2. Conserver le jury à chaque niveau de la phase de jugement

Cette solution a été jugée préférable par 62 % des personnes interrogées pour le compte du Haut comité. Sa traduction peut prendre deux formes.

a) L'" appel tournant "

Cette solution, consistant à porter l'appel devant une autre cour d'assise, a notamment donné lieu à une proposition de loi présentée en avril 1994 et dont le premier signataire fut notre ancienne collègue Mme Françoise Seligmann (Sénat, 1993-1994, n° 382). Elle est proche de celle retenue en Grèce où l'appel est porté devant la même cour d'assises que celle qui a rendu le verdict mais composée différemment. L'exposé des motifs du présent projet de loi l'exclue d'entrée de jeu, soulevant en particulier deux séries d'objections :

" L'appel n'a véritablement de sens, au regard notamment de la Convention européenne des droits de l'homme, que s'il est porté devant une juridiction supérieure. Or, en cas d'appel tournant, l'affaire serait réexaminée par une juridiction identique, laquelle ne présenterait aucune légitimité particulière par rapport à la première juridiction. Il n'y a donc aucune raison qu'elle rende une meilleure décision.

" En permettant à neuf jurés de remettre en cause une décision prise par neuf autres jurés, la procédure de l'appel tournant porterait une atteinte évidente à la légitimité du jury, qui apparaîtrait très clairement lorsqu'à une même session, les mêmes jurés devraient juger une affaire en premier ressort, à charge d'appel, et une autre affaire en appel, en dernier ressort, parce qu'elle aurait déjà fait l'objet d'un premier jugement devant une autre cour d'assises ".

b) Prévoir une composition garantissant la supériorité de la juridiction d'appel

Dans un tel dispositif, la supériorité de la juridiction d'appel pourrait être théoriquement assurée de deux manières :

- soit en prévoyant que les magistrats de la juridiction d'appel seront d'un niveau hiérarchique supérieur à ceux de la juridiction de première instance. Il en va ainsi en Italie, où les crimes sont, aux deux degrés, jugés par une juridiction comprenant deux magistrats professionnels et six jurés ;

- soit en prévoyant que le nombre de jurés sera plus élevé en appel qu'en première instance. C'est ce que proposait un amendement présenté par M. Michel Pezet, rapporteur à l'Assemblée nationale, lors de la discussion de la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale. Cet amendement, jugé prématuré par M. Michel Vauzelle, alors Garde des Sceaux, et retiré par le rapporteur, tendait à instituer une " cour des appels criminels ", dont le jury aurait compris neuf jurés, le nombre de jurés de la cour d'assises étant ramené à sept.

Ces deux méthodes ne sont d'ailleurs pas exclusives l'une de l'autre. Ainsi, en 1982, la commission de réflexion animée par le professeur Léauté proposait d'organiser comme suit la procédure de jugement en matière criminelle :

- créer, au chef-lieu de chaque département " un tribunal criminel composé du président ou du vice-président et de deux juges du TGI désignés par l'assemblée générale, ainsi que de six jurés tirés au sort ". Le ministère public aurait été représenté par le procureur de la République ou l'un de ses substituts ;

- créer, au siège de chaque cour d'appel, une " cour criminelle (...) composée du premier président ou d'un président de chambre et de deux conseillers désignés par l'assemblée générale de la cour, ainsi que de neuf jurés ". Le ministère public aurait été représenté par le procureur général ou par l'un de ses avocat généraux.

C'est une solution fort proche de celle-ci (à la réserve près qu'il préconisait cinq jurés et non six en première instance) qu'à retenue le Haut Comité et que reprend le projet de loi aujourd'hui soumis à notre examen.

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