L'évolution du droit français

Si l'on excepte la loi de décentralisation du 2 mars 1982 qui offrait très timidement aux conseils régionaux la possibilité, avec l'autorisation du gouvernement, de nouer de contacts avec les collectivités étrangères limitrophes, il a fallu attendre les lois du 6 janvier 1992 sur l'administration territoriale de la République et la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire pour que soient prévus, dans le droit français, les principes et les instruments de la coopération transfrontalière entre collectivités locales.

La législation française sur la coopération transfrontalière décentralisée repose sur trois principes :

. le droit de contracter avec des collectivités étrangères, reconnu par l'article L 1112-1 du code général des collectivités territoriales, qui reste toutefois assorti de plusieurs conditions :

- les collectivités doivent rester dans les limites de leurs compétences, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent s'engager sur un domaine qui relève de l'État, d'une autre collectivité locale française ou du secteur privé.

- elles doivent respecter les engagement internationaux de la France

- elles ne peuvent en aucun cas passer convention avec un État étranger

- ces conventions sont soumises au contrôle de légalité de droit

commun, ce qui signifie qu'elles n'entrent en vigueur qu'après transmission au préfet qui peut, dans les deux mois, les déférer au tribunal administratif.

. la possibilité, pour les collectivités étrangères d'États membres de l'Union européenne, d'adhérer à deux types d'organismes de droit français :

- le groupement d'intérêt public contribuant à la coopération interrégionale et transfrontalière ou au développement social urbain, qui est une personne morale dotée de l'autonomie financière. Il doit comprendre au moins une personne publique et il ne peut avoir de but lucratif. Sa convention constitutive doit être approuvée par les ministres de l'intérieur et du budget. L'État y est représenté par un commissaire du gouvernement ou un contrôleur d'État.

- la société d'économie mixte locale, sous réserve d'un accord interétatique préalable qui doit comporter une règle de réciprocité. La société doit avoir pour seul objet l'exploitation de services publics d'intérêt commun.

. la possibilité pour des collectivités françaises, de participer à des organismes de droit étranger.

Cette possibilité a été ouverte par la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire qui autorise les collectivités territoriales françaises ou leurs groupements à adhérer à des organismes publics de droit étranger ou à participer au capital d'une personne morale de droit public étranger comprenant au moins une collectivité ou un groupement d'un État européen frontalier.

Plusieurs conditions sont néanmoins posées :

- le respect des compétences des collectivités et des engagements internationaux,

- l'organisme étranger doit avoir pour objet exclusif l'exploitation d'un service public ou la réalisation d'un équipement local d'intérêt commun.

- l'admission ou la participation sera autorisée par décret en Conseil d'État,

- l'engagement financier des collectivités françaises ne pourra dépasser 50 % du budget de l'organisme,

- enfin, la convention d'adhésion sera soumise au contrôle de légalité de droit commun et les organismes devront fournir des comptes certifiés par un commissaire aux comptes.

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