1.- Les conditions d'aptitude aux fonctions de juré (articles 231-21 à 231-25)

· L'article 231-21 énumère les conditions générales d'aptitude aux fonctions de juré .

Il reprend dans une large mesure les conditions mises par l'article 255 du code de procédure pénale s'agissant de la cour d'assises : nécessité de savoir lire et écrire en français et de jouir des droits civiques, civils et de famille.

Il y ajoute l'obligation d'être inscrit sur les listes électorales d'une commune située dans le ressort du tribunal d'assises.

Mais surtout, il ramène de vingt-trois à dix-huit ans l'âge minimum requis. L'exposé des motifs du projet de loi justifiait cette modification par le souci " de renforcer le lien civique qui existe entre les citoyens et l'institution judiciaire ".

Comme il a été indiqué dans l'exposé général du présent rapport, votre commission n'a pas été convaincue par une telle argumentation. La forte émotivité qui imprègne les débats d'assises ainsi que la connaissance des hommes et de la vie sans laquelle on ne peut raisonnablement juger son prochain lui paraissent de nature à justifier le maintien de l'âge minimal de vingt-trois ans. Elle vous propose donc un amendement à cette fin.

Elle vous soumet également un amendement rédactionnel.

· L'article 231-22 énumère les personnes incapables d'être jurés . Il opère un élargissement par rapport aux incapacités actuellement prévues par l'article 256 du code de procédure pénale pour les fonctions de juré de cour d'assises.

En effet, il reprend tout d'abord les incapacités, d'ores et déjà prévues, lesquelles concernent :

- les personnes sous mandat de dépôt ou d'arrêt ;

- les agents publics révoqués de leurs fonctions ;

- les officiers ministériels destitués et les membres des ordres professionnels, frappés d'une interdiction définitive d'exercer par une décision juridictionnelle ;

- les personnes déclarées en faillite et qui n'ont pas été réhabilitées ;

- les personnes auxquelles il est interdit d'exercer une fonction juridictionnelle ;

- les majeurs sous sauvegarde de justice, en tutelle ou en curatelle et ceux qui, en application des dispositions du code de la santé publique, sont hospitalisés sans leur consentement dans un établissement accueillant les malades atteints de troubles mentaux.

En outre, sont ajoutées à cette liste deux séries d'incapacités non prévues par le droit actuel. Elles concernent :

- les personnes condamnées pour crime ou pour délit ;

- celles poursuivies en matière criminelle. Sur ce dernier point, il convient de relativiser l'innovation du projet de loi puisque le code de procédure pénale interdit déjà aux personnes en état d'accusation ou de contumace d'être jurés. La modification du projet consiste donc en fait a étendre l'interdiction aux personnes mises en examen pour crime et qui ne sont pas sous mandat de dépôt.

Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité d'étendre la liste des incapacités à toutes les personnes condamnées pour délit.

Certes, le nouveau code pénal a supprimé la cause d'incapacité qui, auparavant, touchaient les personnes condamnées pour crime et celles condamnées pour délit à une amende supérieure à 500 F.

Mais la juridiction peut déjà, lorsque la loi le prévoit, prononcer l'interdiction des droits civiques, civils et de famille laquelle porte notamment sur le droit d'exercer une fonction juridictionnelle (article 131-26 du code pénal).

Votre rapporteur reconnaît qu'un tel dispositif présente une lacune en ce que, soumettant l'incapacité à une disposition expresse de la loi, il ne permet pas toujours d'atteindre des personnes qui ont eu un comportement délibérément antisocial.

Faut-il pour autant généraliser et rétablir une véritable peine accessoire en rendant systématiquement incapable d'être juré toute personne condamnée pour délit, quelle que soit la gravité de son comportement ?

En réalité, mêmes des personnes éminemment respectables et tout à fait aptes à exercer consciencieusement les fonctions de juré ne sont pas à l'abri d'une condamnation par un tribunal correctionnel, notamment pour un délit involontaire.

C'est pourquoi votre rapporteur a proposé à votre commission une solution intermédiaire entre le droit actuel et le projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale consistant à rendre incapables d'exercer ces fonctions les personnes dont la justice aurait estimé le comportement suffisamment grave pour les condamner à une peine privative de liberté, avec ou sans sursis. Ainsi, auraient été concernées des personnes ayant connu la prison ou menacées d'être emprisonnées. En revanche, auraient pu être jurés, sauf décision expresse de la juridiction, les personnes condamnées à une autre peine (amende, travail d'intérêt général...).

Cette position n'a pas été partagée par plusieurs de nos collègues, quoique pour des raisons diverses. Il a ainsi été proposé de s'en tenir au dispositif du nouveau code pénal, entré en vigueur en 1994, en supprimant purement et simplement cette peine accessoire et en s'en remettant à la juridiction de jugement pour le prononcé, à titre de peine complémentaire, de l'interdiction des droits civiques, civils et de famille. Inversement, l'idée à été émise de s'en tenir au dispositif du projet de loi, une personne condamnée pour délit, et a fortiori pour crime, ne pouvant réellement prétendre à participer à l'exercice d'une fonction juridictionnelle. Enfin, entre ces deux solutions, et en sus de la proposition de votre rapporteur, il a été suggéré de prendre en compte non pas la peine prononcée mais la peine encourue.

Face à cette diversité d'opinion, votre commission a décidé de réserver sa position sur le texte proposé pour l'article 231-22.

· L'article 231-23 énumère les incompatibilités avec les fonctions de juré . Il ne fait que reprendre, en la modernisant, la liste des incompatibilités prévues par l'article 257 du code de procédure pénale à propos des fonctions de juré de cour d'assises. Il considère donc comme incompatibles avec les fonctions de juré les fonctions suivantes :

- membre du Gouvernement, du Parlement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique et social ;

- membre du Conseil d'Etat, magistrat de la Cour des Comptes et des chambres régionales des comptes (le droit actuel n'interdit pas à un magistrat d'une chambre régionale des comptes d'être juré), magistrat de l'ordre judiciaire, membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (et non plus seulement, comme actuellement, membre des tribunaux administratifs), magistrat des tribunaux de commerce, assesseur des tribunaux paritaires de baux ruraux et conseiller prud'homme ;

- secrétaire général du Gouvernement ou d'un ministère, directeur d'administration centrale, membre du corps préfectoral ;

- militaire, fonctionnaire des services de police (nationale ou municipale) ou de l'administration pénitentiaire, en activité de service.

· L'article 231-24 traite des causes de dispense des fonctions de jurés . Il reprend littéralement le texte de l'article 258 du code de procédure pénale. Seront donc dispensées :

- les personnes âgées de plus de soixante-dix ans ou n'ayant pas leur résidence principale dans le département siège du tribunal lorsqu'elles en feront la demande à la commission départementale chargée de dresser la liste annuelle du jury. Dans ce cas, la compétence de la commission est liée ; elle ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation ;

- les personnes invoquant un motif grave reconnu valable par ladite commission.

· L'article 231-25 est relatif aux exclusions de la liste annuelle des jurés du tribunal d'assises et de la liste spéciale des jurés suppléants.

S'inspirant du droit actuel (article 258-1 du code de procédure pénale), il prévoit que seront exclues ou rayées de ces listes les personnes ayant rempli, depuis moins de cinq ans, les fonctions de juré soit auprès du tribunal d'assises du département, soit auprès de la cour d'assises.

Ainsi, comme aujourd'hui, une personne qui aura été juré de première instance depuis moins de cinq ans dans un autre département pourra être juré du tribunal d'assises.

Comme l'actuel 258-1 du code de procédure pénale, le texte proposé pour l'article 231-25 permet à la commission départementale chargée de dresser la liste annuelle du jury d'exclure les personnes qui, pour un motif grave, ne paraissent pas en mesure d'exercer les fonctions de juré. Il ne reprend cependant pas la précision selon laquelle une objection morale, d'ordre laïque ou religieux, ne constitue pas à cet égard un motif grave. Cette précision avait en effet été édictée en 1980, à une époque où des personnes tirées au sort auraient pu invoquer leur opposition -réelle ou prétendue- à la peine de mort pour échapper à leurs obligations ; l'abolition de la peine capitale lui a fait perdre son utilité.

Enfin, comme actuellement, il est indiqué que l'inobservation des dispositions relatives aux dispenses et aux exclusions n'entache d'aucune nullité la formation du jury.

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